Texte intégral
DAMIEN THEVENOT
Pour l'instant, place aux « 4 Vérités », Caroline ROUX bonjour, vous recevez ce matin Jean-Michel BLANQUER.
CAROLINE ROUX
Oui, le ministre de l'Education nationale, il était hier soir au rassemblement contre l'antisémitisme, et il sera ce soir au dîner du CRIF, alors que tout le monde se tourne désormais vers l'école comme ultime rempart.
CAROLINE ROUX
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Nous allons naturellement parler de l'antisémitisme, mais juste un mot sur l'information de la nuit, Alexandre BENALLA a passé la nuit en prison, pour ne pas avoir respecté son contrôle judiciaire. Vous dites quoi ? C'est un fonctionnement normal de la justice ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui bien entendu, ça relève de la justice et la justice fait son travail, il n'y a pas tellement de commentaires à faire.
CAROLINE ROUX
Est-ce que c'est la sanction d'un sentiment de surpuissance, comme on l'a entendu depuis ce matin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est possible. Moi je ne suis pas du genre à accabler les gens quand ils sont dans des situations comme ça, donc c'est le rôle de la justice de faire ce qu'elle a �� faire. On peut faire des interprétations psychologiques, et celle-là est possible mais je n'ai pas de point de vue particulièrement intéressant sur le sujet.
CAROLINE ROUX
Mais c'est important de rappeler que c'est un fonctionnement normal de la justice, certains peuvent en douter.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien non, il faut juste dire que quand la justice entre en scène, moins on fait de commentaires, mieux c'est, puisqu'elle doit travailler dans la sérénité.
CAROLINE ROUX
C'est dit. C'est difficile de travailler dans la sérénité sur cette affaire Alexandre BENALLA, mais si vous pensez que c'est le cas, c'est le cas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, eh bien ce n'est pas la première fois qu'il y a une affaire publique dont la justice a à traiter, donc ce qu'il faut c'est respecter la justice tout simplement.
CAROLINE ROUX
Alors vous étiez hier soir, je le disais, au rassemblement contre l'antisémitisme, est-ce que vous considérez cette mobilisation comme un sursaut républicain ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui bien sûr, un sursaut républicain important puisque nous étions nombreux hier à la République et puis surtout depuis plusieurs jours on sent quand même, de manière diffuse dans la société française, le fait qu'on n'accepte pas l'inacceptable, tout simplement, et donc bien sûr cette soirée c'est à la fois beaucoup et insuffisant, et donc ce qui compte maintenant c'est notre manière profonde de nous mobiliser sur ce sujet.
CAROLINE ROUX
Et en particulier à l'école. Je le disais en commençant cette interview, tout le monde se tourne vers l'école en disant : « ça passera par-là ». Le président a promis des actes forts. Quelle peut être la réponse de l'école ? Et déjà est-ce que vous considérez que l'antisémitisme est l'un des maux de l'école française ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un des maux de notre société, et malheureusement…
CAROLINE ROUX
Et donc de l'école ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Et donc bien sûr de l'école. Comme sur ce sujet comme sur d'autres l'école recueille ce que la société produit, et elle doit faire tout ce qui est possible pour que nous soyons une meilleure société, pour qu'il y ait plus de fraternité, tout simplement, c'est son rôle. L'école a un rôle énorme évidemment sur ces sujets, donc de manière directe et indirecte. De manière indirecte parce que quand on réussit la mission de l'école, fondamentale, celle de l'école primaire, lire, écrire, compter, respecter autrui, bien sûr qu'on participe de ce cet objectif, parce que je parle toujours de la question de la logique, de la question de la culture, si nous donnons la logique et la culture à nos enfants, bien sûr que nous leur donnons les meilleures armes dans la vie, pour lutter contre toutes les bêtises, toutes les folies, et bien sûr contre l'antisémitisme. Ensuite de manière directe, il y a évidemment l'enseignement de l'histoire, cela va de soi, mais il y a aussi la transmission des valeurs, parce que l'école ne fait pas que transmettre des connaissances, au travers de l'histoire, par exemple, mais elle transmet aussi des valeurs.
CAROLINE ROUX
Ça fait des années qu'on tient ce discours-là sur l'antisémitisme, et pourtant l'antisémitisme continue à prospérer, il augmente même en France on l'a vu très récemment. On va rentrer dans des détails très concrets. Dans les cours d'école on entend parfois « fais pas ton juif ». Là est-ce qu'il y a des sanctions, est-ce qu'il y a des outils qui sont à disposition du corps enseignant ? On est passé de l'indignation à la volonté collective d'avoir des actes concrets.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y en a. Il y en a et d'ailleurs ce qui est important de souligner c'est à la fois, je veux répondre à votre question, parce qu'il faut à la fois qu'on réagisse à ça, parce que ça existe et il faut réagir, mais en même temps ça ne doit pas nous conduire à oublier tout ce qui se passe de positif en la matière, et des différents progrès. Moi je vois beaucoup d'élèves, de tous les quartiers, de tous les territoires de France, et ce sujet nous l'abordons évidemment assez fréquemment, et je vois aussi beaucoup, des milliers d'élèves, enfin une immense majorité de nos élèves, en réalité, qui un connaissent bien la question, sont mobilis��s, font des choses, par exemple vont visiter le camp des Milles dans le Sud de la France etc. Donc il y a que les mauvaises... que les mauvaises choses en la matière ne nous conduisent pas à masquer au contraire une sorte de grande force qui se déploie, qui est celle de nos élèves qui ont le vaccin contre l'antisémitisme, ils l'ont la plupart d'entre eux.
CAROLINE ROUX
Alors, pour ceux qui ne l'ont pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Maintenant, pour ceux qui ne l'ont pas. Oui, bien sûr, premièrement nous signalons les problèmes. Depuis plusieurs mois nous avons créé une cellule « Valeurs de la République », qui permet à chaque enseignant, chaque personnel de l'Education nationale qui est en présence d'un problème de ce type, de pouvoir un le signaler, parce que c'est important qu'on ait une mesure du phénomène, et deux, avoir une réaction c'est-à-dire de ne pas être seul par rapport à ça, mais avoir une équipe qui vient dans l'établissement pour aider à affronter le problème. Donc il y a la question de la sanction de l'élève, mais ça, c'est un des sujets, bien sûr, et le plus…
CAROLINE ROUX
C'est sanctionné, c‘est systématiquement sanctionné ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, bien sûr. C'est une sanction…
CAROLINE ROUX
Non, vous avez l'air de dire bien sûr, mais ça ne va pas de soi, on pourrait dire : bon, allez, tout ça n'est pas si grave. Vous confirmez qu'à l'école, chaque propos antisémite est sanctionné ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, chaque propos antisémite doit être sanctionné, alors évidemment, il faut qu'il soit entendu, il faut qu'il y ait quelqu'un qui le signale, etc., mais bien sûr que cela relève de quelque chose de très sanctionnable, bien sûr.
CAROLINE ROUX
Et sur la plateforme dont vous venez de nous parler, vous avez déjà des retours, pour savoir combien d'appels est-ce que…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, nous aurons vraiment vers la fin du mois de mars, le 1er, puisque c'est assez nouveau, on aura le premier recensement un peu exhaustif, il faut aussi distinguer différents phénomènes, du graffiti fait par un individu isolé, à un groupe qui se met à attaquer une personne, donc il faut arriver un petit peu à ne pas tout amalgamer, à avoir une vision, je dirais complète du phénomène, et donc c'est ce que nous avons, mais le plus important, c'est cette intervention collective, le plus important, c'est que nous montrions que l'Education nationale, et donc la République, elle est solide et elle est outillée pour réagir à chaque fois qu'il y a un problème de ce type…
CAROLINE ROUX
Ça passe par les enseignants, ils le font déjà ? Ils ont du mal parfois à enseigner…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ils le font, mais parfois, ils peuvent se sentir seuls. Ils le font bien sûr, mais parfois, ils se sentent seuls. Alors, du coup, on se dit : bon, on en parlera une autre fois ou des choses… des attitudes de ce type. Pour ceux-là, nous leur disons : non, mais vous n'êtes pas seuls pour affronter le problème, et donc si problème il y a, il y aura autant de gens qu'il faut dans l'établissement pour vous aider sur cette question.
CAROLINE ROUX
Votre projet de loi a été voté en première lecture hier soir, alors ce texte prévoit entre autre d'abaisser l'âge de l'école obligatoire de 6 à 3 ans, de confier les missions d'enseignement à des surveillants, je résume…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est faux…
CAROLINE ROUX
Ah, bon, c'est faux ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le dire comme ça, non, mais…
CAROLINE ROUX
C'est à moitié vrai, c'est ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, c'est faux, de toute façon, mais c'est frappant de voir… enfin, pardon, je vous laisse terminer peut-être…
CAROLINE ROUX
Non, non, mais allez-y, allez-y, arrêtons-nous là-dessus, parce que…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, prenons ça, arrêtons-nous là-dessus, ce dont vous venez de parler, c'est en fait du pré-recrutement, c'est un système formidable qu'on a mis sur pied après d'ailleurs beaucoup de travail, qui consiste tout simplement à proposer à un étudiant dès la deuxième année d'avoir un salaire, une rémunération de 700 euros, cumulable avec une bourse, ça veut dire, environ 900 euros par mois. Cet étudiant va être d'abord dans des missions d'aide, de surveillance, parce qu'il est en deuxième année de licence, puis, progressivement, va être amené, 8h par semaine, à connaître les réalités de l'établissement, c'est que quand il est au niveau master, master 1, qu'il pourra commencer à aider les professeurs, etc. Donc…
CAROLINE ROUX
Je continue sur les rémunérations…
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est une mesure au contraire magnifique qui renoue avec une certaine tradition républicaine pour préparer des jeunes à devenir professeurs…
CAROLINE ROUX
A devenir enseignants, de permettre de regrouper une ou plusieurs écoles avec un collège, là, c'est une décision qui est contestée, mais je voudrais juste qu'on revienne sur une chose, c'est, on retient pourtant de ce texte, il y a beaucoup de choses dans ce texte, certains disent, c'est un une loi fourre-tout, mais vous allez aussi nous expliquer pourquoi, on retient les drapeaux bleu blanc rouge et les drapeaux européens, on retient la polémique sur parent 1, parent 2, le débat vous a échappé ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, d'abord, c'est un débat parlementaire, bon parent 1, parent 2, j'y étais défavorable, je l'ai tout de suite dit.
CAROLINE ROUX
Donc ça veut dire que ça va être modifié en seconde lecture ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça sera modifié en seconde lecture, et donc voilà, peut-être, justement ne tombons pas là-dedans, c'est-à-dire, j'ai 1.000 choses à vous dire sur la loi, ce sujet-là, finalement, est un sujet un petit peu annexe qui s'est invité…
CAROLINE ROUX
Ça a suscité beaucoup d'incompréhensions, vous le savez bien…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je le sais bien, oui, et c'est pour ça que j'avais émis un avis défavorable, je pense que je comprends bien l'intention et je la partage et je la respecte, mais ce n'est pas une bonne idée de faire cela, et je l'ai tout de suite dit. Et donc d'autre part, la question du drapeau n'est pas une question sans intérêt, puisque c'est comment nous apprenons justement l'éducation civique aux enfants, mais c'est vrai que les grandes mesures structurelles de cette loi, elles sont ailleurs, elles sont dans ce que vous avez rappelé, l'instruction obligatoire, à 3 ans, c'est-à-dire insistance sur l'importance fondamentale de l'école maternelle dans notre pays, c'est le début de la vie, c'est le moment où on peut faire prendre un bon départ aux enfants, donc cette mesure est très importante et s'accompagnera de beaucoup de choses pour soutenir l'école maternelle en France.
CAROLINE ROUX
Vous avez – à l'occasion de ce texte, c'était mis en minorité sur la question de l'interdiction du voile, du port du voile dans les sorties scolaires…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est faux…
CAROLINE ROUX
C'est faux. Mais quand même, je vais finir ma question – contesté alors que vous avez évoqué l'idée de supprimer les allocations familiales aux parents d'enfants violents, est-ce que vous êtes, Jean-Michel BLANQUER, toujours en phase avec votre majorité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, j'ai vu des articles dans la presse qui disent des choses fausses sur cette question, il est exact que je parle de responsabilisation des familles s'agissant des problèmes de violences, mais aussi éventuellement des problèmes d'absentéisme, et que nous sommes, là, en train de travailler sur le type de responsabilisation que l'on fera. Et non seulement, je n'ai pas de problème avec la majorité, mais nous parlons de cela avec la majorité, qui est diverse, ce qui est normal…
CAROLINE ROUX
D'accord, c'était un débat sain ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un débat sain. Tout à fait. Et puis, sur l'autre question sur la laïcité, je sens au contraire un grand soutien de la majorité, après, il peut y avoir des personnes qui pensent différemment, c'est après tout assez légitime, quand c'est le contraire, on dit que nous sommes un bloc homogène qui ne réfléchit pas, donc…
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 février 2019