Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur les chambres de commerce et d'industrie, à Levallois-Perret le 15 avril 2019.

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Circonstance : Inauguration des nouveaux locaux de CCI France et signature du Contrat d'objectifs et de performance (COP), à Levallois-Perret le 15 avril 2019

Texte intégral

Mesdames les députés,
Monsieur le président de CCI France, cher Pierre Goguet,
Monsieur le conseiller, cher Arnaud De Courson,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Chers amis,


Si on m'avait dit, il y a quelques années, que je fêterais mes 50 ans à CCI France, je crois que je ne l'aurais pas cru. Et si on m'avait dit que je serais heureux et fier de fêter cet anniversaire ici à Levallois-Perret, au nouveau siège de CCI France, je l'aurais peut-être encore moins cru. Je veux vous dire que c'est pour moi une fierté, un honneur d'être, dans ce jour très particulier, ici pour inaugurer les locaux de CCI France et surtout signer notre contrat d'objectifs et de performance ensemble.

C'est un bonheur d'être ici parce que nous avons été élus, avec le président de la République, pour porter des transformations en profondeur de notre pays. Pas pour faire de petites réformes ici et là, qui s'ajoutent comme les petits cailloux, mais pour faire des transformations qui donneront au bout du compte un modèle économique et social plus efficace, plus juste et plus prospère pour nos compatriotes. Voilà le sens de l'élection de 2017 et voilà pourquoi j'ai rejoint le président de la République. J'ai été élu comme député de cette majorité pour porter ces transformations. Et sur tous les sujets, que ce soit les sujets de fiscalité, les sujets industriels, les sujets européens avec la transformation de la zone euro, les sujets internationaux puisque je rentre tout juste de Washington et que je porte dans le cadre du G7 la transformation indispensable de la fiscalité internationale pour qu'elle soit plus juste et que les géants du numérique payent le même niveau d'impôts que vous, chefs d'entreprise, vous payez. Ce qu'il y a derrière toute cette ambition, c'est une transformation pour plus de justice et plus d'efficacité. Mais la transformation, c'est difficile. La transformation, d'abord, ça ne peut pas se faire seul. Il faut arriver à convaincre ses partenaires. La transformation, ça bouscule des habitudes, parfois des intérêts. Et donc on peut se heurter à des résistances. On le sait bien. Il faut convaincre encore davantage, corriger ce qui doit être corrigé. Je l'ai fait dans le cadre de la loi PACTE sur beaucoup de sujets. Je pense par exemple aux commissaires aux comptes. On a beaucoup transformé notre copie initiale pour tenir compte des inquiétudes des commissaires aux comptes et il faut qu'il y ait une vision de long terme.

C'est aussi ce que nous avons fait pour les CCI. Mais nous l'avons fait grâce à vous, grâce au président de CCI France, grâce à tous les présidents des CCI territoriales. Rien n'aurait été possible sans votre engagement. Et chacun sait bien que c'est la voie de la réforme. Tout le monde en était convaincu, c'était la bonne solution mais il était difficile de s'engager dans cette voie là. Et vous avez fait preuve d'un courage que je tiens à saluer. Nous avons mis, je m'en souviens très bien, à l'été 2018, toutes les options sur la table. Le statu quo n'était pas une option. Je pense que nous en étions tous convaincus. Les CCI étaient en train de mourir à petit feu. On leur retirait année après année des dotations fiscales pour leur dire : « Débrouillez-vous comme ça. On est obligés de réduire vos dotations parce qu'on ne peut pas faire autrement. » C'est ce que j'avais appelé « la technique de l'étrangleur ottoman », discrète mais efficace. Ce statu quo n'était pas tenable. Ou alors, c'était qu'on ne croyait pas aux CCI.

Il y avait une autre option qui était de se dire qu'on coupe le lien entre l'État et les Chambres de commerce et d'industrie. Je crois trop aux traditions et à notre histoire nationale pour m'engager dans cette voie qui m'était recommandée par beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde.

Mais il faut savoir parfois dire non, c'est même, je crois, un des éléments clés d'une bonne politique. Couper le lien entre l'État et les CCI, c'était renoncer à six siècles d'histoire des CCI. Et je pense qu'on ne construit rien dans la négation de son histoire et qu'on construit tout en gardant les liens avec son histoire. Les CCI sont le bras armé économique de l'État et elles doivent le rester. Et l'idée de dire : « désormais les CCI vont être hébergées par les régions, elles n'auront plus le caractère d'établissement public », tout cela, je pense, était une insulte à votre histoire. Moi je suis respectueux plus que tout de notre histoire nationale. Je crois qu'aucune grande nation ne construit son avenir dans le mépris de son passé, au contraire. Nous avons fait ce choix de nous dire le statu quo n'est pas possible, rompre le lien entre l'Etat et les CCI n'est pas possible.

Il fallait que nous inventions autre chose et c'est ce que nous avons fait tous ensemble. Nous l'avons fait, je le redis, grâce à ta détermination, cher Pierre, à ton engagement et à l'engagement de tous les présidents et de tous les agents des CCI derrière toi. Nous avons désormais une réforme ambitieuse qui a fait l'objet de très longs échanges à l'Assemblée nationale. Je le dis devant les parlementaires présents : il y a eu de très beaux débats, très construits, très riches à l'Assemblée nationale autour de cette transformation des CCI. Nous avons désormais une transformation en profondeur qui a du sens et qui répond, je pense, à ce que nos compatriotes peuvent attendre des Chambres de commerce et d'industrie au XXIe siècle.

D'abord nous avons recentré ses missions. On avait parfois un peu de mal à déterminer les missions des CCI tant elles étaient nombreuses. Désormais, les CCI ont des missions clairement indiquées : accueil, représentation des entreprises, aide à la création, aide à la transmission, financement des petites structures de formation ou des structures très spécialisées, exportation – car, tu l'as indiqué, c'est un élément absolument clé. Voilà les missions telles qu'elles ont été définies, avec l'aide d'ailleurs de l'Inspection générale des Finances. Je tiens à saluer François Werner qui est ici et qui a fait un travail tout à fait exceptionnel sur le sujet et la Direction générale des entreprises, cher Thomas Courbe, qui nous ont permis de bien redéfinir ces missions.

Le deuxième point, c'est le financement. Comme toujours, le financement est ce qu'il y a de plus sensible. Vous étiez financés sur les taxes ; vous allez être financés sur une prestation. Moi, je dis : « chapeau ! » Je ne connais pas beaucoup d'institutions publiques qui auraient eu le courage d'accepter de passer d'une taxe affectée à une prestation. Vous aviez la certitude absolue de toucher une taxe année après année, même si elle est allée en diminuant année après année. Et vous dites : « Nous croyons à nos prestations : elles ont du prix, elles ont de la valeur. Eh bien, nous allons les vendre et nous allons nous financer sur la base de ces prestations. » Je pense que c'est vertueux, je pense que ce sera efficace et j'ai pris un engagement que je tiendrai, comme tous les engagements que je prends : nous vérifierons que cela marche et si, à un moment donné, il faut corriger une chose ou l'autre parce que nous voyons qu'il y a des CCI en difficulté, nous le ferons. Là aussi, faisons preuve d'ouverture d'esprit : une grande transformation demande une grande ouverture d'esprit.

Troisième chose – et là aussi, je le cite en modèle parce qu'il n'y a pas beaucoup d'exemples qu'on peut citer de transformation aussi radicale : nous transformons le statut des agents qui vont passer du public vers le privé, qui vont avoir accès au régime général d'assurance-chômage. Je ne connais pas d'autre exemple dans les années passées d'une transformation aussi radicale d'établissement public. Je n'en connais pas.

Et dernier point de cette transformation, vous réorganisez la hiérarchie et le fonctionnement du réseau en renforçant et la tutelle de l'État et de CCI France sur l'ensemble du réseau.

Tout cela marque une étape nouvelle de l'histoire des CCI et la capacité d'un très bon établissement public présent sur tout le territoire français et également à l'étranger de se transformer. Alors quand on me dit que l'Etat est incapable de bouger, que les établissements publics sont incapables de se transformer, que c'est le règne du statu quo, c'est faux. L'État, les agents publics sont aussi agiles que les agents du privé. Arrêtons de vouloir opposer systématiquement les uns aux autres, les uns qui seraient la quintessence de la modernité et les autres qui ne voudraient jamais bouger. C'est faux. CCI France montre à tous nos compatriotes que les établissements publics, quand on leur fixe une direction de long terme, qu'on les accompagne dans le changement, qu'on leur donne aussi la souplesse dont ils ont besoin, notamment sur le statut des agents, sont capables de transformations radicales et sont capables de regarder en face les défis du XXIe siècle. C'est ce que vous avez fait et j'en suis extrêmement fier.

Enfin, je termine par un point sur la transformation des CCI qui est essentiel à mes yeux : la ruralité. Nous sommes un pays dans lequel la ruralité a un poids, une signification, une place culturelle très particulière. Et c'est essentiel à ce que nous sommes comme Français. Il n'est donc pas question que les CCI qui se trouvent dans les territoires les plus ruraux puissent souffrir de cette réforme. J'en fais un point absolument clé de cette transformation. Bien entendu qu'il est plus difficile quand vous êtes dans un territoire très reculé de vendre vos prestations économiques. J'en ai parfaitement conscience. Nous avons donc décidé que pour toutes les CCI qui se trouvent dans un territoire possédant au moins 70 % de communes en zone de revitalisation rurale, nous allions définir un seuil minimal d'activité consulaire et que nous allions apporter un soin et une attention particulière à ces CCI très rurales. Là encore, dans le suivi qui sera fait de cette réforme, je m'assurerai qu'aucune des CCI très rurales ne puisse être menacée ou fragilisée.

Je voudrais donc remercier Pierre Goguet, remercier la Direction générale des entreprises et remercier l'Inspection générale des Finances une nouvelle fois pour leur engagement. Car sans eux, rien n'aurait été possible et la réforme ne serait pas arrivée à bon port.

Mais je voudrais vous dire également que cette réforme ne fait à mes yeux que commencer. Il va falloir maintenant la faire vivre. Il faudra très simplement que nous nous revoyons avec Pierre, avec les présidents de CCI, avec le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris pour regarder comment la réforme se met en oeuvre. Elle a été adoptée avec un score de Maréchal, je le rappelle, puisqu'elle a été adoptée à plus de 98 % la semaine dernière par vos instances. Je peux vous dire que, quand on a passé beaucoup de temps au Parlement, ce qui était mon cas la semaine dernière, on rêverait d'avoir des adoptions aussi larges, même si je me félicite que la loi PACTE ait été adoptée de manière aussi large la semaine dernière.

Nous allons signer maintenant ce contrat d'objectifs et de performance. Que contient-il ? Il rappelle la fonction des CCI. Il précise l'organisation du réseau et ses rapports avec l'État. Il définit et sanctuarise les missions spécifiques de CCI France, les missions prioritaires des CCI qui sont financées en tout ou partie encore par la taxe affectée et les missions que les CCI pourront continuer à assumer mais qui n'auront plus vocation à être financées par les taxes affectées puisqu'elles seront financées, comme je l'ai dit, de manière commerciale. Il définit également, et c'est encore une grande nouveauté qui montre la capacité de modernisation des établissements publics, une batterie d'indicateurs qui vont viser à évaluer le service rendu aux entreprises.

C'est un point absolument fondamental qu'un établissement public soit capable d'aller voir nos compatriotes, puisque nous sommes à leur service, pour leur dire : « Voilà, nous vous rendons des services. Sont-ils à la hauteur de ce que vous pouvez attendre ? » Je crois profondément à cette évaluation qui doit être faite par ceux qui bénéficient des services rendus par les CCI.

Je crois également que les CCI doivent jouer un rôle encore plus important dans l'interface entre l'État et les entreprises. Et je voudrais citer à cet égard, pour terminer, une ou deux réflexions sur lesquelles il me semble que les CCI peuvent s'engager à l'avenir. Nous parlions des questions européennes. Vous connaissez mon attachement à la construction européenne. Il faut que nous réfléchissions à la manière de renforcer le réseau européen des CCI et de nous assurer que les CCI soient les têtes de pont du développement économique français dans ce qui est notre premier marché commercial, le marché unique européen. Cela peut être une des directions nouvelles ou renforcées que nous attribuons aux CCI.

Il y a un deuxième sujet qui nous tient très à coeur avec le président de la République et dont nous parlons très souvent, c'est la question de la sécurité et de la protection de nos technologies les plus sensibles et de nos PME les plus sensibles. Parce que la protection contre des investissements qui peuvent parfois être agressifs est trop souvent concentrée sur les plus grands groupes, ceux qui sont les plus connus et qui ont les technologies les plus connues du grand public. La réalité, c'est qu'aujourd'hui les agressions contre nos technologies et contre nos savoir-faire portent principalement sur les PME de pointe ou sur les start-ups. Ce sont parfois de toutes petites technologies très innovantes, dans une PME de 50 ou 60 salariés, qui sont visées par des investissements agressifs. Elles peuvent passer sous le radar, si nous n'avons pas les relais locaux et territoriaux pour nous dire : « Attendez, cette petite pépite-là est très précieuse pour réaliser tel objet, tel composant, tel matériel. Elle est aujourd'hui la cible d'investissements étrangers agressifs. Soyez vigilants. » Je pense que c'est aux CCI de participer à ce travail d'intelligence économique qui est tout à fait essentiel pour préserver notre souveraineté.

Voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter. Je suis ce matin un ministre de l'Economie et des Finances fier des CCI, fier de ce que vous avez fait, fier de la manière dont vous vous êtes transformés en l'espace de quelques mois, fier de cette transformation que vous avez portée et du travail que nous avons fait en commun. Et je voudrais que cette transformation des CCI soit citée en modèle de la capacité de l'État français à se transformer et à affronter avec lucidité et courage les défis du XXIe siècle.


Merci à tous.
Merci à toi, cher Pierre Goguet.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 24 avril 2019