Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Directeur du Patrimoine de la Mémoire et des Archives,
Monsieur le Directeur du service de l'infrastructure de défense,
Général,
Colonel,
Officiers, sous-officiers, légionnaires du 2ème régiment étranger de génie,
Mesdames et messieurs,
Nos Armées sont jeunes. Mais il est rare de venir à la rencontre d'un régiment aussi jeune. Le 2ème REG a célébré ses vingt ans en juillet et il s'en est fallu de peu pour que j'aie l'honneur de célébrer à vos côtés les vingt ans de votre drapeau, reçu des mains du général Crène le 30 septembre 1999.
Vingt ans seulement, mais l'histoire du 2ème REG prouve que la valeur et le talent n'attendent pas le nombre des années. Héritier des traditions des bataillons de génie-légion d'Indochine, vous avez été dès 1999 de toutes les opérations de l'armée de Terre : en Bosnie, au Kosovo, à Djibouti, puis en Afghanistan, en République centrafricaine et en Côte d'Ivoire.
A chaque fois, vous avez montré l'excellence de la Légion étrangère et du génie français, vous avez participé avec succès aux opérations de déminage et de dépollution au profit des populations locales. Il n'est pas un combat que vous ayez manqué, pas un appel de la France auquel vous ayez faux bond.
Tout au long de l'année, vous protégez les Français, sur les théâtres d'opération extérieure et sur notre propre sol, dans le cadre de l'opération Sentinelle.
En Afghanistan, vous vous êtes particulièrement distingués lors de l'opération Pamir. Votre courage, votre abnégation et votre excellence vous valent de voir votre drapeau être orné de la fourragère aux couleurs de la croix de la valeur militaire.
Vous avez choisi d'être sapeur, le savoir-faire des bâtisseurs et le savoir-faire de ceux qui appuient au plus près leurs camarades dans l'action, un engagement double en quelque sorte : servir la France et servir vos frères d'armes.
« Le feu, l'eau et la terre comme seul univers vous avancez et combattez, les sapeurs légionnaires. » Aucun environnement ne vous résiste. Vous connaissez les monts enneigés, les grands froids, les sommets escarpés, les profondeurs sous-marines, le soleil brûlant du Sahel. Vous domptez la nature, vous en écartez les dangers, vous protégez vos frères d'armes.
Vous avez trouvé votre place au sein de la 27ème brigade d'infanterie de montagne, c'est en quelque sorte votre deuxième famille. Mais vos valeurs, vos parcours, votre histoire sont avant tout celles de la Légion étrangère. Cette ardeur dans l'action, sur le terrain, face à l'ennemi. Ce courage à toute épreuve, ce goût de l'effort. Cette camaraderie qui rassemble, qui bannit les barrières des langues ou des origines, au service d'une patrie commune. Car sur le sol de Camerone, de la boue des rizières aux plateaux de Tonkin, du Sahel au Levant, aujourd'hui comme hier les légionnaires combattent avec le même honneur, avec la même fidélité. Et je souhaite rendre hommage à tous ceux qui ont été marqués dans leur chair, dans leur esprit et qui ont donné leur vie. Je ne les oublie pas. Et j'ai une pensée particulière pour leurs familles.
Vous avez prouvé que les hommes de valeurs savent se faire adopter. Vous êtes aujourd'hui, comme vos familles, vauclusiens. Vous faites partie intégrante de cette région, vous en faites vivre les rues, les écoles et les commerces. L'ascension du mont Ventoux que vous organisez chaque année est devenue une institution, une marque de fabrique de votre régiment. Il me semble que cette ascension redoutable que vous infligez avec malice à vos frères d'armes du 1er REG aura lieu la semaine prochaine – et croyez-moi, je regrette de ne pouvoir y participer, ne serait-ce qu'en étant spectatrice.
Gravir des montagnes, relever les défis, repousser vos limites : « rien n'empêche » le 2ème REG. Vous êtes audacieux, vous avez toujours un temps d'avance ; un véritable esprit de pionnier.
Vous êtes un régiment vert – et je ne parle pas seulement de la couleur de vos bérets. Dès 2010, vous entrez dans une transition énergétique sans précédent. Vous vous détournez des énergies fossiles pour explorer les opportunités du renouvelable. En 2014, une chaufferie biomasse qui utilise les matières végétales comme source d'énergie est installée. Mais, avec le contrat de performance énergétique c'est une réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre et de 45% des consommations d'énergie par rapport à 2010, qui est réalisée sur ce site. Aujourd'hui, c'est un champ solaire thermique de 1000 mètres carrés qui vous permet de prendre des douches chaudes.
Je tiens à saluer ici ces réalisations exemplaires du service d'infrastructures de la défense, à travers son établissement de Lyon. Elles démontrent à la fois l'excellence de son savoir-faire et son engagement pour le développement durable.
Par ces installations performantes, vous contribuez donc activement à la réduction de notre empreinte carbone. Et c'est plus que jamais nécessaire.
A ces mots, peut-être que certains esprits chagrins seront tentés de souligner que cela ne compensera jamais la consommation gourmande de carburant et les émissions prodigues en CO2 de notre ministère. Après tout, la ministre des Armées qui parle d'environnement, c'est un peu comme un marin qui parlerait de montagne. Mais, et je suis très heureuse de pouvoir être au 2ème REG pour brandir sa devise, « rien n'empêche ».
Rien n'empêche les Armées de se saisir du sujet qui compte aujourd'hui le plus ; du sujet qui mobilise toute une génération, désireuse d'agir pour préserver la planète.
Et je dirais même : au contraire, tout nous oblige. C'est parce que nous avons l'empreinte environnementale la plus importante de l'Etat que nous avons l'impérieux devoir d'être un acteur volontaire et engagé de la transition énergétique.
Car tout, absolument tout est lié. Et lorsque la planète se sera essoufflée, ce sont les Armées qui seront en première ligne.
Je ne vous donnerai qu'un nom : Irma. Irma, l'ouragan d'une puissance sans précédent qui a ravagé les Antilles il y a exactement deux ans. Les armées ont été pleinement mobilisées pour venir en aide aux populations et pour aider à la reconstruction des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Pour faire face à l'ampleur des enjeux humanitaires et sécuritaires sur place, s'en remettre aux militaires fut une évidence. 150 de vos frères d'armes du 3ème régiment étranger de Guyane se sont d'ailleurs mobilisés avec abnégation et dévouement. Ce n'était malheureusement pas un événement exceptionnel, c'était une catastrophe vouée à se répéter. Et à l'heure où je m'exprime, l'ouragan Dorian poursuit son périple dévastateur.
Ayons bien conscience d'une chose : les sécheresses, les crues et la montée des eaux, l'érosion des coraux ne sont pas que des événements naturels, ou mêmes seulement humains. Ce sont aussi des événements stratégiques. Ils redessinent les cartes. Ils créent de nouvelles tensions. Ils déplacent des populations, créent de nouvelles failles, de nouveaux conflits. Ils amplifient les menaces traditionnelles.
En Arctique, la fonte des glaces ouvre l'accès à de nouvelles ressources d'hydrocarbures, à de nouvelles routes maritime, de quoi aiguiser les appétits de puissances comme la Chine, la Russie ou les Etats-Unis.
En mer de Chine méridionale, la quête des ressources halieutiques, qui sont de plus en plus rares engendre et alimente les tensions entre les pays riverains.
En Guyane, plus près de nous, l'orpaillage illégal nuit gravement à la déforestation et aux rivières, mais pas seulement. L'Atlas mondial des flux financiers illicites révélait en 2018 que la criminalité environnementale – c'est ainsi que se nomme l'exploitation illégale des ressources naturelles – était aujourd'hui la première source de financement des groupes terroristes. A la fois protéger l'environnement et lutter contre les activités qui financent le terrorisme, c'est tout le sens de la périlleuse et nécessaire opération Harpie.
Alors, ne voyons pas le réchauffement climatique et la dégradation des écosystèmes comme une problématique environnementale seule. Il s'agit d'une problématique globale. Il s'agit tout simplement de la résilience de nos sociétés. Et le temps presse. Nous sommes déjà confrontés aux conséquences de notre inaction.
Le ministère des Armées avait déjà une feuille de route pour construire une « défense durable ». Mais il fallait faire plus, et plus vite. C'est pourquoi le 21 juin dernier, j'ai engagé avec la Secrétaire d'Etat, Geneviève Darrieussecq, un grand projet qui fera du ministère un acteur majeur de la transition énergétique et de la préservation de notre environnement. De l'éco-conception des armements à la consommation énergétique de l'administration aucun sujet n'est laissé de côté. Notre ambition environnementale est portée par une stratégie globale qui se décline selon quatre grands axes.
Le premier axe, c'est la prévention des risques environnementaux. Nous conduisons des études d'anticipation environnementale. Nous établissons des cartographies de risques environnementaux et des possibilités d'emballement climatique. La Direction générale des relations internationales et de la stratégie fournit un travail remarquable en la matière et je vous invite à consulter leur récente analyse des nouveaux enjeux pour la France en Arctique.
Le deuxième axe consiste à maîtriser notre énergie et notre empreinte carbone.
Dès cette année, nous engageons le renouvellement de notre flotte de véhicules de la gamme commerciale pour détenir 50% de véhicules hybrides et électriques d'ici 2030.
Puis à compter du 1er janvier 2021, dans le cadre de la nouvelle concession nous engagerons la rénovation énergétique de 5300 logements domaniaux.
Et pour intensifier encore la réduction de notre consommation d'énergie, j'ai décidé d'accélérer le rythme d'établissement des contrats de performance énergétique (CPE) sur les emprises du Ministère, ainsi que le plan de mise aux normes énergétiques de nos bâtiments.
Au-delà de la nécessaire réduction de nos consommations, nous sommes également engagés dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'arrêt du recours aux énergies les plus polluantes.
C'est pourquoi j'ai pris la décision que les chaufferies au charbon et au fioul lourd ainsi que les chaufferies les plus polluantes soient supprimées dans les meilleurs délais. En remplacement, nous privilégierons le raccordement de nos sites aux réseaux de chaleur urbains ou à défaut l'utilisation de chaufferies biogaz ou biomasse, comme c'est le cas, ici, à Saint-Christol.
Je souhaite aussi que l'ensemble des bases de défense se dote rapidement de plan de mobilité, afin d'organiser mieux les transports des personnels, et de rechercher chaque fois que possible les meilleures solutions avec les collectivités locales.
Et cela m'amène au troisième axe qui concerne le développement des énergies renouvelables. Le ministère des Armées participe pleinement à la réalisation du plan gouvernemental « Place au Soleil » qui vise à augmenter les capacités de production d'énergie électrique d'origine solaire en France.
Nous mettrons à disposition, d'ici la fin de l'année 2022, 2 000 hectares de terrains pour y développer des projets de production d'électricité d'origine photovoltaïque. 1 000 hectares ont d'ores et déjà été identifiés, les 1 000 restants le seront d'ici la fin de l'année.
Dans le cadre de ce plan, Place au Soleil, Saint-Christol est un symbole d'avenir : le 2ème REG a en effet été choisi pour accueillir une ferme photovoltaïque de 5,5 hectares.
L'avantage de ce projet réside non seulement dans son impact environnemental mais aussi dans son coût : pas un seul euro supplémentaire ne sera demandé au contribuable. Nous avons lancé en juillet une mise en concurrence des entreprises du domaine de l'énergie : l'entreprise qui remportera cet appel à projets pourra implanter ses panneaux solaires moyennant une redevance perçue par le ministère des Armées en contrepartie de la location du terrain.
Au-delà, des questions relatives à ses implantations, je souhaite que le Ministère anticipe les évolutions nécessaires à nos équipements de défense, pour prendre en compte la problématique des nouvelles énergies. Je pense notamment à des solutions de carburant alternatif, actuellement étudiées par le service des essences des Armées, ou à l'hybridation électrique de certains matériels terrestres. Pour cela une Task Force Energie sera constituée au sein du Ministère dans les jours à venir.
L'ensemble de ces actions seront regroupées dans une nouvelle stratégie ministérielle de performance énergétique (SMPE) qui sera complétée et achevée d'ici la fin de l'année 2019.
Enfin, le quatrième axe, c'est notre engagement à préserver la biodiversité. Nos emprises militaires sont nombreuses, réparties sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin. La faune et la flore y sont très riches : d'ailleurs, si vous observez autour de vous aujourd'hui, vous apercevrez peut-être les faucons pèlerins ou les salamandres tachetées qui sont présents au 2ème REG et vivent en parfaite harmonie avec nos légionnaires. 80% de nos terrains militaires en métropole font l'objet d'une protection au titre de la biodiversité.
C'est une donnée que nous avons intégrée : nous adaptons les activités des sites militaires pour protéger les espèces, en particulier si celles-ci sont menacées. Nous avons d'ailleurs signé une convention avec le Muséum national d'histoire naturelle en mars de cette année, pour établir une véritable stratégie de préservation de la biodiversité.
Et puisque je vous parle de notre collaboration avec le Muséum national d'histoire naturelle, j'aimerais attirer votre attention sur un programme scientifique très original, porté par le ministère des Armées et auquel le Muséum et le ministère de l'Ecologie sont associés, qui nous prouve à quel point nous avons à apprendre de la nature. Il s'agit en effet de comprendre le comportement des Barges rousses, ce sont des oiseaux migrateurs capables d'anticiper la formation des cyclones. L'idée est simple : observer les barges rousses doit nous permettre de mieux anticiper la trajectoire des ouragans ; ce sont des informations qui sont fondamentales pour la protection des populations.
Le programme est donc ambitieux, mais j'ai une confiance absolue en chacune et chacun pour atteindre l'ensemble de ces objectifs. Aussi grande soit-elle, une tâche confiée à un militaire est toujours une mission accomplie. Et l'environnement ne fera pas exception à la règle.
Tout l'enjeu sera de trouver le bon équilibre les contraintes opérationnelles et notre ambition environnementale. Protéger les Français, c'est et ce sera toujours notre première mission. Bâtir des Armées prêtes à assurer la défense de nos concitoyens est et sera toujours ma priorité. Jamais il ne sera question de compromettre la sécurité des Français.
Mais si nous pouvons garantir le plus haut niveau de protection des citoyens comme de l'environnement, nous le ferons. Verdir les Armées, c'est désormais une réalité. Nous avons entendu l'appel des Français, nous avons écouté celui des jeunes et nous comptons bien agir.
Vive la République !
Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 13 septembre 2019