Texte intégral
JULIE HAMMETT
Mon invitée ce matin est Agnès PANNIER-RUNACHER. Merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Economie. Je voulais qu'on revienne d'abord sur cette rencontre hier entre Emmanuel MACRON et Vladimir POUTINE au Fort de Brégançon et plus particulièrement sur cette séquence : Vladimir POUTINE interrogé lors de la conférence de presse sur les manifestations réprimées en Russie. Et lui en réponse n'a pas hésité à renvoyer à la situation en France et les gilets jaunes. On la regarde et on la commente juste après.
VLADIMIR POUTINE, PRESIDENT DE LA RUSSIE
Ça ne se passe pas qu'en Russie. Je suis invité par le président français et je suis un peu mal à l'aise en le disant mais vous savez tous que pendant les manifestations des gilets jaunes, il y a plusieurs dizaines de personnes qui avaient été blessées, il y avait aussi des policiers qui avaient été blessés et on ne veut pas du tout que des événements pareils se passent dans la capitale russe, mais on va toujours respecter la loi.
JULIE HAMMETT
Vous lui répondez quoi à Vladimir POUTINE ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je souris en entendant ce commentaire. C'est de bonne guerre par rapport à la clarté des propos du président de la République. On voit que dans sa façon de gérer la relation avec Vladimir POUTINE, il y a à la fois du contact mais aussi une absence totale de naïveté. On dit les choses et je crois que c'est important. Evidemment, la situation n'a rien à voir. Je n'imagine pas les opposants politiques de Vladimir POUTINE sur les plateaux de télévision en train de détailler leurs revendications, ce qui se passe en France. C'est le propre de nos démocraties occidentales et je crois qu'effectivement on doit s'en réjouir.
JULIE HAMMETT
On se rend compte quand même que cette longue séquence des gilets jaunes et ces soupçons de violences policières ont quand même nui à l'image de la France à l'étranger. Est-ce que ça a quand même un peu décrédibilisé Emmanuel MACRON ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que ça a nui à l'image de la France à l'étranger, notamment d'un point de vue économique pour les investissements. Ça, c'est très clair. Est-ce qu'aujourd'hui Emmanuel MACRON n'est pas un personnage incontournable sur la scène internationale ? Si, c'est évident et on le voit dans cette séquence diplomatique ou autour du G7 la France est le point de convergence d'énormément de discussions diplomatiques qui vont dans le sens du multilatéralisme à un moment où le multilatéralisme n'a jamais été autant menacé. Et heureusement que la France est très investie et responsable sur ce sujet-là. Je rappelle la situation en Chine, les tensions commerciales avec les Etats-Unis, les mesures unilatérales prises par les Etats-Unis sur des dossiers comme l'Iran, comme le commerce international. Plus que jamais cette vigilance est nécessaire et le rôle de la France est indispensable et Emmanuel MACRON est très clairement incontournable.
MARIE-EVE MALOUINES
Est-ce que par ses propos Vladimir POUTINE ne met pas plus les projecteurs sur le contre-sommet qui se fait à Hendaye et on ne va retenir que les images éventuellement qu'il peut y avoir sur les mesures de sécurité autour de ce sommet ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les mesures de sécurité, elles sont inspirées par la qualité des personnes qui se déplacent pour le G7. Elles sont de même nature que pour les célébrations du 11 novembre l'année dernière. Donc de ce point de vue-là, elles sont les mêmes que ce qu'on a dans tous les G7 au plan international ou le G20 au Japon qui n'est pas un pays particulièrement concerné par des mouvements de foule. Donc de ce point de vue-là, je crois que c'est vraiment une petite pique en réponse à un propos très clair de la France sur les droits de l'homme et on joue notre rôle de toujours poser les questions. Il n'y a pas de question qui soit imposable par la France.
JULIE HAMMETT
Le G7 aura donc lieu à Biarritz entre le 24 et le 26 août. Certains élus parlent d'une aberration totale de l'organiser en plein mois d'août dans cette station balnéaire. Les commerçants s'inquiètent d'un gros manque à gagner. Est-ce qu'ils seront indemnisés à cause de ce qui se passe et de cet éventuel manque à gagner ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois surtout qu'il y aura cinq mille personnes qui vont venir dans le cadre du G7, ce qui est une opportunité évidemment très importante pour les commerçants de la région. Au contraire, on peut faire l'hypothèse que l'ensemble des hôtels, l'ensemble des restaurants sauront trouver leur compte dans cet événement. Au-delà de ça, on est fin août c'est-à-dire à un moment où les Français rentrent. C'est le dernier week-end du moins d'août, les événements vont se passer sur ce week-end donc en l'occurrence ça me paraît tout à fait adapté. Et puis, il fallait avoir un endroit qui soit à la fois emblématique d'une ouverture. Une ouverture sur la mer, qui pose quelque part la question du changement climatique et des problèmes de pollution. Parce que c'est un problème que la France ne va pas gérer toute seul au plan mondial et c'est un des grands sujets du G7. Et de l'autre côté, avoir une station qui, par la qualité de ses infrastructures, soit très attrayante et fasse rayonner la France et ça va particulièrement faire rayonner le Pays-Basque pour les étrangers.
FABRICE LUNDY
Madame la Ministre, l'AFEP, les grandes entreprises françaises s'inquiètent des rétorsions américaines sur les importations françaises, suite à la volonté de la France de taxer les géants du numérique sur leur chiffre d'affaires. Qu'est-ce que vous répondez à ces grandes entreprises françaises qui sont inquiètes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je réponds deux choses. La première chose c'est que la taxation des GAFA, et on a été… d'ailleurs qui n'est pas une taxation des GAFA, qui est qu'est une taxation des plateformes numériques dont aujourd'hui on n'arrive pas à taxer, au même titre que les entreprises que vous citez…
FABRICE LUNDY
Ce sont les GAFA et ce sont les Américains qui sont en ligne de mire, clairement, ce n'est pas n'importe quelle entreprise du numérique.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais vous avez aussi des plateformes chinoises, c'est-à-dire celles qui font plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires, il y a des français d'ailleurs au passage, soulignons-le, nous ne sommes que des nains numériques. Ces plateformes paient un niveau d'imposition qui est de 14 points inférieur au reste des autres entreprises. C'est de la concurrence déloyale. C'est contre ça que nous souhaitons lutter. Et cette taxation elle montre qu'elle est possible. En parallèle, on est en train de la négocier, au niveau de l'OCDE et au niveau de l'Union européenne, et il a été très clair dans le propos français de dire que c'est une taxation qui est provisoire, et que si nous trouvons une solution internationale, et les négociations qui ont eu lieu en juillet ont montré qu'il y avait un début d'accord sur une taxation globale de ce type de plate-forme numérique, alors on était prêt à revenir sur cette taxation. Ça c'est le premier point. La deuxième chose c'est qu'aujourd'hui, et je l'ai dit, le multilatéralisme est menacé, c'est-à-dire que vous avez les Etats-Unis qui prennent des décisions unilatérales sur le commerce mondial, mais cette menace elle est en direction de la Chine, elle est en direction de l'Allemagne, et aujourd'hui elle est articulée en direction de la France…
FABRICE LUNDY
Donc on doit rassurer ces entreprises françaises qui sont inquiètes des mesures de rétorsion ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'il faut être très…
FABRICE LUNDY
Le vin notamment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
…serein sur le fait que ce n'est pas le fait qu'on taxe tel ou tel sujet qui va entraîner la mesure, c'est un rapport de force et qu'on doit tenir ce rapport de force, et que c'est dans l'intérêt des entreprises françaises, dans l'intérêt de la concurrence loyale, que ce rapport de force doit être tenu. Donc effectivement il y aura du frottement, effectivement il y aura de la discussion, et alors…
FABRICE LUNDY
Et ça va polluer le G7.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas nécessairement, parce que justement ça met le sujet sur la table. Encore une fois, Bruno LE MAIRE, pas plus tard qu'en juillet, a obtenu un accord sur la taxation des grandes plates-formes numériques.
JULIE HAMMETT
J'aimerais qu'on évoque quand même la rentrée. Conseil des ministres de rentrée demain. Plusieurs gros sujets sensibles sur la table, notamment le dossier des retraites. Déjà des appels à manifester par la CGT, Force ouvrière et la France Insoumise les 21 et 24 septembre prochains. C'est une rentrée à risque, clairement, pour le gouvernement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Comme chaque rentrée sans doute. Non, c'est une rentrée où vous avez des dossiers importants, parce que nous continuons à réformer le pays. Aujourd'hui la réforme des retraites c'est une grande concertation qui va être ouverte sur la base des propositions…
JULIE HAMMETT
Alors il y aura une grande concertation nationale, vous le confirmez ?
MARIE-EVE MALOUINES
Quel est le calendrier, comment ça va se dérouler, combien de temps ça va durer ? Parce qu'on a l'impression que ça peut être une façon de délayer encore un peu plus et de renvoyer cette réforme dans les calendes…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, on est sur une réforme qui est structurelle, c'est-à-dire que déjà, première décision politique, on ne fait pas du paramétrique en corrigeant trois variables qui conduit à rééquilibrer le régime des retraites, ce qui est important à faire mais qui concerne immédiatement les Français. On est sur un sujet où on veut faire une réforme en profondeur.
MARIE-EVE MALOUINES
Alors le calendrier ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On a donné un calendrier, c'est une loi 2020, donc c'est…
MARIE-EVE MALOUINES
C'est ouf 2020.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, on a un calendrier extrêmement chargé en termes législatifs. L'objectif c'est que ce soit plus plutôt, à mon sens, dans le premier semestre, mais vous avez en tête que nous avons, au-delà du projet de loi de finances et du PLFSS, donc Sécurité sociale, nous devons passer bioéthique, loi anti gaspi, enfin un certain nombre de projets qui sont très structurants et qui vont déborder sur le premier semestre 2020. Donc ce calendrier il est lourd…
MARIE-EVE MALOUINES
La concertation, ça va commencer comment ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous, notre objectif c'est : 2020 le projet sur les retraites et des consultations par métiers, puisque nous avons 42 régimes de retraite que nous voulons passer à un. Et je veux revenir au sens de la réforme. Le sens de la réforme c'est d'avoir le même système pour tout le monde. Lorsque vous cotisez 1 €, vous avez le même système de retraite. Et la deuxième chose qui est très importante, c'est de permettre aux gens qui ont des multi-carrières, d'être traités comme des gens qui sont restés dans un seul régime de retraite toute leur vie, et ça c'est la justice et l'équité sociale qui nous conduit. C'est une réforme qui ne concerne pas les retraités aujourd'hui, je le redis, parce qu'il y a parfois de la confusion, ça ne concerne pas les retraités, ça va concerner…
JULIE HAMMETT
Ceux qui sont nés après 1963.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ceux qui sont nés après 1963, et tous les droits acquis ne sont pas remis pas remis en cause.
JULIE HAMMETT
Dernière question : ce projet de loi, il pourra donc être modifié, rien n'est gravé dans le marbre pour l'instant.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, et on l'a dit. Le rapport Delevoye, c'est un rapport qui est issu d'une longue concertation déjà, mais au niveau national et sur les grands équilibres. Il faut maintenant rentrer plus dans le détail, c'est une plateforme de travail. La concertation est ouverte, elle est menée par Agnès BUZYN et Jean-Paul DELEVOYE, et le projet doit est prévu pour 2020.
JULIE HAMMETT
Merci beaucoup Madame la Ministre d'être venue sur le bateau de LCI ce matin pour répondre à nos questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2019