Interview de M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, à CNews le 28 mai 2019, sur l’arrestation de l’auteur de l’attentat à Lyon le 24 mai, la lutte contre le terrorisme, les islamistes et les résultats des élections européennes.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

CLELIE MATHIAS
C'est l'heure de l'Interview politique de Jean-Pierre ELKABBACH, qui reçoit ce matin le ministre de l'Intérieur Christophe CASTANER.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes évidemment le bienvenu, Christophe CASTANER.

CHRISTOPHE CASTANER
Merci.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour, merci d'être avec nous. En un temps record, les policiers, je crois qu'ils étaient 300, ont réussi à repérer, à arrêter, à identifier garder à vue le présumé auteur de l'attaque qui a eu lieu en plein jour dans le coeur de Lyon il y a quelques jours. Il n'est pas prêt, cet auteur présumé, d'être libéré.

CHRISTOPHE CASTANER
D‘abord oui, vous avez raison, 330 policiers se sont mobilisés et en 72 heures ont permis l'arrestation de celui dont nous pensons qu'il est le responsable de ce qui s'est passé à Lyon vendredi à 17h30.

CHRISTOPHE CASTANER
Il est possiblement le responsable.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
En fonction des éléments qui me sont remontés, et j'étais encore hier avec les enquêteurs, je suis intimement convaincu que oui il est l'auteur. Et je dis cela, non pas pour dévoiler quoi que ce soit de l'enquête, mais pour rassurer, rassurer les Lyonnais, rassurer les Français. Celui que l'on soupçonne, qui est présumé responsable, aujourd'hui est en garde à vue, il est sous l'autorité judiciaire et sous l'autorité de la police.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il n'est pas prêt de sortir.

CHRISTOPHE CASTANER
Alors il appartiendra au juge de se prononcer le moment venu, mais l'enquête se poursuit, elle est, avec des éléments suffisamment caractéristiques pour que, à l'heure où je vous parle, je n'ai pas de doute sur le fait que nous avons actuellement en détention le responsable de cet acte, qui aurait pu tuer, parce que le process qui a été utilisé était techniquement suffisamment développé pour être très dangereux. Il y a eu 13 blessé…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y avait manifestement l'intention de tuer.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, il avait certainement cette intention-là, parce que de toute façon on ne fabrique pas une bombe pour faire passer un message, et encore moins un message politique ou quoi que ce soit, et donc à l'heure qu'il est on sait, vu ce qui a été utilisé, que nous avons évité une catastrophe, et je veux vraiment saluer le travail et l'engagement total des forces de sécurité.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va en parler tout à l'heure des policiers. Pendant cette nuit, pendant les gardes à vue, d'après ce qu'on vous a raconté ce matin, est-ce qu'il commence à parler ? Il était silencieux hier, il commence à se raconter ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, il est toujours assez peu loquace, le travail des policiers ça va être de lui démontrer sa responsabilité, preuve après preuve, et je ne doute pas qu'il sera contraint de reconnaître sa responsable.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jusqu'à présent, vos services savaient qui il était ou il était complètement inconnu ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, c'est une personnalité totalement inconnue de nos services, c'est dans l'enquête que son nom est apparu, une enquête méticuleuse qui a permis de l'identifier, et puis hier de l'interpeller, en assurant la sécurité de l'endroit où il habitait, de ses voisins mais aussi de nos forces.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On a même trouvé qu'il avait acheté des piles sur Internet.

CHRISTOPHE CASTANER
Il a fait de nombreux achats et en particulier sur Internet, ça fait partie aussi de l'investigation et ça nous a permis, d'abord nous avons analysé près de 350 appels, témoignages, et 30 mails supplémentaires qui nous ont donné des éléments, nous avons analysé des heures et des heures de vidéos, sur la commune de Lyon, sur la commune d'Oullins aussi, et puis c'est un travail d'investigation, et à partir d'achats qu'il a pu faire, effectivement, il a pu être logé, comme on dit ,et interpellé.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'on qualifie déjà son acte ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, on ne le qualifie pas, parce que rien, à l'heure qu'il est, ne permet de le qualifier et donc il y a une garde à vue, je ne doute pas que le procureur de la République de Paris en charge de l'anti-terrorisme, aura l'occasion de s'exprimer, parce qu'il aura tous les éléments et ça lui permettra de s'exprimer sur ce sujet. En attendant, tout le reste n'est que commentaires, et je pense que ça n'est pas indispensable de vouloir rentrer dans le contenu d'une garde à vue.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on essaie de comprendre…

CHRISTOPHE CASTANER
Mais je comprends votre question.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
... cette sorte de menace ou d'insécurité.

CHRISTOPHE CASTANER
C'est pour ça que je veux rassurer, je suis intimement convaincu qu'il est l'auteur, même s'il est présumé.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il serait arrivé l'an dernier d'Algérie, d'Oran, pour suivre des études d'informatique. Or, son école d'ingénieurs ne trouve aucune trace de son passage. Comment est-ce possible ? Comment il pouvait rentrer sans avoir de visa ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non mais il avait des visas de court séjour. Il avait fait ensuite une demande de visa étudiant, pour rentrer dans une école, il n'a pas eu son visa étudiant.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on dit sans arrêt « l'Algérien de 24 ans ». Il est Algérien ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ecoutez, je ne vais pas communiquer sur son identité ni sur sa nationalité.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce que c'est un Français ou un Algérien ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ça ne change strictement rien sur le risque et sur les conséquences de l'explosion qui a eu lieu vendredi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais s'il est Algérien…

CHRISTOPHE CASTANER
Ça ne change rien sur le fait qu'il y a eu 13 blessés, et à l'heure qu'il est je pense aux 13 blessés.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, et à ce moment-là c'est la police et la justice française qui enquêtent et qui le jugent. On ne le renvoie pas en Algérie.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais de toute façon, je ne vous ai pas confirmé qu'il était Algérien ni infirmé, donc je ne vais pas commenter un éventuel retour. Ce que je sais aussi c'est que nous avons des coopérations internationales qui, y compris sur ce dossier, ont montré leur efficacité.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais comment on en peut séjourner en France si on est Algérien, sans avoir un visa ? Est-ce que ça veut dire qu'il y a des entrées, par exemple parce qu'il vient voir sa famille, parce qu'il est touriste, et qu'il reste et ne repart plus ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ça c'est un phénomène migratoire plus global, où quelques fois vous avez des gens qui viennent avec un titre de séjour et qui ne repartent pas. L'année dernière nous avons renvoyé vers leur pays 30 000 personnes en France, c'est un record, ça n'était pas arrivé, 2018 a été une année record, il nous faut sur ce sujet, bien au-delà du cas dont nous parlons, être extrêmement vigilants et mobilisés.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui oui. Est-ce qu'on sait s'il avait des complices ? Pour le moment.

CHRISTOPHE CASTANER
Il y a trois autres personnes, mais on dit que c'est l'environnement, comme on dit, qui sont actuellement entendus, et ça permettra de déterminer s'ils sont complices ou pas.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que les parents peuvent être suspectés d'être des complices ou d'avoir participé à la préparation de ce qu'il a commis ?

CHRISTOPHE CASTANER
Rien ne l'établit à l'heure qu'il est, ensuite ils peuvent avoir vu et ne pas avoir dénoncé, c'est une forme de complicité aussi, mais rien ne l'établit. Ce que je sais c'est que le profil des parents en particulier, comme de ce jeune homme, est un profil extrêmement classique, les parents sont en France, avec un titre de séjour régulier, bien intégrés, travaillent et c'est aussi à la dimension humaine que je pense.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On dit c'est un acte, on dit c'est une attaque, c'est une agression, pourquoi on ne va pas dire que c'est la préparation ou la tentative d'un attentat ?

CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, si le Parquet de Paris, on dit c'est un, c'est saisi, c'est parce que le procureur, et j'ai échangé avec le procureur, avait le sentiment qu'on était sur une caractérisation de risque d'attentat terroriste et d'attentat du coup parce que l'explosion a eu lieu. Donc à partir de là moi c'est simple : si le procureur, avec les éléments qu'il a, classe en terroriste, je considère que c'est terroriste et à partir de là c'est les services notamment la SDAT qui est l'anti-terrorisme français, qui est aujourd'hui en responsabilités sur cette enquête.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire il y a la DGSI, la SDAT et la police judiciaire.

CHRISTOPHE CASTANER
Et la police judiciaire.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez dit 330 policiers, il faut leur tirer le chapeau parce qu'ils ont fait un travail d'enquête remarquable et rapide, tout le monde l'a constaté, avec des appels à témoins, vous l'avez dit, des géolocalisations et les caméras de surveillance qui ont bien servi.

CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, quand je me suis rendu sur place dès vendredi soir, je leur ai dit : vous mettez tous les moyens nécessaires pour que l'auteur soit interpellé le plus vite. Donc ils ont tout utilisé, y compris la vidéoprotection qui était dans les deux villes, parce que là en l'espèce on a pu reconstituer le parcours de l'individu, grâce à ce système de vidéoprotection.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on l'avait repéré quand, dès dimanche ? On a attendu, on l'a suivi ?

CHRISTOPHE CASTANER
Dimanche dans l'après-midi on a commencé à avoir un peu plus de certitudes ; mais on ne l'a pas vu, on a attendu qu'il sorte de son immeuble, parce que là aussi pour des raisons de sécurité, peut-être que l'immeuble, l'appartement pouvait être piégé, ça n'est pas le cas, ça n'a pas été le cas, vu que nous sommes intervenus hier…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On l'a arrêté à la sortie de l'autobus hier matin.

CHRISTOPHE CASTANER
Les policiers sont suffisamment habiles, c'est leur responsabilité de savoir quel est le bon moment. Ils sont formés pour cela, ils ont attendu qu'il soit dans un endroit neutre, il a pu y avoir un moment d'inquiétude, mais ils ont interpellé dans de bonnes conditions.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On ne connaît pas les mobiles.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, à l'heure qu'il est, ni le profil qui l'a amené vers l'acte, ni le mobile. Tout le reste n'est que supputation.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y a un caractère étrange de cet homme.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, dès le début il y avait un caractère étrange entre la disproportion d'un procédé technique très performant et un volume d'explosifs très faible, il y a de vraies incohérences dans ce dossier.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christophe CASTANER, les premières informations ont été données par le maire de Lyon. Est-ce qu'il y a un ministre de l'Intérieur bis ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, j'ai un maire de Lyon, qui n'était pas là au moment de l'explosion et qui du coup depuis a voulu montrer et rassurer. Je sais que Gérard COLLOMB est amoureux de sa ville, est passionné de sa ville, il a dû être meurtri par ce qui s'est passé, par la peur que cela a généré et il est aujourd'hui dans son rôle de maire.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce qu'il ne donne à des informations confidentielles qu'il ne devrait pas donner ?

CHRISTOPHE CASTANER
Il y a quelques semaines, Gérard COLLOMB m'adressait un conseil, celui de ne jamais trop parler. Il avait raison.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais il ne l'applique pas lui-même. Il parle trop Gégé.

CHRISTOPHE CASTANER
Et il avait raison.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai noté hier soir à 19h00 une certaine colère chez vous, et vous avez dit : il faut laisser faire l'enquête, ce n'est pas le temps des commentateurs, c'est le temps de la police. Certes c'est peut-être un avertissement aux médias.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, ça valait, vous avez raison monsieur ELKABBACH, ça valait aussi pour les journalistes, mais ça valait pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas d'éléments d'informations, parce que l'enquête judiciaire elle se fait dans le milieu judiciaire, et ceux qui n'ont pas d'éléments d'informations devraient effectivement ne pas communiquer et ne pas commenter.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avis à ceux qui pratiquent. La question plus générale : est-ce qu'aujourd'hui la France est en sécurité ? Vraiment. Il y a eu la loi anti-terroriste qui est appliquée depuis le 30 octobre 2017, en quoi la menace djihadiste qui peut être personnelle, individualisée, a-t-elle baissé en France ?

CHRISTOPHE CASTANER
Le risque terroriste, qui n'est pas que djihadiste d'ailleurs, mais le risque terroriste en France reste à un niveau élevé, et donc nous sommes mobilisés au quotidien. Il y a une quinzaine de jours encore un risque terroriste majeur a été démantelé, nos services…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y en a beaucoup depuis le début de l'année ?

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, on est sur un nombre élevé.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, on est sur un nombre élevé, je ne vais pas commenter, parce qu'ensuite il faut les classer et je ne souhaite pas moi rentrer dans une approche comptable de cela, mais ce que je peux vous dire c'est qu'il n'y a pas une heure du jour où les services ne sont pas attentifs, le plus en amont possible, et quelques fois au moment de l'intervention.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quelles sont les menaces ? Parce vous avez dit : il y a les menaces terroristes et d'autres menaces. Quelles menaces ? Qui menace ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ah non mais je vous ai dit…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
La République ou les institutions ?

CHRISTOPHE CASTANER
Je vous ai dit que les menaces terroristes n'étaient pas que djihadistes. L'extrême droite, l'ultra droite commet aussi des actes, nous en avons démantelé trois, ceux-là sont connus depuis le début de l'année dernière. J'ai moi-même d'ailleurs été à un moment donné menacé par l'ultra droite, suivi, je n'étais pas ministre…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Marlène SCHIAPPA aussi, parait-il, vendredi, samedi.

CHRISTOPHE CASTANER
On n'est pas dans du terrorisme, mais on est dans de la violence bête et méchante, pour celle évoquée et concernant Marlène SCHIAPPA, que je condamne évidemment, et la violence.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'il est vrai qu'il y a des commandos animalistes qui agissent de plus en plus en France ?

CHRISTOPHE CASTANER
C'est effectivement une nouvelle forme d'action que nous identifions avec des attaques là dans des fermes, dans des commerces, et de grande violence.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qui se développent.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, qui se développent, ces dernières années on voit cela monter et donc ça fait partie des sujets qui montent et qui provoquent une radicalité. La radicalité peut amener à la violence.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils vous préoccupent, pour ne pas dire vous inquiètent.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, je vous confirme, c'est un sujet sur lequel nous travaillons aussi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu'il y a les animalistes qui ont eu 2,3 ou 4 % lors des élections européennes, mais en même temps il y a ces types de commandos qui peuvent agir au nom de la cause animale.

CHRISTOPHE CASTANER
Il y a une revendication, celle de la cause animale, qui est une revendication politique, légitime, on peut en débattre, il y a des actions violentes, celles-ci sont condamnables. C'est la même chose sur les mouvements sociaux, c'est la même chose sur les Gilets jaunes où il y a au départ des revendications politiques légitimes que le gouvernement et le président ont entendues, et puis il y a des traductions encore samedi dernier à Amiens où on trouve normal d'aller casser des commerces, des banques, des assurances, ça, ça n'est pas acceptable.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, ça décline. Ça décline ces mouvements violents liés aux Gilets jaunes, aux blacks blocs, déclinent. On ne sait pas s'ils vont reprendre.

CHRISTOPHE CASTANER
Ils déclinent pour une raison simple : les violents sont comme les coucous, ils se mettent dans le nid de la manifestation. Aujourd'hui les manifestations sont très réduites, moins de 15 000 personnes étaient mobilisées samedi dernier, c'est à l'audience d'un très mauvais match de foot, dans des petits stades, et on n'est pas sur les grandes équipes, et donc c'est ça la réalité, donc effectivement…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous restez mobilisés je suppose.

CHRISTOPHE CASTANER
Tous les samedis…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec les policiers et les gendarmes qui ont été mis à rude épreuve pendant, et vous aussi, vous tous, gouvernement etc., population.

CHRISTOPHE CASTANER
Je vous confirme que depuis 30 samedis, il n'y a pas un samedi où je n'étais pas à Beauvau, en salle de commandement, aux côtés de nos forces.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je reviens à l'islamisme etc. Depuis janvier, combien de mosquées salafistes vous avez fermées ?

CHRISTOPHE CASTANER
Alors, je n'ai pas de comptabilisation au jour le jour depuis janvier, mais ce que je sais, c'est que dans le cadre de la loi SILT que vous évoquiez tout à l'heure, six mosquées ont été fermées, et puis avec des procédures administratives depuis le début de l'année 2018, une vingtaine de mosquées ont été fermées.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y en a d'autres qui sont identifiées, qui pourraient l'être ?

CHRISTOPHE CASTANER
Toutes celles et tous les lieux de culte, quels qu'ils soient, dans lequel on a des atteintes à l'ordre public, des menaces sur l'ordre public, je veillerai à ce qu'elles soient systématiquement fermées.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Lors des Européennes récentes on a constaté que dans certaines villes du Nord, par exemple à Maubeuge, on m'a cité le cas, des listes musulmanes ont obtenu des scores importants, plus de 40 %. Pour les prochaines élections municipales, est-ce que seront autorisées des listes de caractère communautaire ?

CHRISTOPHE CASTANER
Alors sur Maubeuge, la liste communautaire en fait, qui avait été posée, qui était la 34ème, je crois qu'elle a fait 6 %, pas 40 mais ce qui est beaucoup par rapport au score national qu'elle a fait. Deuxième élément, moi je crois profondément à la laïcité, et je pense que la religion n'a pas à se mêler de la politique, comme la politique n'a pas à se mêler du front religieux

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si c'est le cas ? Aux municipales, vous avez des listes et peut-être des maires…

CHRISTOPHE CASTANER
Je vais prendre l'exemple de Maubeuge, qui est un dossier que je suis, il y a un pharmacien, il y a des commerçants, il y a un ancien médiateur, qui envisagent de faire une liste aux élections municipales. Le fait qu'ils soient musulmans ne les empêche pas de le faire. On peut aussi être chrétien, on peut être juif ou autres religions pour s'engager. Si par contre la revendication est une revendication religieuse, dans la gestion municipale, à ce moment-là on enfreint un des principes fondamentaux de notre République qui est la laïcité. La laïcité c'est le droit de croire ou de ne pas croire, et c'est de ne pas mêler la politique à la dimension religieuse.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je rappelle que vous êtes ministre des cultes, et que vous vous occupez aussi sans doute et on verra peut-être un jour ce qu'il en sortira, de l'islam de France.

CHRISTOPHE CASTANER
On ne vous a pas entendu commenter les résultats des Européennes, peut-être que c'était votre mission d'attendre que tous les résultats soient donnés, comment vous qualifiez ces résultats vous-même ?

CHRISTOPHE CASTANER
D'abord je confirme que nous avons terminé et annoncé les résultats à 06h00 du matin hier matin, et donc je considérais que le rôle du ministre de l'Intérieur n'était pas de commenter. Ensuite, comment je les qualifie ? Je les qualifie pour la majorité comme un échec dans la mesure où nous ne sommes pas premiers, mais un résultat satisfaisant, parce que nous sommes à moins d'un point du Front national, vous savez, vous êtes un observateur attentif de la politique depuis 79, on a un double phénomène, à la fois de moins en moins de votants, et là on a + 10 % de votants et c'est plutôt une bonne nouvelle, et à la fois le parti en responsabilités politiques perd, perd violemment. Les dernières élections, le Parti socialiste avec François HOLLANDE avait perdu 13 points.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il n'y a pas un caractère d'autosatisfaction qui est en train de se développer…

CHRISTOPHE CASTANER
Non, je ne suis pas dans l'autosatisfaction…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
... pas tout de suite, pas vous, mais on commence après avoir eu peur.

CHRISTOPHE CASTANER
Alors, l'autosatisfaction, de toute façon serait terrible, il ne faut jamais la pratiquer, il faut rester vigilant et douter, douter de notre politique et y compris entendre ces 30 semaines de manifestations que j'évoquais précédemment, on nous annonçait effectivement une hécatombe pour la République En Marche, ça n'a pas été le cas…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
... représentée au Parlement européen.

CHRISTOPHE CASTANER
... le score est élevé. Pour ceux qui contestaient la République En Marche est représentée, elle est d'ailleurs au même niveau que le Front national et je note que le Front national lui à l'inverse a baissé par rapport à il y a 5 ans et a perdu un député européen.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors justement, jusqu'à quand un Christophe CASTANER va fonctionner ce haro à l'épouvantail du Front national ? Un jour ça va être usé, et on voit qu'il y a eu des transferts de vote et d'électeurs de LR vers le Front national, le Rassemblement national.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais, souvenez-vous quand Emmanuel MACRON a lancé sa campagne, c'était le 12 juillet 2016, c'était à la Mutualité, et à l'époque il n'a pas fait haro et appel au vote utile, il a dit : je refuse que le Front national soit le premier parti de France à l'élection présidentielle, parce qu'à ce moment-là nous étions un an avant l'élection, tout le monde était convaincu que Marine LE PEN serait en tête au premier tour. S'il y en a un qui a fait reculer le Front national, c'est Emmanuel MACRON et c'est la République En Marche.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ça va continuer parce qu'on voit que c'est le duel qui va peut-être continuer jusqu'en 2002 (sic) que l'on va voir à travers toutes les élections. Mais qu'est-ce que vous avez pensé ? Bon il y a la poussée des écologistes, mais en même temps…

CHRISTOPHE CASTANER
Que nous retrouvons, que nous retrouvons à presque toutes les élections européennes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
La déroute de Laurent WAUQUIEZ, de François-Xavier BELLAMY, c'est-à-dire des Républicains LR et en même temps de la débâcle de la France insoumise, comme si les injonctions, les fulgurances, les anathèmes de Jean-Luc MELENCHON ne passaient plus.

CHRISTOPHE CASTANER
Vous avez tout dit dans votre question, pour la dernière partie moi je préfère retenir que la première, celle d'un bon score de l'écologie en France, qui est une revendication politique, et je la trouve saine et juste.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et sur la défaite des Républicains ? Est-ce que ce n'est pas préoccupant que les deux grands partis qui ont gouverné le pays pendant 40, 50 ans etc. soient menacés de disparition, et d'ailleurs ils le reconnaissent eux-mêmes, 8 % pour Laurent WAUQUIEZ et François-Xavier BELLAMY.

CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez, c'est parce que justement on a toujours pensé qu'il fallait faire comme avant, pendant 30 ans, 40 ans, quand on est arrivé dans cette impasse. Au fur à mesure on voyait le Front national monter, on disait « mais ce n'est pas grave », vous savez on appliquait le tic-tac politique, un coup à toi, un coup à moi, entre la gauche et la droite. Ce temps-là est derrière nous, aujourd'hui vous avez des progressistes, et la République En Marche incarne, porte cette ambition-là, et c'est ce que nous voulons construire aussi au niveau européen, à partir d'aujourd'hui, parce que le temps est aussi celui de la reconstruction de l'Europe et de la renaissance de celle-ci.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ne dites rien sur la droite qui est en train de s'écrouler, parce qu'on ne tire pas sur un corbillard.

CHRISTOPHE CASTANER
Non, parce que moi je préfère retenir les éléments positifs de cette élection, le score de la République En Marche.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais justement, vous dites : il y a les progressistes et les autres. Est-ce qu'à Bruxelles on va voir justement s'installer des rapports de forces différents ? Le président de la République est avec tous les chefs de gouvernement et d'Etat ce soir pour un dîner informel ou un sommet informel à Bruxelles, là il s'agit de la répartition des postes, etc., est-ce que la France cette fois-ci va être plus présente que les autres années ?

CHRISTOPHE CASTANER
Eh bien nous le souhaitons et c'est l'ambition du président de la République qui a placé son engagement comme président de la République justement sur cette exigence européenne, mais depuis le début, il n'a pas attendu l'élection européenne pour faire cela, et donc nous sommes dans ce contexte-là, dans ce cadre-là…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'on peut avoir un président de la Commission qui serait un Français ?

CHRISTOPHE CASTANER
Qu'il soit d'abord un progressiste.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un Français pro-européen.

CHRISTOPHE CASTANER
Voilà, qui soit un progressiste, s'il est en plus français c'est une très bonne chose ou si elle est en plus française, ne soyons pas sur ce sujet déjà en train d'annoncer qui que ce soit, même si je sens dans votre question à qui vous pensez.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, et vous y pensez aussi.

CHRISTOPHE CASTANER
Parce que je pense que vous pensez à Michel BARNIER…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, ce n'est pas moi qui dis le nom, hein !

CHRISTOPHE CASTANER
Mais parce que je traduits, voyez, je fais mon Jean-Pierre ELKABBACH. Ce qui est un exercice difficile.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci de le reconnaitre. Et moi j'essaie de faire du Christophe CASTANER, en essayant de le pousser pour qu'il dise plus de choses. Je vais venir sur, puisque là on ne peut pas dire ça va être untel, untel, mais c'est bien de savoir que la France va se battre…

CHRISTOPHE CASTANER
On ne peut pas le dire, et je vais être honnête avec vous, je ne le sais pas. Je préfère ne pas commenter ce que je ne sais pas.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais d'accord, pour laisser le président avec madame MERKEL et avec les Européens choisir le meilleur ou la meilleure candidate pour l'Europe et une relance de l'Europe.

CHRISTOPHE CASTANER
Avec tous les chefs d'Etat et le gouvernement.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
En Irak, en Irak la justice vient de condamner à mort quatre Français, il y en aura 9 autres, ils sont 13 au total pour le moment, qui sont jugés parce qu'ils ont été combattants de Daesh en Syrie. Irak, Syrie, Irak, l'Etat islamique. La France est opposée à la peine de mort, est-ce qu'elle demande, puisque ce sont des ressortissants français, qu'ils viennent ici pour les juger ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non mais d'abord il faut reconnaître que l'Irak est légitime à juger ceux qui ont commis des actes terroristes sur son territoire. C'est une justice indépendante et l'Irak a été meurtri, a été attaqué par ces femmes et ces hommes-là, et donc ils sont légitimes. Deuxième élément, il y a des procédures judiciaires, elles existent, il y a possibilité pour ceux qui ont été condamnés de faire appel. Et troisième élément nous sommes opposés à la peine de mort et donc les autorités consulaires, notre ambassadeur, l'a déjà fait savoir aux autorités irakiennes, et nous pensons…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je pense qu'Emmanuel MACRON l'a dit au président et au Premier ministre irakien quand ils sont venus à Paris, et LE DRIAN l'a répété, Jean-Yves LE DRIAN, on est opposé la peine de mort.

CHRISTOPHE CASTANER
Et donc il y a un appel, attendons que l'appel se prononce, ne cherchons pas à ingérer dans la justice irakienne.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais vous ne demandez pas en ce moment où vous n'allez pas demander l'extradition le rapatriement de ces acteurs qui étaient des ennemis de la France.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais à quel titre on peut dire à l'Irak : vous n'êtes pas compétents pour juger ceux qui sont venus chez vous commettre des actes terroristes ? Il faut respecter leur droit aussi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ils ont fait la guerre, ils ont recruté là-bas des tueurs, ils ont peut-être même tué, ils ont commis des attentats ou organisé des attentats en France, oui, la France les considère comme des ennemis, il faut dire les choses comme elles sont, elle n'en veut pas, la France n'en veut pas.

CHRISTOPHE CASTANER
Mais nous prenons nos responsabilités, chaque fois que c'est nécessaire. Il y a des retours de djihadistes qui reviennent en France, et je vous le dis, systématiquement, quand ils reviennent, quelle que soit la façon dont ils reviennent, ils sont interpellés, ils sont mis en prison, ils sont jugés, et ils sont condamnés. C'est ça qui est essentiel. Ensuite ceux qui ont commis des actes en Irak, et ce ne sont pas tous les Français qui ont été sur les théâtres de guerre, parce que certains ont été directement en Syrie et l'Irak n'a pas à se prononcer. Ceux qui en Irak ont commis des actes terroristes, doivent être jugés en Irak.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais quand ils seront jugés, s'ils ne sont pas pendus, parce que c'est la pendaison comme exécution, vous ne demandez pas où la France n'acceptera pas qu'ils purgent leur peine en France.

CHRISTOPHE CASTANER
Nous n'en sommes pas là. Dans les cas que vous évoqués, il y a une procédure, il y a un appel possible et la France a rappelé son opposition à la peine de mort aux autorités irakiennes. Ça peut peut-être influencer aussi la décision des autorités irakiennes, mais il appartient aux autorités irakiennes de décider.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venu, j'ai essayé de faire Christophe CASTANER, j'y suis arrivé un tout petit peu ?

CHRISTOPHE CASTANER
Mais je n'ai pas la prétention de tenter de faire Jean-Pierre ELKABBACH. Je vous souhaite une bonne journée.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci, à vous aussi et à bientôt.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2019