Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à Public Sénat le 21 mars 2019, sur la crise des "Gilets jaunes" et la transition écologique.

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Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : Public Sénat

Texte intégral

CYRIL VIGUIER
Deuxième partie de notre émission « Territoires d'Infos » avec la presse quotidienne régionale, les télés locales de France du réseau Vià, mais également les télévisions locales indépendantes qui sont nos partenaires et qui co-intervieweront tout à l'heure avec nous notre invitée ce matin, Emmanuelle WARGON. Secrétaire d'Etat à la Transition écologique. Merci d'être avec nous ce matin.

EMMANUELLE WARGON, SECRETAIRE D'ETAT A LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Bonjour.

CYRIL VIGUIER
Bonjour Marcelo WESFREID du Figaro pour Public Sénat et bonjour Christelle BERTRAND pour La Dépêche du Midi. Vous allez interviewer avec nous ce matin donc Emmanuelle WARGON. On démarre tout de suite avec l'actualité si vous le voulez bien, avec ce déploiement ce week-end des militaires de l'opération Sentinelle pour les manifestations des gilets jaunes. Passe d'armes hier soir à la télévision entre Jean-Luc MELENCHON et François BAYROU sur le sujet et Olivier FAURE a parlé d'un symbole épouvantable. Est-ce qu'il a raison ?

EMMANUELLE WARGON
Je crois que la question, ce n'est pas du tout le symbole. Je crois que la question qui est posée par les Français, c'est comment on fait pour qu'on n'ait pas samedi après samedi de la violence - samedi dernier, cette violence était insupportable – et comment on répond à cette question. Donc on répond avec une stratégie de maintien de l'ordre qui est revue avec un nouveau préfet de police qui va aussi appliquer la stratégie qui avait décidée en décembre et puis qui finalement ne s'est pas totalement mise en place. Si on a besoin d'un apport de Sentinelle pour sécuriser des points fixes comme ils savent le faire, on le fait. La question n'est pas de mettre des militaires de Sentinelle en position de maintien de l'ordre. Ça n'est pas leur métier, ils ne sont pas formés pour ça. Mais éventuellement dans l'apport d'un dispositif complet qui permet de libérer des forces pour faire ce maintien de l'ordre.

MARCELO WESFREID, JOURNALISTE AU SERVICE POLITIQUE DU FIGARO
Très concrètement, si des gilets jaunes attaquent un bâtiment gardé par des militaires, que se passe-t-il ? Est-ce qu'ils vont tirer sur les manifestants ?

EMMANUELLE WARGON, JOURNALISTE POLITIQUE DU GROUPE LA DEPECHE
Non. Je ne crois pas que les militaires vont tirer sur les manifestants et je pense qu'il faut qu'on soit vraiment attentifs à ne pas agiter des peurs ou des cas extrêmes. On n'en est pas du tout là. Mais les militaires de Sentinelle s'ils sont mobilisés le seront dans un dispositif global, j'imagine avec systématiquement des forces de police. Mais je vous avoue que ça n'est pas mon métier, le maintien de l'ordre, et que je vais laisser répondre les praticiens sur ce sujet.

CHRISTELLE BERTRAND
Une question se pose quand même aujourd'hui. Plusieurs annonces ont été faites cette semaine : l'utilisation éventuellement de drones, l'arrivée de l'armée pour sécuriser des bâtiments. Pourquoi est-ce que tout ça n'a pas été fait plus tôt ? Ça fait quatre mois que les centres-villes tous les samedis sont bloqués par les manifestations, abîmés par un certain nombre de violences. Pourquoi ne pas avoir fait ça plus tôt ?

EMMANUELLE WARGON
Alors les samedis précédents samedi dernier, les manifestations s'étaient calmées. Le nombre de manifestants avaient diminué.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais il y a eu des samedis très violents durant le mois de janvier.

EMMANUELLE WARGON
Il y a eu des samedis violents, mais janvier, février, début mars on était plutôt dans une tendance de diminution à la fois du nombre de manifestants et de violences. Samedi dernier a vu une recrudescence très, très forte à Paris et le gouvernement a admis que le dispositif n'avait pas fonctionné et qu'il fallait faire différemment et mieux. C'est aussi pour ça qu'on a pris des décisions fortes.

CHRISTELLE BERTRAND
Il a fallu quatre mois pour faire cet état des lieux, pour admettre que le dispositif n'avait pas fonctionné ?

EMMANUELLE WARGON
Toute la difficulté, c'est d'arriver à mettre en place ce maintien de l'ordre avec le moins de violence et d'accidents possible. Ce sont des manifestants très violents vis-à-vis des forces de l'ordre et la réplique des forces de l'ordre doit être proportionnée. C'est aussi tout le débat qui a eu lieu sur les lanceurs de balles de défense. Donc le point d'équilibre qui permet de maintenir l'ordre, d'arrêter les casseurs sans violence, sans accident, sans qu'on arrive à l'irréparable, il n'est pas facile à trouver. Mais je crois que maintenant, on se re-dote des moyens nécessaires, puis la loi anticasseurs va arriver et nous permettra aussi de prévenir en amont la participation des personnes les plus violentes à ces manifestations.

MARCELO WESFREID
Est-ce que politiquement ce n'est pas quand même le retour à la case départ ? C'est-à-dire on revient aux violences du 1er décembre. Vous êtes co-animatrice du Grand débat : est-ce qu'il a servi finalement à quelque chose ?

EMMANUELLE WARGON
Alors d'abord, je ne crois pas qu'on puisse accepter que 10 000 personnes violentes écrasent la participation d'environ 1,5 million de personnes à cette opération de Grand débat. Donc bien sûr les images sont terribles mais il est difficile d'accepter que deux mois de travail de fond avec 10 000 réunions, avec toutes les contributions qu'on connaît sur la plateforme et cætera, les cahiers, disparaissent parce qu'on a 10 000 personnes qui ont été très violentes sur les Champs-Elysées. Après, la question est-ce que le Grand débat sert à quelque chose ? On aura la réponse quand on aura pris les décisions post-Grand débat et fait les annonces qui vont avec. Pour l'instant, on est dans cette période intermédiaire dans laquelle les réunions sont terminées, les réunions locales sont terminées. Les réunions avec des citoyens tirés au sort ont lieu encore ce week-end et ensuite on rentre dans la phase de consolidation puis de décision.

CHRISTELLE BERTRAND
Dans ce contexte, est-ce qu'il ne faudrait pas justement avancer les annonces pour reprendre la main, faire revivre à nouveau ce Grand débat face aux violences dont vous reconnaissez qu'elles occupent et qu'elles ont pris le dessus de l'actualité ?

EMMANUELLE WARGON
Alors avec Sébastien LECORNU, on est en charge de l'animation sous le contrôle de cinq garants. On a beaucoup de contributions et ces contributions, il faut qu'on les traite. Quand je dis « on », ce n'est pas Sébastien LECORNU et moi qui les traitons une par une…

CHRISTELLE BERTRAND
Bien sûr.

EMMANUELLE WARGON
Ce sont toutes les équipes qu'on a mobilisées, les prestataires, OpinionWay d'un côté et puis un consortium autour de Roland Berger de l'autre. Ça n'est pas raisonnable de dire : « Bon, ce n'est pas grave. On ne fait pas le traitement de la donnée, donc on ne restitue pas ce que les Français ont dit dans le Grand débat. »

CHRISTELLE BERTRAND
On ne peut pas accélérer le traitement des données ?

EMMANUELLE WARGON
On travaille avec ces équipes et les garants que nous avons encore vus mardi dernier pour un calendrier de restitution qui soit rapide mais solide. Et on doit aux Français, on s'est engagé à l'exhaustivité et à la transparence et on va aller au bout, parce que c'est l'engagement qu'on a pris.

MARCELO WESFREID
Emmanuelle WARGON, ces garants, ils ne sont pas trop tatillons d'ailleurs ? Parce qu'ils vous disent aux ministres : « Arrêtez d'intervenir dans les réunions », et maintenant semble-t-il vous avez une consigne de ne plus parler dans les réunions. C'est bien exact ?

EMMANUELLE WARGON
Pas tout à fait. Il y a eu beaucoup de ce qu'on appelle les réunions d'initiatives locales, presque 10 000. Celles-là, elles sont terminées. Les dernières ont eu lieu le week-end du 15 mars à peu près, et maintenant on attend juste la remontée des comptes-rendus. Il reste un dernier exercice démocratique qu'on n'a pas beaucoup vu le week-end dernier, et bien sûr je le regrette, qui sont ces conférences régionales citoyennes avec des citoyens tirés au sort.

MARCELO WESFREID
Où les ministres ne s'expriment plus maintenant.

EMMANUELLE WARGON
La semaine dernière, les garants ont souhaité que les ministres ne soient pas du tout présents dans le cadre de ces conférences régionales citoyennes et nous avons respecté cette consigne parce que nous les écoutons. Finalement, la discussion que nous avons eue avec eux en début de semaine montre qu'on a aussi besoin de valoriser ces conférences et donc il est possible pour les membres du gouvernement qui le souhaitent d'aller à celles qui auront lieu ce week-end. Pas pendant les débats puisque l'idée…

MARCELO WESFREID
Vous ne pouvez pas vous exprimer mais vous pouvez accueillir les participants.

EMMANUELLE WARGON
L'idée n'est pas de prendre part mais d'aller rencontrer les participants et moi je le ferai, j'irai à Strasbourg.

MARCELO WESFREID
Est-ce que vous avez écouté le débat hier à la télévision entre les chefs de partis ?

EMMANUELLE WARGON
Un morceau mais pas tout.

MARCELO WESFREID
Alors le patron du Parti socialiste Olivier FAURE propose de faire un ISF vert, c'est-à-dire de faire payer la transition écologique par les riches. Bonne ou mauvaise idée ?

EMMANUELLE WARGON
Il y a deux idées dans son idée en fait. Il y a : il faut plus d'argent pour la transition écologique et il faut investir dans la transition écologique. Ça, évidemment je suis d'accord. La transition écologique, c'est un changement complet de mode de production, de mode de consommation, de mode de production d'énergie. Il y a un investissement massif à faire. Cet investissement, il doit être public et privé. Il faut que les entreprises y contribuent, il faut que les entreprises changent leur modèle de production et, évidemment, il faut aussi du soutien public à la fois pour les infrastructures et aussi pour accompagner les ménages les plus modestes. Après, est-ce que c'est à travers un ISF ou pas ? La question fiscale fascine tout le monde, mais en tout cas ce que le gouvernement a dit, c'est : « On n'augmente pas la pression fiscale. »

CHRISTELLE BERTRAND
Donc ce n'est pas une option que vous allez étudier ?

EMMANUELLE WARGON
Pas d'augmentation globale de la pression fiscale. Après, il y a plein de sujets de fiscalité qui sont sur la table. Je ne vais pas me prononcer maintenant. Mais en tout cas plus d'argent pour investir : investissement direct, investissement indirect, oui on en a besoin.

CYRIL VIGUIER
Emmanuelle WARGON, secrétaire d'Etat à la Transition écologique, est notre invitée politique ce matin dans « Territoires d'Infos ». Nathalie LOISEAU, la ministre des Affaires européennes, va quitter le gouvernement pour prendre la tête de la liste aux élections européennes pour la République en Marche. On parle d'un remaniement donc en vue. Est-ce que ça vous intéresserait d'être porte-parole du gouvernement comme on l'entend ici et là ?

EMMANUELLE WARGON
Moi je suis mobilisée sur le Grand débat comme on en a parlé. Ce n'est pas tout à fait fini. J'ai aussi beaucoup de dossiers auxquels je tiens au ministère de la transition écologique. Des dossiers pas faciles : centrales à charbon et cætera. Et donc la formule habituelle c'est : je suis concentrée sur mes dossiers.

CYRIL VIGUIER
Mais vous êtes intéressée quand même, ça vous intéresse ?

CHRISTELLE BERTRAND
Nathalie LOISEAU, c'est une bonne candidate ? C'est elle qui sera tête de liste.

EMMANUELLE WARGON
C'est une excellente candidate. Elle est passionnée par l'Europe, elle connaît très bien ses sujets. Elle a fait un trajet du plus technique vers le plus politique qui est un trajet personnel intéressant.

CHRISTELLE BERTRAND
Donc ça y est, c'est validé ? C'est elle qui incarnera La République en Marche ?

EMMANUELLE WARGON
Vous me demandez si c'est une bonne candidate et je vous réponds : « C'est une excellente candidate. » Après, je ne suis pas en charge des investitures à la République en Marche, mais de ce que je comprends c'est une candidature tout à fait positive.

MARCELO WESFREID
Je rebondis sur la question de Christelle. On a une tête de liste qui sera validée lundi par le bureau exécutif du parti. Le mode de désignation, est-ce qu'il n'est pas très ancien monde, pas transparent ? C'est-à-dire qu'on a quelqu'un… On a une négociation de coulisses, elle dit qu'elle est candidate et lundi le parti va valider un accord qui s'est fait en arrière-boutique.

EMMANUELLE WARGON
Moi ça me paraît normal que ceux qui sont intéressés l'expriment. Donc elle a dit : « Je suis candidate, j'ai envie d'y aller. » Le parti n'a pas dit trente secondes après : « Très bien, elle est investie. »

MARCELO WESFREID
Il n'a aucune autonomie le parti.

EMMANUELLE WARGON
Ce n'est pas… Non, je ne crois pas. Je pense que le parti a examiné d'autres candidatures. La différence, c'est qu'elle elle l'a dit publiquement : « Je suis candidate. » D'une certaine manière, elle a pris un risque. Quand elle a dit : « Je suis candidate », je ne suis pas sûre que la décision était prise. La décision sera prise lundi ou en tout cas annoncée lundi et je trouve que c'est bien qu'elle ait annoncé son intention.

MARCELO WESFREID
Alors dans quelques minutes ici au Sénat, le bureau du Sénat va se réunir pour décider s'il saisit ou non la justice dans le cadre de l'affaire Benalla, et notamment à l'encontre de collaborateurs très proches du président de la République. Est-ce que ça vous choque ou pas que le Sénat poursuive des membres de l'Elysée ?

EMMANUELLE WARGON
C'est un sujet très important donc je pense qu'on regardera tous avec beaucoup d'attention la décision du Sénat. J'ai entendu le président du Sénat dire « tout le droit, rien que le droit », et ça me va bien moi comme formule.

MARCELO WESFREID
C'est-à-dire ? Qu'est-ce que vous sous-entendez ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne sous-entends rien. Je dis juste qu'on est dans Etat de droit, que le Sénat applique le droit comme toutes les institutions et que c'est à cette aune-là que cette décision doit être prise, mais je ne préjuge pas de la décision qui n'est pas rendue.

CHRISTELLE BERTRAND
Ça veut dire que cette démarche outrepasserait les droits ?

EMMANUELLE WARGON
Non, ça veut juste dire que tout citoyen ou tout fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions doit faire connaître les faits à la justice si c'est nécessaire. Qu'on est dans ce cadre-là et je ne vois pas d'autre cadre dans lequel le Sénat s'exprimerait, et je me reconnais bien dans les propos du président du Sénat.

MARCELO WESFREID
C'est-à-dire que si Alexis KOHLER, le secrétaire général, c'est-à-dire le bras droit du président de la République, tout à l'heure est poursuivi par la justice – enfin, si la justice est saisie dans ce cas-là - ça vous paraît rentrer dans le cadre du droit ou pas ? On a du mal à comprendre votre position.

EMMANUELLE WARGON
Je ne vais pas anticiper sur une décision du Sénat alors qu'on est en pleine séparation des pouvoirs, que je suis au gouvernement, membre de l'exécutif, face à un pouvoir législatif. Je dis juste que je souhaite que cette décision soit proportionnée et basée sur du droit. Je m'arrête là.

CHRISTELLE BERTRAND
De la même manière lorsque le Sénat auditionne Christophe CASTANER et Bruno LE MAIRE, est-ce que vous considérez là pour le coup qu'il exerce son droit et que ça permet de faire avancer le débat ? On revient sur la question des violences sur Champs-Elysées notamment.

EMMANUELLE WARGON
Moi il me semble normal que le Sénat, où l'Assemblée nationale d'ailleurs, auditionnent des membres du gouvernement suite à ce qui se passe dans le pays. Donc ça, je ne vois pas de difficultés particulières.

MARCELO WESFREID
Alors est-ce que vous pouvez nous éclairer sur un sujet qui concerne tous les Français qui sont les retraites ? On n'a pas bien compris la position du gouvernement. Est-ce qu'il faut allonger la durée de travail ou pas ? Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce matin ?

EMMANUELLE WARGON
Je vais essayer en tout cas. On a deux exercices qui sont en cours sur les retraites et le grand âge qui, en fait, ne sont pas exactement les mêmes et pas dans le même temps. Le Haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul DELEVOYE, a été chargé d'une mission pour faire évoluer les régimes de retraite et aller vers un régime plus universel dans lequel, quel que soit votre régime de travail, la manière dont vous travaillez, la manière dont vous cotisez vous amène à une retraite comparable. C'est un chantier gigantesque. Dans ce chantier, il n'y a rien - donc je le dis ici, je le redis clairement -, il n'y a aucune décision de bouger l'âge de la retraite. L'âge de la retraite sera stable. Le mandat du Haut-commissaire aux retraites, il l'a redit, n'est pas de travailler sur un éventuel changement de l'âge de la retraite. Donc la réforme des retraites qui est en consultation depuis plusieurs mois maintenant, un peu plus même, et qui finira par aboutir, cette réforme des retraites elle est dans ce cadre-là. Après on a une deuxième question et c'est une question difficile. C'est une question qui a d'ailleurs surgi dans le Grand débat et que le gouvernement n'a pas posée dans le Grand débat, elle est arrivée toute seule, qui est la question du financement de la dépendance et de la politique du gouvernement pour le grand âge. C'est aussi la question des moyens des EHPAD, des maisons de retraite, la question de savoir comment est-ce qu'on accompagne les personnes âgées dans ce pays. Pour cette question-là, si on veut investir plus dans le grand âge, si on veut créer le financement de la dépendance, il est légitime de se demander s'il faut travailler plus ou plus longtemps. Et c'est cette question-là qu'Agnès BUZYN a posée il y a quelques jours dans un média et c'est le point sur lequel le Premier ministre s'est exprimé, je crois, hier. Mais ce sont deux exercices à deux moments différents. Il y en a un qui est très cadré et qui ne comprend pas le changement de l'âge de la retraite et l'autre qui est beaucoup plus ouvert, qui est au stade de la réflexion, et qui est aussi arrivé dans le Grand débat et pas par nous : par les Français.

CHRISTELLE BERTRAND
Emmanuelle WARGON, une autre idée a surgi ou a été remise plutôt sur la table ces derniers jours, par la voix d'Elisabeth BORNE qui a confié à certains de nos confrères que la taxe poids lourds, la vignette poids lourds pourrait être à nouveau discutée. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ou pas ?

EMMANUELLE WARGON
Je pense que c'est quand même un problème que les poids lourds qui traversent la France, en particulier les poids lourds qui ne sont pas des poids lourds français, ne contribuent pas du tout à l'entretien des routes alors même que ce sont les véhicules qui, par définition, sont les plus lourds donc qui ont le plus d'impact sur le bon état des routes. Après c'est un sujet délicat puisqu'on a eu une expérience malheureuse collective sur ce sujet, mais reposer la question ça me paraît extrêmement légitime. On n'a pas… Je ne crois pas qu'Elisabeth BORNE ait proposé une solution à ce stade, mais dire que la question se pose et que, du coup, peut-être qu'il faut trouver un mécanisme qui permette de répondre à ça me paraît complètement légitime.

MARCELO WESFREID
Mais ça veut dire qu'une sorte d'écotaxe nouvelle version pourrait voir le jour ? Puisqu'actuellement le Sénat est en train d'examiner à nouveau la loi sur les mobilités.

EMMANUELLE WARGON
Ce ne serait pas forcément une écotaxe et, de toute façon si on avance dans cette idée, par définition elle sera proposée aux législateurs, donc elle sera débattue.

MARCELO WESFREID
En tout cas le gouvernement, de ce qu'on comprend ce matin, ne l'exclut pas en tout cas.

EMMANUELLE WARGON
Moi il me semble que c'est plutôt une bonne idée.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais ce serait une taxe uniquement sur les poids lourds étrangers ? Sur tous les poids lourds ?

EMMANUELLE WARGON
Je ne crois pas qu'on en soit au stade où on présente un dispositif détaillé. Je crois qu'elle a présenté l'ambition de la loi qui est une loi avec une très belle ambition. Et dans cette présentation, elle a dit aussi : « Cette question, il faudra qu'on la traite un jour. » Je pense que la caractéristique de ces deux sujets finalement, c'est qu'on assume de dire : « Oui, ce sont des questions qu'il faudra traiter un jour. »

MARCELO WESFREID
Mais c'est une taxe en plus. Madame WARGON, c'est une taxe en plus. Vous avez dit : « Plus d'impôts qui augmentent. ».

EMMANUELLE WARGON
Ça dépend. Ça dépend comment on la fait, ça dépend comment on l'applique, ça dépend quelle est la base. Enfin, ça dépend de beaucoup de choses. Vraiment ça n'est pas configuré. Mais je crois qu'il faut qu'on assume de dire : les problèmes qui avaient été mis sous le tapis dans les périodes précédentes, ce gouvernement essaye d'être courageux et de les affronter.

CYRIL VIGUIER
Emmanuelle WARGON, c'est le principe de cette émission. On va se rendre maintenant dans les territoires, on va commencer par Bordeaux. Vous le savez, la Côte Aquitaine craint la pollution du Grande America et c'est Bastien LAUQUE de TV7, la chaîne du groupe Sud-Ouest, qui a une question pour vous à ce sujet. Bastien, on vous écoute.

BASTIEN LAUQUE, TV7
Bonjour. Bien évidemment tout le monde retient son souffle, ici en Nouvelle Aquitaine, concernant les conséquences du naufrage du Grande America. Alors la première question, c'est est-ce que vous avez des nouvelles concernant effectivement la possible pollution qui pourrait arriver sur les plages ? Et t au-delà de ça, comment un bateau comme le Grande America peut-il encore naviguer sur les mers ? Et, c'est aussi une question récurrente ici en région côtière, où en est-on de la question pollueur-payeur ?

EMMANUELLE WARGON
Bonjour. D'abord, je comprends très bien l'inquiétude parce que ce naufrage est vraiment, comme à chaque fois, une catastrophe, et avoir un bateau au large des côtes qui émet de la pollution et ne pas savoir quand cette pollution va arriver sur les côtes avec quelle intensité, c'est dramatique à chaque fois. Deuxièmement, ce bateau va d'abord… Deuxièmement, le ministère s'est vraiment beaucoup mobilisé sur ce sujet. François de RUGY y est allé très tôt, il est allé à Brest la semaine dernière. Il suit ça personnellement de très près. On a je crois huit navires sur place qui sont mobilisés, des navires qui ne sont pas que français, pour les opérations de pompage, pour voir ce qu'on peut récupérer. Et le bateau lui-même en fait, c'est un bateau qui navigue depuis pas si longtemps, depuis une trentaine d'années je crois, et qui a été très contrôlé. Il a eu vingt-deux contrôles pendant toutes ses années de navigation, dont un contrôle qui a été fait en France et le reste des contrôles qui ont été faits en Europe, donc ça n'est pas navire qu'on a laissé complètement à l'abandon et qui arrive là alors qu'il n'aurait jamais dû naviguer. Après, c'est un accident et la responsabilité de l'armateur va être engagée. C'est un armateur italien et on appliquera le principe pollueur-payeur avec toute la réglementation internationale qui va avec.

CYRIL VIGUIER
Un mot. Est-ce vous avez des informations à nous donner ce matin sur justement l'état de d'avancée ou non de ces nappes ?

EMMANUELLE WARGON
Non, je n'ai pas d'informations. Je n'ai pas d'informations précises.

EMMANUELLE WARGON
Le Télégramme et Ouest France, nos partenaires quotidiens régionaux, font leur une là-dessus ce matin. Il y a une vraie inquiétude, vous avez entendu de la part de Bastien LAUQUE. Quand et quoi arrivera sur nos côtes ?

EMMANUELLE WARGON
Je n'ai pas d'informations précises donc je ne vais pas pouvoir vous renseigner là-dessus.

CYRIL VIGUIER
Merci Bastien LAUQUE de TV7, la chaîne du groupe Sud-Ouest. Marcelo WESFREID ?

MARCELO WESFREID
Sur un sujet connexe, il y a un rapport de parlementaires de l'Office d'évaluation des choix scientifiques qui a évalué le coût de la fin de la voiture thermique, un moteur thermique, et ça coûterait à l'Etat en 2040 38 milliards d'euros. En fait, la transition écologique va coûter beaucoup plus cher que ce qu'on peut imaginer.

EMMANUELLE WARGON
En fait la transition écologique, ce n'est pas facile. Je suis désolée de le dire comme ça mais ce n'est pas juste un truc anecdotique ou à la marge, dans lequel on met juste plus de panneaux solaires et c'est super. La transition écologique, c'est la fin d'un monde de production et de consommation tel qu'on le connaît et la réinvention d'un monde différent dans lequel on produit, on consomme, on vit, on se déplace différemment. Et cette transformation, elle est massive et donc forcément c'est difficile. C'est difficile en France mais c'est difficile à l'échelle internationale. Après, la fin de la voiture thermique, on a annoncé un objectif français qui est l'interdiction de la vente des véhicules essence ou diesel à l'horizon 2040. C'est une ambition et ça nécessite d'abord un énorme changement de la part des constructeurs automobiles. Les constructeurs automobiles sont engagés dans cette transition, développent beaucoup plus massivement l'électrique l'hybride et puis d'autres modes de transport plus innovants tel que l'hydrogène. Mais la capacité de cette industrie à se réinventer complètement dans ce délai, bien sûr c'est une question. Mais je ne pense pas qu'on puisse le chiffrer statiquement aujourd'hui parce que ça dépend vraiment beaucoup de la transformation de l'offre et donc de la production.

CYRIL VIGUIER
Emmanuelle WARGON, avant d'en être à la voiture thermique, il y a un problème sur l'essence. On va rejoindre à Lille Guillaume DESPLANQUES qui nous disait que les gens vont en Belgique s'approvisionner tellement le coût de l'essence augmente. Jean-Michel LOBRY dirige cette chaîne Wéo, c'est notre partenaire. Guillaume DESPLANQUES pose une question à Emmanuelle WARGON.

GUILLAUME DESPLANQUES, WEO
Emmanuelle WARGON, bonjour. Vous le savez, la hausse du prix à la pompe en octobre dernier avait déclenché, ou en tout cas c'était l'un des éléments déclencheurs du mouvement des gilets jaunes. Or après une accalmie fin 2018, vous le savez, les prix à la pompe flambent à nouveau avec une forte augmentation depuis déjà plusieurs semaines. Une augmentation importante et c'est vrai, Cyril l'a dit, dans le Nord, dans notre région ils sont nombreux à passer la frontière pour faire leur plein en Belgique où l'essence est en moyenne 5 centimes moins cher du litre. Vous aviez déclaré dans le Journal du Dimanche : « Notre politique en matière de voitures est très simple : plus de sécurité, moins de pollution, moins de changement climatique. » Alors aussi louable soit-elle, cette politique est-elle compatible avec le pouvoir d'achat des Français ? Si oui, comment ? D'ailleurs lors des réunions publiques, le refus d'une écologie punitive est souvent ressorti des comptes-rendus du Grand débat national dans notre région.

CYRIL VIGUIER
Question concrète.

EMMANUELLE WARGON
Alors d'abord, là l'augmentation du prix de l'essence elle n'a rien à voir avec la politique fiscale du gouvernement. On a entendu le message des gilets jaunes de la période précédente, on a stoppé l'augmentation de la taxe carbone et on a dit clairement qu'elle ne reviendrait pas, qu'elle ne reviendrait pas à court terme.

CHRISTELLE BERTRAND
Elle est stoppée définitivement ?

MARCELO WESFREID
Jusqu'en 2020. Après, on ne sait pas. Dites-nous.

EMMANUELLE WARGON
Elle ne reviendra pas tant qu'on n'aura pas créé un consensus très large autour d'une éventuelle augmentation, et le consensus on ne l'a pas du tout aujourd'hui. Et donc elle ne reviendra pas en catimini, elle ne reviendra pas contre les Français, elle ne reviendra que si les conditions du consensus sont là et il me paraît très clair que les conditions du consensus ne sont pas là.

CHRISTELLE BERTRAND
… sur la question ?

EMMANUELLE WARGON
Je n'irai pas plus loin à ce stade, mais en tout cas c'est vraiment notre philosophie. En attendant, l'essence continue à augmenter quand même.

CYRIL VIGUIER
Vous avez entendu les gens de cette région qui vont en Belgique s'approvisionner le week-end.

EMMANUELLE WARGON
Oui, j'ai entendu.

CYRIL VIGUIER
Cinq centimes d'écart.

EMMANUELLE WARGON
Mais ça montre bien que notre sujet, c'est d'arriver à réduire le poids de la voiture essence ou diesel et des carburants dans le budget des ménages. Donc en fait, on fait plusieurs choses. La première, c'est le chèque énergie. On a augmenté le chèque énergie assez significativement cette année, donc ça permet de payer sa consommation énergétique. Et la deuxième, c'est la prime à la conversion. On a amélioré la prime à la conversion. Mais le sujet, c'est vraiment de repenser un modèle dans lequel on a moins besoin de sa voiture et ce modèle on ne l'a pas. Moi je comprends très bien quand les Français disent : « Vous ne pouvez pas d'une certaine manière sanctionner l'usage de la voiture alors qu'on n'a aucune alternative crédible à l'usage de la voiture telle qu'elle est aujourd'hui. » Parce que l'électrique n'est pas assez autonome, parce que les voitures électriques sont encore chères, parce que l'urbanisme fait que les trajets domicile-travail sont longs, parce que pour aller faire les courses il faut prendre sa voiture. Donc c'est tout ce modèle qu'il faut qu'on réinterroge ensemble. Et en attendant, on a compris le message sur la taxe carbone de la période précédente.

CYRIL VIGUIER
On remercie Guillaume DESPLANQUES à Lille.

CHRISTELLE BERTRAND
La voiture électrique, ça nous ramène au nucléaire puisqu'elle vient de cette source d'énergie. La semaine dernière, un tremblement de terre a eu lieu non loin de la centrale du Blayais à Bordeaux. Nous y étions il y a quelques minutes. Un tremblement de magnitude 4,9, ce qui est assez important. Greenpeace prétend que tout l'aspect sécuritaire n'est pas transparent en tous les cas. Est-ce vrai ? Est-ce que la centrale du Blayais est bien sécurisée de ce point de vue-là ?

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, si on n'a pas donné assez d'informations sur ce qui se passe, je pense qu'il faut qu'on soit transparent. Je pense que c'est vraiment une attente des Français. Je n'ai pas suivi ce point mais la transparence, ça me paraît important. Mais après surtout, nous notre stratégie c'est de réduire la place du nucléaire dans le mix français et c'est une stratégie qui n'était pas clairement assumée dans la période précédente. Moi je suis en charge de l'accompagnement de la fermeture des deux premiers réacteurs nucléaires en France. Fessenheim, on ferme en 2020. Ce n'est pas facile d'ailleurs d'accompagner un territoire qui voit disparaître un outil industriel, qu'il faut réinventer avec d'autres types d'activités économiques. On a posé sur la table la trajectoire électrique française jusqu'à 2035. On annonce quatorze fermetures de réacteurs d'ici-là dont les deux premières dès l'année prochaine. C'est tout ça qui se joue.

CYRIL VIGUIER
Merci beaucoup Emmanuelle WARGON, secrétaire d'Etat à la Transition écologique. Qui a pris le risque majeur maintenant qui était accolé à votre ministère il y a quelques années ? Qui s'occupe des risques majeurs au sein du gouvernement ?

EMMANUELLE WARGON
François de RUGY lui-même et Brune POIRSON et moi en fonction des sujets.

CYRIL VIGUIER
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mars 2019