Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à France Inter le 25 septembre 2019, sur la politique fiscale, la réforme de l'assurance chômage et la politique de l'immigration.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAME nous recevons ce matin dans « Le grand entretien du 7-9 » le ministre du Budget et des Comptes publics. Questions amis auditeurs dans 10 minutes au 01.45.24.7000, sur les réseaux sociaux et l'application mobile de France Inter. Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être au micro d' Inter ce matin. Avant d'en venir en détail aux grands équilibres du budget 2020, retour sur ces 72 heures dernières heures de zizanie à cause du projet de suppression de l'exonération fiscale dont bénéficient les seniors pour l'emploi d'une personne à domicile. Les réactions ont été unanimement critiques, le gouvernement a été accusé de mener une politique anti-vieux, hier à l'Assemblée nationale Edouard PHILIPPE a donc reculé et martelé que « ces mesures n'entreront pas en vigueur. » Vous qui aviez défendu cette mesure, Gérald DARMANIN, comme une mesure juste, compensée par la création de nouveaux droits, pouvez-vous nous dire pourquoi elle est désormais enterrée ?

GERALD DARMANIN
Le Premier ministre l'a dit, il a dit que la ministre du Travail n'avait pas assez concerté, ni avec les acteurs du secteur, ni, d'ailleurs… présenté sa mesure comme il le fallait, nous avons tous entendu le Premier ministre, on appliquera ce qu'il a dit. Permettez-moi de vous corriger quelques instants. C'est une exonération sociale, c'est très important, pourquoi ? parce que dans les 12,27 milliards, 12 milliards à peu près, du ministère du Travail, on donne des plafonds, quand on est ministre du Budget on dit « voilà, voici le montant de dépenses que vous ne devez pas faire », et dedans il y a des économies qui sont faites par les ministres, donc la ministre du Travail elle a proposé 300 millions d'euros d'économies, grosso modo, sur ces 12 milliards, 2 % à peu près de son budget, ce n'est pas ce qui fait vivre le ministère du Travail, qui est compensé par la Sécurité sociale. C'est 300 millions d'euros de moins pour Madame PENICAUD, et c'était un petit peu plus, 250 millions de plus, pour la Sécurité sociale.

LEA SALAME
Et alors, vous allez les trouver où maintenant les 300 millions ?

GERALD DARMANIN
C'est ce que je suis en train de vous expliquer, c'est que pour le ministre des Comptes il n'y a pas d'économies perdues, c'était 300 millions d'euros de moins d'économies pour Madame PENICAUD, 150 millions d'euros de plus pour la Sécurité sociale, et on mettait le reste dans la dépendance. Donc, quand j'entends, et j'ai entendu ce matin un éditorial sur votre radio, que c'est Bercy, ou que ce serait le ministre du Budget qui avait proposé ce sujet, ce n'est pas le cas, ce qui est le cas c'est que chaque ministre a un plafond et il le respecte, et il fait des propositions. Ce qui est certain, c'est qu'à la fois il y a le fond et il y a la forme. Sur le fond, moi je considère que l'idée de donner plus aux personnes dépendantes, par rapport aux personnes qui ne sont pas dépendantes, reste une bonne idée, et qu'il faut continuer à concerter sur ce point et que c'est un énorme enjeu qui est devant nous. Sur la forme, il faut prendre le point du Premier ministre, la concertation n'a manifestement pas eu l'effet escompté, puisqu'elle n'a pas eu tellement lieu, et donc nous n'allons pas mettre cette mesure dans le PLF.

LEA SALAME
C'est quoi, c'est de l'amateurisme, comme a dit l'opposition, c'est un manque de concertation, c'est une erreur de communication, comment vous avez fait pour vous tirer une balle dans le pied tout seul en fait ?

GERALD DARMANIN
Sur 437 milliards de dépenses de l'Etat, qu'il y ait eu 300 millions de difficulté, c'est évidemment une faute, et il faut effectivement battre sa coulpe, faire mea culpa, mais ce n'est pas non plus de l'amateurisme, il ne faut pas dire n'importe quoi. Ce qui est certain c'est qu'il vaut mieux concerter avant, surtout lorsqu'on a de nouvelles transformations. Moi je le fais dans mon ministère, c'est le cas notamment lorsqu'on supprime les effectifs, 10.000 pour ce qui concerne mon ministère, lorsqu'on met en place le prélèvement à la source, lorsqu'il y a l'enjeu du Brexit, lorsqu'il y a des enjeux, avec Bruno LE MAIRE, sur le GNR, le gazole non routier, pour les professionnels du BTP, ce n'est pas une bonne nouvelle non plus pour eux a priori, mais il y a beaucoup de concertation en amont et ce discours de la méthode du Premier ministre il faut que chacun des ministres en fasse sienne.

NICOLAS DEMORAND
Passons au budget, enfin on y était, 2020, mais un autre aspect, ce budget qui concrétise donc la baisse de l'impôt de 5 milliards d'euros, baisse de l'impôt sur le revenu, ciblée sur les contribuables modestes et les classes moyennes. Diriez-vous, Gérald DARMANIN, que c'est un budget Gilets jaunes ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne dirais pas ça, je dirais que c'est un budget de baisse d'impôts sans précédent. Même le gouvernement Jospin, qui pourtant avait été très aidé par la croissance économique, n'a pas baissé les impôts autant qu'on les a baissés aujourd'hui, et qu'on les baissera demain. C'est vraiment sans précédent, et d'ailleurs je crois que ça explique une bonne partie de la croissance qui reste forte en France et dans les pays autour de la France, puisque le Français qui paye des impôts cette année il va connaître, l'année prochaine, la suppression de sa taxe d'habitation… deuxième tiers, c'est beaucoup d'argent, à peu près 3,7 milliards, il va connaître la baisse de l'impôt sur le revenu, la plus grande baisse d'impôt sur le revenu jamais faite, et grâce au prélèvement à la source, dès le mois de janvier il verra cette baisse, alors qu'il aurait dû attendre octobre, il va connaître les heures supplémentaires défiscalisées, l'allégement de charges sur le salaire au SMIC quand on travaille au SMIC, il va connaître aussi les cotisations qu'on a supprimées la première année du mandat, rappelez-vous, et ça c'est une baisse d'impôts sans précédent. Alors, que les Gilets jaunes aient accéléré la baisse d'impôts, c'est un fait, puisque le Grand débat, le président de la République a mis des choses qu'il n'y avait pas dans son programme, il n'avait pas prévu la baisse d'impôt sur le revenu, il n'avait pas prévu la défiscalisation des heures supplémentaires, mais ce qui est certain…

LEA SALAME
Donc tant mieux si ça a accéléré les choses, c'est ce que vous dites ?

GERALD DARMANIN
Tant mieux, parce que le président de la République il a fait le choix de la baisse d'impôts plutôt que de l'augmentation des prestations, et moi je préfère toujours les baisses d'impôts aux augmentations de dépenses.

LEA SALAME
Gérald DARMANIN, vous assumez aussi que le déficit sera plus fort que prévu, il sera de 2,2 %. Emmanuel MACRON, pendant la campagne, visait 0,5 % de déficit en 2022, cet objectif est-il abandonné ?

GERALD DARMANIN
Cet objectif ne sera pas tenu, on ne sera pas au 0,5 % de déficit en 2022, mais je ne suis pas sûr qu'il faille être le Petit comptable comme il y avait le Petit rapporteur de Pierre DESPROGES.

LEA SALAME
C'est lui qui s'y était engagé !

GERALD DARMANIN
Non, c'était un objectif, et cet objectif il traduit des politiques publiques. A un moment où on pensait que la croissance c'était 1,7, elle est à 1,3, 1,4, et dans un moment où il n'y avait pas eu, manifestement, les contestations fiscales extrêmement fortes, et je rappelle que notamment dans le grand calcul de tout ça il y avait la taxe carbone qui rapportait 3 à 4 milliards d'euros à l'Etat chaque année, chacun a bien compris que ce n'est pas par la fiscalité qu'on allait faire de la transformation écologique.

LEA SALAME
C'est fini la taxe carbone ?

GERALD DARMANIN
Oui, c'est fini la taxe carbone, il n'y aura pas…

LEA SALAME
En 2021, en 2022, terminé ?

GERALD DARMANIN
Il n'y aura pas, d'ici la fin du quinquennat, d'augmentation, par la fiscalité, du prix de l'essence et du diesel.

LEA SALAME
Sur le manque à gagner, d'un mot, sur les recettes, sur le budget, vous vous êtes réjouis que la réforme de l'impôt à la source, que vous avez menée et, qu'on peut dire, vous avez réussi, a rapporté 1 milliard d'euros supplémentaires à l'Etat, c'est bien le chiffre que vous nous confirmez ce matin ?

GERALD DARMANIN
Alors, d'abord l'impôt à la source a été réussi par les agents du ministère des Finances publiques, et non ce n'est pas 1 milliard, c'est une très bonne nouvelle pour…

LEA SALAME
C'est ce que vous nous annoncez ce matin donc, il y a 1 milliard de plus dans les caisses de l'Etat.

GERALD DARMANIN
Oui, sans augmenter – c'est très important pour les Français qui nous écoutent – sans augmenter leur taux d'impôt par le recouvrement, c'est-à-dire faire payer les gens qui auraient dû payer l'impôt, mais qui fraudaient, ou qui étaient phobiques administratifs, ça peut arriver, eh bien on a récupéré 1 milliard de plus que ce qu'on avait prévu, c'est-à-dire 2 milliards d'euros supplémentaires, 0,1 point de Produit Intérieur Brut, c'est beaucoup, beaucoup d'argent, sans augmenter l'impôt des Français on a fait une réforme qui fait rentrer plus d'argent dans les caisses de l'Etat.

NICOLAS DEMORAND
Dans Les Echos ce matin, Gérald DARMANIN, on lit qu'une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés est prévue dans ce projet de loi de Finances, baisse de l'ordre d'1 milliard d'euros, est-ce que vous pouvez nous confirmer cette information ?

GERALD DARMANIN
Alors, vendredi on présentera le projet de loi de Finances avec le ministre de l'Economie et des Finances, mais Bruno LE MAIRE a déjà effectivement évoqué devant les professionnels qu'il y a une continuité de la baisse de l'impôt sur les sociétés et que l'objectif c'est bien d'atteindre les 25 %, qui aujourd'hui est à peu près la moyenne européenne, et ce que font nos partenaires allemands qui sont nos premiers partenaires.

LEA SALAME
Gérald DARMANIN, beaucoup de questions encore à vous poser. Puisque vous étiez sur l'écologie et les suppressions de postes, vous nous parliez à l'instant des suppressions de postes dans votre ministère, le budget du ministère de la Transition écologique va augmenter de 2,6 % l'an prochain, c'est une bonne nouvelle pour les défenseurs de l'environnement, mais en même temps est-ce que vous confirmez la suppression de 1700 postes dans ce ministère ?

GERALD DARMANIN
Alors, le budget va augmenter de 800 millions en effet, plus de 2,5 milliards depuis que nous sommes arrivés en responsabilité, il n'y a pas eu de précédent, et par ailleurs il y a des fonctions, notamment au ministère de l'Ecologie, qui effectivement vont être soit mutualisées avec le ministère de l'Intérieur, donc c'est pour ça qu'il n'y a pas de suppressions de postes, comme j'ai pu le lire dans la presse, nettes, au point que vous l'évoquez, mais il y a par ailleurs…

LEA SALAME
Il y aura combien, soyons clairs là ?

GERALD DARMANIN
Mais moi, d'abord un, je ne suis pas ministre de l'Ecologie, et deux, le projet de loi de Finances est présenté vendredi. Ce qui est certain c'est qu'il y aura des suppressions de postes dans certains ministères, le ministère de la Transition écologique, avec le ministère des Transports à l'intérieur, est concerné…

LEA SALAME
Elisabeth BORNE a dit « 1700 c'est fantaisiste. »

GERALD DARMANIN
Il y a un grand travail – mais je pense que c'est un point très important – il y a un grand travail de mettre des agents publics sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, parce que nous pensons que dans les préfectures, dans les départements, que chaque directions soient les unes à côté des autres n'est pas une bonne chose, donc n'ayons pas la démagogie facile et attendons que le projet de loi de Finances et la façon dont l'Etat est réorganisé.

NICOLAS DEMORAND
En septembre dernier Emmanuel MACRON a formellement exclu, Gérald DARMANIN, toute réforme des droits de succession, « on n'y touchera pas tant que je serai là » avait-il dit, et pourtant vous, vous dites dans Le Parisien il y a quelques jours, que vous souhaitez alléger la fiscalité des successions. Alors, est-ce que le président de la République a changé d'avis, qu'en est-il au juste ?

GERALD DARMANIN
Alors, je vous rappelle que je n'ai pas dit un mot sur les successions, j'ai dit un mot sur les donations, ce qui est très différent. Il faut distinguer l'héritage du moment où quand vous êtes encore vivant et que vous souhaitez donner à vos enfants, à vos petits-enfants, des donations. Il y a eu une défiscalisation qui avait été imaginée, notamment sous le gouvernement de Nicolas SARKOZY, qui avait été abandonnée sous François HOLLANDE, mais dont les Français sont assez friands.

LEA SALAME
Est-ce que vous allez y revenir ?

GERALD DARMANIN
En tout cas ça ne sera pas dans le projet de loi de Finances, mais j'ai eu l'occasion de dire au Premier ministre et au président de la République que je pensais que personnellement c'était une bonne idée. Pourquoi ? – A condition que ça ne touche pas les plus riches, que ça touche les classes populaires et moyennes, les gens qui ont envie de donner 5000, 10.000, 15.000, 20.000 euros, il y a des gens qui souhaitent le faire pour leurs enfants et leurs petits-enfants – parce qu'on hérite de plus en plus tard, parce qu'aujourd'hui la moyenne de l'héritage est à peu près à 50 ans, et quand vous voulez acheter un appartement, une voiture, quand vous voulez avoir de l'argent pour vous marier, ou pour entrer dans la vie active, eh bien les classes populaires et moyennes n'ont pas la possibilité d'être aidées par leurs parents et grands-parents parce que la fiscalité est très importante.

LEA SALAME
Mais là c'est une idée de Gérald DARMANIN ministre du Budget ou c'est une volonté du Premier ministre et du président de la République de réformer les successions, euh, les donations ?

NICOLAS DEMORAND
Les donations, du vivant.

GERALD DARMANIN
C'est un point très important – non, c'est une idée que j'ai proposée au président de la République et au Premier ministre pour les prochains budgets, pas pour celui-ci…

LEA SALAME
Ils vous ont répondu quoi ?

GERALD DARMANIN
Qu'on allait regarder, en tout cas le Premier ministre a eu un échange avec ses conseillers et moi-même, on va regarder pour les prochaines années.

LEA SALAME
Je ne sais pas si vous avez reçu ou lu le livre de Thomas PIKETTY.

GERALD DARMANIN
Alors, je l'ai acheté, mais je ne l'ai pas encore lu.

LEA SALAME
Alors, il dit que pour résorber les inégalités il faut taxer beaucoup plus lourdement les très très riches, comme c'était le cas de ROOSEVELT à REAGAN, aux Etats-Unis. Il dit notamment que les milliardaires ne servent pas l'intérêt général et qu'il faudrait taxer à 90 %, 90 %, ceux qui gagnent plus de 2 milliards d'euros. Est-ce que pour vous c'est une idée folle ou pourquoi pas ?

GERALD DARMANIN
D'abord moi je réjouis qu'il y a des économistes français, comme Monsieur BLANCHARD, comme Monsieur PIKETTY, qui font partie d'une école où il y a une controverse économique et qu'elle soit entendue dans le monde entier, je suis très heureux que des livres économiques français se vendent. Deuxièmement, je lirai Monsieur PIKETTY, comme j'ai lu ses ouvrages précédents, je ne suis pas d'accord avec…

LEA SALAME
Vous allez lire les 1300 pages ?

GERALD DARMANIN
Je vais essayer, je vais essayer, en tout cas ce qui est certain c'est que je m'intéresse aux controverses économiques, ce que j'ai compris de Monsieur PIKETTY c'est que pour lui les inégalités sont construites par la société, si j'ai bien compris, et qu'elles sont, en soit, inacceptables, et qu'il faut notamment les résoudre par des actions publiques, notamment par l'expropriation - pas simplement, je ne voudrais pas caricaturer – mais notamment.

NICOLAS DEMORAND
La propriété temporaire.

GERALD DARMANIN
Moi je peux partager l'idée que les très très riches - 1 milliard d'euros c'est quelque chose que j'ai du mal à m'imaginer personnellement, de là où je viens - puissent largement contribuer à l'intérêt général par la taxation, simplement je ne veux pas rentrer dans la facilité de ce discours ce matin chez vous. Sous le gouvernement précédent il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes, comme diraient les humoristes, de… taxer à 75 % - je rappelle d'ailleurs que ça n'a pas été reconnu dans notre droit, il faudrait changer la Constitution, déjà, pour arriver à ce que souhaite Monsieur PIKETTY. Moi personnellement je n'ai pas le sentiment de jalousie, je n'ai jamais eu le sentiment de jalousie.

NICOLAS DEMORAND
Il dit que les milliardaires ne servent à rien, vous êtes d'accord avec ça, ils ne servent pas l'intérêt général ?

GERALD DARMANIN
C'est un discours facile, moi je ne voudrais pas ici défendre les…

NICOLAS DEMORAND
Il est chiffré son discours.

GERALD DARMANIN
Je ne voudrais pas ici défendre les milliardaires par principe, je n'en fais pas partie, je ne suis même pas millionnaire, mais ce que je voudrais vous dire c'est que je crois qu'en soit l'idée de la politique ce n'est pas de rendre les gens riches plus pauvres, c'est de rendre les gens pauvres plus riches, et donc je crois que l'idée de la confiscation de l'expropriation ça ne marche pas très bien sous les gouvernements qui l'ont mis en place. Il y a eu des histoires, politiques et économiques, où il a fallu priver les gens de droit de propriété, ça s'appelle des régimes communistes, ça n'a pas très bien marché dans l'Histoire.

NICOLAS DEMORAND
A la lumière de ce que vous venez de dire, Gérald DARMANIN, sur la réforme de l'assurance chômage, on connaît désormais l'impact, établi par l'UNEDIC, la moitié des demandeurs d'emploi, 46 %, va être touchée par les nouvelles modalités d'indemnisation. En clair, l'entrée dans le système est plus dure et l'allocation sera plus faible. Laurent BERGER, de la CFDT, parle d'une « tuerie », le mot est quand même exceptionnellement fort, « motivée uniquement par des raisons budgétaires. » Que lui répondez-vous ?

GERALD DARMANIN
Non, mais moi je ne partage pas du tout cette opinion. La tuerie c'est le chômage, la tuerie c'est à Tourcoing des chômeurs qui ont connu eux-mêmes leurs parents chômeurs et des enfants qui vont à l'école, qui ne voient pas leurs parents aller au travail. La tuerie ce n'est pas s'occuper des vrais problèmes de ceux qui n'ont pas trouvé de formation, et qu'on considère, à tort ou à raison, que le système organise malheureusement le chômage, et je vois tous les jours des chefs d'entreprise qui me disent « moi je n'arrive pas à recruter », et des chômeurs qui disent « je ne trouve pas du travail ou on m'a refusé du travail. » Et il y a plein de raisons à ça, des familles monoparentales qui ne peuvent pas garder leurs enfants, des gens qui sont éloignés de l'emploi…

NICOLAS DEMORAND
Si le chômage est terrible, pourquoi rendre ces règles encore plus dures ?

GERALD DARMANIN
Mais il y a un certain nombre d'abus dans ce système, chacun les connaît.

LEA SALAME
Ils sont minimes.

GERALD DARMANIN
Non, chacun les connaît, et notamment je prends la question du chômage des cadres, c'est un point très important parce qu'il fait partie de l'essentiel des économies que vous évoquez. Le président de la République il a été très courageux, parce qu'on peut considérer qu'a priori les cadres votent plutôt pour lui, mais on sait tous que, notamment en Ile-de-France, si je prends cet exemple très précis, on est quasiment à zéro chômage des cadres, et tous les patrons d'entreprise d'Ile-de-France nous disent « nous on cherche des cadres », et on connaît tous certains de nos amis, qu'on apprécié par ailleurs, qui peut-être se disent « eh bien voilà, moi je suis au chômage, je vais prendre un petit peu de temps pour bénéficier de l'allocation chômage avant de reprendre un travail », alors que le chômage des cadres est quasiment à zéro. C'est quand même votre impôt, notre impôt…

NICOLAS DEMORAND
Non, mais vous diriez que cette réforme est juste d'un point de vue social, elle est juste ?

GERALD DARMANIN
Mais bien sûr, mais cette réforme elle est juste, d'autant que le chômage baisse depuis 2 ans. Vous savez, ce qui est très étonnant dans la situation politique que l'on vit - sans doute est-ce la faute du gouvernement – c'est que nous baissons les impôts, comme jamais personne ne les a baissés, depuis qu'Emmanuel MACRON est président de la République, et nous baissons le chômage de façon continuelle…

LEA SALAME
Et pourtant le climat social n'est pas bon.

GERALD DARMANIN
Mais bien sûr, c'est ce que j'évoque avec vous – depuis 2,5 ans. C'est-à-dire que les deux choses qui m'ont marqué depuis que je fais de la politique, depuis 15 ans que je regarde la télévision et que j'écoute France Inter…

LEA SALAME
Et alors quoi ?

GERALD DARMANIN
C'est la baisse des impôts et la baisse du chômage, Emmanuel MACRON réussit ce que n'ont pas fait ses prédécesseurs, la baisse des impôts et la baisse du chômage…

LEA SALAME
Alors quoi, les Français sont injustes ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne dis pas ça, mais je répondais à la question que vous me posiez…

LEA SALAME
Eh ben non, mais si vous vous interrogez, les Français sont injustes ? Pourquoi est-ce que le climat social n'est pas bon ?

GERALD DARMANIN
D'abord, les Français sont injustes, on le voit aux élections ou pas, donc attendons. Vous savez, on a tous décrit la défaite aux européennes qui allait venir, et finalement, ce n'était pas une victoire parce que le Front National était devant, mais enfin ce n'était pas non plus la Bérézina. Ce qui est certain c'est que la politique économique du président de la République fonctionne, les impôts baissent comme jamais, et le chômage baisse.
LEA SALAME
Avant les auditeurs, deux, trois petites questions encore. Gérald DARMANIN, l'Aide Médicale d'Etat, l'AME, est-ce qu'elle coûte trop cher ?

GERALD DARMANIN
Je ne sais pas ce que ça veut dire coûter trop cher, ça coûte un petit peu moins d'1 milliard d'euros, en tout cas dans le budget que je vais présenter vendredi il n'y aura pas d'économies faites sur l'Aide Médicale d'Etat, donc il n'y a pas de prévision d'économies sur l'Aide Médicale d'Etat…

LEA SALAME
Donc vous ne touchez pas à ça, contrairement à ce qui a été avancé puisque la porte-parole du gouvernement avait laissé…

GERALD DARMANIN
Non. Voyez, je crois que nous respectons ce que souhaite le Premier ministre dans la concertation, nous avons mis le montant exact de l'année dernière, c'est-à-dire pas de baisse de l'Aide Médicale d'Etat, et je crois que la ministre de la Santé et des Solidarités a commandé un rapport qui permettra de travailler avec le Parlement, et le 30 septembre il y a un débat, donc moi je n'anticipe pas cette décision, et je laisse le même montant que l'année dernière dans le budget.

LEA SALAME
Est-ce qu'il y a des abus de l'AME ?

GERALD DARMANIN
Il y a sans doute des abus, il y a sans doute des abus dans beaucoup de choses, maintenant je considère que c'est une question très compliquée, elle touche à l'humanité, il y a un peu plus de 300.000 bénéficiaires, il y a une distinction entre ceux qui touchent l'Aide Médicale d'Etat lorsqu'ils sont sur le territoire national en situation irrégulière, et puis il y a ceux qui vont dans ce qu'on appelle la PUMA, la CMU-C, lorsqu'ils sont en situation de demandeur d'asile, donc il y a beaucoup de dispositifs très compliqués, donc il faut sans doute simplifier tout ça, mais pour le bien, aussi, des gens qui viennent sur notre territoire.

LEA SALAME
Gérald DARMANIN, lundi prochain à l'Assemblée nationale il y aura le grand débat sur l'immigration voulu par Emmanuel MACRON, qui vient de dire à l'instant « la France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut bien accueillir bien. » Les quotas migratoires, puisque tout est sur la table, vous y êtes favorable, vous à titre personnel ?

GERALD DARMANIN
Je ne sais pas répondre à cette question, parce que c'est une question compliquée, en revanche…

LEA SALAME
C'est bizarre de dire ça.

GERALD DARMANIN
Oui, je peux avoir des questions, je peux me poser des questions, ça me paraît normal d'ailleurs en tant que responsable politique, mais à la fin il faut bien prendre des décisions et il y a un débat pour ça. Ce qui est sûr c'est qu'il y a un dévoiement du droit d'asile, ça c'est indiscutable, dans les cinq pays où les gens viennent le plus il y a notamment la Géorgie et l'Albanie, c'est deux pays qui ne sont pas des dictatures, c'est une augmentation de plus de 100 %, je crois, d'Albanais, et plus de 500 % de Géorgiens depuis 3 ans, 500 %, dans des pays qui sont démocratiques et où les gens ne peuvent pas demander le droit d'asile, si on est effectivement dans une relation sérieuse avec le droit d'asile. Et donc, si on veut bien accueillir les gens qui sont vraiment persécutés dans leur pays, et pas accepter le détournement du droit d'asile, il faut peut-être qu'on se pose quelques questions, donc je ne sais pas si je suis pour les quotas ou pas, mais en tout cas je suis pour qu'on revoit nos relations avec certains pays qui ne sont manifestement pas des dictatures.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2019