Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement, à Radio Classique le 16 mai 2019, sur les annonces de baisses d'impôt et la campagne pour les élections européennes.

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Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement

Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Nous sommes ravis que vous soyez là, commençons pas cette affaire de chômage, parce que ça vient de tomber, c'est plutôt une bonne nouvelle, parce que la politique d'Emmanuel MACRON, les gens l'attendent toujours aux résultats, vous savez que le quinquennat de François HOLLANDE ça a été l'attente perpétuelle justement, de retournement du chiffre du chômage, qui ne venait jamais. Est-ce que vous considérez que la bataille économique est sur le point d'être gagnée, même s'il existe, en France, un endettement colossal ?

SIBETH NDIAYE
Non, ce n'est pas sur le point d'être gagné, mais nous avons accompli un chemin incroyable depuis les deux années qui viennent de s'écouler dans ce quinquennat. Vous avez annoncé des chiffres du chômage qui s'établissent à 8,7 % aujourd'hui, c'est des chiffres effectivement qui sont inédits, depuis une dizaine d'années. Notre pays a connu la crise, notre pays connaît depuis très longtemps le chômage de masse, et c'est une satisfaction, pour nous, de voir que ce nous avons mis en place, depuis 2 ans maintenant, commence doucement à porter ses fruits, ça ne veut pas dire qu'il faut relâcher notre effort, et nous avons encore beaucoup de chemin à accomplir.

GUILLAUME DURAND
Alors, on attend beaucoup, dans les journaux ce matin, la sortie du grand débat, on va revenir sur les européennes parce que c'est la bataille qui fait rage, on va revenir sur les propos d'Angela MERKEL, mais c'est vrai que Le Figaro se demande un peu, à propos des baisses d'impôts, évaluées à 5 milliards, qui vont concerner 95 % des Français à l'horizon de la fin, en gros, du quinquennat, enfin de la dernière partie du quinquennat, qui va payer ? C'est-à-dire, est-ce que nous allons travailler plus, en général, est-ce que ces questions sur le temps de travail vont être tranchées, est-ce que ce sont les niches fiscales qui vont être rabotées, au fond, quelle est la piste que vous retenez ce matin ?

SIBETH NDIAYE
Eh bien, je crois qu'il faut se référer à ce que nous a dit le président de la République, à la fin du mois dernier, il a été très explicite, il a d'abord indiqué que les baisses d'impôts répondaient à une demande, forte, de justice, à la fois sociale, territoriale, de nos compatriotes, ça c'est le premier élément, et donc cet engagement nous allons y répondre. La deuxième chose c'est qu'il a aussi indiqué, qu'il était très important de ne pas dévier de notre souhait de maîtriser nos dépenses publiques, et pour ça il faut à la fois que nous fassions des économies, et donc c'est ce que nous avons fait depuis le début du quinquennat, et on va continuer à le faire, il a aussi indiqué qu'il fallait regarder du côté des niches fiscales, en entreprises, pour voir là où on pouvait réaliser des efforts, encore, d'économies, et la dernière piste, évidemment, c'est de faire en sorte que, je vous disais, maîtriser nos dépenses publiques, et ça c'est des éléments qui sont extrêmement importants.

GUILLAUME DURAND
Mais quand est-ce qu'on aura, puisque le débat, enfin du Figaro ce matin, qui est un grand dossier à la fois sur les décisions et sur les rapports entre DARMANIN et LE MAIRE, on aimerait bien savoir quand est-ce que ça va être tranché, puisque ça concerne nos impôts et ça concerne aussi le financement de ces impôts. Est-ce que vous avez une date ? On sait que ça va intervenir…

SIBETH NDIAYE
Alors, de toute façon, au 1er janvier 2020 il y aura des économies d'impôt, qui seront mises en place, une baisse de l'impôt sur le revenu, et en regard de cette baisse d'impôt sur le revenu, dans le projet de loi de finances que nous voterons pour 2020, nous mettrons en regard les économies qui doivent être réalisées. Vous le savez, chaque année, il y a ce qu'on appelle un dialogue budgétaire, où en fait chaque ministère va dire quel va être son budget, quelles économies il souhaite réaliser, quelles économies il peut réaliser…

GUILLAUME DURAND
Donc ce sera dans la loi budgétaire de la rentrée.

SIBETH NDIAYE
Exactement, mais ça n'empêche pas que, dès maintenant, dès aujourd'hui, à l'instant où je vous parle, il y a un travail qui est mené entre le ministère de l'Economie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics, et l'ensemble des ministres du gouvernement, pour travailler à ces économies justement.

GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est un référendum anti-MACRON les européennes pour vous ?

SIBETH NDIAYE
C'est d'abord un référendum pour savoir, en quelque sorte, quelle Europe nous voulons, et je crois que c'est ça le plus important, c'est d'avoir, devant tous les projets qui sont proposés aux Français, et qui sont proposés aux Européens, de choisir le type d'Europe que nous voulons, et même j'allais dire de choisir tout court, si nous voulons encore de l'Europe, ou si nous ne voulons plus du tout d'Europe.

GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que vous considérez, parce que c'est le grand argument d'un peu tout le monde, on dit Emmanuel MACRON est isolé, on prend l'argument de cet entretien avec Madame MERKEL qui montre des désaccords, alors les désaccords je pourrais les lister, ils sont quand même assez nombreux. Alors, il y a des accords sur le budget de la zone euro, sur l'avion de chasse européen, mais, effectivement, sur le Brexit, sur d'autres sujets, il y a des moments elle parle de différences de mentalité, même, et c'est assez rare, parce que Madame MERKEL, depuis qu'elle est chancelière, elle a été économe de ces propos assez désobligeants sur les présidents français. Que se passe-t-il ?

SIBETH NDIAYE
Mais, il ne se passe rien qui soit nouveau. Depuis qu'il existe une relation entre la France et l'Allemagne, il y a des moments où nous avons été d'accord, des moments où nous n'avons pas été d'accord, et nous avons…

GUILLAUME DURAND
CHIRAC/ SCHRÖDER c'était…

SIBETH NDIAYE
Et nous avons toujours recherché des compromis, et en fait, l'Europe, elle se construit, parce que les pays européens ont fait un choix au sortir de la guerre, alors qu'ils avaient eu, pour le coup, des désaccords extrêmement profonds, d'essayer de converger et d'essayer de bâtir des compromis, et c'est ce que nous faisons, depuis que la chancelière MERKEL est chancelière, et depuis que le président de la République, MACRON, est président de la République.

GUILLAUME DURAND
Oui, mais est-ce qu'il n'est pas isolé, parce que vous connaissez l'argument qui est celui de toutes ses oppositions, c'est-à-dire qu'il y aura un groupe à gauche, il y aura le PPE de l'autre côté, et donc les macroniens, avec leurs alliés, vous rentrez dans…, qui est un groupe pivot, donc au fond, en Europe, comment un président, qui prétend diriger l'Europe, peut diriger l'Europe avec, au fond, un groupe parlementaire au Parlement européen qui sera minoritaire par rapport aux deux autres ?

SIBETH NDIAYE
Alors, plusieurs réponses. La première c'est qu'il est toujours important de regarder un petit peu dans le rétroviseur. Que s'est-il passé depuis 2 ans en Europe ? lorsque le président de la République fait une tournée européenne, à l'été 2017 je crois, où il va dans les pays de l'Est de l'Europe, qui sont plutôt hostiles à une convergence sur le travail détaché, à une directive qui permette, à travail égal, d'être payé à salaire égal, le président de la République porte une vision qui est très très forte sur le travail détaché, et il réussit à convaincre des pays qui y sont plutôt hostiles. Qu'est-ce que ça démontre ? Deux choses.

GUILLAUME DURAND
Jordan BARDELLA il dit il fallait tout supprimer, la directive en entier. Hier il a reproché à Nathalie LOISEAU, sur BFM TV, de n'avoir rien fait pendant 2 ans.

SIBETH NDIAYE
Mais c'est absolument n'importe quoi. Au moment où il y a ce vote sur la directive du travail détaché, le Front national n'est pas présent. Et je vais vous dire une chose, vous savez quoi, il y a des Français qui travaillent ailleurs en Europe, et donc le travail détaché ça va dans les deux sens. Ce qui compte c'est de faire en sorte que, partout où il y a du travail détaché, ça se fasse légalement, et ça se fasse dans des conditions qui ne permettent pas le dumping social, c'est ça notre objectif. Si je vous donnais cet exemple, c'était pour vous dire que, finalement, la France elle n'est pas isolée, elle peut être précurseur, elle peut être leader, et des convergences peuvent s'opérer sur les positions qui sont les siennes.

GUILLAUME DURAND
Quand est-ce qu'Emmanuel MACRON va apparaître, non pas en meeting, puisque Guillaume TABARD le disait tout à l'heure, ça ne sera pas sous la forme d'un meeting semble-t-il, est-ce que vous le confirmez d'ailleurs ?

SIBETH NDIAYE
Ah, je n'en sais absolument rien, c'est au président de la République de la République de le décider.

GUILLAUME DURAND
Oui, mais vous avez quand même quelques informations, en tout cas quelques idées, c'est quoi, une déclaration, un entretien dans un journal ?

SIBETH NDIAYE
Je crois que c'est au staff et au cabinet de l'Elysée de dire ce que fait le président de la République…

GUILLAUME DURAND
Ne soyez pas trop prudente…

SIBETH NDIAYE
Non, je ne suis pas du tout prudente, simplement moi je ne suis pas collaboratrice du président de la République…

GUILLAUME DURAND
Comment ça, vous n'êtes pas collaboratrice ?

SIBETH NDIAYE
Je ne suis pas collaboratrice du président de la République, je suis…

GUILLAUME DURAND
Oui, officiellement, vous avez travaillé avec lui pendant 2 ans.

SIBETH NDIAYE
Je suis ministre du gouvernement d'Edouard PHILIPPE, et j'ai travaillé avec…

GUILLAUME DURAND
Alors, qu'est-ce que vous souhaitez, qu'il intervienne dans un journal… ?

SIBETH NDIAYE
Moi, ce que je trouve important, c'est que le président de la République s'implique dans cette campagne européenne, pour deux raisons. La première c'est que, il a un engagement européen, c'est un engagement qui est fondateur dans son engagement politique, tellement fondateur que, En Marche, ça a été le seul parti politique, au moment de l'élection présidentielle, à faire agiter des drapeaux européens dans ses meetings, et donc c'est normal, c'est même nécessaire, que le président de la République soit impliqué dans cette campagne. Et la deuxième raison c'est que, ma profonde conviction, c'est que pour apporter de la force à la France, dans l'Europe, il faut que la liste qui sorte en tête du scrutin des élections européennes soit la liste qui soutient le président de la République.

GUILLAUME DURAND
Dernière question, elle est évidemment évidente après ces propos ; et si ce n'est pas le cas, il a dit dans le précédent Conseil des ministres, qu'il y aurait des conséquences, non seulement sur le gouvernement, mais sur la politique générale menée justement par l'équipe que vous représentez ce matin. Quelles conséquences, parce qu'il est, dans les derniers sondages, rien n'est gagné, il est même derrière le Rassemblement national ?

SIBETH NDIAYE
Vous savez quoi, avant de me demander ce qui va se passer le 27 mai, je vais d'abord essayer de gagner le 26 mai, c'est ma préoccupation du moment, la préoccupation de tout le gouvernement, et de toute la majorité, il sera bien temps, après, de s'interroger.

GUILLAUME DURAND
Dernière question pour vous, les gens savent l'attachement que vous portez pour le Sénégal, vous connaissez la phrase de Claude LEVI-STRAUSS au début de « Tristes tropiques » : « Je hais les voyages et les explorateurs. » Ces deux personnages qui sont allés se promener à la frontière du Bénin et du Burkina Faso, qui ont abouti à la mort de deux commandos Français, il y a beaucoup de gens sur les réseaux sociaux, et qui nous écoutent ce matin, qui disent qu'on a payé - alors évidemment il s'agit de sauver tous les Français, tout le monde le comprend - mais enfin, quand même ! Est-ce qu'on ne peut pas dire, officiellement, est-ce qu'on est tellement prudent qu'on ne peut pas dire qu'ils font n'importe quoi ?

SIBETH NDIAYE
Il ne s'agit pas de prudence, il s'agit de considérer, avec la même attention, l'ensemble de nos compatriotes lorsqu'ils sont en danger à travers le monde. Moi je n'ai pas envie qu'on puisse dire demain que, untel ou untel, parce que il a une attitude peut-être imprudente, parce que il a une couleur de peau qui ne plaît pas, parce que il a des choix de vie qui ne plaisent pas, ne soit pas un Français qu'on puisse aller sauver, et donc je suis très très fière que nos soldats aient sacrifié leur vie, parce que c'est aussi ce qu'est leur engagement, pour sauver leurs compatriotes n'importe où dans le monde.

GUILLAUME DURAND
Merci mille fois.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mai 2019