Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Et avec Alexandra BENSAID, nous recevons ce matin dans « Le Grand entretien du 7-9 », le ministre chargé des Collectivités territoriales, qui fut, ces deux derniers mois, avec Emmanuelle WARGON, chargé par le gouvernement d'organiser le grand débat national. Questions : 01.45.24.7000, les réseaux sociaux et l'application France Inter, vous aurez, amis auditeurs, la parole dans une dizaine de minutes. Sébastien LECORNU, bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Le Premier ministre a donc fait hier la synthèse des contributions produites par le million et demi de Français ayant participé au grand débat national, une entreprise de ce type n'avait jamais été organisée sous cette forme. Le débat fut laborieux au début, puisque vous avez dû l'organiser vous-même au gouvernement, et vous-même, Sébastien LECORNU. Avant d'en venir à la lecture qu'en fait Edouard PHILIPPE, et aux semaines qui s'annoncent, dites-nous en quelques mots quel bilan Monsieur l'organisateur du grand a-t-il fait de l'ensemble de cette opération ?
SEBASTIEN LECORNU
C'est compliqué en quelques minutes, mais pêle-mêle…
NICOLAS DEMORAND
Quelques mots.
NICOLAS DEMORAND
Quelques mots, ça nous rappelle à quel point les Français aiment débattre, que c'est un peuple très politique, que, fondamentalement, le débat a eu lieu partout sur le territoire, on aurait pu imaginer que ça ne soit le fait que de quelques métropoles ou de Paris, absolument pas, le débat, il s'est exprimé autant à la ville qu'à la campagne. Deuxième chose peut-être, le rôle des maires dans cette affaire, c'était le pari que le président de la République a fait dès le mois de décembre de les remettre au coeur de cet exercice démocratique, un maire sur deux a plus que joué le jeu, a permis l'organisation du débat, vous vous rappelez, cette organisation était très décentralisée, très autoportée, comme on pourrait dire, c'est-à-dire dans des initiatives locales très, très fortes, et puis, ça a permis aussi de ramener quand même une forme de calme dans le pays, je crois que, j'assume cela, on a montré des images de concitoyens qui discutaient, qui montraient qu'ils ne sont pas forcément d'accord entre eux, qu'ils ne sont pas forcément d'accord avec ce que fait le gouvernement, mais ces images de paix démocratique ont écrasé les images de violences du samedi. Et je pense qu'en cela, nous avons fait un bon exercice qui, une fois de plus, nous singularise, nous, Français dans le monde.
NICOLAS DEMORAND
Est-t-il amené, cet exercice, sous une forme ou une autre, à être pérennisé ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, si c'est le débat permanent pour ne rien faire ou ne pas décider, comme diraient certains de nos opposants, la réponse est non, mais il est clair que, d'ailleurs, vous l'avez vu, ce grand débat national ne nous a pas empêchés d'avancer sur la santé, sur le projet de loi Ecole de Jean-Michel BLANQUER, la vie gouvernementale, la vie au Parlement a continué. Après, si votre question, c'est de dire : est-ce que la démocratie représentative est suffisamment en crise pour qu'on soit obligé d'imaginer des temps démocratiques intermédiaires, la réponse est oui, on le voit bien…
NICOLAS DEMORAND
Il y aura de la nouveauté dans le paysage ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais vous savez, un maire, moi, j'étais maire, j'étais président de département, quand vous êtes élu pendant six ans à la mairie de Vernon par exemple, ce n'est pas parce que vous avez un mandat pour six ans qu'il ne faut pas faire les conseils de quartiers et les réunions de quartiers pour savoir ce que veulent les concitoyens de tels ou tels quartiers…
NICOLAS DEMORAND
Donc là, on va codifier maintenant aussi la démocratie participative en France ?
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien, je pense que c'est un des éléments de réponse à cette crise de la démocratie représentative à laquelle je suis très attaché, c'est bien pour ça qu'aujourd'hui démarre, bien évidemment, le débat à l'Assemblée nationale, à vrai dire, il a déjà démarré la semaine dernière, et demain, au Sénat, parce que, effectivement, cette semaine, c'est le temps de la restitution du grand débat, c'est aussi le temps du tuilage, avec les assemblées parlementaires, et donc la démocratie, vous savez, c'est un muscle, donc il faut le faire travailler sans cesse parce que sinon, par définition, on peut en perdre.
ALEXANDRA BENSAID
Alors, restitution, oui, mais de la parole de qui, parce que, finalement, cette crise, elle est partie des gilets jaunes, et on sait que dans ce grand débat national, on a des éléments de sociologie, ce ne sont pas les gilets jaunes qui se sont exprimés, on a beaucoup de propriétaires, on a beaucoup de diplômés du supérieur, on a beaucoup de retraités, est-ce que pour vous, au moment de dessiner des réponses, de les écrire, est-ce que pour vous, avoir écouté ces gens-là et pas les gilets jaunes, ça n'est pas un problème ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, je ne suis pas d'accord avec cette interprétation-là, et je vais m'en expliquer.
ALEXANDRA BENSAID
Ce n'est pas une interprétation, c‘est le CEVIPOF qui a fait une étude sociologique…
SEBASTIEN LECORNU
Oui, mais l'étude sociologique, elle ne porte que sur certains supports, si vous regardez bien, les personnes qui se sont exprimées dans les cahiers, dans les mairies dès le mois de décembre ou le mois de janvier, ne sont pas forcément effectivement – il est vrai – les mêmes personnes qui se sont exprimées sur la plate-forme en ligne, d'ailleurs, vous regardez, je pense qu'on va rentrer dans le fond tout à l'heure, vous avez des objets un peu symboliques, comme le RIC, comme l'ISF, on le trouve massivement dans les cahiers au mois de janvier, on ne le trouve pratiquement pas dans la plate-forme. Donc effectivement, il y a des biais sociologiques qui sont intéressants à regarder par support. Le milieu rural s'est plutôt exprimé par les cahiers et dans les réunions d'initiatives locales, 70 % des réunions locales, c'est dans du périurbain et dans le rural, et inversement, 74 % des contributions sur la plateforme sont plutôt des contributions urbaines, la transition…
NICOLAS DEMORAND
Mais ça n'est pas représentatif au sens scientifique du terme ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais de toutes les façons, même un sondage, selon moi, n'est pas complètement représentatif, et ça tombe bien, Nicolas DEMORAND…
NICOLAS DEMORAND
Oui, mais les biais sont corrigés.
SEBASTIEN LECORNU
Puisque le grand débat national n'est pas un sondage, je pense que c'est utile de le rappeler, c'est l'expression populaire d'un peuple qui dit des choses à un moment donné au peuple et au gouvernement. Après, effectivement, il n'y a pas de correctif sociologique, et c'est tant mieux, parce que là, on nous aurait accusé pour le coup de bidouiller les résultats, donc moi, j'assume ces données brutes telles qu'elles sont mises sur la table, pardon, quand vous êtes élu maire dans une commune ou président de la République, vous avez aussi une sociologie électorale qui fait que, eh bien, à Vernon, le quartier du centre-ville vote plus que les quartiers des Valmeux et des Boutardes, qui sont des quartiers politiques de la ville, de toute façon, ce biais sociologique-là, malheureusement, et je suis le premier à militer pour qu'on arrive à corriger les choses, malheureusement, il existe dans tout exercice démocratique, tout le monde n'écoute pas France Inter, là aussi, il y a un biais sociologique.
ALEXANDRA BENSAID
Tout le monde n'écoute pas France Inter. Ok. Alors magie du grand débat quand même, les Français disent quoi, au final, les Français disent, sur fiscalité, que vous aviez raison, qu'il faut baisser les impôts, qu'il faut baisser la dépense publique, et en plus, magie du grand débat, ils vous demandent d'aller plus vite. Là, l'opposition dit…
NICOLAS DEMORAND
Tout ça pour ça !
ALEXANDRA BENSAID
Tout ça pour ça. Ça a pris du temps, est-ce que la ficelle n'est pas un peu grosse ?
SEBASTIEN LECORNU
Bon, déjà, le « tout ça pour ça », merci de le dire, Nicolas DEMORAND, parce que c'est ce que j'entends dans la bouche de certains opposants, j'ai été un peu heurté par les propos de Christian JACOB, pour tout vous dire dans Le Parisien, il y a une forme de mépris quand même en disant tout ça pour ça, enfin, moi, je ne balaie pas d'un revers de main ce que 1.500.000 de Français ont dit…
NICOLAS DEMORAND
La coïncidence est étonnante, reconnaissez-le quand même…
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais attendez, après…
NICOLAS DEMORAND
Un immense débat inédit qui, comme par hasard, confirme ce que le gouvernement a toujours voulu faire…
SEBASTIEN LECORNU
Est-ce que, fondamentalement, dans le grand débat, il n'y a que des choses qui arrangent le gouvernement ? Je ne le crois pas. Bon, je vous ferai remarquer…
ALEXANDRA BENSAID
Qu'est-ce qui ne l'arrange pas ?
NICOLAS DEMORAND
Oui, mais enfin, les leçons…
ALEXANDRA BENSAID
Qu'est-ce qui ne l'arrange pas ? Qu'est-ce qui n'arrange pas le gouvernement ?
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien, typiquement, la taxe carbone, que nous avons dû abandonner au mois de décembre, était dans nos projets initiaux, le grand débat, non seulement, elle est abandonnée depuis le mois de décembre, le grand débat vient pour le coup définitivement l'enterrer, le fait qu'il ne faut plus augmenter les impôts, fondamentalement, est un des éléments majeurs du grand débat national, d'ailleurs, si on est précis, vous ne le dites pas, mais le premier item qui ressort avant même d'ailleurs quelque part la fiscalité ou tout autant, allez, que la fiscalité, c'est le sentiment de défiance vis-à-vis des élites, quelles qu'elles soient, des élites politiques en particulier, vous avez une masse d'occurrences et de contributions extrêmement importantes sur les avantages non seulement des élus d'ailleurs, mais surtout des anciens élus, il y a beaucoup de choses sur le sujet, de toute façon, la matière est foisonnante…
ALEXANDRA BENSAID
Mais sur la stratégie fiscale ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais sur la stratégie fiscale, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, ça fait plus de dix ans que les impôts augmentent, y compris sur les classes moyennes, depuis plus de deux ans, le gouvernement, Edouard PHILIPPE, à la demande d'Emmanuel MACRON ont fait tout pour justement diminuer les impôts, voire les supprimer, taxe d'habitation, baisse des cotisations salariales, ce qui a été fait sur la flat tax, bref, je ne les re-liste pas tous, mais enfin, la taxe d'habitation, à mon avis, étant d'ailleurs le plus symbolique et la plus intéressante, parce qu'elle est extraordinairement populaire, eh bien, que des Français disent au bout de dix ou quinze ans d'augmentations d'impôts, notamment sur les classes moyennes : vous êtes bien gentils, il faut continuer à les diminuer, il faut aller plus vite, il y a beaucoup de bon sens dans tout ça, et je crois qu'effectivement, le grand débat vient le dire. Est-ce que pour autant –juste pour terminer là-dessus – les Français nous disent : pour baisser les impôts, creusez la dette, augmentez la dépense publique, on s'en fout, on verra ça plus tard, la réponse est non, dans le même grand débat, les gens disent : il faut faire des économies, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les Français.
NICOLAS DEMORAND
Moins d'impôts ou plus de justice fiscale, parce que…
SEBASTIEN LECORNU
Les deux…
NICOLAS DEMORAND
Oui, enfin, ce n'est pas exactement la même chose, c'est plutôt moins d'impôts qu'a dit Edouard PHILIPPE hier, si on prend les sondages représentatifs, en tout cas, scientifiquement fabriqués : 7 Français sur 10 veulent le retour de l'ISF, si on prend les contributions du grand débat national, c'est 1 sur 10, 7 sur 10, 1 sur 10, vous allez suivre, j'imagine, le grand débat national plutôt que de la vox populi, telle qu'elle s'exprime dans les sondages ?
SEBASTIEN LECORNU
Enfin, attendez, moi, je préfère toujours la démocratie directe, donc l'élection, et ensuite, effectivement, un grand débat national aux sondages, ça, je l'assume très, très bien. Non, après sur ces sujets de fiscalité, effectivement, il y a un besoin de justice qui est très fort, d'ailleurs, si on va au-delà de la fiscalité, le besoin de justice est très fort tout court, justice territoriale, la dynamique entre la ruralité et la ville, la justice écologique, il y a beaucoup de choses de nos concitoyens ultramarins en disant : eh, oh, ne nous oubliez pas, nous, on est en train de trinquer nous sommes des victimes du réchauffement climatique, ne nous oubliez pas dans cette affaire-là…
NICOLAS DEMORAND
Et alors, sur la justice fiscale…
SEBASTIEN LECORNU
Justice vis-à-vis des élites, j'en ai parlé tout à l'heure. Et la justice fiscale est un gros morceau du besoin de justice, mais je pense qu'il faut y aller dans l'ordre. Sur l'ISF, effectivement, le débat sur l'ISF est très présent dans le grand débat, au début du grand débat national, si vous regardez bien, c'est pratiquement une des premières occurrences dans les cahiers effectivement qui sont mis à disposition des Français au mois de janvier, ça disparaît ensuite dans la plateforme, tout simplement parce que d'autres sujets font leur apparition, et donc le sujet massif qui fait son apparition sur les questions de fiscalité, c'est la baisse des prélèvements obligatoires, et ça tombe bien, parce que rétablir l'ISF, pardon, mais ça revient à augmenter les impôts, après, si vous m'interrogez sur le fond, à titre personnel, il y a deux ans, l'ISF existait, je vous ferai remarquer qu'aujourd'hui, il existe sous une autre forme, parce qu'il n'a pas été supprimé, mais transformé en IFI, est-ce que les Français étaient plus heureux il y a deux ans, quand l'ISF existait ? Je n'en suis pas certain…
NICOLAS DEMORAND
Ils consentaient peut-être plus à l'impôt…
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais après, il faut aussi qu'on soit en capacité d'expliquer. Redonner les capacités pour investir…
NICOLAS DEMORAND
Ce n'est pas une question de bonheur, Sébastien LECORNU…
SEBASTIEN LECORNU
Dans un investissement productif est une bonne chose…
NICOLAS DEMORAND
Ce n'est pas une question de bonheur ni imaginer que l'impôt sur la fortune règle la totalité des problèmes du monde, c'est une question de consentement et de justice fiscale, c'est pour ça qu'on vous pose la question, pas par dogmatisme…
SEBASTIEN LECORNU
Oui, mais faire redémarrer l'économie est aussi un enjeu important, parce que peut-être qu'on n'a pas suffisamment parlé d'ailleurs d'emploi, de chômage et d'économie pendant ce grand débat national, et à nous aussi d'assumer un certain nombre de choix, mais effectivement, moi, le besoin de justice fiscale, je l'entends. Et je pense que le meilleur moyen d'y répondre, ce n'est pas de ré-augmenter les impôts sur certains Français, c'est bel et bien de les diminuer sur l'ensemble des Français, et en tout cas, en particulier sur les classes moyennes.
ALEXANDRA BENSAID
Sur l'ensemble des Français, donc les riches comme les plus aisés ou seulement les classes… les riches comme les plus pauvres ou…
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais, si vous me demandez mon avis, je me suis engagé en politique précisément pour qu'il y ait moins d'impôts, enfin, j'ai toujours fait ça, en tant que maire, je n'ai pas augmenté les impôts, et en tant que président de Conseil départemental, je n'ai pas augmenté les impôts, et croyez-moi, c'était difficile de ne pas le faire dans des conditions dans lesquelles j'ai récupéré ces deux collectivités territoriales. Donc effectivement, au micro de France Inter, ce matin, fondamentalement, tout ce qui ressemble à une baisse d'impôts est sur la table et nous intéresse.
ALEXANDRA BENSAID
Baisser la dépense publique, la baisser jusqu'où, couper dans quoi, parce que là, vous êtes dans la restitution, les Français vous disent quoi, ceux qui ont participé ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, j'assume un point de désaccord avec un rendu, mais après tout, c'est le président de la République et le Premier ministre qui trancheront, mais je crois que le président, à Saint-Brieuc, a commencé déjà à y répondre, c'est vrai que, spontanément, les Français nous disent : là où vous pourriez faire des économies, c'est dans la défense, ce sont dans les dépenses militaires, les dépenses de protection, les dépenses de souveraineté, moi, j'y suis très, très opposé, hier, nous étions encore tristement aux Invalides avec Florence PARLY pour rendre hommage au médecin principal LAYCURAS qui est le fils du sous-préfet de Bernay, chez moi, dans l'Eure, que je connais bien, on voit bien que ce monde reste un monde très dangereux. Et je pense qu'il y a des réponses parfois spontanées de nos concitoyens qu'il faut respecter, qu'il faut entendre, mais je ne pense pas que la France resterait la France si elle commence à se désarmer ou à baisser la garde sur les questions de sécurité.
NICOLAS DEMORAND
Donc où ?
SEBASTIEN LECORNU
Après, eh bien, fondamentalement, tout le débat sur les économies à faire est encore un débat qui est sur la table, pour tout vous dire, au sein du gouvernement, on y travaille avec Gérald DARMANIN dans chacun des secteurs, un certain nombre de choses foisonnent. J'attends aussi avec impatience les propositions des oppositions au Parlement, puisque la semaine dernière, on a entendu beaucoup de demandes de dépenses supplémentaires de la part du groupe PS, du groupe Les Républicains, de La France Insoumise et des communistes, c'est moins surprenant, mais du groupe Les Républicains, c'est assez étonnant, donc là, aussi il faudra bien sûr trancher cela dans les semaines qui viennent…
NICOLAS DEMORAND
Mais où alors ? Vous avez une idée d'un endroit où il y a trop de dépenses publiques, trop de services publics, et sur lequel des économies pourraient être faites ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, trop de services publics, je ne le crois pas, en revanche, je pense qu'une organisation de l'Etat permet fondamentalement de faire des économies, aujourd'hui, on a un Etat qui s'est beaucoup, beaucoup dégraissé, pardon de cette expression, dans les territoires, ce qu'on appelle l'administration déconcentrée, il n'y a plus beaucoup de monde dans les préfectures et les sous-préfectures, vous savez, ce n'est pas là où il faut faire des économies, néanmoins, on a encore un Etat central qui est très jacobin, qui n'a pas forcément su se réformer. E et donc fondamentalement, des mouvements puissants de déconcentration, la multiplication des agences et des établissements publics ces dernières années, à mon avis, sont des pistes intéressantes d'économies, en tout cas, moi, je les mets sur la table.
ALEXANDRA BENSAID
Que va-t-il se passer pour les réponses, est-ce que vous allez les co-construire, les co-décider ou est-ce que, comme d'habitude, ça va se décider à l'Elysée ?
SEBASTIEN LECORNU
La co-construction a déjà démarré, chaque Conseil des ministres depuis maintenant près d'un mois, dans sa partie D, est consacré à un débat entre le président de la République, le Premier ministre et les ministres sur effectivement les points de sortie du grand débat. Donc ce travail interne au gouvernement, il a démarré, je crois également qu'il a démarré avec les parlementaires, c'était l'objet des débats qui ont commencé la semaine dernière, c'est l'objet de réunions de travail qui se tiennent également plus spécifiquement avec les députés de la majorité, mais pas que, moi, j'attends aussi une fois de plus avec impatience les propositions des différentes oppositions. Donc, oui, c'est le moment du tuilage cette semaine, c'est bien pour ça que le président de la République ne s'exprimera pas cette semaine…
NICOLAS DEMORAND
Ça veut dire quoi tuilage ?
SEBASTIEN LECORNU
Tuilage, c'est le moment de la rencontre entre l'expression directe du peuple grand débat national avec la démocratie représentative et les institutions, hier, c'était le temps de la restitution, c'est bien pour ça d'ailleurs que dans la salle, il y avait des députés, il y avait des sénateurs. Il y avait aussi les directeurs…
NICOLAS DEMORAND
Et ça va durer combien de temps alors ? C'est quoi la taille du toit en tuile ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais soyez patient !
NICOLAS DEMORAND
Non, non, mais je suis très patient ! On voudrait juste un calendrier. Ça va durer huit jours, quinze jours, trois mois, six mois, deux ans, combien de temps ?
SEBASTIEN LECORNU
Si vous regardez bien, le calendrier, depuis le début, le calendrier est tenu, puisqu'on avait annoncé ce grand débat pour deux mois, donc il s'est terminée au 15 mars, on a toujours indiqué qu'on avait besoin de trois semaines pour dépouiller et restituer, on a tenu trois semaines. Et le président de la République a toujours indiqué qu'il s'exprimerait un mois après la fin du grand débat, il s'est terminé le 15 mars. Donc on sera autour du 15 avril, une fois de plus, les délais sont tenus.
NICOLAS DEMORAND
Est-ce que vous avez une nouvelle feuille de route, là, est-ce que c'est le programme de gouvernement de la fin du quinquennat d'Emmanuel MACRON ?
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien, clairement, il y a un avant, un après grand débat, ni reniement, ni entêtement a dit le président de la République, à Saint-Brieuc, ça me semble très clair, il ne s'agit pas de renier ce que nous avons commencé à faire, typiquement, regardez sur les impôts, on a commencé à les supprimer, il y a plutôt de l'encouragement à ce qu'on continue, très bien, après, ni entêtement, il faut savoir entendre parfois que les choses ne vont pas aussi vite qu'on le voit, ça sera tout l'enjeu de transition écologique pour laquelle il y a beaucoup, beaucoup, de demandes de nos concitoyens, mais pas de consensus sur la manière d'y arriver, après typiquement, moi, je le vois, des mouvements potentiels de décentralisation, le fait de redonner peut-être une réorganisation des pouvoirs publics et de la puissance publique dans les territoires est quelque chose qui n'était peut-être pas prioritaire il y a deux ans, on le voit bien, l'issue du grand débat national, c‘est quelque chose qui fait désormais partie…
NICOLAS DEMORAND
Qu'est-ce que vous avez raté ?
SEBASTIEN LECORNU
Dans le cadre du grand débat national ?
NICOLAS DEMORAND
Non, avant, qui explique la crise des gilets jaunes et l'obligation d'organiser un grand débat, quel est le mea culpa que vous faites ou l'examen de conscience ou les éléments d'autocritique, vous voyez l'idée ?
SEBASTIEN LECORNU
Fondamentalement, de ne pas avoir assez expliqué, ça, ça a déjà été dit, mais je le redis, je pense que les Français, ils ont besoin de comprendre ce qu'on fait, et parfois, naïvement, on peut penser que parce qu'on a raison, on peut faire le bien des autres sans trop les écouter ou en allant trop vite, je pense que sur la taxe carbone, pour avoir participé à cette affaire avec Nicolas HULOT, lorsqu'il était le ministre qui a institué cette taxe carbone, il y avait véritablement cette urgence climatique, la volonté de vouloir répondre vite, la volonté de vite montrer aussi au monde entier qu'on ne faisait pas que des grands sommets internationaux, et que, nous, on était capables de prendre des décisions fortes et courageuses, je pense qu'on s'est enorgueilli de cela, et cet orgueil était sûrement mal placé puisqu'on voit bien que personne ne nous a compris dans cette affaire-là, donc mea culpa.
ALEXANDRA BENSAID
Sébastien LECORNU, on vous entend, on entend Gérald DARMANIN, il y a cette petite musique, j'y reviens, baisse des impôts, baisse des dépenses publiques, aller encore plus vite. Les députés de la Macronie, plutôt de gauche, disent qu'il y a une offensive des ministres de droite, les ministres issus des Républicains, c'est ça que vous êtes en train de faire, vous êtes en train d'essayer de prendre la main sur mettre en route les réformes qui pourraient être celles que Nicolas SARKOZY n'a pas menées à vous ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, merci de me donner… enfin… de poser cette question, ça me permet d'y répondre très clairement. Pour rien au monde, pour rien au monde, il nous faut réinventer ce clivage gauche-droite, d'ailleurs, le grand débat national n'appelle pas ça dans le pays, n'appelle pas ça entre les différentes formations politiques, je pense que le rejet justement des hommes et des femmes politiques est très fort Donc personne n'est attaché à ce clivage gauche-droite, et fondamentalement, le réinventer et le ré-instituer au sein de la majorité présidentielle, je pèse mes mots, serait stupide, stupide.
ALEXANDRA BENSAID
C'est le député Aurélien TACHE, issu des socialistes, qui dit clairement…
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien, je réponds à Aurélien…
ALEXANDRA BENSAID
Qu'il veut vous faire contrepoids…
SEBASTIEN LECORNU
Je réponds à Aurélien, qui est un copain, qu'il n'y a pas de contrepoids à avoir, puisque, fondamentalement, nous ne sommes pas là pour inventer des clivages gauche-droite, ça serait une erreur, une faute, et je le redis, ce serait fondamentalement stupide. Après que Gérald DARMANIN, ministre des Comptes publics, s'occupe des comptes publics, et dise qu'effectivement, pour boucler un budget à un moment donné, si on veut faire des baisses d'impôts, il y a peut-être un certain nombre de mesures d'économies qu'il faut peut-être traiter ou regarder qui sont sur la table, c'est son job de ministre des Comptes publics…
NICOLAS DEMORAND
… Bruno LE MAIRE disent la même chose qu'Edouard PHILIPPE, et idem, et que vous aussi, il y a un petit air de famille, non ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais non, attendez, que les deux ministres de Bercy, qui sont des ministres engagés, qui font attention effectivement aux cordons de la bourse et qui regardent attentivement…
NICOLAS DEMORAND
Et qui viennent de la droite historiquement…
SEBASTIEN LECORNU
Oui, d'accord, mais enfin, bon, il se trouve qu'ils sont à Bercy, donc ils font un tout petit peu attention à l'argent des Français, ça devrait quand même rassurer tout le monde, qu'ils disent des choses sur le terrain des économies, oui, je pense que c'est plutôt rassurant, ce n'est pas un problème de gauche-droite que d'expliquer qu'il faut moins d'impôts et faire des économies ; le président de la République aussi l'a dit pendant sa campagne et l'a dit de nombreuses fois depuis deux ans, faire attention à la dépense publique, fondamentalement, ce n'est plus un problème gauche-droite, me semble-t-il.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2019