Interview de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France Info le 12 mars 2019, sur l’Algérie, le Brexit, les relations franco-italiennes et la construction européenne.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
L'invité politique de Franceinfo ce matin est secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.

RENAUD DELY
Bonjour Jean-Baptiste LEMOYNE.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE, SECRETAIRE D'ETAT AUPRES DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET EUROPEENNES
Bonjour.

RENAUD DELY
Au bout de trois semaines de manifestations massives et pacifiques en Algérie, le président Abdelaziz BOUTEFLIKA a donc renoncé hier à se présenter pour un cinquième mandat. Est-ce que vous vous félicitez de cette décision ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
La France a salué naturellement cette décision. Jean-Yves LE DRIAN Jean-Yves a eu l'occasion de s'exprimer dès hier soir. Il y a manifestement un espoir qui se lève, une nouvelle dynamique qui s'enclenche et, vous le savez, la France a des liens traditionnels d'amitié avec le peuple algérien. Et donc elle reste, elle a toujours été et reste très attentive naturellement à tout cela.

MARC FAUVELLE
L'espoir qui se lève aujourd'hui, pour reprendre l'expression que vous venez d'utiliser, c'est le même espoir qu'il y a une semaine, deux semaines ou trois semaines, lorsque les manifestations ont débuté. Pourquoi la France n'a rien dit pour les soutenir ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, la France elle est tout simplement attachée à un principe simple. C'est-à-dire qu'on n'est pas dans l'indifférence, loin de là - c'est pour ça que d'ailleurs on a été toujours très attentif - mais on n'est pas dans l'ingérence. Et on le dit d'autant plus facilement que lorsque des Etats parfois voisins se sont permis de commenter la situation intérieure française, on a trouvé que ce n'était pas très de bon aloi. Et donc par conséquent, on est relativement fidèle à ce principe qui est valable dans la diplomatie internationale.

RENAUD DELY
Qui est valable dans tous les cas de figure, dans tous les pays, quelles que soient les situations que rencontrent les pouvoirs en question ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais encore une fois, je crois que c'est important de ne pas faire la vie politique algérienne à la place du peuple souverain algérien.

RENAUD DELY
Par exemple France a condamné beaucoup plus fermement le pouvoir de Nicolas MADURO au Venezuela.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui, mais je crois qu'on ne peut pas faire de comparaison entre le Venezuela de Nicolas MADURO et l'Algérie. Le Venezuela, Nicolas MADURO il est toujours en place alors que des élections n'ont pas été reconnues par la communauté internationale il y a plus d'un an. Et par conséquent, la communauté internationale elle a pris un certain nombre de décisions et, de ce point de vue-là, je crois qu'il n'y a pas la crise humanitaire qui prévaut au Venezuela. Vous avez vu, trois millions de réfugiés et cætera, et cætera. Donc je crois qu'il ne faut pas comparer les deux situations.

RENAUD DELY
Mais il y a quelques semaines, la France avait pris note - c'était la déclaration officielle - de la nouvelle candidature d'Abdelaziz BOUTEFLIKA. Et hier, elle a donc pris note de l'abandon de cette candidature.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui, parce que la France elle n'est pas un acteur de la vie politique…

MARC FAUVELLE
Elle prend note.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Elle prend note bien sûr.

MARC FAUVELLE
Elle prend beaucoup de notes.

RENAUD DELY
Précisément sur cette attitude de la France, ce matin l'historien Benjamin STORA était l'un des invités de Franceinfo et il explique le regard que les Algériens peuvent porter sur l'attitude de la France.

BENJAMIN STORA, HISTORIEN
Les Algériens ne veulent pas d'ingérence et surtout pas venant de la France compte tenu du poids de l'histoire. Mais en même temps il y a, à cause notamment de la présence d'une diaspora, d'une immigration algérienne très puissante, la volonté d'une expression française de soutien, de solidarité avec les manifestants. Peut-être que les choses vont se dénouer maintenant avec ce retrait définitif de BOUTEFLIKA. Peut-être que là effectivement il faut s'avancer davantage dans le soutien à ces grands mouvements démocratiques.

RENAUD DELY
Est-ce que la France doit s'avancer davantage désormais ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, la relation entre des pays c'est certes des relations entre gouvernements, entre diplomaties mais ce sont aussi des liens entre sociétés civiles. Et c'est vrai que, ça a été rappelé par Benjamin STORA, il y a une intrication de par la présence aussi d'une communauté algérienne ou d'origine algérienne sur le sol français. Et donc ces sociétés civiles naturellement, on est à l'ère du numérique, ça dialogue, ça suit ce qui se passe. Mais encore une fois, le rôle du gouvernement français il est tout simplement je crois de former des voeux de paix, de stabilité, de prospérité. Vous savez, l'Algérie c'est quelque part un pays continent au sein du continent africain tellement il est vaste, allant de la Méditerranée au Sahel. Et donc, nous avons besoin de faire en sorte que paix, stabilité, prospérité puissent être au rendez-vous pour ce grand pays.

MARC FAUVELLE
Jean-Baptiste LEMOYNE, est-ce qu'à votre connaissance la France a la certitude que le président Abdelaziz BOUTEFLIKA, qui est toujours président ce matin, est bien en vie, toujours en vie ? Une partie de l'opinion algérienne en doute. On ne l'a pas vu en public depuis des années, il y a eu des vidéos publiées hier mais à partir du moment où personne ne le voit en chair et en os, on peut encore en douter, non ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Il est manifestement revenu de Genève hier.

MARC FAUVELLE
On a vu un avion et une voiture.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Il a pris un discours qui justement a eu d'ailleurs des accents très volontaristes quant à ce qu'il appelle de ses voeux en termes de transition. Et je crois que maintenant, c'est tout ce processus qui va se dérouler et auquel naturellement j'imagine on va être attentif.

RENAUD DELY
Et ce processus, vous avez confiance dans ce processus ou est-ce qu'il y a un risque d'entourloupe de la part du pouvoir algérien ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, encore une fois, lorsque les autorités face à une mobilisation donnent des réponses très structurées parce qu'il y a un calendrier, il y a un certain nombre de dispositifs…

RENAUD DELY
Mais il y a le report de l'élection présidentielle algérienne. Le report de l'élection présidentielle, ça vous inquiète ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
J'imagine que la société civile algérienne va regarder ça de très près. Mais ce n'est pas à nous, encore une fois, de commenter le processus en lui-même. Non, c'est vraiment important de le redire.

RENAUD DELY
Pourquoi ? Parce que vous redoutez les conséquences d'une éventuelle déstabilisation du régime algérien ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais encore une fois, parce que – et c'est vrai qu'il y a une histoire commune qui est d'une forte intensité - on n'est pas là pour se substituer au peuple et aux dirigeants algériens. Ils ont pris quelque part ensemble la décision d'écrire une nouvelle page de leur histoire et finalement de leur avenir. Laissons-leur écrire cela parce que c'est un moment manifestement historique.

MARC FAUVELLE
Vous avez vu la réaction de Jean-Luc MELENCHON, Jean-Baptiste LEMOYNE ? Je peux vous la donner ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui.

MARC FAUVELLE
« Chapeau le peuple algérien. En France, on devrait y réfléchir. »

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui. Alors je crois que… D'ailleurs Jean-Luc MELENCHON est lui-même élu depuis 1986, peut-être réfléchit-il pour lui-même à arrêter la vie politique.

MARC FAUVELLE
Vous voulez dire avant BOUTEFLIKA, c'est ça ? Il a été élu au Sénat avant le président algérien.

RENAUD DELY
Est-ce que la France peut peser sur le déroulement du processus démocratique en cours et veiller, par exemple, soutenir l'élan démocratique qui va continuer de se manifester en Algérie puisqu'il y a des manifestations qui vont continuer dans les jours qui viennent ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, encore une fois, la France - pardon de me répéter - mais elle n'a pas à peser.

RENAUD DELY
Même des aspirations démocratiques ne vous inspirent pas davantage de soutien ou de sympathie ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce que je veux dire, c'est que l'acteur de tout cela c'est le peuple algérien. Et encore une fois, je crois que toute autre position serait malvenue et Benjamin STORA l'a dit : finalement, il y a ce souhait d'une non-ingérence. Le peuple algérien, voilà…

RENAUD DELY
Benjamin STORA que vous citiez et qu'on a réécouté tout à l'heure, disait aussi : « Peut-être que les choses vont se dénouer maintenant que BOUTFLIKA annonce son futur retrait. » Ce n'est pas le cas visiblement. L'attitude de la France ne va pas se dénouer, elle ne va pas s'engager davantage.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
La France ce qu'elle souhaite, c'est tout simplement que… Je crois qu'il y a une aspiration de la jeunesse à faire en sorte qu'elle puisse se réaliser. Réaliser un destin individuel et collectif. Vous le savez, il y a un chômage des jeunes qui, je le crois, s'élève à près de 25 %. Il y a une économie nationale qui ne demande qu'à être diversifiée parce que très dépendante des hydrocarbures. On a vu une industrialisation qui a eu tendance à reculer un peu. Et donc je crois que l'ensemble des acteurs, des forces en présence, souhaite s'engager sur un chemin qui garantisse la prospérité, encore une fois, du peuple algérien et des retombées pour l'ensemble de la population. Je crois que ce caractère inclusif d'une croissance et recherché et ça c'est un travail sur lequel la France à travers les outils de coopération, de développement, comme on le fait déjà depuis plusieurs années, peut accompagner, mais on n'est pas là pour se substituer. Accompagner par exemple en matière d'insertion professionnelle, on est très engagé sur la formation professionnelle, dans un certain nombre d'outils d'aide au développement. Mais encore une fois, vous le voyez, il ne s'agit pas là de dispositifs politiques mais de dispositifs pour faire en sorte que, à la demande des Algériens, du peuple, des autorités, on puisse être au rendez-vous du partenariat. (…)

MARC FAUVELLE
Toujours avec le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste LEMOYNE. L'heure tourne, Jean-Baptiste LEMOINE, le Brexit est censé entrer en vigueur dans dix-sept jours maintenant, nous sommes le 12 mars, c'est le 29 mars à minuit. Toujours pas d'accord en vue, est-ce que vous y croyez ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors, tout simplement, on doit garder notre calme, parce que, effectivement, on voit, d'un côté, peut-être un peu d'euphorie hier soir à la suite de la rencontre entre monsieur JUNCKER et madame MAY, mais le processus qui va nous conduire au 29 mars…

MARC FAUVELLE
Euphorie, c'est peut-être un peu fort, on n'a pas vu des fonctionnaires bruxellois ouvrir le champagne hier soir, mais bon…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'on le voit…

MARC FAUVELLE
Je vous laisse cette expression…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a énormément, naturellement, de suspens, et on le voit, la vie politique britannique est pleine de rebondissements, c'est pour ça qu'il est difficile d'avoir une appréciation définitive, je ne suis pas madame Irma, ce que je veux dire, c'est qu'en tous les cas, l'Union européenne, elle a montré qu'elle était de bonne foi pour faire en sorte qu'on puisse arriver à un retrait ordonné, c'est-à-dire au fait que l'accord qui a été atteint, il y a déjà plusieurs mois, puisse entrer en vigueur. Et donc je crois que là, les conditions sont créées, en tous les cas, pour montrer qu'on n'est pas là pour enfermer le Royaume-Uni dans une union douanière sans fin, parce que c'est ça le sujet de débats et de discordes au sein du Parlement britannique, mais maintenant, on voit bien que les négociations, elles sont plus au sein de la classe politique britannique et du Parlement britannique avec son gouvernement, plutôt que avec l'Union européenne. Et donc de ce point de vue-là, les prochaines heures et les prochains jours sont cruciaux naturellement, mais bien malin celui qui peut dire comment cela va se terminer.

RENAUD DELY
Si l'Union européenne est de bonne foi, comme vous le dites, Jean-Baptiste LEMOYNE, et ne veut pas enfermer les Britanniques dans un cadre extrêmement restreint, est-ce qu'il n'y a pas une solution de bon sens qui consisterait à leur accorder, s'ils le demandent, un délai au-delà du 29 mars ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors, dans le processus qui va se mettre en place, il y a plusieurs votes qui vont avoir lieu, et je vais venir à votre question notamment…

RENAUD DELY
Le troisième vote pourrait porter sur cette demande de délai à la Chambre des communes…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Voilà parce que le premier vote…

RENAUD DELY
Si les députés britanniques demandent un délai, est-ce que l'Union européenne doit le leur accorder ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais, pardonnez-moi de refaire la chronologie, le premier vote déjà, c'est sur l'accord. Compte tenu justement de précisions qui ont été apportées hier soir, puisqu'il a été convenu quand même d'un certain nombre de précisions qui sont de nature peut-être à rassurer les parlementaires britanniques…

MARC FAUVELLE
Ça veut dire que l'accord a été modifié hier soir à l'issue de cet entretien ou on a simplement interprété le texte et fait son exégèse ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, on est dans l'ordre de la clarification, la clarification…

MARC FAUVELLE
On n'a pas changé le texte…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a eu des précisions, pour que les choses soient claires…

RENAUD DELY
Qu'est-ce que l'Union européenne a lâché aux Britanniques hier soir, clairement ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Pour que les choses soient claires, pour vos auditeurs, parce que tout ça est d'une complexité importante, on parle en plus de mots qui – pardon – ne sont pas toujours compréhensibles par tout un chacun, on parle de backstop, de filet de sécurité, donc de quoi s'agit-il, nous avons le 29 mars une date fatidique, à ce moment-là, le Royaume-Uni ne fera plus partie de l'Union européenne, la question qui se pose, c'est ce retrait va-t-il être ordonné ou pas, et donc s'il y a un accord, l'accord a été conclu entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, si cet accord était accepté par le Parlement britannique, à ce moment-là, on rentre dans une phase de transition, qui nous conduit jusqu'à décembre 2020, et pendant cette phase de transition, eh bien, on négocie un certain nombre d'accords de libre-échange, d'accords de coopération universitaire, de défense, etc, et donc on voit que les choses se font, je dirais, de façon relativement naturelle et de façon organisée. En revanche, si le Parlement britannique décide de rejeter cet accord, eh bien, effectivement, on s'achemine, soit, vers ce qu'on appelle le hard Brexit, c'est-à-dire la sortie pure et simple du Royaume-Uni, soit effectivement vers une demande qui pourrait être formulée par le Parlement britannique et le gouvernement britannique en vue d'obtenir un temps supplémentaire, un délai. Et donc là…

RENAUD DELY
Alors, si cette demande est formulée, quelle est votre réponse ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Eh bien, la réponse, c'est que ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement européens qui, à l'unanimité, devront statuer le 21 et le 22 mars parce que si un délai doit être octroyé, il faut bien que derrière ce délai, il y ait une stratégie, et donc on sache où l'on aille, donc…

RENAUD DELY
Donc ce n'est pas exclu, s'il y a une stratégie, il peut y avoir un délai et un report de la date du 29 mars ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, mais ce que je veux dire, c'est que, encore faut-il qu'il y ait une stratégie claire, parce que, pardon, l'accord, il est sur la table déjà depuis plusieurs mois, il a été accepté par le gouvernement britannique, et donc on voit bien que la vie parlementaire britannique, pour autant, a été un feuilleton sans fin depuis. Et donc, est-ce que le fait d'octroyer quelques semaines de plus changerait fondamentalement la donne, point d'interrogation ? C'est là où, à ce moment-là, les Britanniques devront étayer leur demande.

MARC FAUVELLE
Il y a un autre scénario possible, c'est le retour aux urnes, un nouveau référendum, est-ce que vous l'excluez complètement ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Là encore, je crois que ce sont d'ailleurs aux parlementaires britanniques, au peuple britannique de s'exprimer…

MARC FAUVELLE
Mais l'Europe aurait évidemment son mot à dire, et la France aussi avant d'autoriser les Britanniques à voter à nouveau…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Pour l'instant, on voit que ce n'est pas dans les scénarios privilégiés, allez, on va dire, je crois qu'il y a beaucoup de bookmakers en Grande-Bretagne, bon, pour l'instant, ce n'est pas ça qui tient la corde…

MARC FAUVELLE
Vous ne mettriez pas un euro là-dessus…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais encore une fois…

MARC FAUVELLE
Ou une livre sterling…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Encore une fois, la vie politique britannique, en ce moment, d'ailleurs, doit être une source d'inspiration formidable pour tous les scénaristes de séries télé parce qu'on le voit, ça va de rebondissement en rebondissement.

MARC FAUVELLE
Allez, on change de voisin, l'Italie maintenant !

RENAUD DELY
L'Italie avec lequel les sujets de contentieux se sont accumulés ces dernières semaines, il y en a un en cours aujourd'hui, c'est le fameux tunnel Lyon-Turin que, pour l'instant, le gouvernement italien n'arrive pas à se mettre d'accord sur ce projet qui date maintenant de plusieurs décennies, est-ce que vous dites aux Italiens : ça suffit maintenant, assumez vos responsabilités, il faut faire ce projet de tunnel Lyon-Turin, aujourd'hui, il n'y a que les Français qui creusent pour l'instant.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui, non, mais vous savez, on est, l'Union européenne, c'est un vaste champ un espace où on peut circuler librement, et naturellement, ce type d'infrastructure est crucial pour le développement économique, et donc on a besoin…

MARC FAUVELLE
Enfin, on ne va pas les forcer les Italiens s'ils ne veulent pas…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
On a besoin de cette infrastructure, d'autant plus que…

MARC FAUVELLE
On ne peut pas les forcer ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Je veux dire, il y a quand même des fonds européens de façon significative, donc c'est vraiment un beau projet…

RENAUD DELY
Donc là, c'est quand le délai, c'est quand la date, quand est-ce que les Italiens doivent donner leur réponse définitive ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors, il y a un certain nombre de délais qui maintenant arrivent proches de l'échéance liés justement, au fait que l'Union européenne donne des fonds, je comprends que le gouvernement italien souhaite enjamber finalement l'élection européenne, parce que finalement, ce dossier, comme d'autres, est un révélateur du fait que cette coalition est une coalition de circonstance, et que, finalement, regardez, ce sont quand même deux formations politiques qui étaient opposées de façon assez virulente dans leur campagne nationale qui se sont alliées de façon… de circonstance…

MARC FAUVELLE
La Ligue du Nord étant favorable au creusement de ce tunnel, et le Mouvement 5 étoiles, qui est plutôt dans le Sud de l'Italie, n'y étant pas favorable…

RENAUD DELY
Donc on peut attendre, on peut attendre au-delà des élections européennes, on peut attendre la réponse jusqu'à cet été, jusqu'à l'automne ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ah, non, nous considérons que c'est un chantier qui déjà… pardon, moi, ça fait 15 ans que j'en entends parler, donc autant vous dire que maintenant, il est temps d'y aller, et il est temps que, naturellement, le gouvernement italien prenne ses responsabilités. (…)

RENAUD DELY
Les sujets de contentieux entre la France et l'Italie se sont multipliés ces dernières semaines. Le gouvernement italien et notamment Luigi DI MAIO se sont ingérés dans les affaires politiques françaises, notamment en venant soutenir des gilets jaunes. Lors d'un passage chez nous à Franceinfo au début du mois de janvier Jean-Baptiste LEMOYNE, vous aviez eu ces propos à l'adresse du gouvernement italien.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE, PROPOS DE JANVIER 2019
Nous sommes membres de la famille européenne et donc il y a un minimum de savoir-vivre. Vous savez que si on avait été sur un terrain de foot, peut-être qu'un Zinedine ZIDANE il aurait réglé les choses. Hashtag #coupdeboule.

RENAUD DELY
Alors ça tombe bien, Zinedine ZIDANE reprend du service. Est-ce que vous lui demander de venir régler son compte au gouvernement italien ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Non, non, non. C'était naturellement sur le ton de l'humour. D'ailleurs on avait perdu, donc c'est vous dire. Ce qui est important, c'est que le président de la République a pu adresser une invitation à son homologue le président MATTARELLA, qu'une une rencontre aura lieu dans quelques semaines. Et puis c'est vrai que c'est une année particulière. Ce sont les 500 ans de la disparition de Leonardo de VINCI qui, vous le savez, que la France a accueilli à l'époque de la Renaissance, qui a laissé une marque indélébile dans nos deux pays. Et donc c'est vrai qu'on est également - le président de la République l'a rappelé - justement attaché au fait d'avoir une relation forte.

RENAUD DELY
Donc c'est réglé. Il n'y a plus de problème aujourd'hui avec le gouvernement italien. Pourtant dans sa tribune Emmanuel MACRON, sa tribune sur son projet européen, il dénonce le repli nationaliste qui menace l'Europe, un rejet sans projet. Il ne vise pas notamment le gouvernement Salvini-di Maio ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Mais attendez, on a toujours été très clair sur le fait qu'un certain nombre de propositions ou de mesures formulées par le gouvernement italien notamment en matière européenne ne paraissaient pas idoines. Regardez, le sujet migratoire, on le voit, SALVINI fait beaucoup, se dépense énormément sur le sujet de façon parfois un petit peu outrancière. Il n'en reste pas moins que c'est parce que leurs amis nationalistes hongrois, par exemple, ont décidé de fermer leurs frontières que l'Italie s'est retrouvée à gérer une situation qui devenait impossible. Et c'est pourquoi d'ailleurs nous pensons qu'il y a besoin… que l'Europe est à la croisée des chemins et qu'il y a un besoin de solidarité européenne pour affronter ensemble des situations complexes. Et donc qui dit situation complexe dit réponses parfois complexes et non pas simplistes comme parfois elles le sont.

MARC FAUVELLE
Jean-Baptiste LEMOYNE, il y a une actualité dramatique ces derniers jours : c'est le crash de ce Boeing de la compagnie ETHIOPIAN AIRLINES dimanche à côté d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. On sait qu'il y avait parmi les 157 personnes qui sont mortes 9 Français. Est-ce que vous les avez identifiés désormais ? Est-ce que les familles ont été prévenues notamment ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Alors c'est effectivement un drame qui d'ailleurs survient au moment où le président de la République se rend dans les prochaines heures en Ethiopie, et je pense que ce sera le moment aussi, un moment de recueillement naturellement. Parce que, voilà, des familles en ont été touchées. Oui, je vous confirme que ces familles… Enfin que ces personnes ont été identifiées et donc maintenant je crois qu'il appartient au-delà du moment du recueillement de s'assurer que, du côté de BOEING, un certain nombre de contrôles puissent être faits pour éviter que ce type d'événement puisse se reproduire.

MARC FAUVELLE
Un certain nombre de pays ont annoncé qu'ils suspendaient pour l'instant l'utilisation de cet appareil, le Boeing 737 Max, ce n'est pas le cas de la France, est-ce que vous avez peur de vous fâcher avec les Etats-Unis ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, non mais là on est dans des considérations techniques…

MARC FAUVELLE
Eh bien, soit l'appareil est dangereux et on suspend…

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Moi je ne suis pas… en aéronautique…

MARC FAUVELLE
Moi non plus, mais quand vous voyez, ça ne vous interroge pas ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Il est important en tous les cas qu'un certain nombre de contrôles soient faits, la sécurité aérienne n'a pas de prix, c'est ce que je veux dire.

RENAUD DELY
Les élections européennes, Jean-Baptiste LEMOYNE, c'est dans moins de 2 mois maintenant, ce sera le 26 mai, tous les partis ont désigné leur tête de liste, sauf un, La République en marche, quel est le bon profil, à vos yeux, de la tête de liste de La République en marche pour les européennes ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Vous savez, déjà nous on fait campagne autour d'un projet, avant tout, avant de faire campagne autour d'une tête de liste, et le projet…

MARC FAUVELLE
Ça c'est ce qu'on dit quand on n'a pas de tête de liste généralement, et puis une fois qu'on a une tête de liste on passe à autre chose.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Détendez-vous, ça va arriver.

MARC FAUVELLE
Je ne suis pas très inquiet.

RENAUD DELY
Le projet c'est celui d'Emmanuel MACRON, c'est sa tribune.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Cette tribune, effectivement, d'ailleurs, j'ai vu, a rencontré un écho formidable, de nombreuses réactions positives partout en Europe, les Premiers ministres luxembourgeois, belge…

RENAUD DELY
Viktor ORBAN aussi a salué cette tribune, ça vous a surpris ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Il a salué le fait que, justement, il y ait un projet affirmé, lui il a un autre projet, qui est différent, mais ce que je veux dire c'est qu'on va véritablement vers le débat, et de ce point de vue-là, ce que je vois, c'est que cette tribune, eh bien elle a généré d'autres tribunes puisque, Jean-Luc MELENCHON, Laurent WAUQUIEZ, la dauphine de Madame MERKEL, se sont exprimés également par voie de tribunes, et que tout le monde se positionne finalement par rapport au projet qu'a mis sur la table…

MARC FAUVELLE
Ça n'a pas été un grand succès, en Allemagne, la tribune d'Emmanuel MACRON !

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Attendez, vraiment regardez, lisez bien la tribune de Madame « AKK », vous allez voir que…

MARC FAUVELLE
La femme qui a succédé à Angela MERKEL à la tête de la CDU.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Sur 85 % des éléments, elle souscrit au fait d'avoir une Europe puissance, une Europe qui s'affirme en matière d'innovation, en matière aussi de gestion des flux migratoire…

RENAUD DELY
Et elle réclame à nouveau, la nouvelle patronne la CDU réclame à nouveau un siège de l'Europe au Conseil de sécurité des Nations Unies.

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Oui, alors manifestement je pense que la présidente de la CDU n'a pas forcément lu in-extenso le traité d'Aix-la-Chapelle, qui a été signé entre Madame MERKEL et le président MACRON, qui justement affirme que la France et l'Allemagne allaient travailler, dans le cadre d'une refonte du Conseil de sécurité de l'ONU, dans le cadre d'une réforme à venir, au fait que l'Allemagne puisse avoir un siège.

MARC FAUVELLE
Mais ça ne sera pas le nôtre, on ne peut pas faire siège commun ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
Ah non, non, d'ailleurs il n'en n'est pas question…

RENAUD DELY
La France ne partagera pas son siège ?

JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
D'ailleurs parce que les règles de l'ONU ne le permettent pas, ce sont les Etats membres qui siègent, et la France elle est attachée à son siège à l'ONU, comme au siège du Parlement européen à Strasbourg, parce que ça c'est un autre point de désaccord, que nous assumons, il est hors de question que le siège du Parlement européen quitte Strasbourg, mais je vois que, peut-être, Les Républicains ont une autre opinion, puisqu'ils siègent avec la CDU au sein du Parti Populaire Européen, on attend d'eux des clarifications.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Jean-Baptiste LEMOYNE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mars 2019