Texte intégral
Q - Bonsoir, Jean-Baptiste Lemoyne.
R - Bonsoir.
Q - Merci d'être en direct avec nous ce soir sur Europe 1. Chaque jour plus probable le no deal, c'est ce que dit Michel Barnier, le négociateur de l'Union européenne et cet après-midi, alors que le président de la République recevait le Premier ministre irlandais, voilà ce qu'il dit : "l'Union européenne ne peut pas être durablement l'otage de la résolution d'une crise politique au Royaume-Uni." La crise politique au Royaume-Uni, nous la voyons. Aujourd'hui, Jean-Baptiste Lemoyne, nous, Français, Européens, les 27, on est otage de cette crise politique ?
R - Effectivement, le problème c'est que les parlementaires britanniques disent ce qu'ils ne veulent pas, mais ils n'arrivent pas à dire ce qu'ils veulent. Par conséquent, le risque c'est qu'ils soient amenés à demander encore des prolongations, éventuellement à participer à un vote et donc, on voit bien qu'à un moment il faut en sortir. Le président de la République a souhaité dire les choses très clairement. Si, d'ici le 10 avril, il n'y a pas de plan alternatif crédible soutenu par une majorité, cela veut dire que c'est le Royaume-Uni qui, de facto, choisit lui-même de sortir sans accord et Dieu sait que les Européens ont été patients, qu'ils ont donné des garanties. Nous voulons garder une relation proche avec le Royaume-Uni.
Q - Il n'y aura plus d'accord, il n'y aura plus de négociation possible autre que ce qui a été négocié. Les Anglais doivent savoir qu'ils sont dos au mur. Il y a une manière de durcir le ton, Jean-Baptiste Lemoyne, là.
R - En fait, l'Union européenne a donné un nouveau délai qui permettait au Parlement britannique de se prononcer. Encore hier, il a rejeté toutes les hypothèses. Il a rejeté l'accord qui était proposé. Il a rejeté d'autres options comme l'union douanière et autres. Donc, il y a un moment, face à cette impasse dans la vie politique britannique, nous devons nous organiser. Depuis plusieurs mois, au gouvernement, avec Nathalie Loiseau, avec Agnès Pannier-Runacher et aujourd'hui avec Amélie de Montchalin, nous nous préparons à cette sortie, à cette hypothèse, et par exemple il y a eu un plan de recrutement pour renforcer à la fois les services vétérinaires et les services douaniers, pour que les entreprises se préparent et d'ailleurs, je veux donner l'adresse, on a un site internet pour tous les particuliers ou les entrepreneurs, ils peuvent se renseigner sur www.brexit.gouv.fr parce qu'ils peuvent être dans leur vie quotidienne, dans leur relations quotidiennes et dans leurs échanges avec le Royaume Uni impactés. Donc, nous, nous avons veillé à prendre des mesures pour minimiser tous les risques.
Q - Précisément, je me souviens, on a échangé avec Nathalie Loiseau lorsqu'elle était au Gouvernement sur cette question-là. Est-ce qu'aujourd'hui en cas de Brexit dur sans accord dans dix jours, ce sera indolore pour les Français ?
R - Ce n'est jamais indolore, un tel divorce. Il y aura toujours un impact. L'impact sera plus grand pour nos amis britanniques que pour les Français et les Européens. Néanmoins, nous avons tenu à prendre des mesures pour nous assurer de la meilleure continuité possible de l'ensemble des services. Je m'explique : par exemple, on a 11 millions de touristes britanniques qui viennent en France chaque année. Ça contribue donc à notre économie nationale. Nous avons adopté à Bruxelles, et ça date d'aujourd'hui, une mesure qui permet d'exempter de visa de court séjour les ressortissants britanniques. Donc, il n'y aura pas d'obstacle à la circulation des personnes et c'est important pour maintenir ce poumon qu'est le secteur touristique. Mais je peux vous prendre le secteur du transport par exemple : il y a eu des investissements considérables faits au port de Calais par exemple, pour s'assurer d'un certain nombre de hangars, de quais de débarquement et que les contrôles vétérinaires, les contrôles des marchandises puissent être faits sans que cela impacte trop lourdement les chaînes logistiques.
Q - Les transports, le tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, sans vraiment, l'idée ce n'est pas de vous montrer du doigt, le rôle du gouvernement c'est de prévoir, d'anticiper, mais c'est peut-être aussi d'alerter. Aujourd'hui à dix jours de ce qui pourrait être un Brexit dur, quels secteurs ou quelles régions doivent s'inquiéter, Jean-Baptiste Lemoyne ?
R - Naturellement, la région des Hauts-de-France, les régions Normandie et Bretagne qui sont les plus exposées d'un point de vue de frontières avec le Royaume-Uni, sont très concernées et donc c'est là que des efforts en ressources humaines ont été faits. En tout, je vous l'ai dit, c'est 580 emplois supplémentaires dans les douanes et les services vétérinaires, dans ces trois régions. Et naturellement, les 30.000 entreprises françaises qui exportent au Royaume-Uni vont devoir remplir des formalités supplémentaires...
Q - Il faut les prévenir.
R - Bien sûr, il y a eu tout ce travail de pédagogie avec également les représentants des entreprises, avec le MEDEF, la CGPME et c'est pourquoi aussi, je le dis à votre antenne, j'en profite, il y a ce site www.brexit.gouv.fr qui permet aux entrepreneurs, aux particuliers de se renseigner, d'avoir les derniers détails et de pouvoir se préparer et naturellement, on est à l'entière disposition de tout le monde. On va suivre ça matin, midi et soir parce que c'est un moment important, hélas pour l'Union européenne, et nous devons l'enjamber pour cela se fasse avec le moins de problèmes possibles pour à la fois les particuliers et les entreprises.
Q - Un dernier mot, Jean Baptiste Lemoyne, pour terminer, parce qu'il y a ce petit parfum de Brexit avant le Brexit avec la mobilisation des douaniers, mobilisés depuis 30 jours. Est-ce que le gouvernement va faire un geste supplémentaire pour ne pas avoir des files de camions dans les jours qui viennent à Calais ou pour que les trains puissent circuler normalement du côté de la gare du Nord, de l'Eurostar ?
R - Ce que je peux vous dire c'est qu'en termes de ressources humaines un certain nombre de recrutements ont eu lieu.
Q - 700 agents seront recrutés d'ici à 2020. Gérald Darmanin avait proposé une augmentation de 50 euros par mois. Les douaniers, eux, demandent 100 euros plus 7 euros net par heure travaillée de nuit. Est-ce qu'il y a un geste supplémentaire qui est prévu, Jean-Baptiste Lemoyne ?
R - Il y a un travail, un dialogue, qui se fait entre le directeur de cabinet du ministre Darmanin et les représentants des douaniers. Ce travail j'espère qu'il va aboutir. En tous les cas, je crois qu'il y a un impératif national c'est être au rendez-vous pour atténuer ce choc.
Q - Bien sûr, mais, Jean-Baptiste Lemoyne, est-ce que Gérald Darmanin va aller au-delà des 50 euros ou est-ce que la porte est fermée pour les douaniers ?
R - Je ne peux pas vous dire puisque le dialogue est en cours. Donc, je ne peux pas préjuger de l'issue du dialogue. Aujourd'hui, on a à faire face à une situation exceptionnelle et elle demande une mobilisation exceptionnelle et je n'ai pas de doute sur le fait que, le moment venu, nous serons tous, les uns et les autres, les douaniers, les entrepreneurs, mobilisés pour la France.
Q - Vous ne voulez pas répondre, Jean-Baptiste Lemoyne. Mobilisation exceptionnelle, donc l'Etat sera certainement à la hauteur de ces négociations, je ne dis pas des revendications, c'est ce qu'il faut comprendre, Jean-Baptiste Lemoyne, sans que vous puissiez en dire plus ?
R - Ecoutez, l'avenir le dira, en tout cas je peux vous dire que nous sommes vraiment mobilisés.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 avril 2019