Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à RTL le 22 mars 2019, sur le climat social et politique et la polémique autour de l'affaire Benalla.

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Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

JEROME CHAPUIS
Crise de nerfs entre le Sénat et la présidence de la République au sujet de l'affaire Benalla, on n'a pas vu, paraît-il, une telle tension entre les deux institutions depuis le Général DE GAULLE et Gaston MONNERVILLE, vous n'étiez pas né, moi non plus. Est-ce que tout ça ne va pas un peu loin ?

GABRIEL ATTAL
Je ne crois pas, je pense que c'était important de marquer le coup face à ce qui a été fait hier, c'est-à-dire une forme d'instrumentalisation des institutions à des fins de politique politicienne…

JEROME CHAPUIS
Pardon, mais parler d'attaque, d'une agressivité inédite, comme l'a fait Richard FERRAND, d'acte moralement très grave, d'infraction à la séparation des pouvoirs, c'est un peu fort, non ?

GABRIEL ATTAL
Ce qui est un peu fort c'est d'utiliser les institutions, en l'occurrence le Sénat et une commission d'enquête, pour essayer de mettre en cause le président de la République à travers des collaborateurs. Je ne sais pas, quand on lit la décision du Bureau du Sénat, de transmettre à la justice, c'est quand même assez confondant d'instrumentalisation.

JEROME CHAPUIS
Mais c'est son droit pur et simple, c'est-à-dire que, à la fin c'est la justice qui se prononcera.

GABRIEL ATTAL
Mais ça ne nous empêche pas de dire que c'est confondant. Quand on dit on transmet le nom de deux collaborateurs, non pas pour des certitudes ou pour des faits, mais pour d'éventuelles suspicions, c'est le terme qui est employé ; en droit une suspicion ça ne veut rien dire, soit on a des certitudes, soit on a des faits, mais des suspicions ça ne veut rien dire. Et d'ailleurs il y a des membres de la majorité sénatoriale, c'est-à-dire de l'opposition au gouvernement, eux-mêmes sont très mal à l'aise, et ont dit qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils trouvaient que le Sénat était allé assez loin, je vous renvoie aux déclarations de Hervé MARSEILLE, de Valérie LETARD, qu'il n'avait pas les faits suffisants…

JEROME CHAPUIS
Des centristes.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais qui font partie de la majorité sénatoriale.

JEROME CHAPUIS
Les sénateurs constatent que certains faits pourraient tomber, peut-être, sous le coup de la loi, ils le signalent à la justice, la justice enquête, ce sont les institutions, non ?

GABRIEL ATTAL
Non, mais il y a une enquête judiciaire qui existe aujourd'hui, il y a des juges qui font un travail justement pour déterminer ce qui s'est passé, d'éventuelles responsabilités. Imaginer qu'on peut utiliser les institutions pour mettre à l'index des collaborateurs sur la base, non pas de faits, mais de suspicions, ce n'est pas au niveau. Ce n'est pas au niveau au moment où on a un pays, on l'a vu, qui connaît des tensions, où on a un gouvernement qui est mobilisé à la fois pour y répondre, sur le grand débat, on a une Assemblée nationale qui discute sur le projet de loi Santé et le Sénat qui se dit je vais jouer à essayer d'engager un touché coulé avec le gouvernement, avec la Constitution comme plateau de jeu, ce n'est pas au niveau, c'est tout ce qu'on dit.

JEROME CHAPUIS
Et le Premier ministre qui boycotte, du coup, les questions au gouvernement au Sénat, est-ce que c'est au niveau ?

GABRIEL ATTAL
C'était une manière de marquer le coup.

JEROME CHAPUIS
Mais il va revenir ?

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, oui, le Premier ministre…

JEROME CHAPUIS
Non, mais parce que voilà, hier on était tous un petit peu estomaqués. Est-ce que le président du Sénat, et le président de la République, ou au moins le chef du gouvernement, doivent se reparler, et vite selon vous ?

GABRIEL ATTAL
De toute façon tout le monde se parler, je veux dire, il n'y a pas de rupture quelle qu'elle soit, et d'ailleurs Gérard LARCHER a ouvert la séance des questions au gouvernement hier, en annonçant qu'Edouard PHILIPPE lui avait téléphoné pour lui annoncer qu'il ne venait pas aux questions au gouvernement, mais c'était important de marquer le coup, encore une fois, parce que ce n'est pas au niveau, et nous on est au niveau.

JEROME CHAPUIS
Vous vous rendez compte quand même du spectacle, on est en pleine crise des gilets jaunes, on négocie le Brexit, on va recevoir la semaine prochaine le président chinois, et voilà notre démocratie qui se donne en spectacle.

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça que le Sénat donne en spectacle la démocratie, et qu'on ne l'accepte pas.

JEROME CHAPUIS
Benjamin GRIVEAUX a-t-il gaffé, avant-hier, en annonçant que la mission Sentinelle allait renforcer demain samedi le dispositif contre les casseurs ?

GABRIEL ATTAL
Ce qu'il a expliqué c'est qu'on allait adapter notre dispositif où vous avez – pour moi les choses sont assez claires – vous avez aujourd'hui des soldats de la mission Sentinelle qui gardent des institutions, qui surveillent des institutions, vous avez des policiers qui sont chargés du maintien de l'ordre, et pendant les manifestations des policiers ont été chargés de garder des institutions pour éviter que des manifestants, parce qu'il y a quand même des manifestants qui ont tenté de rentrer dans l'Assemblée nationale, dans l'Elysée, que des policiers avaient été mis en place pour garder ces institutions. Et ce qui a été annoncé, c'est que ces policiers, qui sont là pour faire du maintien de l'ordre, allaient faire du maintien de l'ordre et qu'on allait s'appuyer sur les soldats de Sentinelle pour continuer à surveiller des institutions publiques.

JEROME CHAPUIS
On n'avait pas compris ça tout de suite.

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça que je suis là aussi pour l'expliquer, comme mes collègues du gouvernement qui s'expriment régulièrement dans les médias. Pour moi c'est assez clair, on veut que nos policiers soient là pour faire du maintien de l'ordre, on voit qu'on en a besoin, et donc c'est important qu'ils soient sur le terrain, au coeur de leurs missions, et les soldats Sentinelle sont au coeur des leurs quand ils surveillent des institutions publiques.

JEROME CHAPUIS
Cette difficulté à communiquer sur un sujet aussi lourd que l'intervention de l'armée sur le sol français, est-ce que ça ne témoigne pas, là encore, sinon d'une forme d'amateurisme, en tout cas au moins d'une grande fébrilité ?

GABRIEL ATTAL
Je ne crois pas, je pense que l'important c'est que les Français mesurent qu'on fait tout, on organise tout, pour faire en sorte que l'ordre soit maintenu dans le coeur de Paris après ce qui s'est passé la semaine dernière, et c'était un des éléments de cette réponse.

JEROME CHAPUIS
Demain, d'ailleurs, en matière d'ordre public, vous n'avez pas droit, le gouvernement n'a pas droit à l'erreur, c'est une obligation de résultat pour le gouvernement ?

GABRIEL ATTAL
En tout cas tous les moyens sont mis pour faire en sorte qu'il n'y ait plus les débordements qu'on a connus le week-end dernier.

JEROME CHAPUIS
Là vous me parlez de moyens, moi je vous parle de résultat justement.

GABRIEL ATTAL
Evidemment, on vise un résultat qui est le moins de débordements possible, qu'il n'y ait pas de débordement, et encore une fois, les mesures qui ont été annoncées elles permettront d'atteindre cet objectif, en tout cas je l'espère, et j'y crois parce que, il y a des mesures très fortes qui ont été annoncées par Christophe CASTANER et le Premier ministre, il y a un changement qui a été fait à la préfecture de police de Paris, puisque, à l'évidence, des consignes qui avaient été données n'étaient pas poursuivies, et donc à partir de là on peut tout à fait être serein.

JEROME CHAPUIS
Alors, dans ce contexte, vous allez, vous, Gabriel ATTAL, ouvrir tout à l'heure une Conférence citoyenne, c'est le nom qu'on a donné à ces réunions dont le but est de synthétiser le grand débat, et ce sera avec des jeunes tirés au sort. Est-ce qu'ils seront nombreux ?

GABRIEL ATTAL
Oui, ils seront nombreux, ils seront 80…

JEROME CHAPUIS
Ils seront présents, vous en êtes sûr ?

GABRIEL ATTAL
Présents, tirés au sort partout en France. C'était quelque chose, moi, qui me tenait beaucoup à coeur. Quand on a lancé le grand débat et qu'on a annoncé ces conférences citoyennes avec des Français tirés au sort partout en France, dans chaque région, moi ça me tenait vraiment à coeur, et j'ai vraiment souhaité qu'on puisse avoir une conférence citoyenne dédiée aux jeunes. Pourquoi ? Parce que la parole des jeunes elle se libère facilement quand ils sont entre jeunes. Quand on est jeune et qu'on va dans une réunion avec des « moins jeunes », qui ont tout un vécu, une expérience, qui souvent s'appuient sur ce vécu et cette expérience pour s'exprimer, ça peut être intimidant, on peut se dire « est-ce que je suis vraiment légitime pour m'exprimer ? », donc c'était important qu'il y ait ce cadre de confiance, pour que les jeunes puissent s'exprimer, faire des propositions.

JEROME CHAPUIS
Parce que jusqu'à présent on ne les a pas vus, quasiment pas vus, dans les réunions publiques.

GABRIEL ATTAL
Ils ont beaucoup participé au grand débat, à leur manière.

JEROME CHAPUIS
C'est-à-dire ?

GABRIEL ATTAL
Je vous disais à l'instant que quand on a une réunion publique, ouverte à tous, avec des personnes, encore une fois, qui s'appuient sur tout un vécu, ça peut être intimidant, et moi je comprends que des jeunes se disent « je ne vais pas aller dans cette réunion, est-ce qu'on va me considérer comme légitime, ou pas ? »

JEROME CHAPUIS
Ils ont beaucoup participé, vous avez des chiffres, je ne sais pas, sur les forums de discussions, sur les remontées ?

GABRIEL ATTAL
Il y a des initiatives qui ont été prises, par exemple il y a deux, trois jeunes ingénieurs des Hauts-de-France qui ont mis en place une plateforme « Entendre la France », où ils ont repris le questionnaire du grand débat à travers un chatbot sur Messenger, c'est un peu technique, mais en gros ça veut dire FACEBOOK Messenger, il y a eu 212.000 contributions, 50 % ont moins de 25 ans, donc on voit bien que les jeunes, quand on leur donne les moyens de le faire, quand on leur donne le cadre de le faire, ils s'expriment. Il y a eu aussi des réunions, beaucoup de réunions, partout en France, qui ont été dédiées à des jeunes, j'en ai fait une vingtaine, j'en ai fait dans toutes les régions de France, je suis allé à La Réunion…

JEROME CHAPUIS
Et alors, les sujets qui remontent, les sujets de préoccupations des jeunes ?

GABRIEL ATTAL
Il y a, pour moi, deux sujets principaux qui remontent, d'abord c'est la question de l'environnement, du changement climatique, on voit bien que c'est un combat générationnel, on l'a vu dans la rue la semaine dernière, j'étais avec les jeunes dans la manifestation. Et puis, après, il y a des questions très concrètes, de vie quotidienne pour les jeunes, mobilité, pouvoir d'achat, insertion professionnelle. C'est les deux sujets qui remontent. Il y a aussi des propositions qui sont faites sur les institutions et la citoyenneté.

JEROME CHAPUIS
L'Europe, ça remonte ou pas, c'est un sujet de préoccupation ?

GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas vraiment un sujet du grand débat, moi ce que je souhaite c'est que les jeunes s'intéressent à l'Europe évidemment, et puis participent à l'élection européenne, et votent à l'élection européenne. Ce que je souhaite c'est que la jeunesse soit au coeur des enjeux de débat de l'élection européenne, je pense qu'il y a un vrai enjeu sur la mobilité européenne des jeunes. Il faut qu'il y ait davantage de jeunes qui aient l'occasion d'avoir une expérience de mobilité en Europe, qui aient une expérience dans un autre pays que la France, ça fait partie des objectifs que poursuit le président de la République, et je souhaite que ce soit au coeur de la campagne.

JEROME CHAPUIS
Tout cela dans un contexte, on le disait, c'est l'information de la nuit, d'un nouveau report du Brexit pour quelques jours, ce sera le 12 avril au lieu du 29 mars, la nouvelle date limite a été fixée pendant la nuit. Une réaction sur ce point ?

GABRIEL ATTAL
Je crois qu'on arrive au moment de vérité, et c'est heureux, et le président de la République s'est, je crois, hier soir, beaucoup battu dans cette réunion qui a réuni les chefs d'Etat européens pour qu'on en arrive là, parce qu'il y a un moment il faut choisir. Ça fait 1200 jours, vous le disiez sur votre antenne, que les Britanniques ont voté pour sortir de l'Union européenne, il y a un moment il faut jouer cartes sur table. Il y a des milliers de responsables, de fonctionnaires européens, qui travaillent depuis 1200 jours pour organiser la sortie, on a donné, en France, du temps parlementaire, pendant une semaine on a discuté un projet de loi pour préparer la sortie de la Grande-Bretagne, d'autres pays ont fait pareil, donc il y a un moment il faut que les élus britanniques soient responsables et choisissent. On ne peut pas sortir en moonwalk, en reculant comme ça, il faut faire un choix clair, et il faut de la responsabilité. Donc là, maintenant c'est très clair, la semaine prochaine nouveau vote sur l'accord qui a été négocié, soit les Britanniques le votent et à ce moment-là il y a une sortie qui s'organise jusqu'au 22 mai, avant les élections européennes, soit ils ne le votent pas une nouvelle fois, et à ce moment-là il faudra qu'ils présentent une alternative crédible avant le 12 avril, sinon ça sera la sortie sèche.

JEROME CHAPUIS
Tout cela alors que les jeunes Britanniques sont massivement favorables au maintien de leur pays dans l'Union, ce qui fait d'ailleurs que les sondages aujourd'hui montrent que si un référendum avait lieu à nouveau, eh bien le maintien serait choisi. Ça doit donner des regrets quand on est pro-européen comme vous.

GABRIEL ATTAL
Oui. Moi en tout cas, ce que je vois de positif, c'est que la jeunesse soutient le projet européen, que la jeunesse se rend compte que pour répondre aux enjeux, que j'évoquais à l'instant, qui sont des enjeux générationnels, comme le changement climatique, l'échelle de l'efficacité c'est l'Europe, et qu'on a besoin d'Europe pour répondre à cet enjeu, pour répondre à l'enjeu de la taxation des géants du numérique, qui utilisent nos données personnelles pour faire de l'argent, pour protéger nos industries, protéger nos emplois, et le fait que les jeunes aient cette conscience-là, que ce soit en France ou en Grande-Bretagne, je trouve ça extrêmement positif.

JEROME CHAPUIS
Nathalie LOISEAU va sortir du gouvernement la semaine prochaine, très vraisemblablement elle devrait être désignée comme tête de liste LREM pour les européennes, sans doute aussi Benjamin GRIVEAUX qui pourrait mener le combat à Paris. Alors, votre nom circule, Gabriel ATTAL, pour devenir porte-parole. A vous entendre vous exprimer sur tous ces sujets depuis tout à l'heure, on devine que vous pourriez en avoir envie.

GABRIEL ATTAL
Moi je suis arrivé au gouvernement il y a 5 mois, et je suis très heureux d'être secrétaire d'Etat auprès de Jean-Michel BLANQUER, de travailler sur le service national universel, de travailler sur les questions de jeunesse, sur les questions d'engagement, sur le financement de la vie associative, le développement de la vie associative…

JEROME CHAPUIS
Ce n'est pas incompatible, il y a des gens qui ont un portefeuille ministériel et puis qui sont porte-parole à côté.

GABRIEL ATTAL
Moi je ne suis pas en demande.

JEROME CHAPUIS
Vous n'êtes pas en demande, d'accord. Merci beaucoup Gabriel ATTAL d'avoir été l'invité de RTL ce matin.

GABRIEL ATTAL
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2019