Interview de M. Laurent Nunez, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'intérieur, à LCI le 29 août 2019, sur les insultes homophobes dans les stades, les manifestations de "Gilets jaunes" et les conditions de travail des policiers.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
On est très heureux de vous recevoir ce matin sur LCI. Bonjour Laurent NUNEZ.

LAURENT NUNEZ
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes donc le patron des policiers et des gendarmes. Vous avez forcément par fonction une vision générale de l'état des violences en France. On va en parler, on va décliner, mais une question précise. On l'a pas mal évoqué sur LCI ce matin : ces insultes homophobes qui fleurissent dans les stades. Encore hier, le match OGC Nice-Marseille a été interrompu pendant douze minutes – douze minutes – après qu'une banderole a été déployée sur laquelle on pouvait lire « pédales ». Il y a eu des insultes type « pédés » et autres joyeusetés, si vous me passez cette expression. D'abord est-ce que ça vous surprend Laurent NUNEZ ?

LAURENT NUNEZ
Ecoutez, on voit effectivement se multiplier ce genre de propos, de banderoles, d'insultes qui sont devenus presque maintenant une habitude chez certains groupes de supporters. On parle vraiment de certains groupes de supporters. Et je crois que la prise de conscience qu'il y a maintenant pour que cela cesse, elle est vraiment salutaire. C'est important, au même titre que pendant des années on a lutté contre la violence dans les stades qui était le fait de groupes de supporters minoritaires. On a réussi au bout de vingt ans de travail à éradiquer ce phénomène. Maintenant il faut s'attaquer à celui-ci de la même façon qu'on a travaillé contre les violences physiques qu'il y avait dans les stades entre les groupes de supporters, en travaillant avec la Ligue professionnelle de football, avec les clubs de football et bien évidemment avec la ministre des Sports et le ministre de l'Intérieur. Ce sujet donne déjà lieu à débat dans le cadre de l'instance nationale de supportérisme qui existe et qui a été créée il y a maintenant quelques années et qui fonctionne très bien.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez dit, ce ne sont pas des menaces ou des insultes physiques. C'est culturel, c'est tout à fait autre chose. Qu'est-ce que vous, à votre poste à l'Intérieur, vous pouvez faire ?

LAURENT NUNEZ
Ecoutez…

ELIZABETH MARTICHOUX
Comment vous pouvez contribuer à l'éradication de ce fléau ?

LAURENT NUNEZ
Ce ne sont pas des menaces physiques mais ce sont des propos qui sont par ailleurs réprimés par la loi. Ce sont des infractions, donc il est normal que la Ligue réagisse et nous, bien évidemment, nous soutenons ses démarches. La façon dont nous nous allons agir, c'est de travailler avec les clubs, les groupes de supporters dans chaque club, et puis bien évidemment la Ligue professionnelle de football. C'est d'abord leur sujet bien évidemment, mais nous en tant que… Enfin, le gouvernement ne peut pas ne pas s'en préoccuper et faire en sorte que tous les acteurs se réunissent, et comme on a fait pour les violences, méthodiquement, faire en sorte que chaque club prenne à bras le corps cette problématique. Il y a des référents, des groupes de supporters dans chaque club qui ont été instaurés maintenant en Ligue 1 et en Ligue 2 qui sont les interlocuteurs de la Ligue d'abord et puis des pouvoirs publics. Il faut travailler avec eux pour progressivement bannir bien évidemment ces propos qui sont inacceptables.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous diriez que c'est une priorité ?

LAURENT NUNEZ
C'est une priorité. Vous savez, dans la lutte contre la délinquance, contre les violences, contre les propos injurieux et racistes, nous avons beaucoup de priorités. Nous les menons tous de front et celle-là en sera une.

ELIZABETH MARTICHOUX
Laurent NUNEZ, est-ce que pour ce week-end - ce week-end qui vient - il faut s'attendre à une mobilisation des gilets jaunes à Paris et dans certaines villes de province ?

LAURENT NUNEZ
Vous savez, il y a maintenant des appels à manifester tous les samedis qui sont récurrents, qui mobilisent finalement assez peu de personnes. On est on est tombé au coeur de l'été à un millier de personnes sur l'ensemble du territoire national. C'était un peu plus de deux mille samedi dernier. Oui, on s'attend à un appel à mobilisation mais qui mobilisera assez peu de personnes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Du même tonneau si je puis dire, du même niveau de mobilisation ?

LAURENT NUNEZ
Exactement. Du même niveau de mobilisation, pas plus. Mais écoutez, voilà, on appréhende toujours ces événements de manière extrêmement sereine.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Parce qu'on les entend quand même certains des gilets jaunes qui n'ont pas du tout l'intention de laisser tomber leur mobilisation. Ecoutez par exemple ceux-ci que qu'a rencontrés une équipe de LCI. Déclarations de gilets jaunes :
« Faut qu'on avance. Ils ne lâchent rien. Moi, je lâcherai rien donc je serai toujours là. »
« Pour ma part, acte 50, acte 100, je serai toujours dans la rue. Donc c'est pas un problème parce que qu'est-ce qu'on a eu ? Absolument rien et c'est même pire. »
« Que monsieur MACRON ne s'inquiète pas, on est vraiment déterminés à aller jusqu'au premier tour des présidentielles s'il le faut. »

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà. Donc vous voyez, on est au quarante-deuxième week-end de mobilisation possible ; d'ici à la présidentielle il y en aura beaucoup. Ça, ce sont les irréductibles dans le discours. Vous dites finalement, il est presque terminé ce mouvement ?

LAURENT NUNEZ
Je ne dis pas que le mouvement est presque terminé. C'est un mouvement très hétéroclite, on ne lâche rien mais les interlocuteurs qui passent à l'antenne, là on ne sait pas trop d'ailleurs ce qu'ils demandent. Ce que je sais, c'est qu'il y a eu beaucoup d'avancées suite à ce mouvement. On a eu un grand débat, on a eu plein de mesures d'un coût assez important. Je le rappelle quand même, dix-sept milliards donc c'est énorme. Il y a beaucoup de choses qui ont été engagées. Il y a des réformes importantes qui vont être également engagées à la rentrée. Voilà, beaucoup de choses ont été faites, on ne peut pas dire que rien n'a été fait par ce gouvernement pour répondre à la crise des gilets jaunes. Je ne parle même de la réforme constitutionnelle également que nous souhaitons mener pour avoir plus de démocratie participative avec cette participation citoyenne. Beaucoup a été fait et donc on ne peut pas dire que rien n'a été fait. C'est complètement faux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le secrétaire d'Etat à la Sécurité que vous êtes n'est pas inquiet à proprement parler.

LAURENT NUNEZ
Le ministre de l'Intérieur, son secrétaire d'Etat, par nature on ne peut pas être inquiet. On est toujours très serein. Il y a un certain nombre d'appels à manifester, nous verrons s'ils mobilisent ou pas. Nous serons là d'abord pour protéger ces manifestations en espérant qu'elles soient déclarées, comme nous l'avons fait depuis maintenant plusieurs semaines.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour revenir d'un mot sur les violences passées, Laurent NUNEZ, combien de policiers sont à ce stade poursuivis par la justice après les plaintes déposées consécutivement aux heurts des manifestations de gilets jaunes ?

LAURENT NUNEZ
Alors si on parle du mouvement des gilets jaunes, on a un peu plus de trois cents enquêtes judiciaires qui sont ouvertes à l'Inspection générale de la police nationale actuellement pour des suspicions de violences policières.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il y a aujourd'hui des policiers qui sont poursuivis, qui ont été mis en examen ?

LAURENT NUNEZ
Alors pas pour l'instant, pas encore, mais sur l'ensemble des plaintes que j'ai citées, donc ces trois cent treize, pour être précis, enquêtes judiciaires qui sont ouvertes à l'Inspection générale de la police nationale, un peu plus de la moitié ont été transmises au parquet pour appréciation.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc à ce stade, il n'y a pas de policiers dont on peut dire qu'il sera jugé pour bavure ?

LAURENT NUNEZ
A ce stade. Il ne m'appartient pas de le dire, c'est au parquet… Je vous renvoie à ce qu'avait d'ores et déjà annoncé le procureur de Paris qui avait dit qu'il y aurait sans doute certaines poursuites pénales. Voilà, je m'en tiens à sa déclaration.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais pour l'instant, vous n'en avez pas connaissance. Le poids des mots, Laurent NUNEZ. Le président a dit qu'il n'y avait pas eu de violence irréparable ; c'était lundi soir. Qu'est-ce qu'il a voulu dire ? Sachant que quand on entend ça, pardon, quand on a perdu un oeil, quand on a perdu une main, c'est extrêmement choquant.

LAURENT NUNEZ
Oui. Alors d'abord les blessures que vous évoquez, d'avoir perdu un oeil, perdu une main, ce sont des blessures pour lesquelles systématiquement il y a eu des enquêtes et dans lesquelles on va essayer de déterminer si la réponse policière qui a été apportée et qui a entraîné ces blessures été proportionnée ou pas compte tenu de la violence de l'attaque. Et vous savez que nos policiers et nos gendarmes, pendant le mouvement des gilets jaunes, ont eu à faire face à une violence extrême, totalement inédite et, forcément, il y a eu une riposte qui, dans la majorité des cas, a été proportionnée et nous faisons toute confiance aux fonctionnaires de police et aux militaires de la gendarmerie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça n'est pas tout à fait ma question.

LAURENT NUNEZ
Le président de la République parle de violence irréparable, ce qui veut dire que dans tout mouvement, vous le savez très bien et tous les grands professionnels de l'ordre public le savent, dans toutes les grandes crises d'ordre public, la violence irréparable c'est quand on a quelqu'un qui directement du fait de l'action de la police décède, est tué du fait de l'action de la police. On a eu le précédent en 1986 de Malik OUSSEKINE, on a eu Rémi FRAISSE sous le quinquennat précédent. Il n'y a pas eu de personne tuée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans l'esprit du président quand il formule ce mot, qui a pu choquer encore une fois, il dit « irréparable » parce qu'il n'y a pas eu de mort. Donc pour lui, la blessure qui quand même est une blessure à vie éventuellement n'est pas irréparable. C'est ce qu'il a voulu dire ?

LAURENT NUNEZ
Non, ce n'est pas ce que le président a voulu dire. Bien évidemment que cette blessure est irréparable, bien évidemment que nous les regrettons tous ces blessures, nous les premiers. Le président, le ministre de l'Intérieur et moi-même comme secrétaire d'Etat. Nous les regrettons. Mais elles sont la conséquence d'une violence inouïe qui a été dirigée contre les forces de l'ordre et qui ont dû se défendre. Et pas seulement se défendre elles-mêmes, défendre aussi nos institutions, défendre notre système républicain et ils ont été à la hauteur.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce n'est pas une maladresse pour vous.

LAURENT NUNEZ
Ce n'est pas une maladresse.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas une maladresse, très bien.

LAURENT NUNEZ
Nous n'avons pas eu de mort pendant l'ensemble de ce mouvement directement lié à l'action de la police. J'insiste là-dessus : directement lié à la question de la police, même si - même si nous regrettons, je le redis parce qu'on nous accuse souvent de ne pas le dire mais nous le disons systématiquement - même si bien évidemment nous regrettons le nombre de blessés parmi les forces de l'ordre – j'insiste : on a énormément de blessés parmi les forces de l'ordre - et parmi les manifestants. Mais ceci n'est pas de notre fait et on a eu affaire à une violence totalement inédite.

ELIZABETH MARTICHOUX
En conséquence de ces violences, quoi qu'il en soit Laurent NUNEZ, il y a un grand chantier qui a été ouvert pour réformer la doctrine du maintien de l'ordre. Elle l'a déjà été. Là fin septembre-début octobre, c'est ce qu'a dit Christophe CASTANER hier, il y aura des mesures. Si j'ai bien entendu, si j'ai bien écouté, si j'ai bien compris et le président lundi soir et Christophe CASTANER, de toute façon il n'y aura pas de suspension de l'usage des LBD. Elles resteront un outil à la disposition des forces de l'ordre.

LAURENT NUNEZ
Alors d'abord, la doctrine de maintien de l'ordre, on l'a faite évoluer avec Christophe CASTANER.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, on en a déjà largement parlé.

LAURENT NUNEZ
Dans l'urgence, dans l'urgence.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui.

LAURENT NUNEZ
Il fallait répondre à des agressions violentes…

ELIZABETH MARTICHOUX
Du statique à la mobilité.

LAURENT NUNEZ
Statique, la mobilité, les interpellations, je n'y reviens pas. Maintenant à froid, il faut qu'on réfléchisse à ce que nous avons vécu, à savoir si notre doctrine est toujours adaptée, figer aussi sans doute cette évolution que nous lui avons apportée puis réfléchir sur le maintien de l'ordre. Réfléchir sur les sommations, sur l'équipement de nos personnels, sur leur formation pour le maintien de l'ordre et donc ce schéma comportera un certain nombre de mesures qui vont venir donc enrichir la gestion de l'ordre public en France.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un exemple de mesure, un exemple de piste. Est-ce que vous avez déjà eu des séminaires ? Vous en aurez peut-être un autre ?

LAURENT NUNEZ
Un exemple de piste ? Je vais vous en donner deux par exemple : la sommation. Vous savez qu'avant une charge, quand on n'est pas en état d'urgence, de légitime défense, il doit y avoir des sommations. Il faut qu'on s'assure à ce que l'ensemble des manifestants entendent ces sommations de manière précise, de manière à pouvoir quitter la manifestation. C'est-à-dire quand un commissaire de police clairement avec un porte-voix annonce qu'il va y avoir une charge parce qu'il y a un attroupement violent, il y a des individus violents, il faut qu'on soit certain que l'ensemble des manifestants entendent ces sommations. Et puis pour ceux qui sont de bonne foi, qui ne veulent pas commettre des violences ou rester sur un théâtre de violences, pouvoir quitter la manifestation. C'est un exemple. L'autre exemple, c'est la formation.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, juste c'est quoi ? C'est des sommations plus nombreuses ? Plus sonores ? Plus visibles ?

LAURENT NUNEZ
Ce sont des sommations beaucoup plus visibles, plus sonores. Voilà, nous y réfléchissons.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour que les manifestants ne puissent pas dire : on n'a pas entendu de sommation avant de recevoir un tir de LBD.

LAURENT NUNEZ
Exactement, exactement. Une autre mesure très forte, ce sera la formation de l'ensemble des effectifs à l'ordre public puisque le mouvement des gilets jaunes a été d'une telle ampleur…

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce qu'ils ne le sont pas ?

LAURENT NUNEZ
Que nous avons dû mobiliser des forces spécialisées en matière d'ordre public et également d'autres forces de gendarmerie et de police.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en tout état de cause, je répète ma question, le LBD lui ne sera pas remis en cause.

LAURENT NUNEZ
Ne perdez jamais de vue que le LBD a été utilisé…

ELIZABETH MARTICHOUX
Cette arme intermédiaire.

LAURENT NUNEZ
L'essentiel des tirs ont eu lieu lors des manifestations les plus violentes, lors des journées les plus violentes. Le 1er décembre, le 8 décembre, début janvier donc c'est essentiellement à ces moments-là que le LBD a été utilisé. Il faut bien rappeler cela et donc ça a été utilisé dans des situations où on avait basculé dans la violence urbaine. On n'était plus dans la gestion du maintien de l'ordre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne vous en passerez pas.

LAURENT NUNEZ
Le LBD n'est pas l'outil premier du maintien de l'ordre, c'est clair. C'est une arme qui est utilisée… Une arme intermédiaire qui est utilisée aussi sur d'autres théâtres comme la lutte contre la délinquance notamment. Mais quand vous basculez en violences urbaines et qu'il faut aller interpeller les individus, disperser les individus, c'est une arme absolument indispensable pour ne pas avoir à utiliser l'arme létale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et elle le restera. Laurent NUNEZ, vous nous avez un peu surpris je dois dire quand il y a quinze jours, trois semaines, sauf erreur, vous avez en conférence de presse déclaré… Je n'ai pas les mots et ce n'est pas exactement la phrase, mais c'est exactement ce que vous disiez à ce moment-là : le moral des troupes est excellent. Vous êtes sûr ?

LAURENT NUNEZ
Oui, effectivement. J'ai prononcé cette phrase mais, si vous vous en souvenez bien, c'était aux côtés de Christophe CASTANER lorsque nous avions visité les effectifs de police et de gendarmerie avant le G7. Et donc, j'avais pu noter la grande détermination, nous avions pu noter la grande détermination, la grande motivation des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie pour aborder ce G7. Et donc cette phrase effectivement retirée de son contexte…

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle concernait ceux qui étaient mobilisés, les treize mille qui étaient mobilisés pour encadrer Biarritz. C'est ça ?

LAURENT NUNEZ
Bien sûr. Et puis retirée de son contexte, c'est une vraie maladresse et je pense que les policiers…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une maladresse de votre part, vous le reconnaissez.

LAURENT NUNEZ
Bien sûr. Mais les policiers et les gendarmes, je pense, connaissent bien aussi Laurent NUNEZ et ils savent les années que j'ai passées à leurs côtés et que je connais bien leur état de fatigue parce qu'ils sont mobilisés maintenant depuis 2015, ne l'oublions pas. Depuis les attentats, il y a une forte mobilisation des forces de l'ordre, des dispositifs de sécurisation qui ont été renforcés partout, avec des atteintes physiques qui ont été portées contre eux. N'oublions pas Magnanville. Et nous savons pertinemment avec Christophe CASTANER que les fonctionnaires de police sont dans un état de fatigue important, tout comme les militaires de la gendarmerie, d'où bien évidemment les mesures que nous engageons pour améliorer leurs conditions de travail.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va en parler, c'est très important. Mais on est frappé par le nombre de suicides, on en parlait hier soir sur LCI. Quarante-sept depuis le début de l'année. C'est l'indicateur de dysfonctionnement quand… Pour dire les choses, c'est presque plus du double du nombre de personnes qui se donnent la mort dans le contingent des policiers chaque année. Est-ce que vous n'avez pas sous-traité, est-ce que vous n'avez pas tardé à traiter cette question absolument dramatique ?

LAURENT NUNEZ
D'abord effectivement, je vous rejoins. C'est tout à fait dramatique. Quarante-sept suicides de policiers depuis le début de l'année, sur l'ensemble de l'année dernière c'était trente-cinq, à la même période l'an passé on était à vingt-deux. C'est énorme. Il y a également onze gendarmes qui ont mis fin à leurs jours donc c'est énorme. On ne peut pas dire que cette question a été sous-traitée. Je veux d'abord dire que le métier de policier et de gendarme, c'est un métier qui est compliqué et que l'accident de vie qu'on peut avoir prend tout de suite une dimension beaucoup plus importante quand on est un policier parce qu'on est soumis…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il l'a toujours été, Laurent NUNEZ.

LAURENT NUNEZ
Bien sûr mais on est soumis…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi il y a cette augmentation en ce moment ?

LAURENT NUNEZ
On est soumis quand on est policier ou gendarme au contact avec la violence, l'agressivité et on ne peut pas contester que le dénigrement des forces de l'ordre il a beaucoup augmenté ces derniers mois, notamment dans le cadre du mouvement des gilets jaunes. Donc il faut il faut être costaud pour être policier ou gendarme, ce n'est pas facile.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'où la nécessité de leur redonner la fierté et de les revaloriser.

LAURENT NUNEZ
Bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et de les reposer aussi.

LAURENT NUNEZ
De mettre en oeuvre le plan suicide et c'est ce que nous faisons. Un plan que l'on met en oeuvre de détection, de formation des personnels, de prise en charge des agents ou des militaires agents de police ou des militaires qui sont en difficulté. Et puis le deuxième axe de notre travail important, c'est l'amélioration des conditions de travail. Ça, c'est très important.

ELIZABETH MARTICHOUX
L'organisation du temps de travail en particulier.

LAURENT NUNEZ
L'organisation du temps de travail. Avant cela bien sûr, la considération et ça c'est la revalorisation indemnitaire qui leur a été accordée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous leur proposez en termes d'organisation du temps de travail ?

LAURENT NUNEZ
Et puis il y a, bien sûr, l'amélioration des moyens mobiliers, des moyens immobiliers dans la police et nous y consacrons des sommes en augmentation constante. Et puis il y a le temps de travail…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon. Juste là-dessus puisque vous l'abordez vous-même, on reviendra au temps de travail. Mais ils ne voient rien venir de ce point de vue-là. Ecoutez cette syndicaliste de Synergie rencontrée par notre confrère de TF1.

GAËLLE JAMES, SYNDICAT DE POLICE SYNERGIE OFFICIERS
C'est vrai qu'aujourd'hui ça peut être Monsieur-Madame Tout le monde pour un différend, pour une contravention, pour une alcoolémie, on est prêt à user de la violence pour ne pas être sanctionné par la police.

ELIZABETH MARTICHOUX
En réalité, elle parle là de la facilité du passage à l'acte des insultes et des violences à l'égard de vos troupes. Le passage à l'acte maintenant, le respect de l'uniforme en gros, il ne joue plus du tout. Et par ailleurs, les conditions matérielles ne s'améliorent pas, c'est aussi ce qu'elle disait dans ce reportage.

LAURENT NUNEZ
Oui, oui. Alors sur les conditions matérielles, il reste beaucoup à faire mais on fait beaucoup. Vous savez, on fait beaucoup. Dix mille caméras piétons, c'est six mille voitures chaque année, trois cent millions par an pendant trois ans : 2018, 2019, 2020 sur l'immobilier. On fait beaucoup et on travaille aussi beaucoup, et vous l'avez abordé, sur le temps de travail. C'est quelque chose d'extrêmement important notamment sur les cycles dans la police nationale. Ce à quoi on souhaite aboutir et nous allons y parvenir, je n'ai aucun doute là-dessus…

ELIZABETH MARTICHOUX
Quand ?

LAURENT NUNEZ
Dans les jours qui viennent, voilà, pour être précis.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans les jours qui viennent ?

LAURENT NUNEZ
Nous allons expérimenter de nouveaux cycles de travail pour les policiers qui vont surtout leur permettre, là où actuellement le régime qui est le plus appliqué, le régime horaires le plus appliqué, permet aux policiers de ne récupérer qu'un week-end sur six, d'être libre un week-end sur six, nous allons faire en sorte qu'ils puissent avoir un week-end sur deux. Donc qu'ils puissent se retrouver en famille chez eux, parfois pendant trois jours et leur permettre de récupérer un mercredi sur deux. Et ça, ce cycle-là, nous allons le mettre en oeuvre. Nous allons d'abord l'expérimenter dans un premier temps…

ELIZABETH MARTICHOUX
L'expérimenter à quelle échelle, pardon ?

LAURENT NUNEZ
Nous allons l'expérimenter dans une cinquantaine de départements sur environ cent soixante-dix services, unités, et ça concernera trois mille fonctionnaires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça fait combien d'hommes et de femmes ?

LAURENT NUNEZ
Trois mille fonctionnaires pendant quatre mois en vue d'une généralisation. Et c'est un chantier extrêmement important pour améliorer le bien-être de la vie de nos fonctionnaires de police.

ELIZABETH MARTICHOUX
Trois mille fonctionnaires sur combien ?

LAURENT NUNEZ
Vous savez que les fonctionnaires de police et les militaires de gendarmerie, c'est cent quatre-vingt mille personnes, mais on commence toujours... Tous les cycles horaires sont toujours, toujours, toujours expérimentés avant d'être généralisés. C'est normal. Donc là, ce travail il se déroule avec les représentants des policiers, avec les organisations syndicales, donc c'est vraiment un travail à longue échelle.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc c'est une expérience que vous lancez, vous nous le dites ce matin, dans quinze départements pour trois mille fonctionnaires. C'est important. Les heures sup, elles seront payées avant la fin de l'année a dit le ministre de l'Intérieur ; vous le confirmez.

LAURENT NUNEZ
Je confirme en tout point ce qu'a dit Christophe CASTANER. Vous savez, on a toujours dit… Les heures sup, c'est une dette que nous n'avons pas créée avec Christophe CASTANER. On a toujours dit que nous traiterions ce sujet et on a toujours dit qu'il serait traité de manière échelonnée. On ne peut pas sortir…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous commencez aussi avant la fin de l'année.

LAURENT NUNEZ
Bien sûr. L'objectif, c'est de commencer avant la fin de l'année, Christophe CASTANER l'a rappelé, et de le poursuivre dans les années qui viennent mais de solder très vite le stock des heures supplémentaires, c'est-à-dire les heures, la dette qui est due aux policiers. Mais certains ne demandent pas un paiement, ils demandent une possibilité de le récupérer sous une autre forme. Et puis l'objectif aussi, c'est de mieux réguler le flux, d'avoir dans les services une gestion plus appropriée pour éviter que ne se créent des stocks d'heures supplémentaires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Laurent NUNEZ, Christophe CASTANER fragilisé ?

LAURENT NUNEZ
Non, Christophe CASTANER n'est pas un ministre fragilisé, je l'entends souvent dire. Vous savez, ministre de l'Intérieur c'est très, très compliqué. Tous les jours, il y a un nouveau défi et parfois même il y a plusieurs défis tous les jours. Donc Christophe CASTANER n'est pas un ministre fragilisé. On sort de l'organisation d'un G7 où il n'y a eu aucun incident alors qu'on nous annonçait des violences extrêmes, elles n'ont pas eu lieu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça s'est bien passé.

LAURENT NUNEZ
On ne peut pas dire qu'un ministre qui a fait baisser la délinquance, qui continue de faire baisser la délinquance - on a eu des chiffres qui n'étaient pas très bons en début d'année, nous sommes en train d'améliorer les choses - un ministre qui vise à décloisonner l'action des services de police et de gendarmerie pour que, sur toutes les thématiques : la lutte contre les trafics, la lutte contre la délinquance, la lutte contre le terrorisme, tout le monde travaille mieux ensemble. Et on a vu les résultats au G7 où le travail de renseignement a été excellent parce qu'on décloisonne. Et un ministre qui fait tout ça, ce n'est pas un ministre fragilisé, c'est un ministre qui est efficace et qui fait son job.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le couple CASTANER-NUNEZ, il va passer l'hiver ?

LAURENT NUNEZ
Mais je n'en sais rien moi. Vous savez, nous, on n'est pas propriétaire de nos fonctions. Avec Christophe CASTANER, tous les jours on se lève avec une seule idée c'est de faire notre job pour améliorer la sécurité des Français.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le souhaitez ? Vous le souhaitez, Laurent NUNEZ ?

LAURENT NUNEZ
Moi je souhaite rester, bien sûr. Je suis très content de la mission que j'accomplis, je suis très content d'être aux côtés de Christophe CASTANER. On forme un tandem, on s'entend très bien. Après avoir été pendant vingt ans…

ELIZABETH MARTICHOUX
On dit parfois que ce n'est pas le cas, que vous ne vous entendez pas très bien.

LAURENT NUNEZ
Non, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Ce sont des mensonges, on s'entend très bien. Voilà, on collabore tous les jours ensemble, la situation est claire. Il y a un ministre de l'Intérieur, il y a un secrétaire d'Etat donc voilà. Il y a une hiérarchie qui est claire et, pour ma part, j'apporte mon expérience qui est longue comme vous le savez et avec un oeil aussi très politique.

ELIZABETH MARTICHOUX
Expérience longue souligne Laurent NUNEZ, en effet, patron des policiers et des gendarmes. Merci d'avoir été avec nous ce matin sur LCI.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2019