Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être sur RTL ce matin. Notre-Dame, vous êtes allé sur place mardi matin je crois. Depuis l'incendie, la générosité des Français impressionne, elle est à la mesure de l'émotion nationale qui a saisi le pays, mais elle pose problème à certains, qui constatent qu'on a toujours plus de mal à trouver de l'argent pour les plus démunis, et là certes pour une bonne cause, mais on trouve un milliard en à peine 48 heures. Dans le fond, ils disent : il y a deux poids, deux mesures. Vous en pensez quoi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je pense que ça fait partie des fausses polémiques qu'il y a souvent dans notre débat public. Il est tout à fait normal qu'il y ait un élan national pour sauver ce joyau de notre histoire et ce joyau de ce qui nous a constitués. Donc je crois que c'est une fausse polémique, on peut toujours faire des comparaisons de tous ordres, mais de toutes les façons, cet argent n'est pas comparable à tout ce qu'on dépense en matière sociale, de façon général, donc ce qui se traduit en centaines de milliards d'euros. Donc je pense que l'on est... Donc c'est une fausse polémique, alors même qu'on a là un sujet d'unité nationale et au contraire qui montre la générosité, l'élan de notre pays, et il faut toujours des voix pour aller brouiller le message. Je crois que d'ailleurs l'élan pour cette générosité-là n'est pas contradictoire avec l'élan pour d'autres générosités, il faut que ce soit l'occasion d'avoir un levier de générosité, pour l'ensemble des causes, et en effet, notamment celle qui consiste à lutter contre la pauvreté. Ça va bien avec l'histoire de Notre-Dame d'ailleurs.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais ça ne fait pas écho quand même à ce sentiment d'injustice fiscale qui est tellement présent, et qui fracture de fait la France depuis plusieurs semaines.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais l'injustice fiscale c'est autre chose. Moi je crois que surtout…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui l'injustice sociale si vous voulez. L'injustice tout court.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est typique, c'est que, si vous voulez, on voit avec l'incendie de Notre-Dame, comme dans certains événements dramatiques que nous avons connus au cours des dernières années, une capacité de la France à s'unir, à d'un seul coup puiser dans son passé ce qui va la projeter vers l'avenir. Et dans ces moment-là, qui sont des moments d'unité, cette unité elle existe, il faut toujours qu'il y ait des voix pour essayer de briser cette unité. Il y a des gens qui n'aiment pas l'unité. Eh bien moi…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a des gens qui n'aiment pas l'unité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Moi j'aime bien l'unité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui ? C'est qui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien il suffit de regarder dans le débat public, ceux qui provoquent ce genre de polémique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, alors par exemple quand France insoumise accuse les grands mécènes comme ARNAULT et PINAULT de faire de l'opportunisme fiscal, c'est l'argument porté par Manon AUBRY hier, elle dit : « Il ne faut pas être dupe de cette générosité ». C'est ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Elle fait partie des gens qui n'aiment pas l'unité, ça vous pouvez le constater tous les jours.
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui n'aiment pas l'unité.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, parce qu'il y a un sujet, regardez, le leader de son parti, le soir même, a fait preuve d'émotion, a montré son sens du pays, si je puis dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
Jean-Luc MELENCHON.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien qu'elle maintienne cette ligne, je crois que c'est la meilleure, c'est celle qui est venue en premier et c'est finalement le bon élan, je dirais.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est Emmanuel MACRON qui disait mardi soir : « Il nous revient de retrouver le fil de notre projet national ». Vaste chantier.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais ceci... justement ceci ne se quantifie pas, d'ailleurs c'est pour ça que le sujet, le vrai sujet ce n'est pas un sujet d'argent en réalité, le sujet il est comme toujours, l'immatériel compte beaucoup plus que le matériel. Derrière un bâtiment qui brûle, ce qui compte c'est l'âme d'un pays, c'est sa capacité d'unité, et nous savons bien que notre problème n'est pas d'être un pays qui ne serait pas assez riche ou un pays qui aurait des problèmes matériels très importants, on est d'abord et avant tout un pays qui a besoin de s'unir davantage, d'avoir davantage une société de confiance. Il n'est pas normal qu'on soit un des pays les plus pessimistes dans les sondages qui sont faits, derrière le Bangladesh, alors même qu'on reste un des pays, un des plus grands pays, un des plus beaux pays, un des pays où la qualité de la vie reste très forte, avec évidemment bien des problèmes, mais tous les pays ont des problèmes. Donc le vrai sujet il est toujours immatériel, il est celui de l'âme de la Nation, il est celui du contrat social, et c'est bien justement le défi que nous sommes en train de relever, grâce au grand débat d'ailleurs, et c'est ce qu'on verra au cours des prochains jours quand le président s'adressera au pays, c'est d'être capable de souder davantage le pays, autour des grandes causes, la reconstruction de Notre-Dame en est une, mais il est évident que la lutte contre la pauvreté, la question de la justice sociale et de la justice territoriale sont des grands sujets qui doivent être aussi évidement portés dans cet élan d'unité nationale, qui n'exclut pas le débat, qui n'exclut pas la discussion, qui n'exclut pas le des approches différentes évidemment, mais qui quand même fait appel à ce que nous avons de meilleur, c'est-à-dire notre capacité à nous unir.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, on enverra tout à l'heure, on évoquera les annonces. La reconstruction de Notre-Dame en 5 ans, c'est une gageure, ça traduit une volonté d'aller très vite. Alors, il y a l'argent, on l'a dit, c'est déjà énorme, les procédures administratives elles peuvent être accélérées, il reste un obstacle, Jean-Michel BLANQUER, c'est quand même la main-d'oeuvre. Le secrétaire général de Compagnons du Devoir, les fameux Compagnons qui incarnent l'excellence artisanale française, l'a dit : « On n'a pas les bras ».
JEAN-MICHEL BLANQUER
Justement…
ELIZABETH MARTICHOUX
« On n'a pas les bras pour faire ça en 5 ans ».
JEAN-MICHEL BLANQUER
Et là ça devient très concret. Si vous voulez, c'est là qu'il faut sonner la mobilisation générale, si vous voulez, c'est ce que nous allons faire tout à l'heure à 10h15 avec Muriel PENICAUD et Franck RIESTER, on réunit justement les Compagnons du Devoir, différentes Fédérations du bâtiment, des métiers d'art, pour mobiliser nos ressources, qui sont en réalité considérables. Notre potentiel est considérable. Il faut savoir que la France est un pays qui a encore de magnifiques compétences en matière de métiers d'art, je suis bien placé pour le savoir parce que nos lycées professionnels sont à la pointe de ces compétences. Vous avez aujourd'hui 143 lycées professionnels en France qui forment à ces métiers, ça concerne 7 000 élèves. Je les visites souvent, j'en ai vu beaucoup, des tailleurs de pierres, des sculpteurs, des personnes qui savent faire des vitraux etc., tout ça, ça existe encore, mais pas en assez grand nombre, et on a des formations très bien faites qui parfois n'attirent pas suffisamment les élèves, parce qu'ils ne savent pas que ça existe, parce qu'on n'en fait pas suffisamment la publicité.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est l'occasion effectivement de faire l'éloge sans doute de ces filières qui sont méconnues, peut-être négligées, mais là en l'occurrence, en 5 ans, vous ne pourrez pas former, enfin vous ne pourrez pas faire en sorte que dans deux ou trois ans il y ait le capital humain nécessaire pour travailler sur la cathédrale.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, d'abord, il y a la cathédrale elle-même, qui va nécessiter un grand nombre de compétences, mais je pense qu'on on les aura, parce qu'aujourd'hui on forme déjà, quand même, je vous dis, il y a 7 000 élèves en permanence…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites au secrétaire général des Compagnons du devoir : « Non, on a les bras ».
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce que je crois, on a les bras, mais il en faudra plus, et il en faudra plus non seulement pour Notre-Dame de Paris, mais pour l'ensemble du patrimoine de France, et je dirais même au-delà du patrimoine de France, la France a une occasion, parce que d'un mal doit naître un bien, la France a une occasion de, sur la base d'un savoir-faire qui est unique au monde, le monde entier nous reconnaît ça et nous faisons partie des trois ou quatre pays seulement au monde qui savent faire un certain nombre de choses qui datent du Moyen-âge et qui se sont évidemment enrichies au fil du temps. Ce savoir-faire qu'incarnent très bien les Compagnons du Devoir et t qu'incarnent bien nos métiers, nos professeurs de lycées professionnels, eh bien ce savoir-faire nous allons le développer, c'est le sens de la réunion que nous avons ce matin, nous avons... Il se trouve que nous avons beaucoup travaillé sur ce…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous allez développer, ça veut dire quoi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien je vais vous donner un exemple. Depuis 2 ans je travaille à une réforme de la voie professionnelle, qui sera en vigueur à partir de septembre prochain. Un des éléments de cette réforme c'est la création de grands Campus Professionnels, je parlais de Harvard du pro, c'est-à-dire des lieux qui font envie, des lieux où on développe des compétences de ce type. Et il se trouve qu'on avait préparé deux campus de métiers d'arts, un à Versailles dans les écuries du Château de Versailles, qui sera prêt dans un an, et qui déjà créé un élan autour des métiers d'art et notamment des métiers dont certains se sont développés à l'occasion de la construction du Château de Versailles sous Louis XIV. Et puis nous avons aussi un autre Campus qui va relier des institutions. Prestigieuses, des lycées professionnels, à Paris, à la manufacture des Gobelins, et là aussi ce sont des métiers d'art.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ça, c'était déjà fait. Versailles et les Gobelins…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça c'était préparé, c'était dans nos dossiers. Heureusement on n'a pas attendu l'incendie pour se rendre compte qu'on avait besoin de développer cette force. Ce savoir-faire français c'est un trésor, et ce trésor il faut le faire fructifier, et donc nous le faisons fructifier tout simplement en développant quantitativement et qualitativement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et il y en aura d'autres ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y en aura d'autres, dans toute la France, c'est le c'est le travail d'aujourd'hui, cela concerne toute la France, et y compris l'Outre-mer, on doit avoir cet élan de la France, qui lui-même d'ailleurs doit avoir une dimension internationale, regardez ce qu'a dit Audrey AZOULAY en tant que directrice de l'UNESCO sur cette question. Nous devons reconfirmer la France, si je puis dire, dans sa compétence nationale et mondiale, en matière de savoir-faire à la française, c'est-à-dire en matière de métiers d'art en l'occurrence, et puis des métiers de la construction concernés, comme charpentier par exemple.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord, mais c'est des messages aux jeunes, c'est des messages à l'ensemble, que vous passez, que vous allez passer tout à l'heure avec Muriel PENICAUD, ou vous allez faire des annonces plus concrètes déjà ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, on va avoir déjà une réunion de travail avec l'ensemble des acteurs du secteur, comme vous avez cité les Compagnons du Devoir mais aussi la Fédération du bâtiment, etc., parce que ce n'est pas seulement les métiers d'art, mais aussi des métiers de la construction, et donc nous ne confondons pas vitesse et précipitation, bien sûr, nous allons vite comme vous le voyez, mais nous devons structurer un plan pour allier des personnes qui d'ailleurs parfois travaillent insuffisamment ensemble. Le monde de l'apprentissage, le monde de l'enseignement professionnel et le monde du compagnonnage, nous sommes dans un état d'esprit d'unité, cette unité dont je parlais tout à l'heure, d'unité pour tout simplement l'intérêt de notre pays et l'intérêt de nos enfants.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le message est passé. Après l'émotion, est-ce qu'il ne faut pas que le président maintenant réponde rapidement aux Français, réponde à leurs attentes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr que oui, il va…
ELIZABETH MARTICHOUX
Par rapport au Grand débat, bien sûr.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il va leur parler, bien entendu.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce qu'il faut que ce soit là, dans les jours qui viennent ? Sur RTL on évoquait encore un délai qui pourrait aller jusqu'à 10 jours.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oh, je pense... Ecoutez, c'est au président de répondre à cette question…
ELIZABETH MARTICHOUX
Plutôt la semaine prochaine, pour vous ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
A mes yeux c'est la semaine prochaine, oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Plutôt la semaine prochaine. Vous n'avez pas fait l'ENA, Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je n'ai pas fait l'ENA, non.
ELIZABETH MARTICHOUX
Si on se fie aux fuites…
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'ai écrit un livre sur l'ENA.
ELIZABETH MARTICHOUX
... des annonces qu'aurait dû faire Emmanuel MACRON, alors on va gagner du temps, vous n'allez ni confirmer ni infirmer, vous attendez comme nous les arbitrages, mais si on se fie à ces fuites, il aurait annoncé la suppression de cette école, qui est présentée parfois comme une caricature de l'entre soi, une caricature de la de la non-reproduction ou plutôt de la reproduction sociale. Bon, est-ce que ça irait dans le bon sens ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, bien entendu, comme vous l'avez dit, je ne vais pas commenter des noms mesures, en quelque sorte, parce que tout ceci est totalement, n'est pas un discours du président.
ELIZABETH MARTICHOUX
N'est pas officiel, n'est pas annoncé.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Seul le prononcé fait foi, comme on dit, eh bien…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ça va dans le bon sens ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je crois que nous avons à refonder la méritocratie républicaine. On a besoin d'avoir évidemment des élites administratives, il ne faut pas avoir peur du mot, parce que c'est de la compétence. Vous savez, dans un moment comme l'incendie de Notre-Dame, ce que l'on voit d'abord et avant tout c'est l'incroyable force de l'état, de la puissance publique en France. Regardez les sapeurs-pompiers, ils sont la puissance publique. Regardez les fonctionnaires du ministère de la Culture, ils sont la puissance publique. On critique toujours l'Etat, mais dès qu'il y a un peu un problème, on est bien content de retrouver justement là aussi, venue du fond de notre histoire, cette puissance de l'Etat, et donc il faut évidemment des compétences.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais elles seraient supprimées, mais elles seraient remplacées.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Encore une fois, là vous avez bien raison de parler au conditionnel. Quoi qu'il arrive, on aura besoin de formules qui permettent cette méritocratie républicaine, laquelle doit notamment être beaucoup plus soucieuse de la diversité sociale de ceux qui bénéficient de cette méritocratie République.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Dans les annonces aussi, il annonçait la limitation de 24 élèves par classe, pour le dernier niveau de maternelle, le CP et le CE1 dans toute la France. Dans toute la France ? Quel que soit le territoire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, de nouveau, de nouveau vous me faites parler sur des choses qui sont…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, avec les guillemets d'usage.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Avec plus que les guillemets.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bon, on imagine que vous en avez parlé.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est certains... Bien sûr que je parle avec le président de ça, bien sûr que l'éducation est centrale dans le projet présidentiel. Quand il parle de la France, il parle de puissance éducative, donc nous devons investir dans notre éducation, c'est très clair, selon des modalités que lui-même dira la semaine prochaine, mais ce qui est certain, c'est que nous avons une priorité notamment pour l'école primaire. Vous le savez, la première de mes priorités c'est lire, écrire, compter, respecter autrui, pour tous les enfants de France. Or, nous avons 20 à 25 % des enfants qui ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux, et donc c'est tout à fait normal que nous investissons, notamment dans les petites classes, en matière de taux d'encadrement en particulier.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup à Jean-Michel BLANQUER d'avoir été notre invité ce matin sur RTL.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 avril 2019