Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à LCI le 28 juin 2019, sur le déploiement du service national universel.

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  • Gabriel Attal - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Christophe JAKUBYSZYN, vous recevez ce matin justement Gabriel ATTAL. Peut-être que vous allez évoquer la réforme des retraites.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va forcément l'évoquer. Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Education nationale. Je vois que vous ne respectez pas les consignes d'Agnès BUZYN, votre collègue de la santé, vous portez la cravate. Mais moi, depuis mercredi, avec la canicule… Et pas vous ?

GABRIEL ATTAL
Je n'ai pas eu de consigne particulière sur la cravate. Il n'y a pas de consigne officielle.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que vous avez séché le conseil des ministres. Vous étiez en Guyane avec les jeunes volontaires du service national universel.

GABRIEL ATTAL
D'ailleurs, vous ne portiez pas la cravate.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non. Là-bas, je vous confirme que dans la jungle amazonienne on ne porte pas la cravate.

GABRIEL ATTAL
On voit là cette photo avec un Youtuber. Vous avez fait la promo du service national universel. Ça, c'est de la com'.

GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas de la com', c'est communiquer auprès des jeunes. Vous savez, cette réforme, elle va concerner à terme 800 000 jeunes par an. Aujourd'hui quand on veut communiquer auprès des jeunes, échanger avec eux, c'est bien de passer par des personnes qui leur parlent. En l'occurrence, ce Youtuber est très suivi par les jeunes et donc c'était important pour moi qu'il vienne voir ce qu'est le service national universel sur le terrain.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors vous êtes le général en chef du service national universel qui est une promesse du président MACRON effectivement de permettre à toute une génération de revenir un peu à une forme de service national. Vous l'avez expérimenté pendant douze jours dans toute la France, treize départements notamment en Guyane, on va en parler. C'est quoi le bilan au fond de ces deux mille jeunes volontaires qui ont essuyé les plâtres du service national universel ?

GABRIEL ATTAL
Il y a un premier bilan qu'on peut tirer à l'issue de cette phase pilote qui est positif. Positif parce qu'en termes d'organisation, tout s'est bien déroulé. Positif parce qu'il n'y a pas eu d'incident grave au cours de cette phase pilote.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a quand même eu vingt-deux insolations et quatre expulsions.

GABRIEL ATTAL
Oui. Sur 2 038 jeunes, ça reste quand même assez marginal et c'est des situations qu'on trouve régulièrement dans des accueils collectifs de mineurs. Il n'y a pas eu d'incident grave. Tout s'est bien passé en termes de santé et de sécurité pour les jeunes. C'était évidemment très important. Et puis il y a un autre bilan qu'on peut faire, c'est les échanges qu'on a avec les jeunes. Je pense que vos équipes en ont eu aussi. Qu'est ce qu'ils disent ? Ils disent souvent : « C'est la première fois que j'ai eu l'occasion d'aller dans un autre département. »

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui. Parce qu'il faut rappeler que vous avez fait… Les jeunes qui ont été volontaires sont allés dans d'autres départements.

GABRIEL ATTAL
Absolument.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Y compris par exemple en Guyane. Ce n'étaient pas des jeunes Guyanais mais des jeunes de métropole.

GABRIEL ATTAL
Bien sûr mais y compris en métropole. Vous avez des jeunes qui ont tous changé de région. Pour la plupart d'entre eux, la majorité d'entre eux, c'était la première fois qu'ils prenaient le TGV.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La première fois qu'ils prenaient le TGV ? Alors que vous ne les aviez pas choisis pour ça. C'étaient des volontaires et vous vous êtes aperçu que parmi eux, beaucoup n'avaient jamais pris le TGV.

GABRIEL ATTAL
Pas du tout. Ils ont été choisis parce qu'ils sont représentatifs de la diversité de la jeunesse et, pour la plupart d'entre eux, c'était leur première expérience de mobilité. Et pourquoi c'est important ? Parce que vous avez une mobilité des jeunes qui a diminué en France. Vous avez aujourd'hui des jeunes, quand ils doivent faire un choix pour leur orientation, pour leur formation, pour un apprentissage, un emploi, qui se ferment des portes parce que psychologiquement ils ne se disent pas qu'ils peuvent bouger, qu'ils peuvent aller dans un autre territoire y compris pour revenir ensuite dans le leur.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et c'était ça avant le service national aussi.

GABRIEL ATTAL
Oui, c'est vrai.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Cette capacité d'intégrer la nation.

GABRIEL ATTAL
C'est vrai. Le service militaire apportait ça, il apportait ce dépaysement. Le fait de sortir du domicile familial une première fois et après, ça rendait sans doute un peu plus libres pour envisager de quitter son territoire y compris pour y revenir. Et donc cette première expérience de mobilité à 16 ans, ça peut être un élément essentiel pour l'émancipation des jeunes et pour leur ouvrir des portes, élargir les possibles pour la suite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc ça veut dire que vous allez proposer… Je crois que vous allez écrire un rapport au président et au Premier ministre dans quelques jours. Vous allez leur proposer d'étendre cette expérience à tous les jeunes Français.

GABRIEL ATTAL
Déjà, c'était l'engagement du président de la République pendant la campagne.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais quand alors ?

GABRIEL ATTAL
Pendant la campagne, le président de la République a dit : « Je mettrai en place un service national universel qui concernera tous les jeunes, qui sera obligatoire et d'une durée d'un mois. » Et moi, c'est sur ce mandat-là que j'avance. Il y a un premier rapport qui avait été remis avant ma nomination au gouvernement et qui proposait une généralisation en 2026. Le président de la République et le Premier ministre ont considéré que c'était assez tard et m'ont demandé de travailler sur un scénario qui permette d'aller plus vite. Donc effectivement, dans les semaines qui viennent, je vais remettre au Premier ministre et au président une proposition avec un nouveau scénario qui permettrait d'aller plus vite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est quoi votre scénario ? 2022, 2023 ?

GABRIEL ATTAL
Je suis en train d'y travailler. Mais ce sera bien avant 2026.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quand même, il y a quand même un encadrant pour cinq jeunes. Ça sera comme ça ensuite ? Parce que c'est énorme.

GABRIEL ATTAL
Oui, c'est une question très importante que vous posez. Encore une fois, on veut garantir la sécurité absolue des jeunes. Un encadrant pour cinq jeunes, c'est vrai que c'est beaucoup.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est beaucoup.

GABRIEL ATTAL
Je rappelle que les encadrants, c'est des militaires, des associatifs et des personnes de l'Education nationale. J'ai missionné l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire avec des chercheurs, des sociologues qui sont venus dans tous les centres, qui ont fait une évaluation, qui vont me remettre un rapport prochainement et on regardera si le taux d'encadrement était adapté ou pas ou si on desserre potentiellement ce taux d'encadrement. Tout ça va être regardé mais avec un objectif : c'est de garantir la sécurité des jeunes et surtout que les objectifs qu'on donne au service national en termes de mixité, de cohésion, de formation aux valeurs de la République, de formation aux réflexes à avoir en cas de crise – inondations, attentats, accidents graves - il faut que les jeunes sachent réagir, en termes de lever des freins à l'engagement. Il faut que ces objectifs-là continuent d'être tenus. A l'évidence, ils l'ont été sur cette phase pilote mais on sait que ça va monter en puissance et qu'à terme, il y aura des jeunes qui n'étaient pas volontaires pour le faire qui seront appelés.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On voit l'image effectivement du lever de drapeau. Ça va coûter combien ? Parce qu'on parle de 1,6 milliard d'euros par an. Est-ce que c'est raisonnable et est-ce que vous avez ce budget ?

GABRIEL ATTAL
D'abord ça dépendra en grande partie des choix des choix qu'on va faire à l'issue de cette phase pilote. Vous venez de parler de la question de l'encadrement, ç'a un impact sur l'organisation concrète. Ça peut avoir un impact aussi. Ce qui est certain, c'est qu'on sera très loin de certaines prévisions qui avait été faites qui étaient un peu orientées politiquement pendant la campagne présidentielle. Certains avaient dit : « Ça coûtera sept milliards, dix milliards », ce qui est absolument délirant. On sera bien en-dessous de ça et sans doute en-dessous du chiffre que vous avez cité.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
En-dessous de 1,6 milliard par an.

GABRIEL ATTAL
Oui, sans doute. Parce qu'aujourd'hui si vous faites une règle de trois par rapport à ce que ça coûtait pour cette phase pilote, si vous faites une règle de trois sur 800 000 jeunes, on est déjà en-dessous. Il y aura des économies d'échelle et il y aura des organisations qui seront plus efficientes, donc moi je suis assez confiant là-dessus. Ce que je veux dire quand même, c'est que le président a toujours été clair là-dessus. Il y aura un coût mais c'est un investissement. Quand vous faites passer un bilan de santé complet à toute une génération à 16 ans, vous découvrez des pathologies qui potentiellement se seraient aggravées et auraient coûté plus cher à la Sécu. Quand vous identifiez des décrocheurs, parce que l'objectif c'est quand même aussi d'identifier des décrocheurs et de faire en sorte qu'il y ait moins de jeunes qui décrochent de l'école, c'est-à-dire qui quittent l'école sans diplôme, sans qualification, sans emploi… Un décrocheur aujourd'hui en France en accompagnement global, ça coûte en moyenne 240 000 euros d'accompagnement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
240 000 euros.

GABRIEL ATTAL
Pour un décrocheur.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pour un décrocheur.

GABRIEL ATTAL
C'est une étude qui a été faite sur ce sujet-là.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Masi c'est quoi le coût pour le SNU pour un Français ?

GABRIEL ATTAL
Sur cette phase pilote, c'était 2 000 euros.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'accord.

GABRIEL ATTAL
Mais ça va sans doute baisser avec les économies d'échelle.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
2 000 euros même pour emmener les jeunes en Guyane comme vous l'avez fait ?

GABRIEL ATTAL
Absolument, absolument.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai ?

GABRIEL ATTAL
Absolument. On a une très bonne organisation qui permet d'avoir une efficience. C'est pour ça qu'on est là et c'est pour ça qu'on est passé par une phase pilote. On ne s'est pas lancé dans un projet qui concerne 800 000 jeunes d'un coup en se disant : « C'est bon, on a notre organisation. » On est pragmatique de nos moyens, on est économe. On sait qu'on est dans un contexte où il faut faire attention. Donc on est passé par cette phase pilote précisément pour mesurer ce qu'on pouvait faire en termes d'efficacité pour que ça coûte peu d'argent aux Français.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que le président vous a demandé, Gabriel ATTAL, qu'il fallait qu'une première génération ait fait son SNU avant 2022 ?

GABRIEL ATTAL
Le président, il m'a demandé qu'on aille vite. Il veut qu'on ait une montée en puissance très ambitieuse mais il veut, encore une fois, que les objectifs soient tenus et que la sécurité des jeunes soit garantie. C'est sur ce mandat-là que je vais lui faire des propositions.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Allez, autre sujet. Vous dépendez de Jean-Michel BLANQUER qui a annoncé le report du brevet des collèges à cause de la canicule. Il aura lieu quand et est-ce que vous êtes en mesure effectivement de pouvoir dire à tous les petits Français qu'ils vont pouvoir passer leur brevet des collèges la semaine prochaine ?

GABRIEL ATTAL
Oui, absolument. C'était important de le reporter parce qu'on voit bien aujourd'hui les températures.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il n'y a pas beaucoup d'écoles qui sont fermées. Il faut être réaliste.

GABRIEL ATTAL
Il y a beaucoup d'écoles qui sont fermées. Ce n'est pas des conditions sereines pour composer, que ce soit d'ailleurs pendant l'examen ou avant en termes de stress. Parce que les jeunes, ils ont révisé cette semaine, il s'est très chaud partout. C'est quand même bien avant de passer son brevet d'avoir une nuit où on peut se reposer un peu et on sait que quand il fait très chaud, c'est dur de dormir. Donc pour la tranquillité et la réussite des élèves, c'était important de reporter le brevet en métropole. Puisque je rappelle qu'Outre-mer où on est peut-être regardé, il a lieu à la date prévue, c'est-à-dire aujourd'hui.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr.

GABRIEL ATTAL
Donc c'est reporté à lundi et mardi prochain et donc ça se passera dans de bonnes conditions. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Je rappelle que Jean-Michel BLANQUER a annoncé que pour des familles par exemple qui avaient prévu de partir en vacances, d'envoyer leur enfant en vacances, qui avaient pris des billets…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr, des colonies.

GABRIEL ATTAL
Qui avaient pris des engagements financiers etc, il y a la possibilité de le passer à la mi-septembre. Et donc il ne faut pas qu'il y ait de coût, de perte de pouvoir d'achat pour les familles et là-dessus il y a une garantie très forte. Je rappelle que le brevet n'est pas nécessaire factuellement pour passer…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non. Mais c'est symbolique et c'est un premier galop d'essai avant le baccalauréat.

GABRIEL ATTAL
Absolument. Il faut que les jeunes le passent mais il ne faut pas non plus que ça perturbe totalement l'organisation des familles, donc on est souple sur ce point-là.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors autre report, on en a parlé tout à l'heure avec Pascale de LA TOUR DU PIN, peut-être celui de la réforme des retraites. Alors c'est très technique, on ne va pas rentrer dans les détails. Simplement pour comprendre, il est possible que cette réforme finalement se fasse en deux temps. Un volet un peu budgétaire à la rentrée de septembre-octobre où finalement on accélère la loi Touraine, c'est-à-dire qu'on augmente le nombre de trimestres nécessaires plus vite que prévu, non plus en quinze ans mais en cinq ans, et peut-être qu'on institue un âge pivot. Est-ce que ça va se passer à l'automne tout ça pour reporter la réforme systémique, la réforme par points après ?

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, moi je ne commente pas trop des rumeurs. J'entends qu'il y a des rumeurs dans la presse. Il n'y a pas de report dès lors que l'engagement qui avait été pris, c'était que Jean-Paul DELEVOYE, le Haut-commissaire aux retraites, remette ses recommandations à la mi-juillet. Il remettra ses recommandations à la mi-juillet. Ensuite il y aura une inscription parlementaire de différentes mesures. Il y en a peut-être qui passent dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, peut-être d'autres qui vont…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce que je viens de dire. C'est-à-dire qu'en fait l'accélération… Le fait qu'il faille plus de trimestres pour pouvoir partir à la retraite, vous dites : « Ça va peut-être se faire dans le PLFSS de la rentrée. »

GABRIEL ATTAL
Non, je ne dis pas ça. Je dis qu'il y a des mesures qui dépendent d'une loi de financement de la Sécurité sociale.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Celle-là notamment.

GABRIEL ATTAL
Je ne sais pas si ce sera celle-là. Moi je ne connais pas les arbitrages, ils n'ont pas été rendus. Donc c'est pour ça que je suis très prudent. L'essentiel pour moi, c'est que cette réforme elle ait lieu.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais elle aura lieu ? Parce qu'est-ce que ce n'est pas une manière de dire : « Au fond, c'est tellement sensible qu'on va en faire une sorte de réforme un peu light et qu'en revanche on va très vite prendre des mesures budgétaires. »

GABRIEL ATTAL
On a un engagement de campagne du président de la République. A ce stade, citez-moi un seul engagement de campagne du président de la République qui n'a pas été tenu. Ils sont tous tenus un à un. Et le président de la République s'est engagé à ce qu'on ait un système lisible où un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce qu'on appelle la réforme par points.

GABRIEL ATTAL
Oui. Il s'est engagé sur ce point. Cette réforme, elle aura lieu évidemment. Il y aura sans doute aussi des mesures que vous évoquez qui sont aussi importantes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous confirmez bien qu'il y aura deux temps. Il y aura une partie un peu budgétaire…

GABRIEL ATTAL
Je ne sais pas s'il y aura deux temps mais il y a deux types de mesures.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
En fin d'année, début 2020 ?

GABRIEL ATTAL
Il a toujours été clair qu'il allait falloir travailler plus et qu'il allait falloir inciter très fortement à travailler plus. Vous savez, moi, je suis d'une jeune génération, je suis en charge de la jeunesse. Le système tel qu'il existe aujourd'hui revient à dire que les jeunes, ma génération aujourd'hui, cotisent pour la retraite d'autres et n'auront peut-être pas, eux, de retraite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce que beaucoup de jeunes pensent.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais on veut justement…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai. Ils disent : « Le système de retraite ne fonctionnera jamais ou ne tiendra jamais. Finalement on paye pour rien. » On paye pour nos aînés quand même mais pour rien.

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça qu'il faut leur donner confiance dans le système et montrer qu'on le réforme et qu'on l'adapte à la société d'aujourd'hui. Et c'est pour ça que cette réforme est importante y compris pour la jeune génération.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre sujet qui fait polémique depuis hier après-midi. Marion MARECHAL, ancienne députée FN, est invitée par le MEDEF pour ses universités d'été à la fin du mois. Il y a eu beaucoup de réactions dans votre majorité, à commencer par la députée Olivia GREGOIRE puis ensuite Richard FERRAND, le président de l'Assemblée nationale, Gilles LE GENDRE, le patron du groupe, pour dire qu'il ne fallait pas inviter Marion MARECHAL dans ce type d'événement. Vous êtes d'accord avec eux ?

GABRIEL ATTAL
Je crois que c'est un coup de com' du MEDEF. Elle a quelle légitimité Marion MARECHAL-LE PEN ? Elle est directrice d'école. Pourquoi est-ce qu'il n'invite pas Marine LE PEN ? Peut-être parce qu'on sait combien son programme serait nuisible pour notre économie. Il propose la retraite à 60 ans, il propose de déconstruire l'Europe et donc de s'attaquer à nos…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on peut en débattre.

GABRIEL ATTAL
Oui, on peut en débattre sans doute. Moi, voilà, je pense qu'on peut entendre d'autres opinions et ce sera peut-être l'occasion de rappeler et de redécouvrir à quel point le Front national propose un programme qui détruirait notre économie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est intéressant parce que vous, au fond, on sent que quelque part ça ne vous choque pas tant que ça.

GABRIEL ATTAL
Non mais moi, je comprends que des personnes n'aient pas forcément envie de se retrouver sur une estrade avec le Front national. Je peux le comprendre, je l'entends parfaitement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous, ça ne vous gênerait pas vous ?

GABRIEL ATTAL
Enfin, je ne me suis pas posé la question. Il n'était pas prévu que j'y sois avec Marion MARECHAL.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que c'est un parti comme les autres, le Rassemblement national ?

GABRIEL ATTAL
Non, ce n'est pas un parti comme les autres.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est républicain, il est légitime de se présenter aux élections et il est le premier parti de France aux Européennes.

GABRIEL ATTAL
Il peut se présenter aux élections mais pour moi, je ne le classe pas parmi les partis républicains. Je pense que sur un certain nombre de valeurs de la République, on voit qu'il ne partage pas ses valeurs, ils défendent autre chose. Ils sont aujourd'hui sur une position populiste, démagogique, avec un vrai danger porté aux Français. On a vu sur le débat des Européennes. Déconstruire l'Europe, ça voudrait dire quoi ? Ça voudrait dire que nos PME, nos TPE, nos artisans ne pourraient plus exporter. Ils exportent aujourd'hui deux tiers dans l'Union européenne. Donc ils perdraient considérablement en pouvoir d'achat et en recettes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais en l'ostracisant, on ne le renforce pas, on ne fait pas le contraire de ce que vous avez envie de faire ?

GABRIEL ATTAL
Mais moi, je n'appelle pas à l'ostracisation, Emmanuel MACRON a débattu pendant l'élection présidentielle avec Marine LE PEN, il a accepté le débat, donc il n'y a pas d'ostracisation.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre sujet qui vous concerne un petit peu directement, l'exclusion avant hier d'Agnès THILL, la députée de la République en marche, je dis qui vous concerne parce qu'elle avait été un peu insultante à votre regard sur Twitter. Elle était contre la PMA, c'est pour ça qu'on l'a exclue ?

GABRIEL ATTAL
Pas du tout, vous avez quelques personnes au groupes la République en marche qui doutent sur la PMA et qui ont déjà eu l'occasion de le dire, ce n'est pas la majorité. C'est un engagement de campagne du président et l'écrasante majorité du groupe la République en marche est favorable à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. La différence, c'est qu'Agnès THILL avait eu des propos blessants à l'égard de familles homoparentales, de familles monoparentales en expliquant en gros que c'était des sous-familles et qu'elles n'étaient pas capables d'élever des enfants. On a aujourd'hui mille et un exemples d'enfants qui ont été élevés parce qu'il y a des recompositions familiales, parce qu'il y a des divorces, par une femme seule par un couple de femmes qui s'en sortent très bien. Donc voilà ! C'est ces propos qui étaient choquants, qui étaient blessants pour des familles qui lui ont valu son exclusion. Je pense que maintenant, on peut peut-être tourner cette page et ça me semble assez anecdotique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'ailleurs ce débat sur la bioéthique évidemment à l'Assemblée, ce que disent les opposants à la PMA c'est qu'en fait, on crée une sorte de droit à l'enfant et que ce droit à l'enfant, si on le créé, il sera opposable à un moment donné par des couples d'hommes par exemple pour la GPA !

GABRIEL ATTAL
Moi je ne comprends pas ce débat, moi je Ne crois pas du tout à cette idée de droit à l'enfant ; et ceux qui aujourd'hui tiennent ces propos-là pour la PMA pour les couples de femmes, ça veut dire qu'ils le tiennent aussi pour à la PMA pour les couples hétérosexuels ; et qu'on considère qu'un couple hétérosexuel qui a recours à une PMA a un droit à l'enfant illégitime. Je ne suis pas d'accord avec cette position, étant moi-même issu d'une PMA d'un couple hétérosexuel, je considère que j'ai bénéficié de tout l'amour dont j'avais besoin de la part de mes parents ; et qu'un couple qui veut avoir un enfant parce qu'ils s'aiment doit pouvoir avoir un enfant en l'occurrence par PMA pour les couples de femmes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ce que vous dites, ça pourrait presque donner… légitimer aussi la GPA !

GABRIEL ATTAL
Non parce que là-dessus, il y a une position très claire du président de la République, il y a un mandat très clair. Encore une fois dans ses engagements de campagne, le président de la République a toujours été très clair sur le fait qu'il n'y aurait pas de légalisation de la GPA en France, donc il n'y aura pas de légalisation de la GPA en France.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un mot encore personnel, vous êtes le premier… le plus jeune finalement ministre de la Vème République avant même François BAROIN de quelques semaines. Aujourd'hui le président vous dit… vous félicite, vous appelle directement par exemple quand vous quand vous faites le SNU ?

GABRIEL ATTAL
Déjà au Conseil des ministres la semaine dernière, on a eu l'occasion d'en parler puisqu'il y a eu une communication sur le SNU, donc on a échangé. Après, je pense qu'il nous arrive à chacun…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez souri, ça veut dire le président vous a dit « c'est bien ce que tu fais pour la SNU »…

GABRIEL ATTAL
Ça peut nous arriver d'avoir des échanges mais par définition, c'est des échanges privés entre des ministres, le Premier ministre, le président, ça n'a pas vocation à être raconté.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quand on vous écoute, quand on vous entend depuis le début de l'émission, on se dit que vous faites tout pour que le SNU devienne universel avant 2022 !

GABRIEL ATTAL
Ce qu'il faut c'est que ça aille le plus vite possible, moi ce que je souhaite c'est que très vite l'ensemble d'une génération soit appelée au service national, encore une fois parce que je crois…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est-ce que vous croyez que vous pouvez y arriver avant 2022 ?

GABRIEL ATTAL
Je suis en train de regarder ça, moi je ne préfère pas vous faire d'annonce qui ne serait pas tenue. La phase pilote qui vient d'avoir lieu, elle va nous dire beaucoup de notre capacité à faire. Et on est encore en train de recevoir les enseignements des différents centres, il y a 13 départements qui étaient concernés, encore une fois moi je suis pragmatique, je ne me lance pas dans des annonces tonitruantes sans savoir si on est en capacité de les tenir. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on ira vite et qu'on ira beaucoup plus vite que ce qui était prévu.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La bonne nouvelle c'est qu'apparemment a priori, maintenant la dépense et les déficits budgétaires c'est moins une préoccupation, d'autant plus que l'argent est quasiment gratuit avec les intérêts négatifs. Votre milliard et demi, vous l'aurez plus facilement qu'il y a 3 mois ?

GABRIEL ATTAL
Oui, enfin à une préoccupation très forte, c'est aussi un engagement, c'est aussi moi – qui suis en charge de la jeunesse – une préoccupation parce que les dépenses non financées qu'on fait aujourd'hui, c'est des impôts sur la tête de ma génération et des jeunes dans quelques années. Donc je suis assez sensible sur ces questions-là. Je rappelle quand même qu'on est sorti de la procédure pour déficit excessif, que la France en est sortie maintenant… l'année dernière, donc ça montre qu'on fait des efforts. On continue à en faire et on va tenir notre trajectoire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc pas de laxisme budgétaire !

GABRIEL ATTAL
Pas de laxisme budgétaire, encore une fois ça serait un impôt sur la tête de ma génération pour l'avenir.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Gabriel ATTAL d'avoir été notre invité, de retour de Guyane ; et bonne chance pour le SNU, sa généralisation peut-être avant 2022, j'ai bien compris.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2019