Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à France-Info le 8 mars 2019, sur la préparation des élections européennes et le maillage des maternités sur le territoire.

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Média : France Info

Texte intégral

JEROME CADET
Bonjour à tous, merci d'être avec nous sur France Info. Notre invitée jusqu'à 09h00, Agnès BUZYN. Bonjour.

AGNES BUZYN
Bonjour.

JEROME CADET
Ministre des Solidarités et de la Santé. Bonjour Jean-Jérôme BERTOLUS.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Bonjour Jérôme. Bonjour Agnès BUZYN.

AGNES BUZYN
Bonjour monsieur BERTOLUS.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, vous le savez votre nom a beaucoup circulé ces dernières semaines et encore plus ces derniers jours, pour prendre la tête du combat européen de la majorité, mais finalement c'est un combat qui ne vous intéresse pas ?

AGNES BUZYN
Je trouve que tous ces articles et toutes les personnes qui s'expriment dans les journaux, s'avancent beaucoup et ne connaissent pas forcément ce que je pense et ce que je dis. Donc je voudrais rappeler qu'aujourd'hui on parle de ma conversation avec le Premier ministre ou avec le président de la République. Je rappellerai que je suis médecin, que je connais bien le secret médical et que je n'ai pas l'habitude de raconter mes conversations avec le président de la République.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc par exemple, vous démentez l'information selon laquelle vous auriez indiqué hier au président de la République, que finalement vous souhaitiez restez ministre et pas prendre la tête de liste des européennes.

AGNES BUZYN
Aujourd'hui, ce que je dis au président de la République, au Premier ministre, nous regarde, je pense que le président annoncera la décision dans les jours qui viennent, et c'est évidemment la décision de la République En Marche et du président de la République, et je pense que je n'en dirai pas plus aujourd'hui monsieur BERTOLUS.

JEROME CADET
Est-ce que vous souhaitez, vous, être candidate, simplement ?

AGNES BUZYN
Je n'en dirai pas plus aujourd'hui.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous n'en direz pas plus, mais quand même, il y a beaucoup de dirigeants politiques qui aimeraient bien vous voir participer à ce combat, qui pensent que vous feriez une très bonne tête de liste, écoutez-les, regarder-les.

FRANÇOIS BAYROU – MERCREDI SUR CNEWS
C'est une femme qui par les responsabilités qu'elle a exercées, et aussi par la vie de médecin qui a été la sienne, a quelque chose qui peut en effet parler à l'Europe, au nom de la France.

JACQUELINE GOURAULT – DIMANCHE SUR FRANCE INFO
Elle a cette qualité d'écoute, cette qualité d'empathie, qui est très importante, et en même temps c'est une femme qui a du tempérament.

NICOLE BELLOUBET – LE 27 FEVRIER SUR BFM TV
Elle a, à la fois le charisme, la volonté, je trouve que ce serait une excellente candidate.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Qu'est-ce que vous dites à François BAYROU, qu'est ce que vous dites effectivement à Jacqueline GOURAULT ministre de la Cohésion des territoires, qu'est ce que vous dites à Nicole BELLOUBET la garde des Sceaux ?

AGNES BUZYN
Je pense qu'à partir du moment où on les interroge sur un nom, qui est un nom potentiel, il est normal que les « collègues » et que des hommes et femmes politiques s'expriment. Vous en trouverez aussi qui diront peut-être du mal, et donc vous ne les avez pas passé, mais il y a aussi des gens qui pensent que je ne suis pas la bonne tête de liste, et sincèrement monsieur BERTOLUS, aujourd'hui je pense que la question de la tête de liste sera tranchée par le président de la République, et mes décisions ne regardent que moi.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Très vite Agnès BUZYN, effectivement, quand même, factuellement, par exemple vous avez déclaré aux députés de la Commission des affaires sociales en début de semaine, que vous vous étiez engagée, et engagée notamment à porter votre projet de loi santé, ça veut dire que vous allez le porter jusqu'au bout du processus législatif, jusqu'à la rentrée prochaine ?

AGNES BUZYN
Monsieur BERTOLUS, je présente une loi au Parlement dans 10 jours, il est normal que je dise aux députés que je vais la porter.

JEROME CADET
Jusqu'au bout ?

AGNES BUZYN
Je suis en train de travailler avec les députés, j'ai dit que je porterai cette loi, je m'arrêterai là aujourd'hui pour les commentaires.

JEROME CADET
Est-ce que vous la porterez jusqu'au bout, c'est ça la question Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
Je crois que je vous ai répondu…

JEROME CADET
D'accord, vous la porterez tout court.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Bon, on va venir à la loi santé, mais quand même, quand même, pourquoi avoir refusé de débattre avec Marine LE PEN la semaine prochaine, Marine LE PEN avec qui vous vous êtes accrochée récemment, pourquoi avoir refusé de débattre dans « L'émission politique » de France 2 ?

AGNES BUZYN
Je pense que les sujets qui sont les miens, n'intéressent pas Marine LE PEN dans le cadre de la campagne européenne, et donc je trouvais que ses sujets habituels de prise de positions, qui sont l'Europe et l'immigration, ne sont pas les sujets sur lesquels la ministre de la Santé et des Solidarités est la plus à même de débattre, je n'étais pas sûre d'arriver à l'amener sur un terrain qui était celui des solidarités, et surtout ce débat tombe en plein pendant la loi Santé, je suis extrêmement mobilisée par la loi et donc je n'avais pas forcément le temps à cette période-là de travailler un débat et, enfin voilà, de préparer ce débat.

JEAN-JEROME BERTOLUS
A propos de la santé, il y a une question qui a émergé notamment lors du Grand débat, pourtant elle n'était pas posée par le président de la République dans sa Lettre aux Français, c'est la question des déserts médicaux. Aujourd'hui 8 mars, Journée internationale des droits de la femme, qu'est-ce que vous pouvez dire et comment vous pouvez rassurer les 300 000 jeunes femmes françaises qui habitent aujourd'hui à plus de 45 minutes d'une maternité ?

AGNES BUZYN
Alors, ce sujet évidemment remonte à la surface, puisque certaines maternités ne sont plus en capacité aujourd'hui de fonctionner faute de professionnels…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Il y en a moins, il y avait 800 maternités en France il y a 20 ans, il n'y en a plus que 500.

AGNES BUZYN
Oui, et je rappelle que dans d'autres pays, pour le même nombre d'habitants, rapporté au nombre d'habitants, il y en a beaucoup moins. Nous avons un maillage territorial des maternités qui est important, même si certaines sont amenées à fermer, parce que nous ne trouvons pas, soit pas de pédiatres, pas d'anesthésistes ou pas d'obstétriciens, mais je veux assurer à toutes les femmes un transport sécurisé. Et c'est l'engagement que je prends aujourd'hui devant elles.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Un transport sécurisé, ça veut dire quoi exactement ?

AGNES BUZYN
C'est-à-dire, je suis en train de travailler évidemment pour assurer à toutes les femmes qu'elles n'aient pas d'inquiétude quand elles habitent à plus de 45 minutes d'une maternité.

JEROME CADET
Qu'est-ce qu'il faut changer par rapport à ce qui existe aujourd'hui Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
C'est-à-dire systématiser…

JEROME CADET
Ça veut dire qu'aujourd'hui les transports ne sont pas assez sécurisés ?

AGNES BUZYN
Non, ils le sont, mais probablement les procédures qui accompagnent les femmes qui habitent loin les maternités, ne sont pas forcément connues de chacune d'entre elles, toutes les maternités n'ont pas mis en place, mais certaines femmes habitent aujourd'hui loin d'une maternité, mais depuis toujours, et non pas parce qu'une maternité a fermé, mais parce qu'elles sont loin, je pense à la Corse, quand vous habitez Calvi vous allez accoucher à Bastia, c'est à 90 km, il n'y a jamais eu de maternité à Calvi et toutes les femmes de Calvi savent qu'il faut aller habiter loin.

JEROME CADET
Mais quand ces femmes vont pour leur premier rendez-vous à l'hôpital ou à la maternité, on leur demande où elles habitent, on a déjà ces informations, on sait déjà qu'il y a ce problème de la distance qui se pose, et aujourd'hui tout n'est pas…

AGNES BUZYN
Absolument, mais par exemple certaines femmes ne souhaitent pas aller dans des maternités les plus proches de chez elles, parce qu'elles ne sont pas suffisamment sécurisées, elles préfèrent accoucher dans une maternité de plus gros volume, donc certaines femmes font des choix déjà d'aller beaucoup plus loin que la maternité de proximité. Je pense que tout ça doit être remis à plat et que nous devons avoir des procédures qui sécurisent toutes les femmes françaises quand elles doivent aller accoucher, c'est le travail que je suis en train de mener aujourd'hui.

JEROME CADET
Agnès BUZYN, ministre des Solidarités de la Santé, est notre invitée ce matin sur France-Info. D'autres questions pour vous, juste après l'info. (…)

JEAN-JEROME BERTOLUS
Sujet très sensible, la PMA pour toutes les femmes, sujet sensible aussi politiquement, même véritable pataquès politique, on n'y comprend plus rien. En début de semaine, le ministre en charge des Relations avec le Parlement indiquait que, eh bien un nouveau report, que ce serait débattu en fin 2019, voire 2020, aujourd'hui Marlène SCHIAPPA, dans Le Parisien dit : non, ça sera au Parlement, d'ici l'été. Vous êtes en charge de la loi bioéthique, qu'est-ce qu'il faut comprendre ?

AGNES BUZYN
Alors, d'abord il ne s'agit pas d'une loi sur la PMA, il s'agit de la révision des lois de bioéthique, il a énormément de sujets, je tiens à le rappeler, et pas seulement celui de la PMA qui est le seul dont nous parlons, alors que d'autres sujets sont d'importance, comme les tests génétiques par exemple. Il est très important pour moi de travailler sur cette loi en sérénité, je travaille aujourd'hui avec les parlementaires, avec des séminaires qui permettent de bien comprendre les tenants et les aboutissants de chaque mesure. Beaucoup de mesures ne sont pas encore arbitrées, je me suis engagée à ce que le texte de loi soit présenté en Conseil des ministres avant l'été.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Quand ? Quand sera-t-il présenté en Conseil des ministres ?

AGNES BUZYN
Avant l'été.

JEROME CADET
Quand sera-t-il débattu ensuite à l'Assemblée nationale ?

AGNES BUZYN
Après, ça dépend du calendrier parlementaire et donc il va falloir que, avec Marc FESNEAU qui est le ministre en charge des Relations avec le Parlement, nous trouvions une date dans l'agenda parlementaire. Mais l'engagement que j'ai pris, c'est que le texte de loi sera prêt et présenté en Conseil des ministres avant cet été, avant les vacances d'été.

JEROME CADET
Donc quand Marlène SCHIAPPA dit : des débats à l'Assemblée avant l'été, elle s'avance un peu.

AGNES BUZYN
Elle n'a pas dit ça, elle a dit, je crois, « sera programmée », ça ne veut pas dire que les débats auront lieu, je crois qu'elle dit qu'il y aura une date de prise.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc c'est quand même le ministre en charge des Relations avec le Parlement qui a peut-être raison. Ce projet de loi, je le disais, est très sensible, vous avancez, est-ce que la question du remboursement par la Sécurité sociale de tous les actes liés à la PMA, est tranchée ? Est-ce que ça sera bien dans le projet de loi ?

AGNES BUZYN
Aujourd'hui, aucune des mesures n'est tranchée. Elles sont en train d'être travaillées dans le cadre…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous y êtes favorable ou pas ?

AGNES BUZYN
Je pense qu'il faut que les droits puissent s'exercer pour les femmes, or aujourd'hui les femmes qui ont les moyens peuvent déjà aller faire une PMA en Belgique ou en Espagne, en réalité, donc si on veut que les droits soient réels, il faut probablement permettre un remboursement. Est-ce que c'est pour toutes les femmes ? Tout cela est en train d'être discuté, notamment dans le cadre de séminaires de travail que j'ai, avec les parlementaires, ils sont extrêmement importants, j'entends leurs retours, ce sont des séminaires ouverts à tous les groupes parlementaires, de droite comme de gauche, ce sont des débats qui se passent très sereinement, ce ne sont même pas des débats, ce sont des séminaires de travail, nous en avons eu un justement sur les questions de PMA et de filiation cette semaine, lundi soir, qui s'est déroulée dans un climat extrêmement calme malgré des oppositions…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Malgré des divisions au sein de la République En Marche.

AGNES BUZYN
Et malgré des personnes qui avaient des prises de position extrêmement opposées les unes aux autres, nous avons travaillé en toute sérénité, et je crois que toutes ces questions-là ne sont pas tranchées et nous les trancherons que lorsque nous aurons tous les retours des parlementaires avec leur sensibilité.

JEROME CADET
Mais vous dites, Agnès BUZYN, les femmes qui en ont les moyens peuvent déjà avoir recours à la PMA en Belgique ou en Espagne.

AGNES BUZYN
C'est la réalité.

JEROME CADET
C'est très lourd, tout de même, par rapport à y avoir recours en France.

AGNES BUZYN
Mais bien sûr, mais ce que je veux dire c'est que si on veut que des femmes aujourd'hui puisse réellement bénéficier de cette aide à la procréation médicalement assistée, et qu'on veut que leurs droits s'exercent réellement, il faudra accompagner certaines femmes qui n'ont pas les moyens de le faire ailleurs, c'est assez cher d'aller le faire en Belgique en Espagne. Donc voilà, c'est en discussions, tout cela n'est pas tranché, la plupart des mesures des lois de bioéthique ne sont pas encore arbitrées, et donc je ne veux pas m'avancer sur ce point.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Autre question sensible qui pourrait revenir dans le débat lors de la loi santé, lors de l'examen de la loi santé et à l'Assemblée et au Sénat, c'est la question de la clause de conscience des médecins, concernant l'IVG, l'Interruption Volontaire de Grossesse. Est-ce que vous êtes pour la suppression de cette clause de conscience ou est-ce que vous êtes à l'inverse pour son maintien ?

AGNES BUZYN
Alors là j'ai une opinion très tranchée, je suis absolument contre la suppression de la clause de conscience, pour deux raisons. Je suis très très attachée évidemment à ce que toutes les femmes puissent accéder facilement à l'IVG et que l'offre de soins soit accessible partout en France et…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Quelquefois cette clause de conscience est mise en avant justement en avant…

AGNES BUZYN
Par certains médecins, par certains médecins, et dans ce cas-là, quand il y a des difficultés d'accès, les agences régionales de santé mettent tout de suite en place des mécanismes de compensation avec des médecins qui viennent, qui interviennent dans les hôpitaux où certains obstétriciens font valoir la clause de conscience. Mais pourquoi je suis contre la suppression de la clause de conscience ? D'abord parce que on ne peut jamais obliger un médecin, et ça c'est de la déontologie, et on ne peut jamais obliger un médecin à faire un acte qu'il ne veut pas faire, c'est son droit, le seul cas où un médecin est obligé d'agir, c'est en cas de risque vital, et donc on ne peut jamais obliger un chirurgien à opérer s'il ne le souhaite pas ou à faire n'importe quel geste médical. Mais en plus, obliger des médecins à pratiquer un IVG, une IVG, s'ils ne le souhaitent pas, c'est faire courir un risques aux femmes d'être très mal traitées et d'avoir un geste violent, mal accompagné. Or c'est quand même une période très difficile pour les femmes, ça n'est jamais anodin de faire une IVG, psychiquement et physiquement, et je pense qu'elles méritent d'être accompagnées gentiment, avec empathie, et donc un médecin à qui on obligerait de réaliser cet acte, évidemment ne serait pas en capacité d'aider les femmes. Donc je suis contre, pour le bien des femmes.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Autre question, mais moins sensible, mais c'est une promesse du président de la République : est-ce que les Français, est-ce qu'on va pouvoir beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui, bientôt, changer de mutuelle, changer et d'assurance santé, ça n'est pas dans la loi Santé.

AGNES BUZYN
Non, c'est un projet de loi, c'est une PPL qui va passer…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Une proposition de loi alors.

AGNES BUZYN
C'est une proposition de loi, pardonnez-moi, j'ai parlé avec un mot très technique, c'est une proposition de loi qui va être défendue par la République En Marche et qui vise à simplifier pour les Français, à faciliter le changement de mutuelle en cours d'année, et donc c'est quelque chose qui est très demandé par les consommateurs et ce qui permettra de mettre en tension et en concurrence les mutuelles entre elles, et je pense que c'est une bonne chose.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, d'ici l'été sans doute effectivement cette proposition de loi. Alors il y a quelque chose d'autre qui pourrait simplifier la vie des Français et notamment le week-end, quand il y a une petite pathologie, un petit bobo eh bien, et qu'on n'a pas toujours un médecin sous la main, on pourrait aller voir son pharmacien, il pourrait lui-même prescrire une ordonnance, ça a été avancée par le rapporteur de votre projet de loi, mais finalement vous n'y êtes pas favorable.

AGNES BUZYN
Alors je n'ai pas dit que je n'y étais pas favorable, j'ai dit fallait y travailler puisque je sens qu'un certain nombre de médecins sont inquiets de déléguer…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais c'est des questions corporatistes ça. Pourquoi vous ne simplifiez pas la vie des Français ?

AGNES BUZYN
Je pense que nous pourrons trouver une voie de passage qui rassure tout le monde, pour éventuellement faciliter l'accès à des médicaments dans un cadre très sécurisé, pour les Français qui ont du mal aujourd'hui à trouver un médecin traitant, qui attendent pour avoir des rendez-vous. Je crois que cette proposition est intéressante, elle mérite évidemment d'être regardée et d'être travaillée. Je suis certaine, parce que je l'ai fait sur d'autres mesures qui étaient, qui crispaient les professionnels, je suis certaine que nous trouverons avec tous les professionnels, une voie d'entente, parce que je crois que les professionnels de santé, les médecins comme les pharmaciens, sont très attachés à ce que les Français arrêtent de souffrir de la difficulté d'accès aux soins.

JEROME CADET
Ça paraît consensuel quand vous le présentez, mais manifestement il y a le risque de braquer les médecins.

AGNES BUZYN
Faites-moi confiance.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Un petit mot quand même, encore une fois nous sommes le 8 mars, est-ce qu'il faut que l'arrivée d'un enfant, l'arrivée des enfants soie mieux partagée entre le père et la mère, est-ce que vous êtes favorable à l'allongement du congé paternité, voire à son alignement sur le congé maternité ?

AGNES BUZYN
Alors, pour la Journée des droits des femmes, monsieur BERTOLUS vous m'interrogez sur le congé paternité…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui mais c'est une égalité ! C'est vrai que ça peut décharger les mamans.

AGNES BUZYN
Non, c'était une plaisanterie…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui, j'ai bien compris.

AGNES BUZYN
Pardonnez-moi, nous travaillons évidemment sur le congé paternité, nous avons d'ores et déjà allongé le congé paternité pour les familles dont les enfants sont hospitalisés après la naissance, pour des raisons de prématurité ou de maladie, et donc nous travaillons à des cas spécifiques. Par ailleurs il y a une demande de certains pères, effectivement, à être plus présents, mais je remarque aussi que beaucoup de pères ne souhaitent pas forcément prendre ce congé paternité. Donc le travail est en cours, voilà nous trancherons dans les mois qui viennent.

JEROME CADET
Vous n'avez pas d'avis sur cette question-là, Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
Pour l'instant je préfère y travailler avec toutes les parties prenantes, et dont je me forgerai ma conviction, avant de prendre une décision.

JEROME CADET
Symboliquement, ça permet aussi de partager les taches et de…

AGNES BUZYN
Absolument, ça permet aux femmes de retrouver peut-être une vie professionnelle plus sereinement et donc c'est intéressant, mais ce qui est intéressant aussi dans les congés maternité et paternité, c'est de réfléchir à s'il faut forcément les prendre dès la naissance de l'enfant, si on ne peut pas les étaler dans le temps, on voit bien que les familles parfois…

JEAN-JEROME BERTOLUS
S'organiser.

AGNES BUZYN
Oui, ont besoin de s'organiser et d'avoir du temps un peu plus tard dans la vie de l'enfant, c'est pour ça que la question n'est pas si simple, ça n'est pas juste une question de durée, c'est aussi comment on permet aux familles de gagner du temps ou de récupérer du temps, à un moment où parfois elles en ont besoin lorsqu'elles élèvent un enfant et ça n'est pas forcément le premier mois.

JEROME CADET
La ministre de la Santé Agnès BUZYN, invitée de France Info ce matin. (…)

JEAN-JEROME BERTOLUS
On parlait à l'instant de la maternité, des congés paternité. En France, un quart des familles sont des familles monoparentales. Le plus souvent des femmes, des femmes isolées. C'est difficile. Comment vous pouvez mieux accompagner aujourd'hui ces femmes ?

AGNES BUZYN
Alors le constat des difficultés des familles monoparentales, je l'ai fait dès mon arrivée. Et d'ailleurs dès le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale en 2017, j'ai augmenté de 30 % l'allocation pour garde d'enfant pour les familles monoparentales. J'ai également augmenté l'allocation pour soutien de famille pour les familles monoparentales, parce que nous savons que ces familles non seulement ont des difficultés à vivre mais font partie des familles les plus pauvres en France aujourd'hui. Donc nous avons…

JEAN-JEROME BERTOLUS
Elles étaient beaucoup sur les ronds-points avec les gilets jaunes.

AGNES BUZYN
Effectivement, elles ont été beaucoup sur les ronds-points et elles ont parlé de leurs difficultés. Vraisemblablement l'allocation financière ne suffit pas à les aider dans leur vie, donc je travaille actuellement à une meilleure prise en charge des familles monoparentales dès la séparation, un accompagnement renforcé. Nous travaillons également sur le recouvrement des pensions alimentaires parce que c'est un droit. Et donc aujourd'hui, beaucoup d'entre elles n'accèdent pas à ce droit. Il faut qu'on les aide. Même si des choses ont déjà été faites, elles sont peu connues et assez peu activées. Donc nous devons améliorer ce recouvrement et le rendre systématique. Et nous travaillons également à la garde d'enfant après 6 ans parce qu'en réalité, l'allocation pour garde d'enfant aujourd'hui s'arrête à 6 ans, or à 6 ans un enfant ne se garde pas seul.

JEROME CADET
Agnès BUZYN, une femme a publié un livre il y a quelques jours. Il s'intitule « J'ai offert la mort à mon fils ». Cette femme s'appelle Anne RATIER, elle y raconte comment elle a tué son fils de 3 ans lourdement handicapé. C'était en 1996. Elle était ce matin l'invité de Franceinfo.

ANNE RATIER, AUTEURE DE « J'AI OFFERT LA MORT A MON FILS »
Si j'avais été accompagnée, s'il y avait eu les meilleurs centres possibles, je n'aurais pas agi différemment. Parce que c'est une question… C'est ma façon de voir les choses et je n'aurais pas souhaité, même mon fils avec sa coque tétraplégique dans un centre je n'aurais pas supporté cela parce que ce n'est pas de la vie. C'est l'agonie. Je n'aurais pas laissé agoniser mon fils même accompagné.

JEROME CADET
« Ce n'est pas de la vie, c'est de l'agonie » dit Anne RATIER. Que vous inspire ce témoignage Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
C'est une situation atrocement douloureuse, mais je pense que rien évidemment ne justifie qu'on puisse donner la mort à un enfant. Donc après, je comprends que la vie de cette femme fait qu'elle n'était pas suffisamment accompagnée probablement. Je pense qu'aujourd'hui l'accompagnement des familles s'améliore. Il est encore insuffisant je pense sur le handicap sévère. Il est absolument nécessaire de soulager ces familles. Nous travaillons beaucoup sur le répit par exemple, parce qu'il faut que ces femmes et ces parents puissent souffler. Nous voyons que c'est souvent une cause de séparation des familles, le handicap sévère, et tout cela doit être évidemment pris en charge et pris en compte dans les mesures que nous mettons pour accompagner les familles qui ont un enfant lourdement handicapé.

JEROME CADET
Est-ce qu'une évolution de la loi sur la fin de vie est envisageable ?

AGNES BUZYN
Ça n'a rien à voir avec la fin de vie en réalité. Parce que les lois sur la fin de vie, elles partent du principe que la personne demande elle-même. Donc cet enfant n'aurait jamais demandé l'euthanasie.

JEAN-JEROME BERTOLUS
C'est de l'euthanasie, oui.

AGNES BUZYN
Et donc ce n'est pas les lois sur la fin de vie qui s'appliquent. Aujourd'hui la loi Claeys-Leonetti qui est une loi sur la fin de vie permet d'accompagner des personnes à l'agonie si elles ont exprimé leur désir d'être accompagnées. Ce n'est pas non plus une loi qui s'applique à cet enfant puisque cet enfant n'était pas agonisant. Il était simplement très lourdement handicapé. Donc aujourd'hui il n'y a pas de loi que ce soit en Belgique ou en France qui aurait permis quelque part d'accompagner autrement cet enfant. En réalité, il était vivant. Il fallait le prendre en charge peut-être en aidant mieux cette femme.

JEAN-JEROME BERTOLUS
A l'issue de cette interview, cet après-midi pour être tout à fait précis, vous allez vous rendre à l'hôpital Saint-Joseph, un hôpital qui a mis un réseau de praticiens en place sur l'endométriose. C'est une maladie gynécologique qui pour l'instant a souvent été sous-estimée, sous diagnostiquée. Qu'est-ce que vous allez annoncer ? Une meilleure prise en charge ?

AGNES BUZYN
C'est vrai que c'est une maladie qui touche une femme sur dix, qui est assez mal connue des médecins. Elle donne essentiellement des symptômes douloureux. Elle est sous-diagnostiquée et assez mal prise en charge. Nous allons créer des filières de prise en charge dans toutes les régions de façon à ce que les femmes sachent vers qui se tourner, afin qu'elles soient mieux accompagnées pour la prise en charge de la douleur, pour la préservation de la fertilité. Qu'elles puissent voir des professionnels qui sont plus spécialisés dans la prise en charge de cette maladie. Et puis nous allons aider à un diagnostic précoce, parce que souvent les femmes souffrent pendant des années pendant leurs règles sans que quelqu'un identifie le problème.

JEAN-JEROME BERTOLUS
Et on leur dit que c'est normal.

AGNES BUZYN
On leur dit que c'est normal. Et donc nous avons mis en place dans le cadre du calendrier pour les enfants des consultations obligatoires entre 11 et 13 ans et entre 15 et 17 ans. Et je ferai en sorte qu'au moment de ces consultations de 11-13 ans et 15-17 ans, des questions soient posées aux petites filles par les professionnels pour essayer d'identifier et de dépister cette maladie. Ça permettra de gagner du temps sur le diagnostic.

JEROME CADET
Ça veut dire mieux former les médecins aussi, Agnès BUZYN ?

AGNES BUZYN
Absolument. Ça veut dire que des médecins soient attentifs mais à partir du moment où certaines questions devront être posées pendant ces consultations qui seront rendues obligatoires, je pense qu'on permettra à beaucoup de petites filles et de jeunes femmes d'éviter de souffrir en silence pendant des années.

JEROME CADET
Et donc c'est un plan que vous présentez cet après-midi.

AGNES BUZYN
Absolument.

JEROME CADET
Merci à vous Agnès BUZYN, ministre de la Santé et des Solidarités, invitée de France Info ce matin. Excellente journée à tous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2019