Interview de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France 2 le 7 juin 2019, sur les relations franco-américaines, le Brexit et sur le commerce extérieur.

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Média : France 2

Texte intégral

LAURENT BIGNOLAS
Vous recevez ce matin Jean-Baptiste LEMOYNE, le secrétaire d'Etat.

JEFF WITTENBERG
Eh oui, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères. On va notamment parler de politique étrangère, mais pas que.

-Jingle-

JEFF WITTENBERG
Bonjour Jean-Baptiste LEMOYNE.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Bonjour.

JEFF WITTENBERG
Merci d'être avec nous ce matin. Je le disais, on va parler de politique internationale, mais c'est d'abord à l'élu local que je m'adresse, car vous avez été, vous avez occupé de nombreux mandats dans le département de l'Yonne, on l'a entendu cette nuit, l'Assemblée nationale a autorisé les présidents de Conseils départementaux à revenir sur la limitation à 80 km/h, sur les routes secondaires. Est-ce que c'est une bonne chose et donc est-ce que le gouvernement avait tort de s'entêter sur cette réforme ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ça fait tout simplement partie de la marque de fabrique de cet acte 2 du quinquennat, que le président de la République a appelé de ses souhaits, c'est-à-dire avec beaucoup de proximité, et le fait aussi, eh bien de faire en sorte que la France n'est pas un grand jardin où tout est identique, au même endroit, mais où il faut prendre des décisions au plus près du terrain, et ça donne donc une nouvelle latitude aux décideurs locaux, mais force est de constater, néanmoins, que cette mesure, c'est une bonne mesure, vous savez, dans l'Yonne nous l'avons expérimentée, avant qu'elle soit généralisée…

JEFF WITTENBERG
Vous voulez dire le passage aux 80.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Exactement, et elle a permis d'éviter un certain nombre de blessés et de morts, de façon impressionnante.

JEFF WITTENBERG
Mais, monsieur LEMOYNE, ce grand jardin uniforme que vous décrivez, c'est celui précisément que voulait le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, l'an dernier, qui en avait fait un combat personnel. C'est l'aveu donc que c'était un petit peu hasardeux et en tout cas un entêtement sur lequel on revient aujourd'hui.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Un principe demeure, et des aménagements peuvent être faits, c'est là encore une fois, ce qui a été décidé, c'est véritablement…

JEFF WITTENBERG
Donc il y a un changement.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
... plus de décentralisation, plus de déconcentration, être au plus près du terrain, c'est ça maintenant qui va nous animer.

JEFF WITTENBERG
Alors on en vient donc à votre dossier, la politique internationale. On a vu « de belles images » hier, d'une amitié peut être retrouvée entre Donald TRUMP et Emmanuel MACRON, mais derrière ces images il y a les mots, il y a notamment cette phrase d'Emmanuel MACRON qui a fait parler : « L'Amérique n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle se bat pour la liberté des autres », a-t-il dit, en regardant dans la direction de Donald TRUMP. On ne saurait être plus explicite, et on dénonce en quelque sorte la politique menée aujourd'hui par le président américain.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je crois que l'histoire elle nous oblige, on l'a vu, ces moments très émouvants de commémorations font qu'il y a une amitié indéfectible entre les peuples et que, eh bien les dirigeants doivent être naturellement à la hauteur de cela. Et aujourd'hui le monde il est parcouru de tensions, de crises, des foyers qui se réveillent partout, et donc face à cela on a je crois un défi, c'est de, ensemble, bâtir cette paix, cette stabilité, et par exemple vous évoquiez les sujets de commerce international, ou d'Iran, on a des préoccupations similaires, nous souhaitons naturellement encadrer un certain nombre d'activités nucléaires en Iran. Mais là où nous divergeons parfois, c'est sur la méthode, nous pensons qu'il faut, nous, la négociation, là où parfois nos amis américains vont sur l'imposition de mesures unilatérales. Et donc il est très important, nous avons deux présidents qui sont tous les deux très francs, disent les choses, eh bien que l'on puisse comme ça, tracer une voie.

JEFF WITTENBERG
Mais le message subliminal d'Emmanuel MACRON hier, c'était quoi, lorsqu'il dit : « L'Amérique n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle se tourne vers les autres » ? C'est « arrêtez d'être égoïstes » ? Qu'est-ce qu'il a voulu dire par cette phrase ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je crois qu'il a voulu dire tout simplement que nous avions besoin de l'Amérique pour faire en sorte que la stabilité revienne dans un certain nombre d'endroits, et que nous avions besoin donc, eh bien d'y travailler dans la sérénité, et c'est valable en matière de commerce international. On le voit, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis, et d'ailleurs on peut avoir les mêmes préoccupations que nos amis américains.

JEFF WITTENBERG
En quoi elles impactent l'Europe, d'ailleurs, les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, précisément ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors pour le coup, elles impactent un peu moins l'Europe, parce que l'Europe elle a aussi bâti tout un système d'accords, d'échanges, avec... dans le monde, partout, et donc nous résistons plutôt bien, mais il y a un risque sur la croissance, le FMI l'a dit, et c'est pourquoi nous travaillons, je serai ce week-end au Japon pour le G20 des ministres du Commerce, eh bien faire en sorte que nous puissions réguler ce commerce international, faire en sorte que les règles d'équité s'imposent à tous les acteurs, qu'on soit producteur en Chine, aux Etats-Unis, en France ou en Europe, on doit jouer avec les mêmes règles du jeu.

JEFF WITTENBERG
Avant de se rendre sur les plages de Normandie, Donald TRUMP est allé en Grande-Bretagne, on le répétait dans le journal, Theresa MAY va quitter aujourd'hui la tête du Parti conservateur, et il a promis, après le Brexit, je cite « une relation commerciale phénoménale entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ». Est-ce que ça veut dire aujourd'hui que Washington choisit son camp et que cela va générer de nouvelles tensions avec l'Union européenne ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce qui est sûr c'est que après le Brexit, la France, l'Union européenne, nous devons garder une relation très proche avec nos amis britanniques, notamment en matière de défense, nous travaillons beaucoup ensemble, nous avons des projets ensemble, et donc nous devrons travailler à cette relation. Ils sont en face. « Nous avons un destin commun », a dit le président de la République, en rendant hommage aussi au travail de Theresa MAY, qui doit quitter ses fonctions…

JEFF WITTENBERG
Mais aujourd'hui c'est le flou total, on ne sait pas du tout quelles seront justement ces relations, quel sera ce type de relations.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Il faut qu'elles soient très proches, parce que très clairement le Brexit ça a été perdant/perdant. C'est perdant pour les Britanniques, c'est perdant pour l'Union européenne. Vous savez, nous recevons, nous, beaucoup de touristes britanniques, nous faisons en sorte qu'ils puissent continuer à venir, et inversement. Nous avons beaucoup d'entreprises qui exportent aussi en Grande-Bretagne, donc nous devons garder cette relation proche et ne pas nous laisser emporter par la division.

JEFF WITTENBERG
C'est perdant/perdant, mais c'est inéluctable aujourd'hui ? Est-ce que vous imaginez un scénario où l'on pourrait encore revenir en arrière, Jean-Baptiste LEMOYNE ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Le peuple britannique a voté, et je crois que lorsque le peuple a voté, son choix doit être respecté, on verra dans quelques années si les britanniques font un choix différent, mais aujourd'hui ils ont voté et donc le Brexit doit être délivré.

JEFF WITTENBERG
Vous parliez de commerce international, de commerce extérieur, c'est votre spécialité au gouvernement. La France a enregistré un bon chiffre apparent cette semaine, puisqu'elle serait le deuxième pays le plus attractif en termes d'investissements étrangers, pour l'année 2018, et pourtant la même semaine on apprend que GENERAL ELECTRIC supprime 1 000 emplois et ce n'est pas le seul plan social qu'il y a dans l'Hexagone, comment expliquer ce paradoxe ? La France est attractive ou alors elle supprime des emplois ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, la France elle est attractive, les chiffres sont là, c'est la première fois que nous montons sur le podium à la première place pour les investissements industriels…

JEFF WITTENBERG
Ce n'est pas GENERAL ELECTRIC en tout cas.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
... les investissements en recherche et développement, et s'agissant de GENERAL ELECTRIC, on a vu qu'il y a certaines activités qui aujourd'hui ont moins le vent en poupe, parce que, eh bien ces turbines à gaz sont moins utilisées, etc., eh bien il faut travailler justement à l'innovation, à la reconversion, au fait d'aller sur de nouvelles activités, comme l'hydrogène, comme l'aéronautique, et donc moi je ne suis pas fataliste, au contraire, on va réussir, parce qu'aujourd'hui la marque de la France elle est très puissante dans le monde. Je reviens d'Italie hier, je peux vous dire que de nombreux... la France est le premier pays d'investissement pour les Italiens, par exemple.

JEFF WITTENBERG
Et on verra ça dans les prochaines semaines. Dernière question, vous êtes un des ministres venus de la droite, dans ce gouvernement, comment vous regardez ce qui se passe aujourd'hui dans votre ancien parti ? Vous vous dites que vous avez fait le bon choix et finalement le départ de Valérie PECRESSE, la démission de Laurent WAUQUIEZ, tout cela ça vous fait plaisir ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce qui est sûr c'est que quand j'ai été le premier parlementaire de droite à soutenir Emmanuel MACRON à la présidentielle, avant l'élection présidentielle, c'est parce que je sentais bien qu'il avait au coeur, et au coeur, au corps, son pays, et que de nombreuses mesures qu'il proposait étaient de bon sens. Et je vais vous dire aujourd'hui, moi je ne m'adresse pas tant au parti qu'au pays, et nous avons besoin de rallier toutes les bonnes volontés, toutes celles qui veulent faire en sorte que, eh bien la France puisse avancer. Il y avait une liste Renaissance aux élections européennes, je crois qu'on doit travailler à la renaissance des territoires…

JEFF WITTENBERG
Vous ne dites pas comme Sébastien LECORNU, à tous les élus de LR : « venez chez nous » ? Parce que c'est ce qu'il a fait.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce n'est pas tant du débauchage individuel dont nous avons besoin, c'est des gens qui adhèrent à un projet, et ce projet est porté par le Premier ministre, par le président de la République, c'est celui d'une renaissance de nos territoires, et honnêtement, voilà, chacun peut garder sa sensibilité, mais ce qui nous rassemble c'est l'essentiel, c'est faire en sorte que le chômage baisse, qu'on lutte contre les inégalités, que chacun ait la chance de se dire : j'ai une espérance en France.

JEFF WITTENBERG
Merci beaucoup Jean-Baptiste LEMOYNE. Je précise un rendez-vous politique à noter pour ce week-end sur France 3 : Raphaël GLUCKSMANN qui était donc tête de liste du Parti socialiste et de Place publique aux élections européennes, sera l'invité de Francis LETELLIER dimanche à 12h15 sur France 3. Laurent c'est à vous, très bonne journée. Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 juin 2019