Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin c'est Didier GUILLAUME, bonjour.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous. Vous êtes ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, nous sommes ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec les télés locales, les Indés Radios, et la presse quotidienne régionale représentée ce matin par Stéphane VERNAY, bonjour Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Vous dirigez le bureau parisien du journal Ouest-France. Avant de vous entendre sur la rentrée parlementaire, sur les dossiers agricoles bien évidemment, un mot sur une question d'actualité Didier GUILLAUME. Deux militants écologistes qui avaient décroché un portrait d'Emmanuel MACRON, invoquant notamment l'urgence écologique, ont été relaxés hier, que pensez-vous de cette décision ?
DIDIER GUILLAUME
Moi je n'en pense rien, parce que la justice étant libre et indépendante je n'ai pas à commenter une décision de justice, mais je pense que, on vit dans une drôle de société, dans une société où certains, peut-être extrémistes, font des actions qui ne sont pas dans le cadre de notre pacte républicain, notre vivre ensemble. Il y a beaucoup de façons de manifester, de s'exprimer, mais décrocher le portrait du président de la République, c'est s'attaquer au plus haut personnage de l'Etat, qui a été démocratiquement élu. Je sais que certains, dans la vie politique française, regrettent cela, mais ça s'appelle la démocratie, mais il a été démocratiquement élu, et moi je regrette que des militants aient ce genre d'action, ils ont le droit de le faire, mais ça ne sert, à mon avis, ni leur cause, ni l'apaisement que nous voulons dans la société, à moins que certains cherchent à mettre le feu, je ne parle pas de ces deux personnes que je ne connais pas, mais aujourd'hui nous avons besoin d'apaiser la société et ce n'est pas en décrochant les portraits d'Emmanuel MACRON, en faisant une marche en mettant les portraits en l'air la tête en bas, qu'on se grandit.
ORIANE MANCINI
Pour vous cette décision de justice c'est un mauvais signal, ça aurait mérité une sanction ?
DIDIER GUILLAUME
Ce n'est ni un mauvais signal, ni un bon signal, moi je pense que lorsqu'on décroche le portrait du président de la République on fait un acte qui n'est pas un acte juridiquement légal, après je ne peux pas commenter moi.
ORIANE MANCINI
Allez, on va parler de la réunion de rentrée hier des parlementaires de la majorité, vous y étiez, Emmanuel MACRON aussi, comment ça s'est passé ?
DIDIER GUILLAUME
C'était un très bon moment, d'abord parce que c'était une fin d'été douce, nous étions dehors et le président de la République a fait un très bon discours, je pense qui a été très bien accueilli par les parlementaires, tous les membres du gouvernement étaient évidemment là, une petite heure, pour expliquer la deuxième phase, la deuxième étape du quinquennat, en disant il faut vraiment assumer de mettre en place un projet progressiste. Nous sommes issus des Lumières, et à partir de là nous ne pouvons pas nous replier sous nous-mêmes. Aujourd'hui le choix, dans ce pays, il est simple, c'est soit le repli sur soi, le racisme, la xénophobie, la haine de l'autre, soit c'est ce que nous essayons de faire sous l'autorité d'Emmanuel MACRON, c'est la ligne politique d'Emmanuel MACRON, c'est-à-dire regarder loin, élargir le champ, ouvrir, donner des possibilités pour les gens d'avoir une retraite demain, d'avoir un travail, faire en sorte que la protection soit là, et en même temps ne pas être naïf sur tout un tas de sujets, peut-être en parlerons-nous. Mais lorsqu'il dit les quatre priorités du gouvernement et de l'Etat, c'est à la fois le travail, l'écologie, les retraites et le régalien, ça pose bien la situation et les orientations de la deuxième étape, du deuxième acte du quinquennat, avec beaucoup d'humilité et de sérénité. Vous savez, Emmanuel MACRON, comme nous toutes et nous tous, avons été très marqués de ce qui s'est passé l'année dernière à peu près au même moment, c'est là où les Gilets jaunes ont commencé à monter dans nos campagnes, on l'a vu nous dans les zones rurales ce qui se passait, et tous ces mois où ces manifestations ont eu lieu, enfin l'Arc de Triomphe, c'est une image qu'on ne veut pas revoir, ce n'est pas ça la République que j'aime, lorsqu'on a vu tous ces heurts, ces attaques etc. Emmanuel MACRON a été marqué par cela, et ce qu'il veut c'est beaucoup d'humilité, beaucoup de sérénité, écouter les Français, écouter le peuple, et se sentir proche d'eux. Quand il dit, hier soir aux parlementaires d'En Marche, « En Marche ne peut pas être un parti bourgeois, En Marche doit être le parti du peuple, parce que les bourgeois, eux, ils n'ont jamais aucun problème, par contre le peuple, lui, il a tous les problèmes. »
STEPHANE VERNAY
Alors, le président de la République a parlé d'un parti bourgeois, à propos de l'immigration, il a aussi présenté les difficultés liées à l'immigration en France, comme l'échec de politiques successives, notamment de la gauche. Vous en venez de la gauche, comment est-ce que vous vivez ce type de déclaration, vous partagez ce constat ?
DIDIER GUILLAUME
Mais évidemment, mais nous l'avons dit…
STEPHANE VERNAY
Donc c'est aussi votre part de responsabilité ?
DIDIER GUILLAUME
Mais énormément…
STEPHANE VERNAY
Vous en prenez votre part ?
DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr, nous l'avons dit dans le précédent quinquennat, nous avons raté l'intégration et nous avons raté les politiques sur… on a fait beaucoup de choses, la rénovation des quartiers, l'ANRU, le renouvellement urbain, l'ANAH, les aides à l'habitat indigne etc., beaucoup de choses ont été faites dans le précédent quinquennat, évidemment, mais aussi bien dans le quinquennat de Nicolas SARKOZY, que dans celui de François HOLLANDE, nous n'avons pas réussi cette intégration, qui vient de loin, et aujourd'hui il faut s'en soucier. Enfin, quand il parle de parti bourgeois, qui a les problèmes, qui se fait brûler sa voiture, qui est confronté aux deals dans les quartiers ? Ce n'est pas les riches, ce ne sont pas les chefs d'entreprise, les cadres, qui eux, en principe, ont des belles maisons, ce ne sont pas les parlementaires ou les ministres, il faut dire les choses telles qu'elles sont, parce que nous ne vivons plutôt pas dans ces quartiers. Mais ceux qui vivent dans ces quartiers, c'est qui ? Les gens qui sont au RSA, les chômeurs, les travailleurs pauvres, c'est eux qui voient tout cela, ils se disent « mais est-ce que les politiques s'occupent de nous ? » Et une des raisons de ces mouvements des Gilets jaunes, de ces mouvements populaires, c'est que les gens pensent que les hommes politiques, les femmes politiques pensent plus à eux ou à elles, qu'à leurs concitoyens, et ça c'est un vrai sujet.
STEPHANE VERNAY
Le président de la République a utilisé le mot de mise en garde par rapport aux divisions internes à La République en marche, alors certains ont pris le message pour Cédric VILLANI, est-ce que vous interprétez la chose de la même manière ?
DIDIER GUILLAUME
Non…
STEPHANE VERNAY
Ça n'a rien à voir ?
DIDIER GUILLAUME
Non, non, ça a à voir, il y a le sujet de Paris, mais ce n'est pas uniquement Paris. Vous savez, moi j'ai été pendant des années dans une organisation politique, le Parti socialiste, où il y a eu des débats, des combats, des divisions, et on a vu où ça nous amener, à 6 %, bon !
STEPHANE VERNAY
Vous avez toujours la peur du spectre de la fronde à En Marche… ?
DIDIER GUILLAUME
Ce n'est pas le fait de la fronde, c'est que ce parti politique, ce mouvement est jeune, ce n'est que la deuxième élection qu'il a à affronter après les législatives, les européennes c'est un peu à part, il faut désigner des candidats, il y a une commission d'investiture, mais il y a des choix à faire, eh bien le voisin qui n'a pas été désigné, l'ami, l'autre parlementaire, etc., se sent frustré. Et il a eu raison de dire « mais c'est le collectif », tous les députés qui ont été élus en 2017 ils ont été élus parce qu'Emmanuel MACRON venait d'être président de la République et parce que sur leurs documents de travail il y avait la photo d'Emmanuel MACRON, ils ont leurs qualités propres, mais enfin Emmanuel MACRON a fait 577 campagnes, mais 300 victoires aux législatives, bon ! Eh bien maintenant il faut que chacun comprenne que la même commission d'investiture qui les a fait devenir député, c'est la même qui fait les désignations aujourd'hui, c'est le collectif. Je crois que ce qui marque cette majorité c'est à la fois la bienveillance, elle est indispensable, la bienveillance est indispensable dans ce pays hystérisé, dans ce pays où on est les uns contre les autres, peut-être en parlerons-nous tout à l'heure, la bienveillance, et puis la solidarité, le respect du collectif. Le travail collectif il est indispensable.
ORIANE MANCINI
Donc, en clair, Cédric VILLANI doit retirer sa candidature et se rallier à Benjamin GRIVEAUX ?
DIDIER GUILLAUME
Mais ça, ça ne me concerne pas maintenant. Je pense que, aujourd'hui, à Paris, comme ailleurs, lorsqu'une organisation politique, lorsque la majorité présidentielle est unie, elle gagnera, lorsque la majorité est divisée, elle ne gagnera pas.
STEPHANE VERNAY
Une dernière chose. Est-ce que le président de la République, et le Premier ministre, ont-ils donné des consignes, à leurs ministres, de s'impliquer dans la campagne pour les municipales…
DIDIER GUILLAUME
Non.
STEPHANE VERNAY
Comme ça avait été fait pour les européennes ?
DIDIER GUILLAUME
Non.
STEPHANE VERNAY
Et vous, vous soutiendrez des candidats, par exemple dans la Drôme, etc., vous ferez du terrain, vous ferez des campagnes, des meetings ?
DIDIER GUILLAUME
Oui… alors, le problème c'est que, lorsqu'on est ministre on a beaucoup, beaucoup de travail aussi à faire, et c'est compliqué, mais on n'a pas eu de consigne particulière, mais évidemment, lorsque l'on est responsable politique, à tous les niveaux, local, départemental, régional, national, et a fortiori lorsqu'on est ministre du gouvernement, lorsqu'on a cet honneur de pouvoir diriger le pays sous l'autorité du président de la République, évidemment qu'une élection elle ne laisse pas indifférent. Parce que, les élections municipales, c'est la première élection locale que la majorité présidentielle va avoir à affronter. C'est la première fois, je pense, dans la Ve République, qu'un parti au pouvoir, qu'une majorité au pouvoir, n'a pas, ou peu d'implantations locales, vous imaginez, nous, les socialistes ou la droite, avaient des milliers et des milliers de maires et de communes, ce n'est pas le cas aujourd'hui, donc cette élection elle est majeure pour le maillage, pour le tissage, pour l'implantation locale.
ORIANE MANCINI
Après la rentrée parlementaire c'est aussi lors de la rentrée sociale, Didier GUILLAUME, les manifestations contre la réforme des retraites commencent à se multiplier, est-ce que vous craignez une rentrée sociale agitée ?
DIDIER GUILLAUME
Mais la rentrée sociale elle est agitée, mais toutes les rentrées sociales sont agitées depuis des années. Aujourd'hui le sujet majeur…
ORIANE MANCINI
Donc pas de peur particulière ?
DIDIER GUILLAUME
Si, la peur que je peux avoir, c'est que ce climat social, là encore s'hystérise, qu'il y ait de la violence, parce que ça c'est un problème, donc il faut tout faire pour faire…
ORIANE MANCINI
Ça vous le craignez toujours, que la violence revienne ?
DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr, on sait qu'il y a des groupes violents dans ce pays, qui veulent en découdre. Mais nous, ce que nous souhaitons, dans les quatre chantiers du président, le travail, l'écologie, les retraites et le régalien, c'est tout simplement que… Ce régime de retraite, le président de la République, enfin Emmanuel MACRON l'avait dit dans sa campagne, aujourd'hui 42 régimes de retraite différents, beaucoup d'inégalités, ce n'est pas possible, donc avant de manifester et de dire qu'est-ce que nous ferons demain, il faut d'abord comprendre ce qui se passe aujourd'hui. Il y a des gens, aujourd'hui, qui vivent, dans l'agriculture par exemple, qui ont 400, 500 euros par mois de retraite pour vivre, ce n'est pas possible.
ORIANE MANCINI
Justement, les agriculteurs, est-ce qu'ils doivent s'inquiéter de cette réforme des retraites ?
DIDIER GUILLAUME
Non, alors pour le coup les agriculteurs, d'ailleurs c'est globalement bien apprécié dans le monde agricole, pour toutes les catégories qui ont des carrières hachées, ou qui partent de très bas, elles seront certainement toutes gagnantes, donc je crois que les agriculteurs ont bien compris qu'il n'y avait pas de sujet, ce qui compte, pour les agriculteurs, et la vraie la vraie problématique, c'est la retraite d'aujourd'hui, ceux qui sont à la retraite aujourd'hui avec des retraites trop basses. Mais, il va bien falloir revenir expliquer que ce régime il n'est pas égalitaire, il n'est pas équitable, et la volonté d'Emmanuel MACRON c'est de faire un régime universel. C'est beaucoup plus dur qu'après la Seconde Guerre mondiale pour créer le régime, parce que là tous les gens qui ont quelque chose disent « moi je ne veux pas qu'on me touche et on verra à côté », c'est ça le problème de l'individualisme, et nous avons besoin d'essayer de montrer du collectif, d'expliquer aux Françaises et aux Français qu'il faut que la retraite soit équitable, que ce régime universel il le soit pour tous, 1 euro cotisé aura le même impact dans toutes les professions pour le moment de la retraite. C'est cette explication que nous allons faire pendant des semaines et des semaines, s'il faut prendre plusieurs mois nous pendrons plusieurs mois, nous ne sommes pas pressés j'allais dire.
ORIANE MANCINI
Plusieurs mois, c'est-à-dire qu'elle ne sera pas forcément votée avant l'été, si ?
DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas, c'est plutôt prévu avant l'été. Nous ne sommes pas pressés, mais nous sommes déterminés. La réforme des retraites se fera dans le quinquennat, du régime de retraite, se fera dans le quinquennat, si c'est début 2020, milieu 2020 ou fin 2020, pour moi ce n'est pas ça le sujet, c'est que les Français comprennent et que tout le monde soit embarqué dans la compréhension de ce mouvement. Et puis on sait très bien qu'il y a des secteurs qui sont beaucoup plus sensibles, sur lesquels il faudra peut-être différer un peu, je prends le cas des enseignants. Les enseignants, on a fermé les yeux pendant des années, sont plutôt mal payés, enfin quand on voit le rôle qu'ils ont aujourd'hui, l'enseignant fait à peu près tout à l'école, au collège, au lycée, ils sont plutôt mal payés, mais ils ont plus de vacances que les autres, bon, qu'est-ce qu'on va faire avec eux ? Sur les professions médico-sociales, les infirmières, etc., tout cela il faut le mettre sur la table, il faut en discuter, mais à l'arrivée la détermination du président de la République elle est claire, nous allons arriver vers un régime de retraite universel, équitable pour l'ensemble des Français.
ORIANE MANCINI
Mais vous nous dites ce ne sera pas forcément d'ici l'été 2020 et ce ne sera pas forcément tout d'un coup, on peut y aller par étapes ?
DIDIER GUILLAUME
Vous me posez la question à moi, je vous réponds. Moi j'espère qu'on pourra le faire avant l'été 2020 pour la grande majorité, et on verra s'il faut que ce soit à l'automne. Enfin, ce qu'il faut c'est que tout le monde comprenne la justice de ce système. Aujourd'hui le système n'est pas juste, il y a trop de retraités très pauvres, très pauvres.
STEPHANE VERNAY
Alors, si on comprend bien, il n'y a pas de sujet pour les agriculteurs par rapport à la réforme des retraites, est-ce qu'il y a d'autres points qui irritent le monde agricole en cette rentrée, notamment où est-ce qu'on en est sur la question de la sécheresse ou d'autres dossiers irritants comme le retour du CETA par exemple, qu'est-ce qui pourrait agacer le monde agricole aujourd'hui, qu'est-ce que vous redoutez ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, il y a beaucoup de choses qui agacent le monde agricole, des choses qui sont…
STEPHANE VERNAY
Qu'est-ce que vous surveillez plus particulièrement ?
DIDIER GUILLAUME
Je vais vous dire très clairement, des choses qui dépendent de nous, des choses qui ne dépendent pas de nous. Ce qui ne dépend pas de nous c'est le dérèglement climatique, la sécheresse est absolument incroyable, deux années de suite, les agriculteurs n'en peuvent plus. Moi j'ai beaucoup bougé en France, là, pour des déplacements, je suis allé dans le Nord, dans le Sud, dans l'Ouest, dans l'Est, mais les sols sont grillés, les sols sont grillés, cette sécheresse a touché comme jamais. Donc moi j'ai fait prendre des mesures exceptionnelles, cet été, par la Commission européenne, avec la possibilité de faucher les jachères pour donner pour les animaux, ce qui était totalement interdit par l'Europe, on a eu une énorme dérogation, on va faire conjoncturellement tout ce qu'il faut faire, mais enfin, aujourd'hui, il y a des agriculteurs qui…
ORIANE MANCINI
C'est-à-dire, une soixantaine de retenues d'eau, c'est ça ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, aujourd'hui il y a des éleveurs qui peuvent mettre la clé sous la porte, qui vont décapiter leur cheptel parce qu'ils n'ont plus les moyens, donc par rapport à cela il faut prendre deux mesures, qui sont fortes, sur lesquelles le gouvernement a tranché, c'est des retenues d'eau, l'eau, l'eau est de plus en plus rare, il faut économiser l'eau, et les agriculteurs dépenses aujourd'hui 30 % de moins d'eau pour irriguer qu'ils le faisaient il y a 10 ou 15 ans en arrière, mais c'est justement parce que l'eau est rare qu'il faut la retenir pour la remettre dans les sols lorsqu'il y en a besoin. Cet été il y aurait eu un peu plus de retenues d'eau, eh bien il y aurait eu la sécheresse et la canicule, mais il y aurait eu de l'herbe qui aurait poussé et les animaux auraient pu pâturer, donc la sécheresse c'est vraiment très très gravissime, et puis nous allons faire aussi, mettre en place une assurance généralisée, l'agriculture c'est le seul métier qui n'est pas assuré. Donc ça c'est qui ne dépend pas complètement de nous. Mais il y a d'autres sujets aujourd'hui sur lesquels les agriculteurs sont très nerveux, pourquoi ? Parce que, aujourd'hui, le revenu des agriculteurs est beaucoup trop faible, le compte n'y est pas. Les Etats généraux de l'alimentation, qui avaient été mis en place en 2017, avaient indiqué qu'il fallait que le revenu remonte, aujourd'hui l'agriculteur est le seul…
STEPHANE VERNAY
Ça n'a pas fonctionné ?
DIDIER GUILLAUME
Non, non, ça n'a pas fonctionné.
STEPHANE VERNAY
Pourquoi ?
DIDIER GUILLAUME
L'agriculteur est le seul métier qui vend à perte, ça n'existe pas. La personne qui a construit ce studio, ça lui a rapporté tant, il a vendu…
STEPHANE VERNAY
Qu'est-ce qui n'a pas marché dans la loi ?
DIDIER GUILLAUME
Eh bien tout simplement parce que l'inversion de la construction des prix qui a été demandée s'est faite un petit peu tard, c'est-à-dire que les agriculteurs on leur paye encore le lait trop peu, la viande trop peu…
STEPHANE VERNAY
Qu'est-ce que vous pouvez faire pour corriger ça ?
DIDIER GUILLAUME
Eh bien on est en train de, on a mis en place un comité de suivi des négociations commerciales, nous travaillons beaucoup avec la grande distribution, beaucoup avec l'ANIA, les industries agroalimentaires, les PME, pour faire cela, parce que, tant que nous ne règlerons pas le problème du revenu pour les agriculteurs, rien ne pourra se faire. Après, évidemment, ils sont agacés pour une troisième chose, c'est l'agri-bashing, c'est sans cesse des intrusions dans les élevages, enfin c'est absolument insupportable que des gens rentrent chez eux, les traitent d'assassins, de pollueurs, d'empoisonneurs. Les agriculteurs ne sont pas des empoisonneurs, ce ne sont pas des pollueurs, on leur a appris à faire de l'agriculture en mettant des produits phytosanitaires pour traiter les plantes, pour les soigner, pour qu'elles soient mieux résistantes, ils font cela, aujourd'hui on leur demande énormément de choses, c'est la profession à laquelle on a demandé le plus de choses en France. On leur dit, parce que le gouvernement l'a décidé, -50 % de produits phytosanitaires en 2025, nous allons être un des premiers pays au monde. On sort du glyphosate au 1er janvier 202, on fait la transition agro-écologique, tout ça c'est des avancées énormes, et les agriculteurs le font, il faut que les gens comprennent, mais ce n'est jamais assez. J'ai regardé le débat, sur votre antenne hier, sur les pesticides, mais enfin c'est un truc de dingue, on n'a jamais autant avancé et on se fait attaquer parce que ça ne va pas assez vite.
ORIANE MANCINI
Alors justement, puisque vous parlez de cette question Didier GUILLAUME, les arrêtés anti-pesticides se multiplient, on va écouter l'un des maires qui a pris un de ces arrêtés, il s'appelle Fabrice ROUSSEL, il est maire socialiste de La Chapelle-sur-Erdre, c'est en Loire-Atlantique, on l'écoute.
FABRICE ROUSSEL, MAIRE DE LA CHAPELLE-SUR-ERDRE
Aujourd'hui les maires ont la compétence pour lutter contre les pollutions, sauf sur l'utilisation des produits phytosanitaires, donc nous, nous réclamons d'avoir, de partager, cette compétence, parce qu'il y a de nombreuses sollicitations des habitants. Et puis, évidemment, nous souhaitons être associés plus largement aux concertations, parce que la concertation qui s'ouvre aujourd'hui fixe déjà les distances, et d'ailleurs ces distances sont minimales pour l'ANSES, c'est pour ça que nous souhaitons qu'il y ait ce débat sur les protections à mettre en oeuvre avec l'élaboration des distances plus importantes. Et puis aussi, dans le cadre de l'élaboration des chartes départementales nous avons le sentiment que ces concertations, qui s'engageront dans les prochains mois, ne seront là que pour réduire les distances fixées par le décret, et cela nous paraît inacceptable, c'est pour ça que moi, en tant que maire, j'agis avec la prise en compte de cet arrêté pour faire en sorte que nous ayons un débat plus large sur la question de la protection des riverains.
ORIANE MANCINI
Voilà, Didier GUILLAUME, c'est un message que ce maire vous adressait, qu'est-ce que vous lui répondez ?
DIDIER GUILLAUME
Je ne vais pas parler sur ce qu'il vient de dire parce qu'on est à 6 mois des élections municipales, j'ai bien compris que c'était un acte politique, que les socialistes… passés le mot pour dire il faut prendre des arrêtés, j'ai vu ça, ils savent très bien qu'ils seront tous retoqués par…
ORIANE MANCINI
Pour vous c'est politique ?
STEPHANE VERNAY
C'est de la politique politicienne ?
DIDIER GUILLAUME
Oui, c'est purement de la politique politicienne, même si le débat de fond, je vais y venir, pourquoi ? parce que ça fait déjà plus d'un an que les pesticides sont interdits dans les villes, donc ils disent on fait une ville anti-pesticides, comme la maire de Nantes, comme d'autres, mais enfin c'est interdit par la loi donc…
STEPHANE VERNAY
Et les distances pour l'épandage ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, les distances… j'y viens. Il faut vraiment regarder les choses telles qu'elles sont. Aujourd'hui il dit les chartes vont prendre plusieurs mois, non, elles ont démarré depuis plusieurs mois. Deuxième chose erronée qu'il dit, il faut que les maires soient dans la concertation, les maires sont dans la concertation, elles ont déjà démarré depuis plusieurs mois, donc il faut faire attention à tout cela, parce que c'est typiquement ce qui va faire en sorte qu'on va opposer les uns par rapport aux autres. Moi je vis dans une France qui ne veut pas être la France qui oppose les métropoles et la ruralité, l'urbain et le rural, l'agriculteur et le citoyen, en gros le bobo et celui qui rame et qui trime pour faire manger.
STEPHANE VERNAY
Et la pulvérisation à proximité des habitations, ça ce n'est pas un problème de bobos, ça concerne les gens qui vivent en zone rurale justement.
DIDIER GUILLAUME
Justement, nous prenons ces décisions, jusqu'à maintenant il n'y avait pas de distance, il n'y avait pas de zones de non-traitement, c'est le gouvernement et sa majorité qui prennent les décisions et on se fait attaquer, vous voyez bien que c'est purement politicien, ce n'était jamais arrivé. Plutôt que de dire très bien…
STEPHANE VERNAY
Mais la distance est faible.
DIDIER GUILLAUME
Mais, la distance est faible, mais qu'est-ce que vous mettriez comme distance, vous ?
STEPHANE VERNAY
La demande ce serait plus de 150 mètres.
DIDIER GUILLAUME
Mais la demande de qui ?
ORIANE MANCINI
La demande de certains maires, de certaines associations. Vous vous dites non pour 150 mètres, mais quelle est la bonne distance ?
DIDIER GUILLAUME
Non, mais vous n'êtes pas scientifique. Enfin, quand vous allez chez le médecin, que vous avez la grippe, qu'il vous donne des antibiotiques, qu'il vous donne des médicaments, vous ne lui dites pas « non, je ne veux pas ce médicament, j'en veux un autre, et je vais en prendre plus ou je vais en prendre moins », enfin il faut être sérieux !
ORIANE MANCINI
Donc vous dites que ces maires parlent sans savoir, c'est ça ?
DIDIER GUILLAUME
Non mais, Oriane MANCINI, je sais très bien que quand je dis ça je me fais insulter, je me fais découper, je prends des tombereaux de merde sur la figure sur les réseaux sociaux, mais moi je veux vivre dans une société de la rationalité. Ce gouvernement est le premier gouvernement qui va quitter la dépendance aux produits phytosanitaires, le premier au monde ou en Europe, alors on va dire non il y a le Sri Lanka, très bien. Nous avons pris la décision de dire il faut mettre des chartes en place, il y a des endroits où il n'y a pas de problème, s'il y a un mur au bout du champ, il n'y a pas de problème de traitement, on peut traiter au pied du mur, s'il n'y a pas de mur, s'il y a une maison, eh bien évidemment on va se reculer, c'est une zone de non-traitement. Mais, ce que je vais vous dire quand même, c'est que ce ne sont pas les champs qui sont rentrés dans les villes et dans les villages, ce sont les villages, qui ont fait des lotissements à perte de vue, qui sont rentrés dans les champs. Or aujourd'hui, troisième chose, scientifique, il y a l'ANSES, l'autorité de sécurité sanitaire, qui évalue, qui fait ce qu'on appelle des autorisations de mise en marché, nous avons demandé qu'elle les révise toutes, et on verra bien, mais quand un produit est mis sur le marché, eh bien c'est qu'on peut l'utiliser, donc il faut faire très attention à cela. Mais le gouvernement, qui fixe comme deuxième priorité après le travail, l'écologie, le gouvernement veut faire de l'écologie quelque chose de très fort, donc mon rôle de ministre de l'Agriculture il est double, il est de soutenir l'agriculture et les agriculteurs, mais il est de protéger la santé de nos concitoyens, la santé des Français, c'est pour ça que nous allons regarder au cas par cas comment faire en sorte, et nous mettons des zones de non-traitement afin que le principe de précaution s'applique, mais moi je veux objectiver le principe de précaution, donc voilà. Après on peut dire le gouvernement ne fait rien, eh bien le gouvernement n'a jamais fait autant, les conversions en bio, il y en a eu 6000 de plus cette année, 10 % des agriculteurs aujourd'hui sont en bio. Nous allons aller à 15 % de la surface agricole cultivée, nous en sommes à la moitié, à 7,5 %, donc nous sommes dans notre feuille de route. Nous baissons l'utilisation des pesticides, nous voulons sortir de la dépendance totale aux pesticides, voilà. Alors après on peut toujours nous dire, pour des confrontations politiques, ça ne va pas assez loin, etc., mais moi ce que j'aimerais c'est que, objectivement on regarde les choses, et quand on dit 150 mètres, ça n'a pas de sens, peut-être à certains endroits il faut plus, mais à plein d'endroits il faudra moins, donc…
ORIANE MANCINI
Au cas par cas.
DIDIER GUILLAUME
Non, appuyons-nous sur la science d'abord, sur le rapport de l'ANSES, qui nous dit 5 à 10 mètres, après regardons de quoi il s'agit pour le traitement, est-ce qu'il y a besoin de mettre des buses antidérive où il n'y a pas de produit qui parte, j'ai vu moi des équipements agricoles qui…bon, bref, ne rentrons pas là-dedans. La science dit 5 et 10 mètres, nous lançons la consultation, les Français ont trois semaines, maintenant ils n'ont plus que deux semaines, pour s'exprimer, et à la fin de la consultation nous regarderons.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 septembre 2019