Extraits d'un entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France 3 le 11 mars 2019, sur la situation politique en Algérie, le Brexit et la construction européenne.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : France 3

Texte intégral

Q – Bonsoir, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Jean-Yves Le Drian a salué la décision du président algérien de ne pas se représenter ce soir. Le président algérien, on l'a dit qui reste au pouvoir, Bouteflika pour l'instant reste l'interlocuteur de la France.

R - Il y a des institutions et le président Bouteflika a un mandat qui court encore jusqu'au 16 avril. Un certain nombre d'annonces ont été faites, nous voyons le signe qu'une nouvelle dynamique porteuse d'espoir est en train de naître et ce sont les dirigeants et le peuple algérien qui doivent naturellement l'écrire ensemble.

Q - Donc pour l'instant c'est Abdelaziz Bouteflika jusqu'au 16 avril dites-vous, mais après, qu'est-ce qui va se passer ? Après qui sera l'interlocuteur de la France ?

R - Il ne vous aura pas échappé qu'un certain nombre d'annonces d'évolutions se font heure par heure et nous attendons, et la communauté internationale également. Mais des annonces seront faites vraisemblablement sur la suite du processus. En tous les cas, ce que je peux vous dire c'est que l'espoir de la jeunesse était au coeur de notre travail de coopération entre la France et l'Algérie et donc nous avions bien senti ce souhait d'un avenir.

Q - Quand vous dites coopération, cela veut dire que le réseau diplomatique français a agi éventuellement pour qu'une décision soit prise en sorte ?

R - Ce que je dis, c'est que nous avons une tradition de travail en commun entre les sociétés civiles, entre les institutions d'enseignement et de recherche et que nous étions d'ailleurs très engagés dans les sujets d'insertion, d'emploi.

Q- Oui, mais je vous ai posé une autre question. Diplomatiquement, il y a eu des coups de fil passés ?

R - Vous savez, la position de la France, elle est constante. Pas d'indifférence mais pas d'ingérence. Nous avons été extrêmement attentifs et nous continuerons à l'être.

Q - Vous parliez tout à l'heure d'une nécessité, d'une nouvelle dynamique, cela veut dire quoi précisément ?

R - Cela veut dire qu'on avait senti, dans notre travail avec la jeunesse algérienne, le souhait de pouvoir réaliser son avenir. C'est un pays très riche, l'Algérie, un pays important du continent africain...

Q - Il y a une nouvelle génération politique qui doit émerger, c'est ça ?

R - Les prochains mois le diront.

(...)

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, on vous retrouve dans cette actualité qui bouge sans arrêt. Les Britanniques disent "ça avance, on pourrait aboutir à un accord.". Il faut en être sûr ou il faut douter ?

R - Il faut garder son calme en toutes circonstances. C'est souvent dit par les Britanniques : "keep calm". Nous, nous sommes prêts à tout ; la France, les Européens, on a négocié un accord, cet accord a été endossé par le gouvernement britannique. Et, en fait, en réalité, les négociations les plus importantes, c'est au sein du Royaume-Uni lui-même, entre le gouvernement et les parlementaires.

Q - Donc, c'est d'abord une affaire britannique ?

R - Bien sûr. Parce qu'il y a un certain nombre de votes importants qui doivent à nouveau se tenir. L'accord qui a été négocié, c'est le meilleur accord possible.

Jean-Claude Juncker et Theresa May ont discuté ce soir, peut-être pour mettre en avant certains éléments, leur donner une visibilité qui permet d'envoyer des signaux. Mais ce qui est sûr c'est que la France, l'Union européenne, nous sommes prêts à toutes les décisions qui seront prises par les Britanniques. Que ce soit le non-accord et, de ce point de vue-là, un gros travail a été fait pour que en termes de circulation, en termes...

Q - Donc, s'il n'y a pas d'accord, si c'est un Brexit dur, la France et l'Europe sont prêtes.

R - Bien sûr. C'était un très gros travail que nous avons conduit, l'ensemble du gouvernement...

Q - Mais cela n'est pas ce que souhaite l'Europe ?

R - Bien entendu. Nous avons négocié un accord, c'est pour qu'un accord s'applique. Et donc nous souhaitons que cet accord puisse s'appliquer.

Q - Ce serait un échec s'il ne s'appliquait pas finalement ?

R - Mais l'échec ne serait pas imputable aux Européens. Les Européens ont permis les conditions d'un accord. Maintenant, ce qui est important, c'est de regarder l'avenir, parce que, quoi qu'il arrive, quelles que soient les conditions dans lesquelles ce divorce se fait, de façon ordonnée ou pas ordonnée, c'est que l'on puisse travailler sur la relation future. Parce que le Royaume-Uni ne sera plus dans l'Union européenne.

Pour autant, on a des enjeux de sécurité en commun, on a un certain nombre d'enjeux... Je m'occupe du tourisme en France aussi : on a énormément de touristes britanniques qui viennent, c'est la saison de montagne qui bat son plein, eh bien on doit faire en sorte que, pour les secteurs économiques, la vie puisse continuer de la façon la plus proche de celle qui existait avant.

Q - Mais la date butoir reste bien le 29 mars naturellement ?

R - Naturellement.

Q - Le calendrier ne va pas changer.

R - Le calendrier est celui-là. Sauf, encore une fois si des éléments nouveaux apparaissaient. Il y a un Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement qui se tiendra le 21 et le 22 mars, vous savez qu'aujourd'hui une journée en temps européen britannique, c'est long. Donc, il peut se passer de nombreux rebondissements. C'est pour cela que je dis : gardons notre calme, préparons-nous à toutes les circonstances pour que, en tous les cas, les citoyens français, les entreprises françaises, quoiqu'il arrive, voient leurs intérêts défendus

Q - Il y a l'Allemagne aussi qui est un partenaire. Et on a vu que la CDU, le parti d'Angela Merkel a répondu à la tribune d'Emmanuel Macron publiée la semaine dernière. Et, par exemple, puisque nous étions à Strasbourg ce soir - Theresa May et Jean-Claude Juncker étaient à Strasbourg -, l'Allemagne remet en cause Strasbourg comme siège du Parlement européen. Y a-t-il un vrai risque ?

R - C'est une prise de position d'une cheffe de parti. Ce n'est pas une prise de position du gouvernement allemand. Mais ce qui est sûr, c'est que la France est attachée à ce siège du Parlement européen à Strasbourg. C'est d'ailleurs inscrit dans un protocole annexe au traité. Donc, cela ne peut se changer qu'avec l'accord unanime. Autant vous dire que la France ne souscrira jamais à cela.

Il y a une histoire de la construction européenne. Cette histoire, nous devons la prendre en compte et Strasbourg mérite son Parlement européen.

Q - Merci Jean-Baptiste Lemoyne d'être venu sur notre plateau ce soir.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2019