Texte intégral
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Q - Vendredi, sous l'égide du Premier ministre, il y avait un comité interministériel du tourisme. En 2018, le tourisme a connu une année encore record pour la France avec près de 56 millions de touristes qui sont venus en France. C'est une année record, malgré les gilets jaunes, j'ai envie de dire, et surtout, cela veut-il dire que vous avez l'objectif de passer à la vitesse supérieure ? Elle est déjà passée, vous voulez aller encore plus loin, mais pourquoi ? Vous avez annoncé des mesures dont nous parlerons dans un instant.
R - Vous avez raison, la France demeure sur le podium en matière de tourisme international, 89,4 millions de touristes internationaux qui ont généré 56,2 milliards de retombées sur l'ensemble de nos territoires.
Q - Oui, donc, on va rectifier, près de 90 millions de touristes, une hausse de 3%, et puis un objectif de 100 millions d'ici 2020.
R - Ce sont donc des chiffres très importants parce que l'on est en croissance, à la fois sur le nombre de visiteurs et sur les recettes. Souvenez-vous, nous sommes encore un peu à la traîne par rapport à l'Espagne par exemple sur le panier dépensé par les touristes. C'est pourquoi d'ailleurs, sous l'égide du Premier ministre, nous avons pris des mesures visant à favoriser les achats, le shopping etc... On a réformé la détaxe en faisant en sorte que désormais l'on puisse rendre non pas seulement mille euros, en cash, aux touristes qui sont éligibles à la détaxe, mais que l'on puisse passer à 3.000 euros parce que nous avons regardé les comportements et la plupart du temps, ces gens, avant de quitter le sol national, dépensent l'argent qui leur est rendu en détaxe. Par ailleurs, nous avons baissé le seuil de la détaxe qui jusqu'à maintenant était de 175 euros. On avait des voisins européens qui étaient plus agressifs on va dire, l'Espagne l'a totalement fait sauter, les Italiens sont à 150 euros, donc on l'a mis à 100 euros.
Q - Et pourquoi ne pas le faire sauter, complètement, comme vous le dites ?
R - En réalité, on se rend bien compte qu'il y a un minimum, cela correspond à 85%, à ce taux, les entrepreneurs plébiscitaient ce niveau. On voit que l'on répond largement à la demande moyenne. Il ne s'agit pas juste de rembourser l'achat d'une petite babiole, là on voit que l'on est sur la large gamme du commerce et surtout, on étend la période durant laquelle on prend en compte les achats, c'est-à-dire qu'avant c'était un jour, maintenant on passe à trois jours, ce qui permet de vrais parcours de shopping sur une destination. En effet pour l'instant, Paris souffrait d'un peu de moins de dépenses de ce que faisaient les touristes à Londres ou à Dubaï. De ce point de vue-là, d'ailleurs Philipe Houzé était présent et il se réjouissait de ces mesures.
Q - Le patron des Galeries Lafayette qui était notre invité, il y a quelques jours.
R - Et donc on est aussi là sur des mesures pour favoriser le commerce en France, commerce qui a effectivement souffert avec l'épisode des gilets jaunes. Mais ce que je peux vous dire, c'est que l'on pousse les feux avec Atout France. Je salue l'arrivée d'une personne que vous connaissez bien, Mme Leboucher, qui était numéro 2 de Business France, à la tête d'Atout France. Elle avait jusqu'à maintenant mission d'attirer les investissements en France. Elle a aujourd'hui mission d'attirer les touristes en France. Nous allons travailler de concert. Nous le faisons avec toutes nos ambassades pour redresser l'image et les images qui ont circulé pendant ce mois de décembre où on a vu les Champs-Elysées parfois mis à sac et nous sommes heureux de voir qu'au mois d'avril, les indicateurs repartaient au vert après un premier trimestre un peu mitigé en matière de tourisme.
Q - Le premier trimestre qui était en baisse de combien ?
R - Moins 5% sur les arrivées internationales. Mais les recettes internationales, elles se maintenaient. En tous les cas ce que l'on voit maintenant c'est une reprise y compris les touristes américains, par exemple, arrivent à un rythme assez soutenu, en croissance de 3,5% par rapport à l'année dernière qui était déjà une année record. Donc, voilà, je crois que les campagnes de promotion, les campagnes pour rassurer commencent à...
Q - Le mot est important parce que... Rassurer, donc, effectivement, il y a les gilets jaunes, la violence, les dégradations et la question de la sécurité. On a vu des Chinois qui ont été attaqués, dérobés, donc il y a un vrai problème de sécurité. Il y a un ressenti en tant que tel en tout cas.
R - Ce sont les clientèles asiatiques qui sont les plus sensibles à ce sujet de sécurité, vous avez raison, Chinois, Coréens, Japonais et de ce point de vue-là, il y a eu un gros travail de pédagogie, fait non seulement par l'Etat mais également par les régions, les désignations. Jean-François Martins, adjoint au maire de Paris, a fait une mission en Chine auprès des tours opérateurs. Dès que je fais un déplacement à l'étranger, je rencontre les tours opérateurs également pour bien expliquer la situation et je crois qu'aujourd'hui on est en train de renouer un peu avec le succès français en matière de tourisme. Mais il ne faut jamais relâcher les efforts parce que le tourisme, on le voit, il y a une concurrence croissante, je parlais de nos amis espagnols, mais les Italiens également. Et surtout, tout le monde se dispute ces clientèles, chinoise notamment parce qu'on est à 162 millions de touristes chinois dans le monde. C'est la première nationalité.
Q - Oui, et on en est qu'au début, j'ai envie de dire, de l'arrivée des Chinois, du tourisme chinois.
R - Tout à fait et...
Q - 162 millions ?
R - 162 millions, première nationalité, qui voyage dans le monde et donc nous faisons tout pour nous adapter à ces nouvelles clientèles. D'autant plus qu'il y a une montée en gamme. Moins de clientèle de groupe, plus de clientèle individuelle à qui il faut offrir des expériences. Et donc, on a aussi un atout, c'est notre patrimoine. Nous avons décidé vendredi de lancer ce qui pourrait s'apparenter aux paradores, c'est-à-dire ces magnifiques bâtiments historiques, qu'on connaît en Espagne, mais qu'on a en France.
Q - Oui, ça existe, il y a les châteaux...
R - Voilà. Nous lançons cela avec la banque des territoires, avec le ministère de la culture et celui de la cohésion des territoires, pour créer de nouvelles expériences dans des endroits uniques.
Q - Sous un label unique ?
R - Sous un label unique.
Q - Qui va s'appeler comment ?
R - Relais de France, avec des gérants qui pourront être différents. On va lancer l'appel à projet au mois de juin et on met un million d'euros sur la table pour accompagner ceux qui se manifesteront pour porter ces projets et tout ça est convergent avec tout le travail de Stéphane Bern en matière de réhabilitation du patrimoine.
Q - Juste, parce que vous parlez souvent d'Espagne, Jean-Baptiste Lemoyne. Donc, on a plus de 90 millions de visiteurs étrangers, ça c'était en 2018. C'est un peu plus de 56 milliards de recettes. Les recettes sont insuffisantes par rapport au nombre de touristes étrangers ? Votre objectif c'est quoi en termes de recettes, c'est d'atteindre quoi ? Vous avez dit votre objectif en nombre de touristes : 100 millions, mais quoi en termes de recettes ?
R - Notre objectif c'est 60 milliards en 2020. Voilà, on est à 56 donc il y a 4 milliards d'euros à aller chercher, parce que ce sont autant de richesses redistribuées sur nos territoires. Parce que le tourisme, c'est certes Paris et l'Ile-de-France qui souvent est un point d'entrée mais on pense naturellement à de nombreux territoires ruraux. Et je me réjouis que d'ailleurs on voit y compris les plateformes parfois permettent de revitaliser, redonner de l'hébergement dans des zones rurales où, hélas, l'hôtellerie indépendante avait disparu. Je vois également des hôteliers indépendants qui se serrent les coudes pour relancer ce type d'infrastructure. Logis de France y travaille, l'UMIH avec Roland Héguy y travaille également. Je crois qu'il y a un travail pour rouvrir des lits dans les zones rurales. Et puis ne pas oublier qu'en matière de montagne, où nous avons énormément d'atouts, nous avons une première place à reconquérir qui a été chipée par les Autrichiens et de ce point de vue-là, nous faisons...
Q - Est-ce qu'on est cher, très cher, en France ? On est très chers, pas forcément hospitaliers, toujours un problème de services, d'où un problème de formation.
R - Parce qu'on a parfois un parc qui a un peu vieilli. Parce que nous connaissons ce phénomène, hélas, des lits froids et volets clos, c'est-à-dire des résidences immobilières qui, parfois, ont été amorties, pour lesquelles les propriétaires ne louent plus leurs logements et donc on a besoin de rouvrir ces lits ou de créer de nouvelles infrastructures. Je me réjouis par exemple que le club Med ouvre un Resort, chaque année, dans les Alpes. Ça permet très clairement, on parlait de clientèle chinoise, il va y avoir les JO d'hiver en 2022 en Chine, ils s'y mettent, et c'est toute une clientèle qui pourra également découvrir nos stations dans les prochaines années.
Q - Il y a un phénomène parisien sur lequel je voudrais m'arrêter d'abord. L'incendie de Notre-Dame qui nous a tous traumatisé mais aussi bien à l'étranger. On a vu l'impact que ça a eu. Est-ce que, du coup, ça a un impact négatif sur la venue de touristes à Paris ou pas ? Vous l'avez déjà mesuré ?
R - J'avoue que cela a été une émotion planétaire. Je vais vous donner une anecdote : j'étais en Ouzbékistan au moment où cela s'est passé et j'ai vu les Ouzbèkes me témoigner vraiment de leur grande peine et ce n'était pas feint, on sentait qu'il y avait véritablement une dimension universelle et pour répondre à cette question : nous allons tout faire pour préserver la découverte de Notre-Dame qui ne pourra plus être vue de l'intérieur pendant quelques années. Mais, vous savez que je suis issu d'un territoire, l'Yonne, où nous avons le chantier médiéval de Guédelon et donc j'ai soufflé au chef de Etat, l'idée selon laquelle on pourrait peut-être montrer la reconstruction, une partie du chantier, parce que c'est cela l'expérience de Guédelon, c'est montrer les ouvriers, ces artisans...
Q - Oui, mais vous avez vu la polémique. C'est-à-dire, on a ouvert une télévision américaine qui a pu filmer les premières images de l'intérieur de Notre-Dame.
R - Oui, mais je pense que montrer à tous les touristes l'excellence et le savoir-faire français à l'oeuvre pour reconstruire ce qui a été détruit, je crois que ce serait magnifique, une très belle vitrine. Et puis par ailleurs, il y aussi sûrement un projet à faire à côté de Notre-Dame pour raconter l'histoire de Notre-Dame, pour recréer un parcours en tous les cas et on doit surmonter ce coup dur. Il y a tout un dispositif pour accompagner les commerçants parce que la zone a été très atteinte.
Q - Surtout, il est interdit au public. On peut juste passer rapidement mais c'est tout. Est-ce les encombrements dont on souffre tous, les travaux absolument incroyables à Paris, cela a un impact sur les étrangers ou pas ?
R - Vous savez, on a un réseau de transport en commun qui est quand même particulièrement dense et bien desservi. Donc, ce que je constate, Paris et l'Ile-de-France sont toujours plus attractifs. Nous avons d'ailleurs un certain nombre de monuments clés toujours à mettre en valeur. C'est les 130 ans de la Tour Eiffel. C'est donc un moment de communication autour de cette belle et grande dame partout dans le monde et qui continue à attirer.
Q - Juste une question là-dessus. Justement, certains parlent d'interdire au sein de Paris les cars de tourisme ce qui pourrait être une bonne idée pour les Parisiens que nous sommes et peut-être pas très bon en termes d'impact pour le tourisme ? Vous y êtes favorable ou pas favorable ?
R - Il faut réguler assez strictement la circulation. En tous les cas trouver les voies et moyens, on le sait, les enjeux de climat, d'environnement, ils sont suffisamment prégnants pour qu'on permette aux touristes à travers des mobilités douces, à travers les transports en commun, de pouvoir se véhiculer. Il faut arriver à articuler ça avec les transporteurs. Il ne s'agit pas d'imposer mais il faut vraiment se mettre autour de la table.
Q - Un dernier mot là-dessus, sur les indications. Après on parlera d'un sujet aussi très compliqué, les tensions commerciales, qu'on a notamment avec les Etats-Unis. Vous voulez relancer la formation dans ce secteur, c'est vrai que c'est un gisement d'emplois. Pourquoi ? Comment ? Est-ce que vous trouvez que justement le service que nous on offre en France n'est pas à la hauteur ?
R - En fait, je fais un constat. J'étais il y a quelques jours à la Grande Motte et je voyais le président des hôteliers qui me disait : c'est dramatique parce que, faute de trouver du monde, on est obligé de se limiter dans le nombre de couverts, de se limiter dans le nombre de services et donc, on le sait, il y a 100.000 emplois non pourvus dans le tourisme. Nous ce qu'on veut, avec les professionnels faire en sorte de plus attirer vers ces métiers. Il y a besoin aussi d'avoir une communication très positive parce que c'est vrai que ce sont des métiers qui sont durs.
Q - Voilà, les conditions de travail sont parfois très difficiles.
R - Mais vous pouvez commencer serveur, cuisinier et puis dix ou quinze ans plus tard acheter un établissement. Vous pouvez vous mettre à votre compte. Bref, cela permet de prendre l'escalier social. Vraiment, je le dis. Ensuite, il faut fidéliser. Parce que, on le voit, beaucoup de jeunes se forment aux métiers de l'hôtellerie, que ce soit dans les lycées professionnels, que ce soit dans des filières CAP, etc. Mais au bout de trois-quatre ans, ils ont tendance à partir ailleurs, à partir sur d'autres filières, d'autres métiers. Donc, pour les fidéliser, je crois que les professionnels se sont engagés également à une répartition des fruits de la croissance, à utiliser à fond la loi PACTE, l'épargne salariale, et puis, par ailleurs, à offrir des parcours, parce que les métiers du tourisme, ce ne sont pas que l'hôtellerie et la restauration, c'est aussi l'événementiel, c'est de l'accueil. C'est aussi le lien avec le sport parce que nous allons accueillir des grands événements sportifs internationaux et qu'il va falloir former beaucoup de gens.
Donc, pour cela, on met en place pour la première fois - cela n'existait pas - une plateforme web où l'offre et la demande vont pouvoir se rencontrer.
Q - Qui s'appelle comment ?
R - La plateforme va être opérationnelle dans six mois, mais, ça y est, on a le financement, on a le porteur : cela va être l'Institut français du tourisme qui porte la plateforme. Tous les professionnels sont engagés, l'Etat également. On va donc pouvoir enfin mettre l'offre et la demande en face et travailler sur des parcours afin que l'on puisse progresser, tout au long de la vie, à travers la formation.
Ce que je vois, c'est que beaucoup d'entreprises s'emparent de la loi Pénicaud sur l'apprentissage qui crée des CFA, Accor le fait, Médéric le fait. Les signaux sont en train de passer au vert à la fois sur la formation et puis la fidélisation.
Q - Vous vous êtes fixé des objectifs en l'occurrence en termes de créations d'emplois dans le tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne ?
R - Par exemple, en matière d'apprentis, nous aimerions doubler, passer de 30.000 à 60.000. Il est vrai que l'on voit que les chiffres sont en hausse pour l'apprentissage en France. On a fait sauter un certain nombre de verrous et c'est heureux car c'est une voie d'excellence. Moi, je suis passé par l'alternance, c'est un peu différent, mais c'est très similaire et je peux vous dire que l'on apprend énormément.
Q - On parle des tensions commerciales, un dossier très compliqué et très chaud. L'Union européenne a dit qu'elle était prête à négocier notamment sur la question de l'automobile, avec Donald Trump, qui nous a donné un délai, qui nous a donné un peu plus de 180 jours de délais, 6 mois. Est-ce qu'il faut signer un accord avec les Etats-Unis sur l'automobile, ou pas ? Il y a une réunion le 27 mai, je crois.
R - Nous nous retrouvons, les ministres européens du commerce, effectivement à Bruxelles le 27 mai, au lendemain des élections européennes. Ce sera l'occasion de faire un point. Parce qu'il y a cette semaine la ministérielle OCDE qui se tient à Paris, Rob Lighthizer, le représentant au commerce de Donald Trump sera là, nous avons un certain nombre d'échanges.
Ce qui est sûr, c'est que l'Union européenne ne veut pas négocier sous la menace. Donc, nous l'avons dit, il y a ce besoin, aussi, pour montrer de la confiance, que les Etats-Unis lèvent leurs droits de douane sur l'acier et l'aluminium, par ailleurs s'abstiennent de toute menace de droits de douane sur l'automobile, parce qu'on ne se fait pas cela entre alliés !...
Q - Oui, mais enfin c'est fait, c'est comme ça...
R - Qui peut croire que l'automobile européenne menace la sécurité nationale américaine ?
Q - Donald Trump.
R - Voilà. Non, mais...
Q - Oui, mais c'est quand même le président des Etats-Unis, il dit ce qu'il veut...
R - C'est pour cela qu'avec les Allemands, avec bien d'autres, on montre aux autorités américaines combien nous investissons aux Etats-Unis. Je prends un cas concret : Airbus. Airbus a une usine à Mobile, aux Etats-Unis.
Q - Vous parlez d'Airbus. Airbus, il assemblait au Canada. Du coup, maintenant, il assemble à Mobile justement, parce que les mesures de Donald Trump. Donc, il y a un effet quand même ?
R - Airbus va continuer à assembler au Canada pour la bonne et simple raison que justement il y a eu un rapprochement entre les C-Series de Bombardier et Airbus pour produire des monocouloirs de taille plus modeste pour répondre à un marché qui est en pleine émergence dans le monde.
Donc, il n'y a pas de relation de cause à effet.
Q - Je peux vous dire qu'il y en a, mais on ne va pas se lancer sur ce débat-là, mais là, je connais un peu le dossier, il y en a.
R - Ce que je veux dire c'est que, on le voit, il ne s'agit pas sous la menace d'abdiquer et d'autolimiter nos exportations. Parce que c'est ce que souhaite Donald Trump.
Q - Qu'est-ce que l'on va signer là ?
R - Avant de signer, il faut se parler et il faut voir s'il y a un terrain d'entente.
Q - Et le terrain d'entente du côté français parce que vous êtes Français, ministre français, il est sur quoi ? Qu'est-ce que vous êtes prêts à céder ? Où est la ligne rouge dans le sens inverse ?
R - Nous, nous avons un certain nombre de sujets où on a dit : l'agriculture est en-dehors de tout cela. Les Américains veulent mettre l'agriculture, il est hors de question, on a des préférences, en Europe on souhaite consommer sans OGM, etc.
Q - Mais sur l'automobile ? Puisque c'est le 27 qu'on va en discuter...
R - C'est l'automobile et c'est le secteur industriel en général. On va regarder, sur les lignes, s'il y a des progrès à faire, tout cela se regarde. Mais on n'est pas là pour souscrire, parce que ce que nous demandent les Américains, c'est quoi ? C'est une autolimitation des exportations, c'est ce qu'ils ont obtenu des Canadiens et des Mexicains. Pourquoi l'accord NAFTA-2 a été signé ? Parce que ces deux pays ont accepté de contingenter leurs exports. Nous, nous considérons que c'est contraire aux règles de l'OMC et, par conséquent, nous n'allons pas aller vers ce type de mesures, nous n'allons pas y consentir.
Il y a un dialogue qui effectivement est plutôt franc et viril, mais il y a un moment où on ne va pas, nous, faire carpette, parce que l'on considère que nous avons de bons arguments et parce que l'on considère que nos économies, nos chaînes de valeurs sont interpénétrées. Donc, je crois qu'il faut qu'on arrive à en faire prendre conscience aux Etats-Unis.
Q - D'accord, Jean-Baptiste Lemoyne, on connaît le discours. Mais, là, on est dans les actes. Vous avez Donald Trump qui dit que l'Europe est pire que la Chine en plus petit. Donc, qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que l'on signe ? Et faut-il signer ? D'abord, je croyais que l'on ne signait plus avec un pays qui ne respectait pas l'accord de Paris.
R - C'est pourquoi nous n'avons pas, nous, voté pour le mandat de négociations. Nous avons été très clairs, on l'a assumé.
Q - Vous avez perdu...
R - Oui, parce que c'est à la majorité qualifiée. Mais on a affirmé haut et fort les choses et je pense que c'est un signal qui a été bien reçu par nos partenaires européens, parce que, jusqu'à maintenant, ils avaient le sentiment que lorsqu'on parlait de climat, d'environnement, c'était pour faire beau. Non, c'est une vraie conscience que nous avons. Et donc, on va continuer...
Q - Il y a une ouverture possible sur l'automobile ? Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ?
R - Sur les Etats-Unis, en fait, le souci premier de Donald Trump, vous l'avez dit, c'est la Chine et c'est le containment de la Chine.
Q - Oui, mais là, on est sur l'Europe et l'automobile, Jean-Baptiste Lemoyne. Est-ce qu'il y a une possibilité d'accord ?
R - Oui, mais tout est lié. Ce que je veux dire c'est que les Américains sont tout de même sensibles par exemple à la position de la France qui, sur la Chine, est en train de déciller les yeux d'un certain nombre de partenaires européens. Vous parliez de Huawei tout à l'heure, nous sommes ceux qui justement promouvons avec nos amis Allemands le fait d'avoir une vraie filière de batteries autonomes, d'intelligences artificielles.
Q - Oui, mais, nous, on va travailler, Emmanuel Macron l'a dit : "il faut travailler avec Huawei". Donc, on va travailler avec Huawei ; je reçois après-demain Stéphane Richard, le patron d'Orange, il va travailler avec Huawei. Donc on n'est pas du tout dans la philosophie américaine de Donald Trump qui a signé son décret en disant "pas de Huawei".
R - Nous sommes ceux qui, en Europe, prévenons sur le fait de toute naïveté vis-à-vis de la Chine qui déroule un plan stratégique "Chine 2025". Et, pour le coup, on le dit et on a obtenu d'ailleurs de la Chine de réviser un certain nombre de ses éléments de langage sur l'accès au marché. Lorsque le président Xi vient à Paris, et que le président Macron est avec la chancelière Merkel et avec Jean-Claude Junker, il prend...
Q - Est-ce qu'il y aura un accord sur l'automobile, là ? Oui ou non ? Je sais que ce n'est pas complètement de votre registre... Non ?
R - Ce que je veux dire, c'est que l'Union européenne a un mandat de négociations qui concerne l'industrie. Mais ce mandat de négociations, je ne peux pas vous dire si un terrain d'entente sera trouvé ou pas parce que les négociations n'ont même pas débuté.
Q - Oui mais on a 180 jours et donc j'imagine que vous avez des positions, du moins je l'espère...
R - Oui, nous avons des positions. Mais ce que je veux dire, c'est que l'on ne va pas, à tout prix, souscrire à des mesures qui ne sont pas juridiquement valables et légales, comme celles de l'autolimitation de nos exportations.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2019