Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Marc FAUVELLE.
MARC FAUVELLE
Ministre de l'Economie. Avant d'évoquer avec vous cette campagne des européennes et ses enjeux, les salariés de GENERAL ELECTRIC de Belfort sont reçus aujourd'hui à l'Elysée. Ils redoutent l'annonce d'un plan social, la suppression d'un millier d'emplois. Ecoutez ce que dit le maire de la Ville, le maire de Belfort, le Républicain Damien MESLOT qui redoute un coup fourré dans cette affaire.
DAMIEN MESLOT, MAIRE LES REPUBLICAINS DE BELFORT
Nous savons que le président de la République, Emmanuel MACRON, a rencontré le président de GENERAL ELECTRIC, Larry CULP, qui lui a fait part d'un projet de plan de licenciements. Emmanuel MACRON a demandé que ce plan soit annoncé après les élections européennes.
MARC FAUVELLE
Est-ce que vous avez demandé à GENERAL ELECTRIC de repousser son plan social à après le scrutin ?
BRUNO LE MAIRE
J'ai surtout demandé à GENERAL ELECTRIC de ne fermer aucun site industriel en France - 9a, c'est ma préoccupation première -et puis de se réinventer industriellement dans notre pays. GENERAL ELECTRIC, c'est plus de dix mille emplois en France. C'est une empreinte industrielle considérable. Il faut qu'elle réussisse sa transition énergétique, qu'elle maintienne ses emplois en France et surtout qu'elle se développe sur les énergies renouvelables. Aujourd'hui, elle a une empreinte très forte sur les turbines à gaz. Il n'y a pas de débouchés. Il faut qu'elle puisse se réinventer et c'est ce sur quoi nous travaillons. J'ai réussi Damien MESLOT, bien entendu, j'ai reçu tous les élus locaux. Je leur ai indiqué : pas de fermeture de site, un travail en commun pour redonner des perspectives industrielles à Belfort et à d'autres sites. Il y a cinquante millions d'euros qui ont été déboursés par GENERAL ELECTRIC pour cela. Et, bien entendu, une attention à chaque emploi industriel de GENERAL ELECTRIC.
MARC FAUVELLE
Vous confirmez ce chiffre d'un millier d'emplois supprimés à Belfort ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne confirme aucun chiffre.
MARC FAUVELLE
Non, pas pour l'instant.
BRUNO LE MAIRE
Nous sommes en discussion, bien entendu, avec GENERAL ELECTRIC, en discussion avec les syndicats, en discussion avec tous les élus locaux.
MARC FAUVELLE
Ça peut encore bouger.
BRUNO LE MAIRE
Ce qui compte pour moi, c'est qu'il n'y ait pas de fermeture de site, que nous ayons des solutions pour chaque salarié et surtout qu'on réinvente l'empreinte industrielle de GENERAL ELECTRIC en France sur la base des énergies renouvelables, notamment l'éolien offshore puisque GENERAL ELECTRIC envisage de développer fortement l'éolien offshore en France.
MARC FAUVELLE
La campagne des européennes, Bruno LE MAIRE. Vous avez déclaré hier que l'euro n'avait jamais été aussi menacé depuis sa création. Qui aujourd'hui menace la monnaie unique ?
BRUNO LE MAIRE
Le statu quo. Quand vous avez une zone monétaire unique et que vous avez dix-neuf politiques économiques différentes, ça ne peut pas tenir. Donc il faut plus de convergence et il faut, pour cela, un budget de la zone euro sur lequel nous travaillons. Vous ne pouvez pas avoir une seule monnaie et des politiques économiques qui partent dans tous les sens. C'est aussi le chacun pour soi. Quand j'entends monsieur SALVINI dire : « L'euro mourra de sa belle mort et puis ça n'a pas grande importance, chacun peut faire ce qu'il veut au sein de cette zone monétaire unique », ça fragilise l'euro. Or l'euro, chacun doit bien en avoir conscience, c'est de la stabilité. L'euro, c'est la protection de votre économie. L'euro, c'est la lutte contre l'inflation. Il y a dix, quinze, vingt ans, vous aviez une inflation très forte. C'est un impôt sur les plus modestes. Aujourd'hui l'inflation a disparu : c'est grâce à l'euro. L'euro, c'est la possibilité d'avoir une vraie puissance internationale au même niveau que le dollar. Tout ça doit être préservé, consolidé. Mais ni le statu quo, ni le chacun pour soi des nationalistes ne permettra de garantir un avenir à l'euro.
MARC FAUVELLE
Vous avez cité Matteo SALVINI qui a pourtant retiré cette partie de son programme. Il n'est plus question de quitter l'euro pour l'Italie. Est-ce que Steve BANNON pour vous est un danger pour l'euro et pour l'Europe ?
BRUNO LE MAIRE
Non mais c'est plus retors que ça, la position des nationalistes. C'est en gros : « On va laisser mourir l'euro de sa belle mort. On ne s'en occupe plus. Chacun fait ce qu'il veut. » L'Italie mène sa propre politique économique sans considération de l'impact que ça peut avoir pour les voisins. Or une monnaie unique suppose qu'il y ait une convergence des politiques économiques et un engagement de chaque Etat à respecter les règles budgétaires que les autres membres de la zone euro appliquent. De ce point de vue-là, je considère que nous devons soit avancer, soit nous verrons effectivement des menaces peser sur notre monnaie commune.
MARC FAUVELLE
Je vous repose ma question sur Steve BANNON, l'ancien gourou de Donald TRUMP qui est à Paris en ce moment. Il est le bienvenu ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Mais les personnalités étrangères qui prennent part à la campagne européenne ne sont pas les bienvenues.
MARC FAUVELLE
C'est une ingérence ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je considère que c'est une ingérence. Je considère que tous ceux qui prennent part à cette campagne européenne alors qu'ils ne sont pas citoyens européens et qui veulent dicter le vote des électeurs Européens jouent un jeu qui est dangereux. Et ce qui est sans surprise, c'est que, dans le fond, ce sont les nationalistes qui ont le plus le soutien de la part de forces étrangères. Ce sont les nationalistes qui se résignent face à la montée en puissance des Etats-Unis et de la Chine. Il n'y a que l'Italie - que l'Italie, l'Italie de monsieur SALVINI – qui ait un accord avec les nouvelles routes de la soie de la Chine. C'est le seul Etat qui ait accepté de se lier pieds et poings à la Chine en signant un accord, un mémorandum en forme de standing, avec la Chine de XI Jinping. C'est leur choix, ce n'est pas le choix de puissances souveraines comme la France qui, elle, estime qu'on doit négocier d'égal à égal avec la Chine et avec les Etats-Unis en renforçant l'intégration européenne.
MARC FAUVELLE
Aux Etats-Unis justement, Bruno LE MAIRE, Donald TRUMP est parti en croisade ces derniers jours contre le géant chinois des téléphones HUAWEI qu'il considère comme une menace pour la sécurité nationale et pour la vie privée des utilisateurs. Est-ce qu'il a raison ?
BRUNO LE MAIRE
Notre position, elle est différente de celle des Américains sur ce sujet-là. La 5G, c'est une vraie rupture technologique qui est essentielle pour les véhicules autonomes, pour les objets connectés, donc ça va avoir un impact sur notre vie quotidienne.
MARC FAUVELLE
Avant d'en venir à ce point, est-ce que les quatre millions de Français qui ont un téléphone de cette marque aujourd'hui doivent s'inquiéter ? Est-ce qu'ils ont un espion dans la poche ?
BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est pas le sujet.
MARC FAUVELLE
Comme le dit Donald TRUMP encore une fois.
BRUNO LE MAIRE
Le sujet, aujourd'hui nous n'avons pas de 5G. Nous allons déployer la 5G mais comment est-ce que nous voulons la déployer ? D'abord en garantissant notre souveraineté et notre indépendance. Donc nous devons avoir toutes les garanties de souveraineté et d'indépendance. Et, en deuxième lieu, en ayant le meilleur niveau technologique. Voilà les deux critères suivant lesquels nous déploieront la 5G dans notre pays. Nous veillerons à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence possible, à ce que notre souveraineté soit maintenue. Et en même temps, nous voulons garantir le meilleur accès technologique pour nos entreprises, pour les particuliers dans notre pays. C'est les deux critères de choix.
MARC FAUVELLE
Donc la France ne prendra pas des mesures comparables à celles des Etats-Unis.
BRUNO LE MAIRE
Mais nous ne voulons pas cibler une compagnie ou une autre. Il y a aujourd'hui beaucoup d'opérateurs qui travaillent sur la 4G avec HUAWEI. Nous ne ciblons pas d'opérateur mais nous fixons des lignes qui sont très claires : respect de la souveraineté nationale et meilleur niveau technologique.
MARC FAUVELLE
Un mot. Cette nuit, votre taxe sur les GAFA a été adoptée au Sénat. Elle l'avait déjà été à l'Assemblée. Pour quatre cents millions d'euros de revenus, est-ce que ça valait vraiment le coup de se fâcher avec les Américains ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un signal très fort que la France donne en étant le premier pays en Europe à adopter une taxation du numérique. C'est un signal de justice fiscale parce qu'on ne peut pas accepter que les géants du numérique payent quatorze points d'impôts de moins que nos PME ou nos propres entreprises. C'est le signal d'une volonté de reconstruire la fiscalité du XXIème siècle et nous avons toujours été clairs avec nos alliés américains. Sitôt qu'il y aura un accord à l'OCDE sur la taxation du numérique, nous retirerons notre taxe nationale. Mais en étant le premier pays en Europe à ouvrir cette voie, nous nous donnons un levier à l'OCDE pour dire aux autres Etats membres de l'OCDE : « Accélérez les travaux, mettez en place une taxation internationale des géants du numérique, et là nous retirerons notre taxe nationale. »
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, vous avez choisi il y a quelques mois de raconter dans un essai la disparition de l'un de vos amis très proches paralysé, emporté par une tumeur au cerveau. Evidemment cette histoire et ce livre prennent un relief particulier en ce moment avec l'affaire Vincent LAMBERT. Est-ce que je peux vous poser une question privée, presque intime ? Est-ce que vous avez rempli vos directives anticipées comme le demande aux Français la ministre de la Santé ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne l'ai pas fait.
MARC FAUVELLE
Pourquoi ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce que je vois de l'affaire Lambert qui, je pense, bouleverse tous les Français et déchire chacun d'entre nous, va m'amener à le faire. Parce que je pense que si cette affaire, qui est une affaire extraordinairement douloureuse pour la famille et puis, je crois, pour chaque citoyen français qui est décontenancé devant cette affaire-là, si ça peut amener une prise de conscience qu'effectivement chacun doit remplir ses directives anticipées, eh bien elle aura eu une utilité pour la nation française. Et en tout cas, moi c'est la conclusion que j'en tire : je remplirai mes directives anticipées.
MARC FAUVELLE
Merci à vous, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci Marc FAUVELLE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 juin 2019