Texte intégral
AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour François de RUGY.
FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Ismaël EMELIEN, conseiller spécial du président, décide de démissionner après Sylvain FORT, la plume du président. Est-ce que c'est le « sauve qui peut » ou un tournant dans le quinquennat ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oh, je crois que ce sont des choses qui arrivent assez naturellement dans un mandat de cinq ans, quand on est collaborateur d'un président de la République, on peut imaginer que c'est extrêmement prenant, extrêmement usant aussi, et donc on peut comprendre que certains conseillers n'aient pas envie de faire les cinq ans aux côtés du président.
AUDREY CRESPO-MARA
Ismaël EMELIEN, dont le nom revient beaucoup dans l'affaire BENALLA, ça a pu précipiter son départ ?
FRANÇOIS DE RUGY
Moi, je ne crois pas, et surtout, je pense que, encore une fois, il ne faut pas y voir quoi que ce soit de politique, c'est quelque chose qui est plutôt de l'ordre du personnel.
AUDREY CRESPO-MARA
Et, en tout cas, l'équipe de campagne 2017, qu'on dit moins efficace dans l'exercice du pouvoir que dans sa conquête, est en train de quitter l'Elysée, c'est une mue salvatrice qui s'opère selon vous ?
FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, le président de la République avait annoncé, déjà l'année dernière, qu'il y aurait des changements au sein de son organisation à l'Elysée est aussi parmi ses conseillers…
AUDREY CRESPO-MARA
Qu'on qualifie de technocrates…
FRANÇOIS DE RUGY
On peut considérer que c'est ce qu'il est en train de faire. Mais vous savez, vous dites que ce sont les personnes qui l'ont accompagné dans la campagne, c'est vrai pour certaines, pour d'autres, le préfet STRZODA, c'est quelqu'un qu'il a recruté comme directeur de cabinet après son élection. Par ailleurs, Alexis KOHLER, c'est quelqu'un qui l'accompagne aussi quand il était ministre de l'Economie, enfin, voilà, ce sont des personnes qui ont travaillé avec lui, et d'autres qui sont venues travailler avec lui à l'Elysée.
AUDREY CRESPO-MARA
François de RUGY, en plein grand débat, plus de deux millions de personnes ont signé une pétition prévoyant d'attaquer l'Etat, donc vous, le gouvernement, pour inaction climatique, ça vous réjouit quand même de voir que les Français s'emparent de l'écologie, s'investissent dans l'écologie ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, j'ai trouvé que c'était positif que plus de deux millions de personnes disent : il faut en faire plus pour le climat, il faut en faire plus pour lutter contre le dérèglement climatique, il faut aller peut-être plus vite, plus loin, vous savez que c'est un débat, régulièrement, certains politiques pensent au contraire qu'on va trop vite, pensent qu'on devrait ralentir le rythme, je crois que c'est un point d'appui, les citoyens, on peut s'appuyer sur la mobilisation des citoyens en faveur de l'action pour le climat.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, en 2017, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, elles dépassent de 7 % l'objectif que la France s'est engagée à respecter. Pourquoi la France ne tient pas sa parole sur le climat ?
FRANÇOIS DE RUGY
Alors, ce n'est pas une question de tenir ou pas sa parole, et d'ailleurs, c'est quelque chose qui, dans la pétition, dans cette pétition pour le climat, est un peu ambigu, parce que ceux qui l'ont initiée donnent l'impression de s'adresser à l'Etat, et disent : l'Etat ne baisse pas assez ses émissions de gaz à effet de serre, mais ce n'est pas l'Etat, ce n'est pas les émissions de gaz à effet de serre de l'Etat, c'est les émissions de gaz à effet de serre du pays, de notre pays, la France, bien sûr, c'est l'Etat qui impulse des politiques…
AUDREY CRESPO-MARA
C'est le rôle, oui, de l'Etat…
FRANÇOIS DE RUGY
Qui donne des directions, mais c'est notre affaire à tous. D'ailleurs, c'est le nom de l'une des associations qui portent cela. Et donc je crois que ce qui est intéressant, c'est de voir en effet pourquoi notre mobilisation n'est pas encore assez forte pour atteindre les objectifs que nous nous sommes donnés, et qui sont en ligne avec les accords notamment de Paris, de la COP21, la fameuse conférence mondiale sur le climat.
AUDREY CRESPO-MARA
Et plusieurs associations effectivement déposent un recours pour carence fautive de l'Etat, donc…
FRANÇOIS DE RUGY
Alors ça, je crois que c'est…
AUDREY CRESPO-MARA
Elles ciblent directement l'Etat…
FRANÇOIS DE RUGY
Je crois que c'est davantage un levier d'action médiatique de mobilisation de citoyens, et de ce point de vue-là, tant mieux, cela s'inspire d'autres démarches qui ont existé dans d'autres pays, mais qui en général n'ont pas abouti, pour une raison simple, c'est que ce n'est pas dans les tribunaux que l'on fera baisser les émissions de gaz à effet de serre. Et si un tribunal condamnait l'Etat, et après ! Vous voyez bien que ce qui compte, c'est l'action que nous pouvons tous conduire, bien sûr, c'est à l'Etat de prendre l'initiative, de prendre des législations, de prendre une fiscalité, qui soient cohérentes avec ses objectifs, mais ensuite, c'est : les citoyens, les entreprises, les collectivités locales, tout le monde qui évidemment doit baisser les gaz à effet de serre ; ce n'est pas une chose simple, mais, moi, je crois que c'est tout à fait possible, et le fait que des citoyens se mobilisent, c'est une bonne chose. Moi, j'ai proposé d'ailleurs de les rencontrer, et les associations ont considéré que ce n'était pas nécessaire, mais parmi les signataires, j'ai lancé un appel, plus de 4.000 personnes ont répondu et ont dit : on serait d'accord pour vous rencontrer pour avoir ce dialogue sur comment on pourrait faire mieux, plus efficacement.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, justement, en plein grand débat, Brune POIRSON, votre secrétaire d'Etat à l'Ecologie, a déclaré que la taxe carbone est un outil en faveur de la transition écologique, qui a un vrai impact, c'est pour quand le retour de la taxe carbone, qui avait été à l'origine de la crise des gilets jaunes ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est vrai que cela a un vrai impact dans tous les pays qui l'ont fait, y compris la France, vous savez que l'an dernier, par exemple, en 2018, la consommation de carburant a baissé en France, et c'est la première fois, c'était la première fois, après trois ans de hausse, en même temps qu'il y a une hausse de la croissance économique, pour la première fois, on a quand même une baisse de la consommation de ce qu'on appelle les énergies fossiles, c'est-à-dire l'essence, le diesel, le pétrole, et donc ça, c'est un bon signe qui montre que c'est possible de baisser nos émissions de gaz à effet de serre tout en ayant une activité économique qui se développe.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous envisagez le retour de la taxe carbone ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est sur la table, moi, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est le moment ou jamais d'en débattre, nous avons des débats partout en France, j'étais moi-même hier soir dans la Corrèze, en Corrèze, ça été sur la table, on en a parlé, est-ce qu'il faudrait reprendre ? Oui, non. Si on le fait, à quelles conditions, moi, je dis…
AUDREY CRESPO-MARA
Pour les plus riches, ce n'est pas exclu…
FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, c'est difficile…
AUDREY CRESPO-MARA
Une taxe carbone pour les plus riches…
FRANÇOIS DE RUGY
C'est difficile de moduler la taxe carbone en fonction des revenus, puisque c'est fondé sur la consommation de carburant, de pétrole, de fuel, de gaz, mais ce que l'on peut dire en revanche, c'est qu'est-ce que l'on ferait de cet argent récolté, 3 centimes de taxe carbone sur l'essence et sur les carburants, c'est 2 milliards d'euros, qu'est-ce qu'on ferait de ces 2 milliards d'euros, les Français nous ont dit : on ne peut plus continuer en ayant l'impression que ça va dans le budget général de l'Etat, il faut que ce soit vraiment à 100 % pour la transition écologique, eh bien, si on est capable de dire : cet argent irait à 100 % à la transition écologique, irait à des aides aux Français qui en ont le plus besoin, eh bien, à ce moment-là, peut-être qu'on pourrait en effet reprendre une trajectoire peut-être plus modérée d'ailleurs aussi, mais peut-être qu'on pourrait reprendre cette trajectoire.
AUDREY CRESPO-MARA
Et François de RUGY, le diesel, c'est polluant ou ça ne l'est plus ? Bruno LE MAIRE étudie la possibilité d'accorder le même label écologique aux véhicules diesel dernière génération qu'aux véhicules essence récents ou hybrides, c'est une bonne idée ou pas ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est un vieux débat en France, certains constructeurs de moteurs diesel disent : mais les derniers diesels, ils sont aussi propres que l'essence, le problème, c'est qu'ils émettent des particules très fines, on arrive à filtrer, mais plus c'est fin, moins on arrive à les filtrer. Or, plus les particules sont fines, plus elles passent dans les poumons, puis, dans notre sang, donc elles sont fixées par le corps humain…
AUDREY CRESPO-MARA
Donc ce n'est pas une bonne idée ce label ?
FRANÇOIS DE RUGY
Donc moi, je crois qu'il ne faut pas envoyer des signaux contradictoires sur la question de la pollution de l'air. En revanche, il y a un vrai travail d'accompagnement de la filière diesel en France, il y a des entreprises, notamment des sous-traitants de l'automobile, qui ne faisaient que ça, et il faut absolument les accompagner pour qu'ils puissent se reconvertir, notamment vers les moteurs essence, les moteurs électriques les moteurs hybrides.
AUDREY CRESPO-MARA
François de RUGY, la semaine dernière, vous avez invité l'ancien député Vert, Denis BAUPIN, à un dîner au ministère de l'Ecologie alors qu'il était en plein procès contre des femmes l'accusant de violences sexuelles. Etait-ce une manière de lui apporter votre soutien ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, pas du tout, vous savez, je me suis exprimé très clairement quand cette affaire a éclaté en 2016, et donc je n'ai pas changé d'avis sur la question…
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous parliez de rumeurs à l'époque…
FRANÇOIS DE RUGY
Non, non, non, j'avais dit qu'on ne pouvait pas fonder des accusations sur des rumeurs, qu'il fallait qu'une enquête judiciaire soit faite, ce qui a été fait, une enquête judiciaire très approfondie qui a considéré que certains faits étaient prescrits et que d'autres ne justifiaient pas – ceux qui n'étaient pas prescrits – ne justifiaient pas une poursuite judiciaire plus approfondie.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais était-ce opportun de l'inviter en plein procès alors qu'il est accusé d'agressions sexuelles ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, mais je vais vous dire, je ne savais pas que ce procès allait avoir lieu, moi, j'ai refusé…
AUDREY CRESPO-MARA
Et si vous l'aviez su ?
FRANÇOIS DE RUGY
D'ailleurs, des deux côtés, on m'a demandé de témoigner dans ce procès, j'ai toujours refusé de le faire, je considère que ce procès était très mal venu, d'ailleurs, c'était une très mauvaise idée, et que donc je n'ai rien de plus à dire…
AUDREY CRESPO-MARA
Et si vous l'aviez su, vous dites : je ne savais pas que c'était au moment du procès…
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, évidemment que la concordance de calendrier était très mal venue aussi.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci François de RUGY donc. En tout cas, on peut retenir que la taxe carbone est sur la table, c‘est en tout cas en débat. Ce serait possiblement envisagé, mais pas l'appel écologique pour les voitures diesel. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2019