Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, avec Radio Classique le 10 avril 2019, sur la privatisation d'Aéroports de Paris, le Grand débat national, la rénovation urbaine et sur la réforme des retraites.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Julien DENORMANDIE, il est 08h18, vous êtes sur l'antenne de Radio Classique et nous sommes ravis de travailler pour vous.

-Jingle -

GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous trouvez, Julien DENORMANDIE, que cette affaire de la privatisation combattue par l'opposition est symptomatique de l'ambiance que l'on connaît actuellement à l'Assemblée nationale, où l'on a entendu une opposition extrêmement remontée contre le gouvernement, contre le Premier ministre, contre le président de la République ?

JULIEN DENORMANDIE
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est une démarche politique, d'ailleurs on le voit bien, vous avez des groupes que tout oppose, qui aujourd'hui se rassemblent autour d'un sujet. Vous avez un rassemblement qui va de LFI jusqu'aux Républicains, et ça ne pose de problème à personne parmi tous ses signataires. Donc oui c'est une démarche politique.

GUILLAUME DURAND
Oui, mais ils disent : c'est l'intérêt national. Mais on est en train de brader les bijoux de la famille.

JULIEN DENORMANDIE
Parlons du fond. Il s'agit de quoi ? Vous savez, un aéroport, contrairement à tout ce qui peut être dit, quand vous ouvrez son capital, vous ne touchez en rien en la sécurité, en rien, ce n'est pas celui qui gère l'aéroport qui gère la sécurité, c'est les services de police, de douane, qui gèrent la sécurité. Vous ne touchez en rien la régulation, c'est comme ça qu'on l'appelle, qui est gérée par l'Etat, avec un contrat qui est passé entre l'Etat et celui qui gère l'aéroport, et donc ça vous ne le touchez en rien, contrairement à ce qui est dit. Mais un aéroport…

GUILLAUME DURAND
Mais seulement dans la mémoire, il y a Toulouse, Toulouse qui n'a pas été une réussite exceptionnelle.

JULIEN DENORMANDIE
Toulouse, d'un point de vue de développement de l'aéroport, a été une réussite. J'étais encore à Toulouse au début de la semaine, quand vous en parlez sur place, le développement de l'aéroport a été une réussite, le comportement de l'actionnaire n'a pas été une réussite, et ça veut dire qu'il faut faire très attention à l'actionnaire qui arrive. Mais en termes de…

GUILLAUME DURAND
Mais vous dites ce matin que de toute façon cette affaire va aboutir. Vous allez tout faire au gouvernement, ce n'est pas une approbation de ma part mais une question, bon, que cette privatisation aboutisse.

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien aujourd'hui vous avez un Etat de droit, c'est-à-dire que les personnes, ces signataires, font appel à ce référendum d'initiative partagée, c'est-à-dire qu'ils ont reçu un certain nombre, récolté un certain nombre de signatures de parlementaires, ensuite le Conseil constitutionnel va valider ou non la proposition de référendum qu'il va déterminer. Donc je laisserai le Conseil constitutionnel se prononcer sur la démarche. Mais j'insiste sur un point, un aéroport, vous savez, la principale source de gestion c'est ces boutiques, ces duty shop qui sont à l'intérieur. C'est ça l'un des grands aspects du métier, d'un gestionnaire d'aéroports. Est-ce que c'est le rôle de l'Etat de faire ça ? Evidemment non. Le rôle de l'Etat c'est de gérer la sécurité, c'est de gérer le contrôle, c'est de gérer la régulation, et ça c'est fait quelle que soit la nature de l'actionnaire qui gère l'aéroport au jour le jour.

GUILLAUME DURAND
Nous avons une double situation politique ce matin, au moment où vous intervenez Julien DENORMANDIE, d'abord un rapport de l'OCDE qui d'une certaine manière annonce que la France est sur le bon chemin d'un retour de la croissance, y compris pour les classes moyennes et les plus défavorisés, c'est donc le patron, le secrétaire général de l'OCDE qui l'a dit, à partir justement de la réforme du marché du travail et de la fiscalité, donc du capital. Et puis de l'autre côté vous avez à l'Assemblée nationale une ambiance assez délétère, on va écouter par exemple Christian JACOB, propos général et puis après propos contre Gérald DARMANIN.

CHRISTIAN JACOB – A L'ASSEMBLEE NATIONALE
La vérité c'est même que sa politique d'aujourd'hui est le fruit d'une double effraction. Son élection et celle de sa majorité parlementaire dont on mesure chaque mois qui passe davantage la faiblesse, son incapacité à prendre le pouls du pays, en un mot, une forme de déconnexion. On a compris qu'il ne sauverait pas l'Europe, ni même la France, la question au moment où l'on parle est de savoir s'il parviendra à se sauver lui-même.

GUILLAUME DURAND
Voilà, et donc à un moment Gérald DARMANIN veut intervenir, et Christian JACOB lui répond d'une manière assez, disons, ferme.

CHRISTIAN JACOB
Le débat vous fait peur, vous inquiète, et c'est-à-qui vous rend fragile aujourd'hui, c'est pour ça, Monsieur le Ministre, vous n'avez pas à prendre la parole ici, ou alors vous la demandez au président. Vous n'êtes pas là pour faire des réflexions, vous êtes là à la disposition de l'Assemblée. Parfaitement !

RICHARD FERRAND
S'il vous plaît…

GUILLAUME DURAND
Voilà, le « S'il vous plaît », venait de Richard FERRAND. Si j'ai passé ces deux extraits, c'est que vous savez que la situation n'est pas facile, l'opposition parle de mascarade, à partir du grand débat, l'opposition, et d'ailleurs ça a été dit hier à propos du président de la République, lui a encore reproché son attitude, ses comportements, sa suffisance, son arrogance, les excès verbaux etc. etc. Est-ce que ce sont simplement des mots ou est-ce qu'il y a une véritable difficulté politique, car non seulement l'opposition se radicalise, mais en même temps vous avez une opposition qui est en train de naître à l'intérieur de la République En Marche, avec des gens, ils considèrent que la politique actuelle d'Emmanuel MACRON est entièrement menée par les ministres de droite du gouvernement.

JULIEN DENORMANDIE
Non pas du tout.

GUILLAUME DURAND
Ça fait deux questions. 

JULIEN DENORMANDIE
Ça fait deux questions, mais pas du tout. Vous savez, l'extrait que vous avez passé, les deux d'ailleurs sont très intéressants. Le deuxième, lorsque Gérald DARMANIN intervient, et que Christian JACOB balaie d'un revers de la main son intervention, résulte de quoi ? Christian JACOB commence en disant : « Vous avez peur du débat ». Mais, franchement, dans quel monde vit-on ? Vous avez un représentant de l'opposition de la droite républicaine, à l'Assemblée nationale, qui interpelle le Premier ministre en disant : « Vous avez peur du débat », le même Premier ministre qui vient de passer 2 mois et demi de débattre avec 10 000 réunions, avec des centaines, des milliers d'heures de participation à des réunions et qui en plus…

GUILLAUME DURAND
Et vous connaissez l'argument, je cite l'argument : « vous continuez la démonstration ».

JULIEN DENORMANDIE
.. a mis tout cela de manière totalement transparente, puisque tous les résultats…

GUILLAUME DURAND
Mais par rapport au corps électoral, d'accord, mais je donne un mot et vous continuez, vous savez très bien par rapport au corps électoral, la population française, que 2 millions de personnes y aient contribué, ça reste quand même une minorité. C'est ça leur argument.

JULIEN DENORMANDIE
Non mais enfin attendez…

GUILLAUME DURAND
Et de dire qu'en plus c'est un long débat qui est organisé autour d'Emmanuel MACRON. Même monsieur PERRINEAU qui est l'un des garants, considère que ce débat était quand même plus de la communication présidentielle qu'un véritable débat.

JULIEN DENORMANDIE
Attendez, vous avez environ 1,5 million de Français qui ont participé à ce grand débat. Est-ce que c'est 40 millions d'électeurs ? Evidemment non, mais enfin c'est 1,5 million de Français qui ont participé, qui en plus ont participé par différents moyens, des réunions, des cahiers de doléances dans les mairies, des participations numériques, donc il y a une certaine représentativité et on a tout mis de manière transparente, et tout a été ouvert, les cahiers sont ouverts, et donc quand vous avez le principal opposant à l'Assemblée nationale qui commence en disant : « Monsieur le Premier ministre, vous avez peur du débat », objectivement, c'est absolument hallucinant.

GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi, parce que j'ai plusieurs questions et on arrive au terme, quand le Premier ministre dit, il ne faudra pas que la réponse soit frileuse, ça s'adresse à qui ça exactement, au président de la République ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, ça s'adresse de manière générale à l'ensemble de ceux qui votent la loi, c'est-à-dire la majorité présidentielle et à l'ensemble de ceux qui mettent en œuvre toutes les politiques publiques, c'est-à-dire le gouvernement. C'est le chef du gouvernement, c'est le chef de la majorité…

GUILLAUME DURAND
Vous rabaissez massivement les impôts en France ?

JULIEN DENORMANDIE
Je vous confirme que l'objectif, c'est de baisser…

GUILLAUME DURAND
Non mais l'objectif, ça a tellement été dit… Vous allez baisser les impôts en France ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui et d'ailleurs ce n'est pas qu'on va le faire, c'est qu'on a déjà commencé à le faire. Vous avez cité tout à l'heure le rapport de l'OCDE, c'est ce rapport qui gêne monsieur JACOB, vous l'avez cité avec beaucoup d'exactitudes, monsieur JACOB hier l'a cité à de multiples reprises, ne reprenant que des petits bouts…

GUILLAUME DURAND
Il vous attaque sur la retraite, le rapport de l'OCDE.

JULIEN DENORMANDIE
Mais monsieur JACOB hier nous attaque en disant cette politique ne porte pas ses fruits, pour la première fois, moi je suis d'une génération du tout chômage, une génération du chômage de masse, pour la première fois le taux de chômage est passé dans notre pays sous 9 %, pour la première fois on recrée des postes industriels dans notre pays. Est-ce que c'est bien ? Oui il faut continuer dans ce sens. Est-ce que c'est suffisant, est-ce que ça répond à la crise des gilets jaunes ? Non il faut prendre de nouvelles mesures comme baisser les impôts et aller encore plus vite et être plus efficace dans la mise en œuvre de nos politiques publiques.

GUILLAUME DURAND
J'ai deux questions, une concernant le président, une concernant le rapport de l'OCDE, pardonnez-moi nous vous demander de répondre rapidement car nous sommes arrivés au terme. On entend que ça, on avait entendu Benalla, Benalla, est-ce que le président est un autiste, je veux dire que ce n'est pas un malade, mais qui se contrefout de l'Assemblée nationale, de l'opposition et ne fait que ce qu'il veut ? Parce que c'est ça qu'on entend en fait.

JULIEN DENORMANDIE
Mais non, mais pas du tout, moi je connais depuis très longtemps le président de la République, je veux dire que…

GUILLAUME DURAND
MACRON autiste.

JULIEN DENORMANDIE
Mais pas du tout.

GUILLAUME DURAND
MACRON, une sorte de dictateur.

JULIEN DENORMANDIE
Mais pas du tout le président de la République est un président qui est à l'écoute, c'est lui qui a inventé le Grand débat, c'est lui qui a voulu qu'on le fasse, c'est lui qui l'a porté, ce n'est pas une autre personne, c'est lui. Est-ce qu'une personne qui n'écouterait pas ses concitoyens inventerait un Grand débat ? II a passé lui-même plus d'une centaine d'heures à débattre, est-ce que ça n'est pas là la démonstration très claire du fait que le président de la République écoute. Maintenant le président de la République, il a demandé à son gouvernement, à son Premier ministre de faire en sorte que suite à ce grand débat, il y ait des propositions très fortes qui seront prises et qu'il l'annoncera.

GUILLAUME DURAND
Justement c'est quand ?

JULIEN DENORMANDIE
C'est dans les prochains jours, je n'ai pas la date précise encore.

GUILLAUME DURAND
Une semaine, plus d'une semaine ?

JULIEN DENORMANDIE
Je ne pourrais pas vous le dire, je n'ai pas la date précise, mais cava venir très vite.

GUILLAUME DURAND
La dernière question est très simple, vous avez débloqué donc 1,3 milliard pour la rénovation urbaine, on parlait de ce voyage à Toulouse et notamment donc pratiquement 300 millions d'euros pour des quartiers de Toulouse, mais ce n'est pas ça la question, la question est très simple, est-ce qu'il faut pour faire ces économies pousser le curseur de l'âge de départ à la retraite, c'est ce qui est encore dans le rapport de l'OCDE ? C'est-à-dire il y a deux solutions pour gagner beaucoup d'argent, pour faire des économies, il va falloir travailler plus longtemps.

JULIEN DENORMANDIE
Pour moi la question de la réforme des retraites, ce n'est pas la question de l'âge, pas du tout la question de l'âge.

GUILLAUME DURAND
Ce ne sera pas ça donc la réponse ?

JULIEN DENORMANDIE
Ce ne sera pas ça la réponse.

GUILLAUME DURAND
Donc ça ne sera pas 63, 64,65 ans.

JULIEN DENORMANDIE
Je confirme, la mission confiée à monsieur DELEVOYE, elle ne porte pas sur l'âge de la retraite…

GUILLAUME DURAND
Oui mais il a été très inquiet après les déclarations…

JULIEN DENORMANDIE
Mais je crois que beaucoup l'ont rassuré. Elle porte sur la transparence et la justice dans le mécanisme de l'âge à la retraite, des droits à la retraite, aujourd'hui moi je serais totalement incapable de vous dire quels sont mes droits pour la retraite et je ne suis pas le seul, on est des millions comme ça.

GUILLAUME DURAND
Donc on reste à 62 ans ce matin ?

JULIEN DENORMANDIE
La réforme de la retraite, c'est de rendre plus juste et plus transparent le système.

GUILLAUME DURAND
D'accord mais on reste à l'âge légal de 62 ans.

JULIEN DENORMANDIE
La mission confiée à monsieur DELEVOYE se fait à l'âge de retraite constante.

GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup, donc nous sommes avec nos amis du Figaro, vous le savez ce matin aussi pour cet entretien politique, c'est Julien DENORMANDIE qui est chargé des problèmes urbains, donc au gouvernement et ministre de la Ville qui était l'invité politique de la matinale.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 avril 2019