Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée, Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé. Bonjour.
AGNES BUZYN
Bonjour monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Manifestations de Gilets jaunes interdites à Nice, manifestations de Gilets jaunes interdites dans les centres-villes de grandes villes. Alors, faut-il interdire toutes les manifestations de Gilets jaunes ?
AGNES BUZYN
Non, bien sûr que non, mais je crois qu'aujourd'hui les commerçants qui travaillent dans ces centres villes sont excédés, n'en peuvent plus, sont en train de perdre des chiffres d'affaires, beaucoup de commerçants ferment, et je crois qu'il faut aussi entendre cette partie de la population qui travaille, notamment le samedi, et qu'il faut aussi protéger ce secteur d'activité. Donc je crois qu'il faut une juste répartition des manifestations, peut-être en dehors des centres villes, on peut aussi trouver d'autres moyens de manifester et pas toujours casser sur la place centrale du village.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des militaires chargés de protéger des bâtiments publics, je dis bien de protéger des bâtiments publics, n'y a-t-il pas un risque ? Franchement.
AGNES BUZYN
Non. Non pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Pourquoi ?
AGNES BUZYN
Parce que l'objectif justement c'est que les militaires ne soient pas en confrontation directe avec les manifestants, qu'ils soient simplement dédiés à la protection des bâtiments, de façon à libérer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et s'ils se trouvent en confrontation directe ?
AGNES BUZYN
Non mais justement, ça va libérer en fait, aujourd'hui des policiers qui sont devant ces bâtiments et qui seront beaucoup plus nombreux à pouvoir être en confrontation directe et faire leur métier. Donc c'est vraiment une juste répartition des tâches et pour que les policiers soient face aux manifestants et permettre justement d'éviter que des bâtiments publics soient pris à partie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous assumer sans complexe, l'usage de la force aujourd'hui. Non ? Franchement, pour faire face à des Gilets jaunes qui considèrent que la violence est une façon de faire entendre leurs revendications.
AGNES BUZYN
Ecoutez, sans complexe, personne ne peut jamais se satisfaire de l'usage de la force, monsieur BOURDIN, je crois qu'aucun d'entre nous, de gauche comme de droite, ne peut se satisfaire du niveau de violence qu'on voit dans notre société. Ça a commencé par les réseaux sociaux, c'est en train de se déployer dans la rue, et quelque part j'ai envie de dire à tous les manifestants…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nous assistons à un début, je vais aller très loin, de guerre civile, une sorte de guerre civile, non ?
AGNES BUZYN
Non, enfin, franchement, ce n'est pas de la guerre civile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, c'est pour ça que je suis très prudent. Je suis très prudent, mais…
AGNES BUZYN
Ce qui me trouble c'est que l'on continue d'appeler ce qui s'est passé aux Champs-Elysées, une manifestation. Franchement, le droit de manifester est inconditionnel, il est constitutionnel, et donc le droit de manifester personne ne le remet en cause. Mais la question c'est : est-ce qu'on peut encore appeler une manifestation, lorsque des gens se rassemblent avec un seul mot d'ordre, casser et être violent, et aucune revendication. Parce qu'une manifestation ça demande quelque chose. Il n'y avait pas de panneaux, il n'y avait pas de demande, il n'y avait pas de revendication, samedi sur les Champs-Elysées, et donc je trouve qu'on est en train de s'éloigner de l'image même de ce que doit être une manifestation. D'abord elle doit être déclarée, elle doit être calme, elle n'a pas pour mission ou visée de casser, et elle doit demander quelque chose pour être négociée. On n'est plus dans une négociation, on n'est plus dans des revendications.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Agnès BUZYN, attendre mi-avril pour avancer les premières propositions, n'est-ce pas dangereux, franchement ? Pourquoi attendre tant de temps avant de mettre sur la table des propositions pour répondre à cette crise ?
AGNES BUZYN
Vous le savez monsieur BOURDIN, le Grand débat est un immense succès. Il est je crois qu'on ne s'attendait pas à une telle participation. Nous avons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il est terminé, là.
AGNES BUZYN
Oui, mais nous avons 2 millions de contributions à analyser, nous avons les cahiers de doléances, nous avons les comptes rendus des 10 000 débats, 10 000 débats avec plusieurs centaines de citoyens, qui se sont tenus en régions. En réalité nous devons quand même analyser ce qui nous remonte. C'est un énorme travail, il y a des sociétés aujourd'hui qui sont en train de faire ce travail, et il faut qu'on ait du contenu pour pouvoir répondre aux Français. Et donc c'est ce travail…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quand apparaitront les premières propositions ?
AGNES BUZYN
Alors, nous avons d'ores et déjà demandé dans les ministères, à ce que nous remonte de ces analyses ce qui correspond à notre champ d'activité, de façon à pouvoir proposer au président de la République et au Premier ministre, des orientations et des propositions, parce qu'aujourd'hui nous ne savons pas encore ce qui remonte dans les cahiers de doléances. On sait, quand on a participé aux débats, et j'ai participé à un certain nombre de débats...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le savez, vous le sentez.
AGNES BUZYN
Oui, bien sûr, mais nous avons pris l'engagement de tout regarder et donc nous attendons cette analyse pour pouvoir effectivement proposer derrière, c'est le temps de l'analyse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, nous avons, nous, nos 30 propositions de loi citoyenne, ce n'est pas les nôtres, ce sont celles des auditeurs de RMC et des téléspectateurs de RMC Découverte, certaines vous concernent : l'augmentation par exemple de l'ASPA, l'Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées, qui est de 868,20 € par mois aujourd'hui, qui va passer à 903 € au 1er janvier 2020. Ensuite il y aura encore une augmentation ou pas ? Non ?
AGNES BUZYN
Alors, il faut faire attention à ce que le minimum vieillesse, qui est donc payé par l'impôt, par la solidarité, ne soit pas équivalent aux plus petites pensions des personnes qui ont travaillé toute leur vie. Parce que ce minimum vieillesse il s'adresse à des personnes qui n'ont pas cotisé, pour des raisons multiples, parfois des femmes qui ont aidé leurs maris, à une période où on ne cotisait pas, donc mais si vous réduisez la différence entre la pension que reçoit quelqu'un qui a cotisé toute sa vie, et ce qui est payé par l'impôt solidaire, vous désengagez les personnes à travailler, en réalité, donc il faut toujours maintenir cette différence. Et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 903 € le 1er janvier 2020 jusqu'à la fin du quinquennat, on s'arrêtera là, quoi.
AGNES BUZYN
Nous avons augmenté de 100 € le minimum vieillesse en l'espace de 2 ans et demi, c'est la plus forte augmentation qu'il n'y a jamais eu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il n'y aura plus d'autres augmentations.
AGNES BUZYN
Alors, nous ne nous sommes pas engagés sur une augmentation supplémentaire, maintenant nous verrons ce qui remonte des propositions de la grande concertation et du Grand débat, mais Voilà, pour l'instant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Alors, allocations familiales dès le premier enfant, oui ou non ?
AGNES BUZYN
Pareil, ça remonte dans les débats, tout cela sera évidemment étudié, il n'y a aucune porte fermée, nous avons dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas contre.
AGNES BUZYN
Je ne suis pas contre, parce qu'il y a des familles, et notamment des familles monoparentales…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une seule, oui.
AGNES BUZYN
On voit surtout beaucoup de familles monoparentales aujourd'hui, en difficulté, si la solution c'est une allocation dès le premier enfant, nous verrons, si la solution c'est autre chose, et je pense qu'on peut...
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
AGNES BUZYN
Un meilleur accompagnement des femmes seules, dès la rupture, parce qu'on le voit bien en réalité que les allocations seules ne suffisent pas à régler leurs problèmes, elles ont besoin qu'on les aide pour trouver un logement, elles ont elles besoin qu'on les aide pour la récupération de leur pension alimentaire, ça peut être des mesures fortes qu'on apporte aux familles monoparentales. Donc voilà, toutes les propositions seront étudiées, pour l'instant aucune porte n'est fermée, mais ça ne veut pas dire que tout sera accepté, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les retraites réindexées sur l'inflation, ça c'est l'une des plus fortes demandes. Moi je le vois dans nos 30 propositions de loi citoyenne, ça arrive en troisième position, c'est l'une des plus fortes demandes. Alors il faut qu'elle soit satisfaite.
AGNES BUZYN
Nous l'entendons, ça a été effectivement une mesure très difficile à porter à l'Assemblée, même les députés de la majorité n'étaient pas confortables avec cette mesure, et donc je pense qu'il va falloir la réfléchir et voir s'il faut revenir dessus cette année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à la réindexation, franchement ?
AGNES BUZYN
En tous les cas, peut-être faut-il la limiter aux petites retraites, nous avons avoir ce débat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi la petite retraite ?
AGNES BUZYN
Non, justement, je connais bien la question du seuil, et donc c'est, dès qu'on pose cette question-là, de savoir si c'est toutes les retraites ou la plus petite retraite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Toutes les retraites, c'est non.
AGNES BUZYN
Non, je ne dis pas que c'est non, je dis simplement : une des questions c'est, faut-il réindexer toutes les retraites ou faut-il…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou pas.
AGNES BUZYN
Ou pas, sachant que notre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une réindexation sur l'inflation.
AGNES BUZYN
En tous les cas, ça remonte très fortement dans les débats. Le Premier ministre a dit qu'il ouvrait la porte à ce débat-là, et donc on va l'étudier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura une réindexation, mais oui, la décision est prise.
AGNES BUZYN
Aucune décision n'est prise, monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, peut-être qu'aucune décision n'est prise, mais dans l'esprit, elle est prise.
AGNES BUZYN
Vous le savez, c'est un effort budgétaire considérable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, 3 milliards d'euros.
AGNES BUZYN
Or nous venons de mettre 10 milliards en faveur du pouvoir d'achat et donc évidemment si cette décision est prise, ça nécessitera que nous trouvions des économies à faire sur d'autres secteurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si j'ai bien compris, le débat est : faut-il réindexé toutes les retraites ou pas toutes les retraites ?
AGNES BUZYN
Voilà, la question du pouvoir d'achat des retraités, avec les plus petites pensions, est clairement posée sur la table, après jusqu'où où devons-nous aller sur la réindexation, c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est le débat, en fait le débat est là, la réindexation des petites retraites c'est fait dans les esprits, pas que dans les esprits, c'est décidé mais après, jusqu'à…
AGNES BUZYN
... le Premier ministre a ouvert la porte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord…
AGNES BUZYN
Je souhaite vous dire monsieur BOURDIN, qu'à ce stade, non mais rien n'est arbitré, c'est-à-dire que nous nous voyons bien ce qui remonte et nous allons être évidemment obligés de prendre en compte ce qui remonte le plus fortement, donc ça fait partie des revendications qui remontent le plus fortement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le plus fortement. Réforme des retraites. Alors vous allez porter cette réforme. Quand le projet de loi sera-t-il présenté ? Quand allez-vous le présenter sa projet de loi ?
AGNES BUZYN
Telles que les concertations se passent aujourd'hui avec les partenaires sociaux, nous pensons que nous pouvons aboutir à un projet de transformation de notre système de retraite, à l'été, et je rappelle l'objectif de la transformation, c'est plus de lisibilité sur les droits, que procurent les cotisations, c'est un système plus simple, c'est un système plus équitable entre les Français, où 1 € cotisé donnera les mêmes droits à tout le monde, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, nous savons qu'il y a énormément de différences selon les statuts, selon les régimes, et donc c'est un système plus simple, plus équitable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Universel.
AGNES BUZYN
Universel et plus juste. Donc nous pensons aboutir à un schéma général cet été, qui pourrait être présenté et donc ensuite ça dépendra du calendrier parlementaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais avant la fin 2019.
AGNES BUZYN
Voilà, mais nous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le projet sera soumis au vote.
AGNES BUZYN
Je ne connais pas exactement le calendrier parlementaire, mais la réforme…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La réforme essentielle.
AGNES BUZYN
... est très importante, elle va donner de l'espoir à notre jeunesse qui, aujourd'hui vous interrogez n'importe quel jeune, aucun jeune ne pense qu'il aura le droit à une retraite équivalente à celle que nous avons aujourd'hui, aucun jeune ne pense qu'il pourra vivre de sa retraite sans avoir un effort personnel, et donc cette réforme elle vise à rassurer les générations qui viennent. C'est une réforme d'équité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'équité et ces jeunes sauront qu'à 62 ans…
AGNES BUZYN
Ça sera plus clair.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils pourront partir à la retraite, l'âge légal. Peut-être pas avec une retraite pleine.
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, ce qui est discuté avec les partenaires sociaux, c'est la durée du travail, c'est-à-dire qu'il est proposé que certains puissent continuer à travailler plus longtemps, s'ils le souhaitent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En surcotant les pensions.
AGNES BUZYN
Voilà, alors c'est ce qui est à la concertation, donc moi je laisse les partenaires sociaux et le Haut-commissaire faire le travail…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, mais c'est là où il y avait un équivoque entre vos propos et les propos du président de la République ou du Premier ministre après.
AGNES BUZYN
Oh non, parce que j'ai toujours dit que la question qui pouvait se poser c'est de savoir si nous pouvions continuer à travailler plus longtemps, si nous devons continuer à travailler plus longtemps, et dans quelles conditions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous devons ?
AGNES BUZYN
Je pense que certains d'entre nous peuvent travailler plus longtemps, pas tout le monde, nous le savons, nous savons que certaines personnes en fonction des métiers, en fonction aussi de l'état de santé, peuvent avoir des difficultés à travailler au-delà d'un certain âge. A l'inverse nous savons que notamment dans les catégories…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A 62 ans on va partir à la retraite, âge légal, on garde, on maintient, et ensuite on pourra continuer à travailler avec une surcote.
AGNES BUZYN
Je ne peux pas vous donner le résultat d'une concertation, c'est ce qui est, aujourd'hui c'est ce qui est discuté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous espérez.
AGNES BUZYN
Non, je laisse le Haut-commissaire travailler. Vous avez remarqué monsieur BOURDIN que cette réforme est discutée depuis plus d'un an, et que vous n'avez entendu aucun partenaire social, aucun syndicat, quitter la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai.
AGNES BUZYN
Donc plus nous interviendrons dans cette concertation, plus nous prendrons des options et fermerons la porte à la négociation, plus nous prenons le risque de faire capoter cette réforme. Donc je leur fais confiance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Certains ont dit : Agnès BUZYN a commis une bourde dimanche dernier.
AGNES BUZYN
Ah non. Non, j'ai dit que nous aurons certainement à travailler plus longtemps, c'est une question qui se pose, c'est une généralité, d'ailleurs j'ai discuté avec certains secrétaires généraux de syndicats, parce qu'ils m'ont interrogé sur le sens de ce que je disais. Le sens de mes propos c'était que nous savons que la durée de vie augmente, nous savons que certains d'entre nous vont vivre très longtemps et en bonne santé, ça n'est pas le cas de tout le monde et moi j'assume parfaitement de dire que certains ne peuvent pas travailler jusqu'à 65 ou 70 ans. Mais on voit par exemple les médecins aujourd'hui, je suis en train de négocier la Loi santé, la loi de transformation du système de santé. De quoi parlons-nous ? Nous parlons de médecins à qui nous demandons de travailler au-delà de l'âge de départ à la retraite, jusqu'à 72 voire certains demandent, certains parlementaires demandent qu'il n'y ait pas de limite d'âge pour le travail des médecins au-delà de 75 ou 80 ans. Donc vous voyez bien que dans certaines catégories de la population, personne ne se pose la question d'un âge de départ à la retraite obligatoire, pour tout le monde. Voilà donc l'âge évidemment est en discussion, notamment lorsqu'on est en pleine capacité, qu'on est en bonne santé et que l'on sait qu'on va passer 20, 25, 30 ans à la retraite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Loi grand âge et autonomie, parce que c'est vrai que dans les années qui viennent, dans les 5, 10 ans, 15 ans, 20 ans, il y aura de plus en plus de personnes âgées, et il va falloir financer la dépendance, et il va falloir financer les EHPAD, et il va falloir financer la perte d'autonomie des personnes âgées. Alors moi je me souviens du président de la République, j'étais avec lui il y a près d'un an, c'était le 15 avril dernier, et il nous avait parlé de cela, je lui avais posé la question et il nous avait dit : il faut investir pour médicaliser les EHPAD. Il nous avait dit : on va chercher l'argent, on ira chercher l'argent pour le faire. 10 milliards d'euros à trouver, Agnès BUZYN, pour financer la dépendance.
AGNES BUZYN
En fait, nous savons monsieur BOURDIN que si…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par an.
AGNES BUZYN
Si aujourd'hui nous vivons la situation que nous vivons, avec la difficulté des personnels dans les EHPAD, qui sont souvent en nombre insuffisant, le reste à charge pour les familles, c'est que personne n'a jamais voulu prendre une décision forte en faveur du financement de la dépendance. Evidemment ce problème est mis sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une loi là encore avant la fin 2019 ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui je souhaite... Donc on va me remettre un rapport, des groupes de travail vont travailler, une grande concertation a eu lieu sur la dépendance, plus de 415 000 contributions de Français. Les groupes de travail vont me faire des propositions avec un rapport remis le 28 mars, donc la semaine prochaine monsieur BOURDIN, je reviendrai avec grand plaisir vous en parler, et l'idée c'est de changer notre modèle, parce que beaucoup de personnes âgées ne veulent pas finir leur vie en EHPAD, elles souhaitent plus de possibilités de rester à la maison, il faut donc plus de services à domicile, plus d'aide pour les aidants, donc tout ça est sur la table et il va falloir évidemment trouver le financement, c'est le nerf de la guerre. Et donc nous avons tout cela à réfléchir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu la République En Marche…
AGNES BUZYN
J'ai envie de vous dire, c'est un problème de société, ça concerte tous les Français, et je pense…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est un problème, je suis d'accord, toutes les familles, pratiquement toutes les familles, je pense à toutes celles et ceux qui aident.
AGNES BUZYN
Donc cet argent-là il ne va pas être trouvé miraculeusement. Nous allons devoir réfléchir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors moi j'ai des pistes, vous en avez, vous allez me dire : ça c'est la République En Marche qui dit : nouveau jour de solidarité travaillé, au profit des aîné, ça rapporterait 1,4 milliard d'euros. C'est insuffisant. Ce n'est pas une bonne piste.
AGNES BUZYN
Ça a été la piste de 2004 du gouvernement Raffarin, je pense que, au fond du fond, il va falloir qu'on travaille un peu plus, un peu plus, pour payer la dépendance et les familles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, donc cette piste…
AGNES BUZYN
Mais, travailler plus ça peut être plein de façons différentes de travailler plus. Donc voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y a aussi une autre idée qui est... C'est Jérôme GUEDJ, qui est l'ancien député socialiste qui la porte, la CRDS, parce que la CRDS si j'ai bien compris, au 1er janvier 2024, dans 5 ans, la dette sociale sera remboursée, donc la CRDS pourrait servir à financer l'autonomie.
AGNES BUZYN
Oui, alors, pour nos auditeurs, vous voyez je me préoccupe des auditeurs, donc on parle de tuyauterie aujourd'hui, entre effectivement une taxe qui permet de rembourser une dette, qui serait réaffectée pour payer la dépendance, ça a été mis sur la table également, nous allons instruire toutes les possibilités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une bonne idée ça ?
AGNES BUZYN
C'est intéressant. Tout ce qui permettra de trouver des financements pour aider les familles aujourd'hui, et pour aider les personnes âgées, on sait qu'aujourd'hui c'est intenable sur le long terme. Je rappelle à vos auditeurs Monsieur BOURDIN qu'aujourd'hui nous avons 1,5 million de personnes de plus de 85 ans, en 2050 c'est-à-dire dans 30 ans nous en aurons 5 millions, c'est-à-dire 3 fois plus. Nous savons que nous n'avons pas d'autre choix que de trouver de l'argent pour aider les familles à prendre en charge nos aînés ou les aînés eux-mêmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez trouver cet argent.
AGNES BUZYN
Nous serons obligés, mais pas moi monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas vous, c'est : la France sera obligée de financer…
AGNES BUZYN
Les Français savent que c'est un enjeu de société majeur, que c'est une inquiétude majeure qui remonte du Grand débat, et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, et il y aura un projet de loi avant la fin de l'année ?
AGNES BUZYN
Il y aura un projet de loi, en tous les cas, soumis en conseil des ministres avant la fin de l'année. Vous dire quand il sera voté, ça dépend du calendrier parlementaire, vous le savez, mais c'est pour moi, pour moi c'est une réforme prioritaire, parce que je pense que ça va permettre de rassurer les Français. Si les Français savent que nous allons trouver une solution pour faire en sorte que ce qui reste à payer pour les familles lorsqu'elles mettre quelqu'un en EHPAD, ne soit pas ce qu'il est aujourd'hui, ce qui est insoutenable pour les familles. Vous avez aujourd'hui des personnes retraitées qui paient l'EHPAD de leurs parents, et qui ne sont même pas sûrs que leurs enfants seront capables de payer leur propre EHPAD à eux lorsqu'ils seront dépendants. Nous avons besoin de changer ce modèle, de trouver des financements, nous avons aussi besoin de mieux payer les professionnels qui travaillent en EHPAD, nous savons aussi qu'il faudra qu'il y ait plus de professionnels, tout ça va coûter beaucoup d'argent, c'est un sujet de société qui nous concerne tous, ça ne sera pas les solutions de madame BUZYN, ça sera la solution des Français, pour les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, j'ai deux dernières questions. Fermetures de maternités, 814 maternités en 1996, 470 aujourd'hui, d'autres vont fermer, d'autres maternités vont fermer Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Vous savez, on me fait le procès de vouloir fermer des maternités. Aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez vu ? On avait un témoignage ce matin sur RMC, d'une jeune femme qui a été obligée d'accoucher chez elle, c'est à Le Blanc, vous connaissez le problème de Le Blanc, la maternité est fermée, elle a été obligée d'accoucher chez elle.
AGNES BUZYN
Non, elle n'est pas obligée d'accoucher chez elle. Je sens l'inquiétude des femmes lorsqu'elles sont à distance une maternité. Je vais quand même vous dire monsieur BOURDIN...
JEAN-JACQUES BOURDIN
167 000 Français vivent dans un désert obstétrique.
AGNES BUZYN
Oui, et ça n'est pas forcément parce qu'on a fermé une maternité, c'est qu'elles peuvent être loin d'un hôpital. Je donne souvent l'exemple des femmes qui habitent à Calvi en Corse, elles vont accoucher à Bastia, c'est à 90 km, elles ont une heure de route.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai.
AGNES BUZYN
Ce n'est pas parce qu'on a fermé un hôpital à Calvi, il n'y a jamais eu de maternité à Calvi, donc... La géographie de notre pays est telle que les certaines femmes habitent loin des maternités. Moi, ce que je veux trouver c'est une solution pour toutes ces femmes, pour qu'elles n'aient aucune inquiétude lorsqu'elles sont enceintes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, quelles solutions ?
AGNES BUZYN
Les solutions je suis en train de les travailler, pour qu'il ait en permanence une sage-femme qui puisse les accompagner, un système de transport qui soit disponible à proximité et qui leur assure d'être accompagnées par une maternité, un système de chambre d'hôtel hospitalier, près des maternités, pour qu'en cas d'accouchement programmé, elles puissent venir un ou deux jours avant l'accouchement, pour être en sécurité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais des sages-femmes qui se trouveraient où ? Dans ces petites villes ? Je ne sais pas, moi.
AGNES BUZYN
Alors, ces sages-femmes sont…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Lourdes, à Die, à Bernay ?
AGNES BUZYN
Il y a un très bon maillage territorial des sages-femmes. Autant nous avons du mal à maintenir des maternités ouvertes, parce que nous manquons d'anesthésistes, nous manquons de pédiatres, nous manquons d'obstétriciens, et donc les équipes ne sont pas suffisantes pour maintenir une maternité ouverte 24 heures sur 24, et donc autant cela c'est difficile, autant pour les sages-femmes le maillage territorial est excellent, on peut contractualiser avec des sages-femmes pour qu'elles soient mises en contact avec des femmes enceintes et puissent les accompagner en cas de problème, c'est l'engagement que je prends aujourd'hui devant les Françaises, pour qu'il n'y ait plus cette angoisse d'accoucher loin d'une maternité. Je prends l'engagement qu'elles seront sécurisées, c'est le cas de beaucoup de pays dont la géographie est beaucoup plus grande que la nôtre, je pense à l'Australie, je pense à la Suède, où on accompagne les femmes, parce que les maternités sont forcément très loin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Agnès BUZYN d'être venue nous voir.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mars 2019