Interview de Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports à France-Inter le 7 juin 2019, sur la coupe du monde de football féminin et les compétitions sportives.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Un grand entretien spécial Coupe du Monde de football aujourd'hui. Les footballeuses rentrent en compétition ce soir, match d'ouverture à 21 heures entre la France et la Corée du Sud, la finale le 7 juillet prochain. On souhaite aux Bleues, « es », le même succès qu'aux Bleus, « s ». Et pour parler des enjeux sportifs mais pas seulement de cette Coupe du Monde, je salue mes invités ici en studio à France Inter. Madame la Ministre des Sports, Roxana MARACINEANU, bonjour.

ROXANA MARACINEANU
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être là. Cédric GUILLOU, service des sports, rebonjour.

CEDRIC GUILLOU
Rebonjour.

NICOLAS DEMORAND
Vous allez suivre la compétition sur les antennes de Radio France. Georges VIGARELLO, bonjour.

GEORGES VIGARELLO
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Historien du corps et des émotions. Vous avez de fait croisé le sport aussi dans vos objets d'études. Et je salue, elle est en ligne avec nous par téléphone, Anne-Laure BONNET. Bonjour.

ANNE-LAURE BONNET
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Notre consoeur journaliste de beIN Sports. 70 % des places vendues, dispositif exceptionnel sur les chaînes de télé, le président Emmanuel MACRON qui est allé encourager les Françaises à Clairefontaine comme le veut la tradition quand les hommes jouent. Le football féminin, Madame la Ministre, qui existe depuis plus d'un siècle. Premier match officiel en 1917. Est-il en train de vivre un tournant peut-être historique et d'accéder au grand public ?

ROXANA MARACINEANU
Oui. C'est vrai que c'est le sport où il y a peut-être le plus d'inégalités, mais c'est aussi le sport qui est le plus visible. Donc à partir du moment où on parle de foot féminin, de sport féminin à travers le football, on parle aussi de plus de femmes dans le sport et aussi de la place de la femme au-delà dans notre société et donc c'est pour ça que c'est intéressant.

NICOLAS DEMORAND
Est-ce qu'il y a un plafond de verre-là qui va exploser entre foot féminin et foot masculin, entre les filles et les garçons, les hommes et les femmes ?

ROXANA MARACINEANU
On n'en est pas encore au plafond de verre. Je pense que c'est le début, les débuts pour le football féminin. Mais ce qui est intéressant, c'est aussi qu'au niveau de la Fédération, de l'organisation de cette Coupe du monde, il y a beaucoup de femmes qui se sont impliquées. Il y a beaucoup de femmes qui ont été sur la scène, visibles, des ancienne footballeuses notamment et moi je crois beaucoup que c'est aussi par la féminisation des instances dirigeantes, des personnes qui pensent aussi le football, l'organisation d'événements sportifs, que tout ça pourra changer. (…)

NICOLAS DEMORAND
Pourquoi les Etats-Unis sont la meilleure équipe au monde ? Est-ce que quelqu'un peut répondre à cette question ? Madame la Ministre ?

ROXANA MARACINEANU
Oui. Parce que le football féminin là-bas a totalement un autre rôle. Il y a le football américain pour les hommes et le football féminin.

NICOLAS DEMORAND
Expliquez-nous. Voilà, le foot, le soccer, est un sport de femmes et de filles là-bas.

ROXANA MARACINEANU
Oui, qu'on pratique beaucoup dans le cadre de l'école, qui derrière s'est professionnalisé et c'est ce qui fait aussi toute la différence dont parlait monsieur l'historien tout à l'heure.

NICOLAS DEMORAND
Georges VIGARELLO, oui.

ROXANA MARACINEANU
Monsieur VIGARELLO. Qu'on ait aussi cette notion de performance et d'homogénéité entre les équipes, entre les joueuses, c'est ça qui fait aussi que derrière on va pouvoir donner plus d'importance et plus de valeur à celui ou à celle qui gagne, à l'équipe qui va gagner. Et c'est vrai qu'en France, on a effectivement des clubs un peu formateurs comme Juvisy. On a ces clubs où les présidents investissent et donnent autant peut-être, ou en tout cas autant de moyens au départ aux filles et aux garçons, comme Lyon comme un peu le PSG là ces derniers temps. Mais ce qui compte, c'est qu'il y ait une homogénéité. C'est vrai qu'en France pour l'instant, voilà, à part de trois, quatre clubs on n'en est pas encore du tout dans le cas des Etats-Unis ou dans d'autres championnats comme on peut l'être aussi en Espagne ou ailleurs qu'aux Etats-Unis. (…)

NICOLAS DEMORAND
On voit et on le pose, le sujet. On voit arriver de l'argent dans le foot féminin. Roxana MARACINEANU, est-ce une bonne nouvelle ?

ROXANA MARACINEANU
Oui, bien sûr.

NICOLAS DEMORAND
Qu'il y ait plus de sponsors, plus d'argent. On critique le football business qui serait, comment dire, une forme attaquée de l'authenticité du foot. C'est un peu plus compliqué que çà et là, on peut peut-être se dire que, oui, s'il y a des sponsors c'est que le sport est en train d'émerger.

ROXANA MARACINEANU
Je crois que c'est indispensable parce que, pour arriver à ce que j'ai dit tout à l'heure, une vraie performance et une performance reconnue par les médias et, du coup, plus valorisée et qui va inciter d'autres petites filles à venir à ces sports-là, eh bien on va y arriver seulement si les joueuses peuvent être professionnelles et si elles peuvent se détacher complètement de leurs préoccupations, d'aller travailler en même temps que d'aller s'entraîner. Et donc à partir du moment où elles peuvent le faire de manière professionnelle, vraiment comme les garçons, et qu'elles peuvent en tirer un bénéfice pour pendant leur carrière mais aussi un peu après, au moins un petit peu, ça permettra aussi de professionnaliser le sport et c'est ça qui donnera aussi derrière plus de résultats reconnus donc plus de visibilité et ça entraînera aussi après la machine. (…)

GEORGES VIGARELLO
L'écart est considérable y compris au niveau des statistiques. La pratique féminine dans le football n'atteint pas 10 %.

ROXANA MARACINEANU
C'est exactement le même rapport finalement. Un joueur sur dix est une femme. (…)

NICOLAS DEMORAND
Est-ce qu'on demande beaucoup trop à cette équipe de foot comme on demande souvent beaucoup trop à l'équipe de France de football des garçons ? On leur demande aussi d'être des actrices du féminisme et de l'avancée des droits des femmes à l'occasion de cette compétition, Madame la Ministre ?

ROXANA MARACINEANU
Je crois que pour que tout cela marche, parce qu'on n'en demande jamais trop, voilà ça répond à des besoins tout ce qu'on demande dans la société et aussi pour elles. C'est vrai qu'on a envie qu'elles gagnent aujourd'hui parce que ça fait un moment qu'elles tournent autour de ce podium et on a envie qu'elles réussissent. Mais pour que ça marche, il ne faut surtout pas qu'elles sachent qu'on attend tout ça d'elles aujourd'hui. Et c'est pour ça aussi que le rôle de Corinne DIACRE est important parce qu'elle, elle est au courant mais je peux vous dire qu'elle fait filtre et qu'elle arrive aussi à les préserver et c'est ce qu'il faut jusqu'à la fin : qu'elles ne se sentent pas soumises à des attentes du public et des ambassadrices d'une cause.

NICOLAS DEMORAND
Ambassadrices, voilà, d'une cause.

ROXANA MARACINEANU
Parce que sinon, c'est très facile de s'oublier, d'oublier la performance et il n'y a rien de pire en fait. Il faut arriver à se concentrer. (…)

NICOLAS DEMORAND
Alors pourquoi le Parc des Princes et pas le Stade de France ?

ROXANA MARACINEANU
Je pense qu'on a choisi aussi tous les stades dans les neuf villes hôtes en fonction de la jauge qui avait été constatée à la dernière Coupe du monde pour qu'on n'ait pas justement des stades à moitié pleins. Et c'est le cas puisque quinze matches vont être joués aujourd'hui à guichets fermés donc c'est une réussite. L'important, c'est au moins de donner effectivement cette impression de plénitude au moment de l'arrivée sur le terrain et d'engouement, donc voilà. On a aujourd'hui, je pense, fait exactement ce qu'il fallait faire pour que ce soit un beau spectacle.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 juin 2019