Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à LCI le 12 juin 2019, sur la deuxième partie du quinquennat d'Emmanuel Macron et sur la politique agricole.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le Ministre de l'Agriculture, Didier GUILLAUME, bonjour.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Tout à l'heure à l'Assemblée nationale à quinze heures, vous y serez en tant que ministre, le Premier ministre Edouard PHILIPPE prononcera son deuxième discours de politique générale depuis son arrivée à Matignon il y a deux ans. Edouard PHILIPPE acte I, Edouard PHILIPPE acte II, ça ne sera donc pas un acte II de gauche sous la présidence Macron. Qu'en dit l'ancien sénateur socialiste ?

DIDIER GUILLAUME
Un match à deux mi-temps. La première mi-temps a eu lieu, elle a duré deux ans. Cet acte I du quinquennat, cette première mi-temps, a été très forte. Le chômage baisse, les emplois industriels repartent. La France, ç'a été sorti la semaine dernière ou il y a dix jours, est devenue plus attractive que l'Allemagne par exemple qui est un des pays les plus attractifs.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on dit toujours qu'il y a une jambe de droite et une jambe de gauche dans le quinquennat. Là, il y a deux jambes de droite.

DIDIER GUILLAUME
Quand on marche, il vaut mieux avoir deux jambes. Donc la première partie du quinquennat, c'était une partie qui était totalement dans l'orientation de ce que voulait faire Emmanuel MACRON dans sa campagne présidentielle et ce qu'il a fait comme président de la République : protéger, libérer. On protège les Français, on libère l'économie et les résultats qu'on le veuille ou non sont là.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc on continue. Est-ce qu'on continue ?

DIDIER GUILLAUME
Attendez. Est-ce que c'est assez ? Sûrement pas, ce n'est jamais assez. Mais qu'aurions-nous dit si ç'avait été l'inverse. Le chômage baisse, les emplois industriels reprennent, les choses vont dans le bon sens.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc il n'y a pas de raison de changer de politique. C'est ce que vous nous dites.

DIDIER GUILLAUME
Il y a maintenant une deuxième étape du quinquennat. Parce que que s'est-il passé quand même ? Pendant six mois, on a eu une crise. Des manifestations, de la violence tous les samedis en France. Même s'il n'y a plus beaucoup de monde dans les manifestations, la France est encore éruptive et les Françaises et les Français se rendent compte qu'ils veulent un peu plus de choses. Ils se sont sentis un peu abandonnés en zone rurale. Certains trouvent qu'ils n'ont pas assez d'argent et caetera. C'est la réalité. Emmanuel MACRON a fait plus de cent heures de débat. Il a entendu cela et il y a répondu en deux moments. En décembre dernier en mettant sur la table dix milliards d'augmentation de pouvoir d'achat pour les plus faibles.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et puis ensuite sept milliards.

DIDIER GUILLAUME
Et dans la conférence de presse de fin avril, sept milliards. La baisse des impôts notamment, plus de service public, plus de proximité. Cela va dans le bon sens. Et donc cette deuxième étape, c'est un deuxième cap, une deuxième orientation mais on ne change pas de politique. Emmanuel MACRON a été élu avec un programme présidentiel, il l'applique. Simplement il faut aller plus loin, plus vite, plus fort.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment on fait dans le monde dans lequel on est aujourd'hui, qui est peut-être plus inégalitaire, plus dur, comment on fait pour que la France ait une autre politique ? Ecoutez Emmanuel MACRON hier devant l'Organisation internationale du travail faire lui-même ce bilan. Ecoutez-le.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Cette économie de marché dans laquelle nous vivons, elle est de moins en moins sociale comme nous l'avions voulue à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elle est, au fond même, de moins en moins libérale au sens le plus littéral du terme. Et elle est de plus en plus d'accumulation, de rente et de corporatisme. C'est ça la réalité.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est le bilan que dresse le président lui-même.

DIDIER GUILLAUME
Oui, c'est ça la réalité de ce qui se passe dans le monde. Aujourd'hui on a l'impression, nous Français, qu'on vit dans notre Hexagone. Non, on vit en Europe et dans le monde avec un commerce international qui avance fort, avec un libéralisme – il l'a dit – échevelé. Et nous, nous ne voulons pas un libéralisme échevelé, nous ne voulons pas une organisation qui divise. Nous voulons une mondialisation régulée et un libéralisme qui puisse être accepté par les femmes et les hommes. Le président de la République fait ce constat, il le dit. Et la France doit être en avance. Quand nous avançons par exemple sur les retraites en disant : un euro cotisé sera à l'arrivée la même chose pour tout le monde, ça va dans le bon sens.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sauf que vous savez que les Français ont peur que cette retraite justement elle leur donne des retraites plus basses, plus petites qu'elles n'étaient avant. Parce qu'il faudra travailler plus longtemps. Soixante-quatre ans peut-être.

DIDIER GUILLAUME
Non. Je comprends que les Français aient peur, mais je comprends ça. Mais ce que nous voulons leur dire, le projet de loi sera présenté cet été, c'est que l'égalité et l'équité. Un euro cotisé par vous-même, par moi-même, par tel ou tel salarié public ou privé rapportera la même chose à la retraite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Les mêmes droits.

DIDIER GUILLAUME
Les mêmes droits.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Sauf qu'on veut savoir si à soixante-deux ans qui est toujours l'âge légal, vous l'avez confirmé, on aura la même retraite qu'avant.

DIDIER GUILLAUME
Mais aujourd'hui l'âge légal, c'est soixante-deux ans, soixante-deux ans et demi mais aucun Français, quasiment aucun Français ne part à cet âge-là. On sait très bien que pour avoir le taux plein, il faudra travailler, il faut travailler plus longtemps. C'est le cas de tous nos concitoyens aujourd'hui.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous l'assumez au fond.

DIDIER GUILLAUME
On l'assume. Nous gardons l'âge possible de départ à la retraite à soixante-deux ans, soixante-deux ans et demi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça sera théorique.

DIDIER GUILLAUME
C'est le cas aujourd'hui. C'est la règle absolue et il est hors de question de changer cela. Et après les Françaises et les Français peuvent partir plus tard, c'est ce qu'ils font aujourd'hui.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que ça vous gêne, Didier GUILLAUME, l'image de ce gouvernement et de cette présidence ? On a vu aux Européennes que beaucoup de Français qui étaient avant Les Républicains ont voté pour la République en Marche. On a lu dans Le Point cette semaine l'ancienne éminence grise de Nicolas SARKOZY, Emmanuelle MIGNON, dire : « Emmanuel MACRON est le meilleur président de droite qu'on ait eu depuis longtemps. »

DIDIER GUILLAUME
Mais Emmanuel MACRON est le meilleur président de la République qu'on ait eu depuis longtemps parce qu'il a réussi quelque chose que les Français voulaient. On dit : « Emmanuel MACRON a voulu un face-à-face avec l'extrême-droite. Emmanuel MACRON a voulu détruire les partis politiques. » Mais absolument pas. Le face-à-face avec l'extrême droite, on le voit arriver depuis des années en Europe, dans tous les pays d'Europe. Sortons de notre Hexagone là encore. Dans tous les pays d'Europe, l'extrême-droite monte. On dit : « Emmanuel MACRON a fait péter les partis politiques. » Mais excusez-moi de vous dire que s'il a été élu en 2017 et je l'ai soutenu dès le premier tour, c'est bien justement parce que les partis politiques ne répondaient plus à ce que souhaitaient des Français. Les Français ce qu'ils souhaitent, ce n'est de la gauche et de la droite. Je suis un homme de gauche, je le revendique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes toujours socialiste ?

DIDIER GUILLAUME
Je ne suis plus adhérent au Parti socialiste depuis 2017. Je suis de gauche, social-démocrate, je suis réformiste, je l'assume. Et la gauche et la droite, ça existe toujours et il faut le revendiquer. Les idées sont là. Mais l'intelligence, c'est que nous pouvons travailler ensemble dans un même gouvernement et lorsqu'on a un objectif commun, un programme, c'est comme dans une municipalité. En France, si on veut réformer les retraites pour la rendre plus équitable, ce n'est pas de gauche et de droite. Quand on réforme l'assurance-chômage, quand on va faire plus de décentralisation, quand on met des services publics, quand on se rapproche des Françaises et des Français, ce n'est pas de gauche et de droite : c'est pour la France.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors pourquoi est-ce que Jean-Yves LE DRIAN organise des dîners à son ministère avec vous - c'était lundi dernier – Olivier DUSSOPT, les ministres de sensibilité de gauche ? Ça veut bien dire que vous estimez que la gauche n'a pas disparu puisque vous dînez ensemble.

DIDIER GUILLAUME
Mais je vous dis que la gauche n'a pas disparu. Je vous dis que la droite et la gauche continuent à exister. Mais la droite et la gauche continuent, elles travaillent ensemble dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt de la France, sous l'autorité du président de la République. Mais Jean-Yves LE DRIAN, pour répondre à votre question, organise un dîner avec des femmes et des hommes de gauche pour faire le point. Est-ce qu'on est bien dans cette majorité ?

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous êtes bien ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, nous sommes très bien. Moi je suis très bien dans cette majorité. Je rencontre beaucoup de parlementaires. Hier soir, je rencontrais des parlementaires de la majorité pour travailler, pour regarder le programme de travail que nous allons avoir sur l'agriculture. Dans cette majorité, il y avait des femmes et des hommes de droite, des femmes et des hommes de gauche mais nous travaillons ensemble. C'est ça l'intérêt.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'il faut aller plus loin et faire vivre cette sensibilité de gauche avec un Parti, un club ? Je ne sais pas comment vous voudrez l'appeler.

DIDIER GUILLAUME
Non, surtout pas. Je ne crois pas qu'il faille… Moi je pense que les partis sont mal en point et je ne veux pas créer un autre parti. Surtout pas. Je dis simplement qu'Emmanuel MACRON a voulu dans une phrase un peu de com' dire : « C'est le en même temps. » Vous dites, vous les journalistes : « Il fait du en même temps. » C'est « en même temps », ce n'est pas ni droite ni gauche : c'est et droite et gauche, c'est en même temps.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il n'y aura pas un club ou un parti de Jean-Yves LE DRIAN auquel vous adhéreriez ?

DIDIER GUILLAUME
Il y a des mesures qui sont plus sociales-démocrates, il y a des mesures qui sont plus différentes mais ce qui compte, ce qui compte c'est que la France s'en sorte et elle est en train de gagner. Ce qui compte, c'est que les Françaises et les Français vivent le mieux possible. Et ce qui compte, c'est que nous arrivions par la politique menée dans le gouvernement. Que nous ne nous retrouvions pas comme cela se passe en Italie, comme cela se passe en Hongrie ou dans d'autres pays, que l'extrême-droite arrive au pouvoir. Et aujourd'hui la seule possibilité pour que l'extrême-droite ne soit pas au pouvoir, c'est de réussir le quinquennat et c'est qu'Emmanuel MACRON soit en mesure de contrer cela. Ce n'est pas nous qui souhaitons, ce n'est pas le président de la République qui souhaite ce face-à-face, c'est la réalité. Vous savez, la démocratie c'est le suffrage universel et le peuple il a toujours raison, même quand ça ne plaît pas. Jean-Luc MELENCHON et d'autres voulaient faire un référendum anti-Macron ; ç'a été un référendum anti-Mélenchon. 6 %. Le Parti socialiste et ses alliés, 6 % ; la droite 8 %. Ce n'est pas Emmanuel MACRON qui a voulu, cela c'est le peuple, ce sont les électeurs. Les électeurs ont mis l'extrême-droite et les alliés de la République en Marche et de la majorité au coude à coude. Notre objectif, c'est qu'on ne reste pas au coude à coude. C'est d'être devant.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Allez, on va prendre des sujets très concrets parce que parfois il y a débat au sein de la majorité. On va prendre cet exemple d'hier, depuis hier, cet amendement de Matthieu ORPHELIN pour interdire la publicité pour les voitures qui polluent plus de 60 grammes par kilomètre. En gros, toutes les voitures sauf les hybrides et les voitures électriques. Est-ce que c'est une bonne idée ça ?

DIDIER GUILLAUME
Non mais aujourd'hui, et le président de la République… Le Premier ministre, pardon, va faire sa déclaration de politique générale, nous mettons la transition écologique…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et l'écologie, c'est vrai.

DIDIER GUILLAUME
Et l'écologie, la lutte contre le réchauffement climatique au coeur, à la base de l'action.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Justement, est-ce que cet amendement est une bonne idée ?

DIDIER GUILLAUME
La base de l'action gouvernementale, et là-dessus c'est clair. Là encore les électeurs nous l'ont montré mais, vous savez, ce gouvernement fait beaucoup pour l'écologie et dans l'agriculture avec la transition agro-écologique, les pesticides et cætera.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pas assez puisque 13 % des lecteurs ont voté pour Yannick JADOT, notamment les électeurs de gauche.

DIDIER GUILLAUME
C'est bien normal. Mais c'est bien normal, c'est la démocratie. Vous savez, aux élections européennes on veut toujours montrer cela.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils ont montré un signal. Vos électeurs de gauche voulaient plus d'écologie.

DIDIER GUILLAUME
Rappelez-vous, Dany COHN-BENDIT avait fait 19 % je crois. Les électeurs veulent plus d'écologie mais les Français veulent plus d'écologie, je veux plus d'écologie et le président de la République…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais répondez-moi concrètement à ma question.

DIDIER GUILLAUME
Mais ce n'est pas sur un amendement. Moi, je ne connais pas ce qu'est cet amendement. Il faut aujourd'hui changer tout cela, changer notre modèle. Il faut sortir des énergies fossiles, il faut sortir du tout pétrole et cætera. Donc je ne sais pas si c'est par cet amendement ou pas cet amendement, ce que je sais aujourd'hui c'est qu'on a une industrie automobile avec des dizaines et des centaines de milliers d'emplois. Qu'une transition ne peut pas se faire au péril des emplois et en tuant un certain nombre de choses. Donc voilà, cette transition nous la faisons. Nous sortirons de cela, c'est clair.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Très concrètement, vous savez que le glyphosate est devenu un symbole. Il y a cette étude qui a été révélée par nos confrères de RTL hier, étude de l'université de Rennes I sur une étude menée sur des rates, des rats femelles enceintes. Au contact du glyphosate, ça modifie leur comportement. Est-ce que cette étude vous inquiète et est-ce qu'il faut aller plus vite dans la disparition du glyphosate en France ?

DIDIER GUILLAUME
Alors figurez-vous, Christophe JAKUBYSZYN, que je la découvre cette étude. Donc moi je ne suis pas un scientifique et je ne suis pas un médecin. Moi je suis là pour le principe de précaution, pour prévenir. Aujourd'hui nous sommes en train de nous rendre compte que la dépendance aux pesticides n'est pas une bonne chose donc nous allons en sortir. La France va être le premier pays au monde à se séparer du glyphosate. La France va être le premier pays au monde à diminuer l'utilisation des pesticides puisque la volonté du gouvernement, et c'est le travail que je mène tous les jours, c'est de baisser de 50 % l'utilisation des pesticides, des produits phytopharmaceutiques en 2025. Diminuer par deux. Le seul pays au monde. Donc il faut aller dans cette direction.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est-ce qu'on va assez vite ? Parce que… Un jour on vous reproche, on vous dit : « Ecoutez, il y a cinq ans vous avez dit que le glyphosate modifiait les comportements. Vous n'en avez pas tenu compte. »

DIDIER GUILLAUME
Enfin, écoutez, la cigarette est dangereuse, on ne l'interdit pas. L'alcool est dangereux, on ne l'interdit pas. Tout cela, il faut équilibrer les choses. C'est la prévention, c'est la précaution. Il ne faut pas fumer, il ne faut pas boire et il faut utiliser le moins possible de glyphosate et de produits phytopharmaceutiques. C'est ce que nous faisons. La France est première et la France trace la voie. Et moi je veux vraiment vous dire, si vous me le permettez, je veux saluer le monde agricole, l'agriculture française, les agriculteurs, les agricultrices à qui on demande énormément. Et cette transition, ils la font, ils la mènent.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, regardez ce chiffre révélé hier, selon l'Agence Bio : 5 000 exploitations agricoles en 2018 ont basculé sur le bio, ce qui fait qu'aujourd'hui on est presque à 10 % d'exploitations agricoles bio, et quand on prend en surfaces cultivées, 7,5 %.

DIDIER GUILLAUME
C'est formidable, c'est formidable ? C'est formidable, ça veut dire que ce qui est en train de se mettre en place fonctionne ? Ça ne vient pas d'aujourd'hui, ce n'est pas de ce gouvernement, cette transition elle se fait depuis longtemps, mais ce résultat sur le bio, il correspond à deux choses. Il correspond d'abord à une demande de la société, des consommateurs, vous, moi, nos enfants qui veulent absolument ce genre de produits, et puis la prise de conscience des agriculteurs. Vous vous rendez compte, 5 000 agriculteurs et agricultrices de plus cette année, sont passés en bio, 7,5 % de la surface agricole utile. C'est absolument formidable. On voit bien que ce modèle de société il est là. Mais moi je n'oppose pas le bio et l'agriculture conventionnelle. Nous avons besoin de tout à la fois.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est-ce que par exemple il faudrait les aider davantage ? Les aides européennes à l'agriculture qui sont très importantes, est-ce qu'il ne faut pas davantage les flécher, quand on va faire la réforme de la PAC, vers les agriculteurs qui font du développement écologique ?

DIDIER GUILLAUME
Les aides de l'Europe aujourd'hui c'est 9,7 milliards d'euros, vous vous rendez compte ? 9,7 milliards d'euros c'est énorme. Ces aides sont là pour maintenir le revenu, ce qu'on appelle les aides directes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais, est-ce qu'il ne faudrait pas les utiliser pour orienter ?

DIDIER GUILLAUME
Mais c'est ce qui se passe, c'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la future pas PAC, nous travaillons pour que ces aides soient plus fortes lorsque les agriculteurs sont dans la transition agro-écologique, lorsque…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça sera le cas ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, c'est ce sur quoi travaille la France, et je pense que nous allons y arriver, mais également le gouvernement français. Vous savez, le Plan Ambition bio, c'est plus d'un milliard d'euros. Nous mettons chaque année plus de 70 millions d'euros dans la recherche publique ou privée, aujourd'hui nous devons aller à grands pas vers la transition agro-écologique. Les agriculteurs français le font. Et je vais vous dire, les agriculteurs, ce ne sont pas des empoisonneurs, ce ne sont pas des pollueurs, ce sont des femmes et des hommes qui vivent dans la nature, et parce qu'ils vivent dans la nature, ils savent les bienfaits de cette nature. Simplement ils sont dans un modèle qu'on leur a fait prendre il y a 50 ans, ce modèle on est en train de le faire muter, les agriculteurs sont conscients qu'il faut muter, ils sont en train de le faire, dans l'intérêt des consommateurs français et européens, parce que je dois vous dire, l'alimentation française elle est saine, elle est sûre, elle est durable et tout le monde nous l'envie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vous qui le dites, on vérifiera ça.

DIDIER GUILLAUME
Non non non ! Ah non, là, excusez-moi, je ne peux pas vous laisser dire ça. Ce n'est pas moi qui le dis.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non mais vous savez qu'il y a des inquiétudes sur les pesticides, on en a parlé.

DIDIER GUILLAUME
Mais, qu'il y ait des inquiétudes sur les pesticides, je le comprends…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce que je voulais dire.

DIDIER GUILLAUME
… ce que je veux dire c'est que l'alimentation française elle est saine, elle est sûre et elle est durable, et c'est reconnu…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Beaucoup plus saine que les produits qu'on n'importe, qui souvent sont moins bien contrôlés. Une question là-dessus justement. On nous dit : alerte rouge sur l'agriculture française, en 2023 on va peut-être devenir déficitaire, on va plus importer qu'on exporte de produits agricoles. Comment c'est possible ?

DIDIER GUILLAUME
Eh bien ce serait un drame. Je me bats tous les jours contre cela. Aujourd'hui on a la chance que l'agriculture française est bénéficiaire en termes de commerce extérieur, + 6 milliards, un peu plus de 6 milliards.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, mais on nous dit : attention, parce qu'on est en train de devenir moins compétitifs. Un fruit et légume sur deux est importé aujourd'hui, lorsqu'on consomme.

DIDIER GUILLAUME
Nous avions 10 milliards d'excédent commercial, nous sommes à 6 milliards, et donc on dit : bravo la France est… Non !

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que trop de charges sur l'agriculture.

DIDIER GUILLAUME
Non, c'est en train de baisser, donc il faut contrecarrer tout cela, il faut le contrecarrer à l'intérieur de l'Europe, parce qu'aujourd'hui il y a du dumping social et du dumping fiscal, c'est pour ça que nous essayons d'harmoniser l'Europe vers le haut. Une salade produite en Allemagne aujourd'hui, coûte moins cher salade produite en France.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas normal.

DIDIER GUILLAUME
Eh bien non ce n'est pas normal. Pourquoi ? Parce que l'Allemagne utilise des travailleurs détachés polonais. Donc il faut réguler tout cela. Un produit qui vient d'Espagne, va coûter moins cher et produit différemment. Donc nous, ce que nous demandons, c'est la même qualité pour l'importation. Nous sommes pour les accords commerciaux internationaux, mais nous n'acceptons pas, dans le cadre de ces accords commerciaux, que par exemple on ait du poulet, du boeuf aux hormones, on ait du poulet au chlore etc., ça ce n'est pas possible.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ça, on a refusé notamment de faire un accord notamment avec le Mexique, à cause de ça, l'Amérique du Sud.

DIDIER GUILLAUME
Bien sûr. On va avancer là-dessus, mais je veux le dire là encore, parce qu'il faut être clair, nous sommes pour les accords commerciaux. Nous voulons exporter, c'est bien normal que nous importions, il faut arrêter, ça n'existe pas de vivre dans notre bulle.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors un exemple très concret : le vin français, Donald TRUMP a encore redit hier qu'il voulait taxer le vin français.

DIDIER GUILLAUME
Ouais…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ben vous dites « ouais », mais regardez les chiffres, quand on regarde combien on taxe le vin américain et combien ils taxent le nôtre, 11 à 29 centimes par litre pour le vin américain, 5 à 14 centimes pour le vin français. Est-ce qu'il ne faut pas un peu rééquilibrer ? Est-ce qu'il ne faut pas un peu baisser les droits de douane sur le vin américain pour pas qu'on ait de représailles ?

DIDIER GUILLAUME
Vous savez, après, ce qu'il faudrait mettre, là vous mettez des centimes, mais ce qu'il faudrait mettre, c'est la quantité.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh bien on va la mettre, regardez, regardez la quantité c'est la photographie d'après. Eh bien oui. Regardez, 1,6 milliard d'exportations … 8 millions d'importations, alors on peut très bien lever un peu les taxes sur les importations.

DIDIER GUILLAUME
Alors moi, ce que je veux vous dire, c'est que le problème, ce n'est pas un problème de taxes. Quand il y a quelques années ça s'est passé pareil pour le Roquefort, eh bien on s'est aperçu que derrière nous avions exporté plus de Roquefort. Je pense que Donald TRUMP aujourd'hui, il est dans une opération de politique…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais il a raison ! On taxe trois ou quatre fois plus les vins américains.

DIDIER GUILLAUME
Nous avons refusé de donner mandat à la Commission européenne pour l'accord économique avec les Etats-Unis, parce qu'ils revenaient sur les Accords de Paris sur le climat, donc voilà, s'il y a des choses à bouger, vous savez, les droits d'assise sont quasiment les mêmes, et moi ce n'est pas ça mon problème, mon problème c'est que nous arrivions à avoir sur l'ensemble de la planète, une alimentation qui soit tracée, qui soit sécurisée.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai, mais sur le vin, qu'est-ce que vous dites aux viticulteurs français qui sont inquiets ? Ils exportent 1,6 milliard de vin vers les Etats-Unis, si on les taxes….

DIDIER GUILLAUME
Mais attendez, pour l'instant ce n'est pas taxé, nous verrons, non mais moi je me bats tous les jours pour que nous exportions encore plus. Je me bats tous les jours pour que la sécurité sanitaire soit la plus forte possible. Tout à l'heure Luc FARRE dans la discussion disait : il y a eu un problème de viande frauduleuse. Oui mais c'est ça notre enjeu, c'est de faire en sorte qu'on n'ait plus de fraude, qu'on n'ait plus ces viandes frauduleuses qui rentrent.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous êtes confiant sur les négociations avec les Américains sur le vin, vous n'êtes pas inquiets des menaces de TRUMP.

DIDIER GUILLAUME
Ah mais je ne suis pas inquiet, mais bien sûr que je suis inquiet, que je regarde les choses, mais pour l'instant ce n'est pas, je pense qu'il y a d'autres sujets qui sont beaucoup plus importants que celui-ci.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va suivre celui-là en tout cas.

DIDIER GUILLAUME
Oui, bien sûr.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juin 2019