Texte intégral
KESSI WEISHAUPT
Bonsoir Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonsoir.
KESSI WEISHAUPT
Merci d'être avec nous. Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Vous étiez donc jusqu'à ce matin avec les jeunes du SNU à Sinnamary. Où se situe le débat aujourd'hui pour le gouvernement, est-ce la généralisation ou la date d'entrée en vigueur du SNU qui pose question ?
GABRIEL ATTAL
Le SNU sera généralisé ? C'est un Service National Universel, et donc il faut que tous les jeunes puissent en bénéficier, que tous les jeunes participent. Donc il sera généralisé, il concernera 800 000 jeunes par an, c'est le nombre de jeunes dans une classe d'âge, dans quelques années. Ça devait être en 2026, c'est ce qui avait été prévu par un rapport, mais président de la République, au vu de la manière dont les choses se passent, et au vu des premiers retours très positifs qu'on a sur ce dispositif, il souhaite qu'on puisse aller beaucoup plus vite, et donc moi je suis en train de travailler sur un nouveau scénario qui permette d'aller plus vite. A l'issue de la phase pilote qui se termine en fin de semaine, je ferai des propositions au président et au Premier ministre, et puis j'annoncerai ensuite la date.
KESSI WEISHAUPT
Envisagez-vous de justement prolonger cette phase pilote, cette phase de test ?
GABRIEL ATTAL
Non, la phase de test c'était cette année, c'est cette année, c'est très important qu'on passe par cette phase, parce qu'encore une fois c'est une réforme d'ampleur, qui va concerner à terme 800 000 jeunes par an. Et on ne se lance pas dans une telle réforme en se disant : tout est ficelé. Nous au contraire on est pragmatique, on est économe de nos moyens, on veut regarder ce qui marche, ce qui peut être amélioré, et c'est pour ça qu'il y a eu une phase pilote. Mais à partir de l'année prochaine, on va commencer à monter en puissance, l'objectif c'est d'avoir 40 000 jeunes appelés l'an prochain, contre 2 000 cette année, et puis de monter en puissance au fur et à mesure.
KESSI WEISHAUPT
Donc il y a quand même quelque chose qui se prolonge sur les années à venir, jusqu'à ce que ce soit généralisé.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr.
KESSI WEISHAUPT
Sur les images, dans les 13 territoires participants, on peut voir des jeunes réalisant des exercices aux allures militaires, marcher au pas, en uniforme, couvre-feu, levé aux aurores, sous le drapeau entonnant la Marseillaise, entre autres. Que répondez-vous à ceux qui dénoncent un retour au service militaire ?
GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il faut faire la part des choses dans tout ce qui est dit là. Moi je suis toujours surpris qu'on confonde patriotisme et militarisme. On peut aimer son drapeau, on peut saluer le drapeau, on peut chanter la Marseillaise et se retrouver dans cet hymne national, sans être militariste. Finalement les symboles de la République, ils ne dépendent pas que des armées, heureusement, il y a beaucoup de Français qui se retrouvent autour des symboles de la République, la majorité des Français se retrouve autour. Ensuite vous abordez d'autres questions, qui sont celles effectivement de l'autorité, de la discipline et des règles. Et moi j'assume de dire que les armées, elles ont développé un savoir-faire aussi, pour transmettre ce cadre, transmettre l'importance du respect des règles, on sait qu'on en a besoin. Mais il y a aussi des éducateurs, des personnes issues de l'Education populaire, de l'Education nationale, finalement c'est un esprit du Service national universel qui tire des expériences de différents monde, les armées, l'Education populaire, l'Education nationale, qui ont une expérience auprès de la jeunesse.
KESSI WEISHAUPT
Pour éduquer les jeunes. La critique est aussi au niveau des débouchés suggérés aux jeunes après ce SNU, ils seront incités on va dire à s'engager en Service civique, des contrats plutôt précaires. Vous l'entendez cette critique ?
GABRIEL ATTAL
Pas du tout. D'abord les jeunes seront incités à s'engager, pour moi les jeunes sont prêts à s'engager déjà. On l'a vu encore ces derniers mois, ils se sont beaucoup mobilisés par exemple sur la question du climat, les jeunes ils s'intéressent à ce qui se passe dans le monde, donc le Service national c'est moins pour pousser les jeunes à s'engager que pour leur montrer comment ils peuvent le faire. Parce que beaucoup de jeunes disent : moi je suis prêt à m'engager, à donner de mon temps pour une association, pour les pompiers, pour l'armée, pour le Service civique, pour la police, mais je ne sais pas toujours comment le faire. Je n'ai pas forcément les codes, je n'ai pas forcément les interlocuteurs, et donc avec le service national ils vont faire tous une mission d'intérêt général, de 15 jours, dans une association, chez les pompiers, dans l'armée ou en service aux personnes, et l'idée c'est de…
KESSI WEISHAUPT
En tout cas, c'est la solution de l'Etat pour réinsérer les jeunes.
GABRIEL ATTAL
Enfin, l'idée c'est de leur montrer comment s'engager, mais surtout de leur laisser tout le champ des possibles pour s'engager, parce qu'il y a mille et une façons de s'engager dans notre pays.
KESSI WEISHAUPT
Gabriel ATTAL, vous avez entendu l'inquiétude du syndicat SUD Education dans le reportage quant au SNU, il fait également partie de l'intersyndicale qui s'oppose ici, comme dans l'Hexagone, aux réformes de l'éducation, les enseignants craignent notamment des suppressions de postes prévues, un peu moins d'une centaine en Guyane d'ici la rentrée, ils menacent de ne pas corriger les examens, de ne pas se surveiller les examens également. Quelle réponse aujourd'hui à l'Education nationale ?
GABRIEL ATTAL
Moi, ce que je veux rappeler, c'est à quel point la politique en matière d'éducation nationale est ambitieuse, et surtout à quel point elle vise à lutter contre les inégalités, parce qu'il y a encore trop d'inégalités face à l'éducation dans notre pays. C'est les inégalités sociales qui devraient être résolues par l'école et qui au contraire parfois se creusent via l'école, et ça c'est inacceptable. Donc notre politique c'est quoi ? C'est de dire que, quand vous regardez la moyenne des pays développés comme les nôtres dans le monde, on dépense beaucoup moins pour le primaire, que les autres, et beaucoup plus pour le secondaire. Et donc on veut rééquilibrer en faisant en sorte de mettre le paquet sur le primaire, pour que les jeunes arrivent ensuite au collège, en ayant les mêmes chances que les autres, et en ayant les savoirs fondamentaux, lire, écrire, compter, respecter autrui. Et ça c'est vraiment ce qui guide notre politique.
KESSI WEISHAUPT
Prenons un exemple, une initiative de plus pour s'occuper de nombreux jeunes migrants qui ne trouvent pas de place à l'école, ils sont plusieurs centaines chaque année en Guyane. Une jeune association propose des cours deux fois par semaine au local communal résidentiel de Soula à Macouria, un reportage de Laurence TIAN-SIO-PO et Martial GRITTE.
- Reportage -
KESSI WEISHAUPT
Gabriel ATTAL, vous l'avez vu, six mois de cours assurés par une association. A défaut cursus et de places prévues par l'Etat pour ces jeunes migrants, ajoutons à cela le doublement des classes de CE1 prévu pour la rentrée prochaine, l'obligation de scolariser les enfants dès l'âge de 3 ans désormais, comment vos mesures, celles de votre gouvernement, peuvent-elles être appliquées en Guyane, dans un contexte d'explosion démographique et avec moins de moyens ?
GABRIEL ATTAL
Alors il y a plusieurs sujets dans ce que vous dites, et d'abord je vous remercie d'insister sur ces deux mesures qui ont été prises : l'abaissement de l'instruction à 3 ans et le dédoublement des classes dans les territoires les plus difficiles. Et on sait qu'en Guyane ça couvre la quasi-totalité du territoire. C'est des mesures qui sont profondément sociales, qui visent comme je le disais tout à l'heure à mettre plus de moyens pour ceux qui en ont le plus besoin, et donc c'est des mesures qui vont bénéficier directement aux enfants guyanais, parce que c'est eux qui sont aujourd'hui dans ces situations de plus grande précarité. Pour revenir sur le reportage, moi j'ai beaucoup de respect pour ceux qui accompagnent des jeunes, des enfants, comme ça a été montré, issus de l'immigration, puisque c'est eux finalement qui sont souvent les premières victimes de l'immigration illégale et de ces mouvements qu'ils n'ont pas forcément choisis et qui les plongent dans une précarité. Et donc moi, ce sur quoi je veux insister, c'est que le problème initial, entre guillemets, la source de cet enjeu, c'est la question de l'immigration, parce que l'on parle de Guyane à deux vitesses, on parle de difficultés pour des jeunes, mais la difficulté elle est née avant tout de ces mouvements migratoires et de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent. C'est pour ça que l'enjeu c'est…
KESSI WEISHAUPT
C'est une question régalienne, c'est l'Etat qui doit…
GABRIEL ATTAL
Mais bien sûr, mais c'est pour ça qu'on agit, pour faire en sorte qu'il y ait moins de flux migratoires et moins d'immigration non légale, illégale, évidemment en préservant le droit d'asile, mais de limiter cette immigration-là, aussi pour les migrants eux-mêmes, parce que sinon c'est des mois et des années d'errance, sans solution stable, sans perspectives d'insertion, et c'est pour ça que…
KESSI WEISHAUPT
En attendant, ces enfants ils sont là, que faire avec eux ?
GABRIEL ATTAL
Et c'est pour ça, je veux quand même insister sur ce qui est fait aujourd'hui en Guyane, sous l'autorité du préfet. On a pris une loi, à la demande du président de la République une loi a été votée l'an dernier, et très concrètement vous avez les demandes d'asile en Guyane qui ont été divisées par deux au premier semestre.
KESSI WEISHAUPT
Tout à fait.
GABRIEL ATTAL
Vous avez les reconduites lointaines qui ont augmenté de 400 % en un an, donc on voit que cette politique qu'on a menée pour lutter contre l'immigration illégale, elle fonctionne, et qu'on se donne les moyens de répondre à cet enjeu-là, aussi en aidant au développement des pays en question pour que finalement les personnes qui aujourd'hui changent de pays, ne se déplacent, elles trouvent des perspectives d'insertion dans leur pays, et c'est ce sur quoi on travaille aussi.
KESSI WEISHAUPT
Pour le moment, vous ne répondez pas à cette question : comment assurer la rentrée prochaine avec moins d'enseignants et plus de contraintes ?
GABRIEL ATTAL
Mais, on se donne tous les moyens pour assurer à la rentrée prochaine. Sur le primaire, tous les moyens sont mis pour assurer le dédoublement des classes, l'instruction à 3 ans, évidemment. Quand on met en place une politique au niveau national avec des objectifs, on se donne les moyens de l'assurer sur le terrain, et l'ensemble de cet enjeu sera évidemment tenu en en Guyane.
KESSI WEISHAUPT
Merci beaucoup Gabriel ATTAL d'avoir répondu à nos questions ce soir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2019