Texte intégral
CYRIL VIGUIER
L'invitée politique en direct sur ce plateau ce matin, c'est Agnès BUZYN, bonjour.
AGNES BUZYN
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Et merci d'être avec nous Agnès BUZYN. Vous êtes la ministre de la Santé et des Solidarités. Et pour vous interroger à mes côtés ce matin Oriane MANCINI, spécialiste politique de Public Sénat, bonjour Oriane.
ORIANE MANCINI
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Et bonjour Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe EBRA, vous représentez L'Est républicain sur ce plateau ce matin.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Madame.
AGNES BUZYN
Bonjour.
CYRIL VIGUIER
Agnès BUZYN, l'hôpital, les urgences craquent, le système de santé est toujours mis en avant, pourtant sur le terrain on crève la bouche ouverte, ce sont les aides-soignants dans les services d'urgence qui témoignent dans la PQR, un peu partout d'ailleurs dans le territoire. Agnès BUZYN, comment en est-on arrivé là dans ce pays, pourquoi… les gens sont éberlués (c'est vrai) quand ils se rendent dans les soins aux urgences !
AGNES BUZYN
Alors il est vrai qu'aujourd'hui la santé et, quelque part, l'accès à notre système de santé est une préoccupation majeure des Français. Et en arrivant au ministère, j'ai réalisé à quel point la situation était en fait hétérogène. Nous avons fort heureusement des établissements qui fonctionnent bien, mais nous avons des établissements qui manquent de personnel, nous avons des urgences qui sont surchargées parce que la médecine de ville n'est pas au rendez-vous dans tous les territoires pour des raisons diverses, notamment parce que nous n'avons pas formé suffisamment de médecins depuis 30 ans ; et qu'aujourd'hui la démographie médicale est en baisse, nous avons de plus en plus de difficultés à accéder à des soins de proximité, à une médecine qu'on appelle « de ville », c'est-à-dire la médecine libérale, ce sont les médecins généralistes il y en a de moins en moins. Et donc les patients vont directement aux urgences, pas toujours pour des raisons urgentes mais simplement pour accéder aux soins…
CYRIL VIGUIER
Mais c'est un processus qui a permis d'en arriver là !
AGNES BUZYN
C'est une longue dégradation, ça fait 15 ans…
CYRIL VIGUIER
Depuis quand et pourquoi ?
AGNES BUZYN
Que ça se dégrade, j'étais moi-même encore médecin dans les hôpitaux juste avant d'être nommée ministre, donc j'ai vu la situation se dégrader progressivement. Et j'ai pris le problème à bras-le-corps dès le premier jour, en essayant d'abord de pallier en urgence au déficit d'installation des médecins dans les zones désertifiées, en zone rurale mais aussi en zone périurbaine. Et puis j'ai travaillé en concertation avec les associations d'usagers, les fédérations hospitalières, des professions de santé et les élus, j'ai travaillé à un plan de transformation de notre système de santé qui vise à revitaliser la médecine de proximité, faire en sorte que les Français trouvent facilement un professionnel de santé très proche de chez eux, disponible. Et ce plan, il se traduit en partie par la loi santé qui a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, qui va passer au Sénat en juin et qui vise à revitaliser les hôpitaux de proximité et à organiser, structurer la médecine libérale, la médecine de ville avec l'ensemble des professionnels.
ORIANE MANCINI
On va revenir à la loi santé dans quelques instants, mais sur cette grève des urgences qui a lieu, d'ailleurs aujourd'hui grève générale à l'AP-HP, est-ce que vous allez prendre des nouvelles mesures pour répondre à leurs revendications, à leurs demandes ?
AGNES BUZYN
A l'AP-HP, c'est une grève qui a lieu dans quelques hôpitaux, qui est en fait liée à des problèmes de sécurité. C'est secondaire à une série d'agressions, donc ça pose des problèmes particuliers. Je ne nie pas les conditions de travail, mais ce n'est pas ce qui a déclenché la grève à l'Assistance publique. Donc les négociations sont en cours avec le directeur de l'AP-HP pour améliorer les conditions de travail, notamment de sécurité. Et nous avons créé cette année un Observatoire de la sécurité des soignants, de façon à partager les bonnes pratiques, essayer de trouver des bons leviers pour protéger à la fois les professionnels hospitaliers mais également les professionnels en ville qui souffrent aussi énormément d'insécurité et d'incivilités. Beaucoup de nos concitoyens, beaucoup de patients sont parfois agressifs, ne supportent pas d'attendre, or l'attente elle est lié évidemment à la gravité des patients qui précèdent, elle n'est pas liée ç la volonté d'embêter les usagers. Et donc voilà, c'est…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Il y a aussi des patients qui ne sont pas violents, ils sont heureusement plus nombreux que les autres…
AGNES BUZYN
Bien sûr.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Cela suppose quand même la question, vous évoquez beaucoup la question des territoires, les questions parisiennes et puis il y a tout le reste de la France, qu'est-ce que dans votre plan vous pouvez garantir, quel est votre objectif en matière de maintien de ces services d'urgences, notamment en milieu rural ?
AGNES BUZYN
Alors moi, il est clair et je veux le dire sincèrement, tant que je peux maintenir une offre d'un service de proximité je le fais. Aujourd'hui…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est quoi la proximité ?
AGNES BUZYN
La proximité, c'est-à-dire aujourd'hui quand un hôpital existe et qu'il a des services, j'essaie au maximum de maintenir l'offre. Mais nous souffrons d'un déficit de professionnels, donc il y a des postes vacants et il y a parfois dans certains services des gardes qui ne sont plus assurées. Donc je dois faire en sorte de réorganiser un système de soins à nombre de médecins constant, pour encore 5-6 ans avant que la démographie médicale n'augmente à nouveau ? Donc nous n'avons pas le choix, nous devons organiser pour redonner plus de temps aux médecins et décharger les médecins d'un travail administratif qui leur prend du temps ou d'actes qui peuvent être faits par d'autres professionnels. Donc la loi santé…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que ça signifie que l'engagement qui avait été pris par Emmanuel MACRON de ne fermer aucun hôpital ou services pourrait ne pas être tenu du fait de ce manque de personnel ?
AGNES BUZYN
Non, il y a un engagement que j'ai pris dès mon arrivée et que le président rappelle régulièrement, nous avons pris l'engagement de ne fermer aucun d'hôpital de proximité. C'est-à-dire que nous allons aujourd'hui réinvestir dans des hôpitaux de proximité pour les adapter aux besoins des territoires ; et beaucoup de ces hôpitaux sont en très grande difficulté pour recruter, faute de médecins…
ORIANE MANCINI
Mais pas de fermeture d'hôpital, ça ne veut pas dire pas de fermeture de services, est-ce que vous ne jouez pas un peu sur les mots ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, nous ne pouvons pas… quand il n'y a plus de professionnels, quand il n'y a plus de médecins, on peut toujours laisser ouvert un service, mais s'il n'y a plus de médecins pour le faire tourner, je suis évidemment obligée parfois de restructurer, ça veut dire d'assurer un service qui va éventuellement projeter d'autres médecins dans le service qui est en difficulté. Mais quand il y a vraiment un manque de soignants, parfois nous sommes obligés de fermer des services. Aujourd'hui, les seules raisons pour lesquelles nous fermons des services, c'est quand il n'y a pas de professionnels et que ça met donc en jeu la sécurité des personnes qui viennent la nuit, s'il n'y a pas de chirurgien pour les opérer ou pas d'anesthésiste pour les endormir. C'est mon seul souci aujourd'hui et, donc, je dois réorganiser plus de mutualisations entre les différents hôpitaux. Aujourd'hui les hôpitaux, même dans des régions désertifiées, sont en compétition pour des raisons financières, ils cherchent chacun à attirer de l'activité et ils sont en compétition les uns avec les autres. Dans la loi santé, on va au contraire faire en sorte qu'ils mutualisent leurs compétences et que, donc, on couvre mieux le territoire.
ORIANE MANCINI
Sur cette loi santé, elle a été votée fin mars à l'Assemblée, vous l'avez dit, elle arrivera au Sénat en juin. Au moment de son vote à l'Assemblée, vous avez dit : je pense qu'on l'améliorera au Sénat, de quelle manière vous comptez l'améliorer ?
AGNES BUZYN
J'attends évidemment des sénateurs des amendements qui peuvent encore améliorer, moi je suis très à l'écoute…
ORIANE MANCINI
Sur quels points ?
AGNES BUZYN
Je n'ai pas d'idée préconçue, ce que je veux dire et je l'ai fait à l'Assemblée nationale, je le ferai au Sénat, je suis prête à prendre toutes ces bonnes idées, j'ai confiance dans les territoires, j'ai confiance en fait dans les initiatives qui viennent des acteurs de terrain. Ca peut être les professionnels eux-mêmes, mais ça peut être les élus locaux, les élus dans la loi santé telle qu'elle est passée à l'Assemblée ont beaucoup insisté sur la place des maires, des élus locaux, des parlementaires au sein des instances de gouvernance de la Santé, que ce soit…
ORIANE MANCINI
On se souvient que les associations d'élus avaient fait une tribune au moment de la présentation de votre loi pour dire qu'ils n'avaient pas été assez écoutés !
AGNES BUZYN
Absolument et je les ai associés… et donc dans les amendements, nous avons associé beaucoup plus les élus à la gouvernance. Nous avons notamment fait un groupe contact avec les maires de France, les départements de France, les régions pour suivre la loi santé. Et je suis certaine que les sénateurs vont arriver avec des idées et je vais les prendrai.
CYRIL VIGUIER
Agnès BUZYN, est-ce que vous jugez vous, vous êtes la ministre de la Santé et des Solidarités de notre pays, qu'on a toujours un des meilleurs ou le meilleur système de santé du monde ?
AGNES BUZYN
On a d'excellents soignants, d'excellents soignants très, très bien formés…
CYRIL VIGUIER
Ce n'est pas ma question !
AGNES BUZYN
Oui, alors on a de très bons soignants, c'est-à-dire qu'une fois qu'on est dans le circuit on est très bien pris en charge ; et on a de très beaux plateaux techniques et on a vraiment une médecine de très bonne qualité…
CYRIL VIGUIER
Et donc ?
AGNES BUZYN
Mais le système dans son ensemble fait insuffisamment de place à la prévention. Et donc on doit mieux organiser, mieux financer la prévention en général pour réduire le nombre de pathologies chroniques. Et puis aujourd'hui, nous avons un problème d'accessibilité aux soins, tous les Français le disent, ça a émergé dans le grand débat et c'est exactement l'objectif de la loi que je propose, puisque je n'ai pas attendu le grand débat national malheureusement pour réaliser la difficulté de la situation.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Sujet central, la santé dans notre pays, la vaccination, vous parliez de prévention à l'instant, vous vous êtes exprimée d'ailleurs hier encore sur la vaccination, la rougeole 300 % de cas supplémentaires, c'était presque… enfin c'est totalement inattendu, ça ne vous étonne pas ?
AGNES BUZYN
Non, ça ne m'étonne pas, on subit quelque part la désinformation et le désengagement à la fois des Français et des médecins parfois face à la vaccination, qui est un enjeu majeur de santé publique. J'ai pris mes responsabilités l'année dernière… en 2017 plutôt, en rendant la vaccination obligatoire pour les jeunes enfants ou en tous les cas en élargissant l'obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins. Cela a permis une remontée spectaculaire sur la génération des enfants nés en 2018 du taux de vaccinations, de la couverture vaccinale. Donc pour moi c'est un excellent signal, on est passé de 37 % d'enfants vaccinés contre le méningocoque C à 75 % d'enfants vaccinés contre le méningocoque C, il y a eu 3 fois moins… 4 fois moins de méningites à méningocoque l'année dernière chez les nouveau-nés, c'est autant de vies sauvées, c'est autant de familles avec des drames en moins et puis surtout, la confiance revient. On voit bien qu'elle revient chez les médecins, 99 % des médecins aujourd'hui sont favorables à la vaccination, 75 % à l'obligation vaccinale trouvent que c'est une bonne mesure et les Français surtout…
ORIANE MANCINI
Mais vous parliez des médecins quand vous parliez de désinformation, il y a aussi un discours anti-vaccin chez les médecins ?
AGNES BUZYN
Non mais ils commençaient à être je dirais mis à mal par la résistance de la population, c'est-à-dire que ça nécessitait tellement de temps de convaincre une famille qui n'y croyait plus ou qui avait peur qu'à un moment, ils baissaient les bras. Et là l'obligation…
CYRIL VIGUIER
Sous pression quoi, sous pression !
AGNES BUZYN
Voilà ! Sous pression, c'était trop long, trop difficile. Et aujourd'hui, beaucoup d'entre me remercient parce que le discours sur la vaccination passe beaucoup mieux, les familles sont rassurées, on fait…
CYRIL VIGUIER
Ce scepticisme venait d'où ?
AGNES BUZYN
Le scepticisme, il est lié au fait qu'on oublie les maladies, c'est-à-dire qu'on a oublié les épidémies, toute une génération d'enfants vaccinés, notre génération, pas vous Madame mais la nôtre, elle a oublié les épidémies, nous avons tous été vaccinés et donc de ce fait, on a l'impression que le danger a disparu. Or dès qu'on baisse la garde, les germes reviennent et le danger n'a pas disparu, c'est la rougeole…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Le principal danger… parmi tous ces vaccins, lequel selon vous pose de gros problèmes, lequel est…
AGNES BUZYN
Aucun ne pose… Vous voulez dire quel germe ?
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui.
AGNES BUZYN
Ils ont tous leur gravité, enfin on voit bien que la rougeole tue alors qu'on a toujours l'impression que c'est une maladie infantile bénigne, non c'est… une personne qui meurt sur 3.000 cas, donc il y a eu 3 décès l'année dernière, il y a eu déjà un décès depuis janvier de la rougeole en France. Donc toutes les maladies sont graves, la méningite je n'en parle pas, je crois que toutes les familles savent la gravité. Et donc l'hépatite B, ce sont des pathologies chroniques, mais qui aboutissent à des cirrhoses du foie et à des cancers. Donc elles ont chacune évidemment leurs conséquences, elles sont toutes graves. Et c'est la raison pour laquelle je suis quelque part vraiment rassurée de voir que le discours de raison, la rationalité revient dans notre pays et que les Français y adhèrent de plus en plus, ils sont de moins en moins inquiets face à la vaccination.
CYRIL VIGUIER
Agnès BUZYN, ministre de la Santé et des Solidarités est notre invitée politique ce matin. Emmanuel MACRON ne s'est toujours pas exprimé mais on sait à peu près tout, quasiment tous, les annonces ont fuité. Est-ce que vous pensez qu'il faut passer le week-end de Pâques et qu'il doit s'exprimer absolument maintenant, quel est le bon timing selon vous ?
AGNES BUZYN
Je vais lui laisser le soin de décider…
CYRIL VIGUIER
Non mais votre opinion compte, vous êtes membre du gouvernement, vous êtes un ministre important…
AGNES BUZYN
Alors d'abord mon opinion est que nous avons eu raison de faire cette pause, le président a eu évidemment raison de prendre en considération l'émotion des Français face à l'incendie de lundi. Je crois que personne n'aurait compris et personne n'aurait entendu des annonces ; et nous avions besoin de ce moment… voilà, de recueillement. Ce n'est pas un deuil, il n'y a pas eu de morts, je suis médecin, je sais le prix de la vie humaine et pour autant l'émotion était intense, j'ai été moi-même bouleversée. Notre-Dame fait partie de ma vie depuis toujours, je suis passée devant quasiment tous les jours de ma vie quand j'allais travailler à l'hôpital et c'est pour moi un symbole…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous la comprenez la polémique quand même qu'il y a autour de ce temps…
AGNES BUZYN
Non, je ne la comprends pas, moi je pense que ceux qui polémiquent aujourd'hui, ce sont les personnes qui n'ont pas été émues par l'événement, je pense que pour X raison, parce que ça ne leur parle pas, parce qu'ils considèrent peut-être que c'est un symbole religieux alors que j'estime qu'au-delà du symbole religieux, c'est un symbole également de ce que des hommes sont capables de les léguer à d'autres générations d'hommes. C'est le dépassement de soi à la fois vers le haut, vers le grandiose mais aussi dans le temps, ce sont des générations de bâtisseurs qui n'ont pas vu la fin de leur oeuvre et qui ont donné leur vie pour bâtir pour les générations suivantes. Je trouve que c'est un symbole de l'humanité…
ORIANE MANCINI
Donc pour vous, il n'y a pas de polémique à voir sur les dons notamment faits par les familles les plus riches de France ?
AGNES BUZYN
Non, les dons… heureusement les Français sont assez généreux pour de multiples causes, je le vois dans le champ des solidarités et les Français donnent beaucoup, alors toujours insuffisamment évidemment pour les associations mais beaucoup de nos associations de lutte contre la pauvreté travaillent avec les dons des Français. Et moi je ne suis pas… il ne faut pas opposer les dons qui sont réalisés sous le coup de l'émotion, ça peut être un événement dramatique climatique, un tsunami ou l'incendie de Notre-Dame ; et des dons qui sont en constante de la population française, où les personnes s'engagent par exemple à donner mensuellement qui sont des dons de solidarité, des dons rationnels. Les deux existent et il ne faut pas les opposer l'un à l'autre.
ORIANE MANCINI
Il ne faut pas les opposer mais vous l'entendez quand même cette polémique entre… il y a un manque de moyens notamment sur ces questions de santé, notamment comment prendre en charge les enfants autistes, trisomiques dans notre pays, comment on prend en charge, comment on développe, on poursuit la recherche contre le cancer par exemple ; et à côté de ça un milliard comme ça qui tombe du ciel, c'est…
AGNES BUZYN
Alors il ne tombe pas du ciel, ce sont des personnes qui ont été profondément touchées par cet événement. Mais je suis… enfin les gens qui donne à Notre-Dame ne sont pas des gens qui ne donnent pas ailleurs. Il faut… je pense que nous ferions une erreur d'opposer la solidarité du quotidien continu auquel… enfin dont nous avons besoin – et je connais très bien les dents sur le cancer ou les dons pour les enfants en situation de handicap, les maladies génétiques, le Téléthon – on voit bien que chaque année le Téléthon rapporte autour de 100 millions d'euros. Donc on voit bien que cet élan de générosité il existe, il est constant dans notre pays ; et puis par ailleurs il y a un événement dramatique qui nous dépasse. Cette cathédrale Notre-Dame, elle nous a été léguée depuis le XIIème siècle, elle a 850 ans, on a envie de la léguer pour les 800 ans qui viennent. Et donc c'est très important de la rebâtir et je crois qu'on a besoin d'une mobilisation forte, pourquoi ? Parce que cette mobilisation, à la fois maintenant elle est polémique mais elle nous a redonné de l'espoir. Souvenez-vous lundi soir, nous étions effondrés devant cette flèche en train de tomber, on s'est dit : mais quand est-ce qu'on va pouvoir reconstruire, avec quel argent ? Et là, on sent que non seulement il y a un élan financier et il y a la volonté de faire et de faire vite…
CYRIL VIGUIER
Une espérance !
AGNES BUZYN
Et de faire bien et ça rend l'espérance.
ORIANE MANCINI
La réforme des retraites, vous aviez hier une réunion à Matignon notamment avec Jean-Paul DELEVOYE, Haut-commissaire chargé de la Réforme. Force ouvrière a suspendu sa participation à la négociation, à la concertation, elle devrait se terminer le 6 mai cette concertation. Force ouvrière dit qu'il ne veut pas apparaître (je cite) comme cautionnant une réforme décidée sans réelle prise en considération de leurs revendications. Ils critiquent notamment le flou autour de l'âge de départ à la retraite. Qu'est-ce que vous dites ?
AGNES BUZYN
Bon ! Aujourd'hui Force ouvrière prend une décision qui était dans l'air depuis le début, car en réalité ils n'adhèrent pas à une réforme universelle des retraites, notamment à la retraite par points. Donc depuis le début, ils menacent de partir, moi je pense que tous les syndicats reviendront à la table de la concertation, je ne suis pas inquiète. Cette concertation s'est est faite de façon remarquable, le Haut-commissaire a mené cela depuis un an et demi, nous n'entendons pas parler de cette réforme, vous n'en avez pas entendu parler, ce qui est quand même étonnant, pourquoi ? Parce qu'il y a eu un vrai dialogue, tous les sujets ont été posés sur la table, les modélisations financières ont été partagées avec les organisations syndicales, ce qui permet à chacun de travailler dans le calme. Et donc ce calme va se poursuivre, je ne suis pas inquiète sur la capacité que nous aurons à mener cette réforme…
ORIANE MANCINI
Et vous restez sur votre calendrier, elle sera présentée avant l'été cette réforme ?
AGNES BUZYN
Absolument.
CYRIL VIGUIER
Agnès BUZYN, juste un mot, vous êtes médecin, vous connaissez le prix de la vie humaine, vous l'avez dit tout à l'heure, vous ne trouvez pas que nos sociétés vont de plus en plus vers le minimum du minimum du minimum du risque ; et est-ce qu'au bout d'un moment on n'arrive pas à une impasse ?
AGNES BUZYN
Je ne sais pas d'où vient votre question, donc j'essaie de comprendre ce qui motive cette demande. Oui, il y a…
CYRIL VIGUIER
Quand on regarde l'actualité tout simplement.
AGNES BUZYN
Oui, simplement bizarrement, il y a des risques qu'on accepte de prendre et d'autres qu'on n'accepte absolument pas de prendre, alors que le niveau de risque ou en tous les cas la gravité de l'événement est parfois totalement disproportionnée. Nous sommes par exemple très, très, très choqués par-là pollution de l'air qui est évidemment un drame ; et nous acceptons quelque part de fumer. Et pour moi c'est toujours une interrogation parce que le risque de la cigarette est quand même infiniment supérieur, c'est un risque subi par rapport à un risque pris pour soi-même. Mais pour autant, j'aimerais bien que de temps en temps quand on raisonne risque, on hiérarchise aussi la gravité des risques. Ca ne veut pas dire que la pollution n'est pas un enjeu, c'est un enjeu de santé publique mais j'entends des gens me dire : à quoi bon s'arrêter de fumer avec la pollution qu'il y a ? Non, le risque n'est quand même pas le même, voilà ! C'est cela que je veux dire.
CYRIL VIGUIER
Merci Agnès BUZYN, vous avez parfaitement répondu à ma question et vous l'aviez parfaitement intégrée, comprise. Merci à vous d'avoir été notre invité politique.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 avril 2019