Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Yves LE DRIAN bonjour.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, ministre des Affaires étrangères. Sommet donc à Bruxelles, le Brexit, d'abord l'Union européenne a dégagé une position commune…
JEAN-YVES LE DRIAN
Eh oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
A 27.
JEAN-YVES LE DRIAN
Eh oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui est rare !
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce qui montre la solidité de l'Union européenne, c'est-à-dire que certains voulaient imaginer qu'il y aurait eu des ruptures, des inflexions, des positions différentes, je pense même que beaucoup de responsables britanniques jouaient sur la division de l'Europe, mais l'Europe est unie sur ses fondamentaux, c'est-à-dire sur ses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors l'Europe…
JEAN-YVES LE DRIAN
Fondamental. Et donc à un moment donné, il faut mettre fin à cette évolution qui dure depuis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce feuilleton Brexit.
JEAN-YVES LE DRIAN
1.000 jours et qui n'aboutit pas de décisions. Et il faut surtout que les Britanniques prennent leur responsabilité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisqu'il n'y a pas de majorité qui se dégage sur aucune orientation. Donc la position européenne, je trouve, a été importante, elle fixe une date butoir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quelle est la position, pour bien comprendre aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Alors aujourd'hui, la Première ministre britannique va proposer une nouvelle fois un accord de retrait, l'accord de retrait qu'elle avait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a été négocié…
JEAN-YVES LE DRIAN
Qui avait été négocié pendant 2 ans, qu'elle-même avait approuvé, que les députés de la Chambre ont rejeté à 2 reprises. Elle se propose de faire voter une 3ème fois avant le 29 mars, ce qui va donc se passer dans les jours qui viennent. Et si d'aventure l'accord de… ce que nous souhaitons, ce n'est pas nous qui avons demandé aux Britanniques de partir, si d'aventure la Chambre des communes valide l'accord de retrait, alors ils ont jusqu'au 22 mai pour se mettre d'équerre et pour avoir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si la Chambre des communes dit non encore une fois…
JEAN-YVES LE DRIAN
Et si la Chambre des communes dit non, la Grande Bretagne a jusqu'au 12 avril pour dire ce qu'elle va faire. Ou bien elle a une autre proposition à proposer, ce qui serait quand même surprenant, ça fait quand même du temps que ça dure ; ou alors c'est le non-accord et la Grande Bretagne devient un Etat tiers comme l'Australie, comme le Canada…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la Grande Bretagne quitte l'Union européenne.
JEAN-YVES LE DRIAN
Non ! Ce qui me paraît quand même important dans cette affaire, au-delà du fait que l'Union européenne a été unie sur ses orientations, c'était… il faut désormais que les Britanniques tranchent et qu'ils ne fassent pas porter à l'Union européenne des situations politiques internes compliquées. Ce n'est pas à l'Union européenne de régler la crise politique britannique. Mais aujourd'hui, le feuilleton fait que tout le monde devient exaspéré, pas uniquement les responsables européens mais aussi les Britanniques, qui attendent la sortie de cette crise qui dure depuis maintenant le référendum de juin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière étude sur le Brexit, ça coûterait 900 euros par Britanniques et par an la sortie de l'Union européenne, à chaque Britannique. Pour les Français, ce serait 7 milliards sur l'année, coût. Mais il y en a qui s'inquiètent sur les pêcheurs français.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, ils ont raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très inquiets d'un Brexit.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je les ai rencontrés il y a peu de temps, je les connais bien. Mais il y a dans l'accord de retrait toutes les garanties pour que cela se passe bien. Il y aura une négociation sur les eaux communautaires, sur les droits de pêche…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut travailler dans les zones britanniques…
JEAN-YVES LE DRIAN
Non… oui mais c'est réciproque, donc les Britanniques ont aussi des intérêts au niveau de la pêche et de la commercialisation des produits de la pêche qui sont très importants. Mais s'il y a l'accord de retrait, il y aura une négociation sur les droits de pêche, sur les eaux communautaires, comment on se les partage, comment on joue tout cela qui devrait normalement bien se passer. Si d'aventure c'est le non-accord, alors il y a une phase intermédiaire qui va être difficile et il y aura un dispositif d'accompagnement des pêcheurs pour la période transitoire, mais il faudra bien renégocier aussi avec les Britanniques sur les droits de pêche et les eaux communautaires. C'est sans doute le souci le plus important, mais nous y veillerons de près.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Jean-Yves LE DRIAN, je change totalement de sujet. Combien d'enfants français de jihadistes sont retenus actuellement dans des camps en Syrie ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne le sais pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi j'ai un chiffre.
JEAN-YVES LE DRIAN
Vous avez de la chance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez me dire s'il est faux…
JEAN-YVES LE DRIAN
155 enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que sur ce sujet-là, on dit…
JEAN-YVES LE DRIAN
155 enfants. Je voudrais reprendre Monsieur BOURDIN sur cette affaire, parce qu'on dit beaucoup de choses fausses. Aujourd'hui, nous sommes à la fin de Daesh territorial, aujourd'hui même…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Aujourd'hui, dans les jours qui viennent, mais nous sommes dans la fin. Il y a dans la zone qui est aujourd'hui une zone de combat, qui est la zone de Baghouz, beaucoup de réfugiés qui reviennent dans des camps dans le nord-est syrien ; et beaucoup de combattants, mères, pères enfants qui reviennent aussi dans les camps indiqués. Et donc sur ces chiffres-là, nous n'avons pas d'informations particulières.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfants combattants !
JEAN-YVES LE DRIAN
Enfants et combattants, enfants combattants, enfants de combattant. Et donc dans ces camps qui sont dans le nord-est syrien, il y a des conditions d'accueil aujourd'hui qui sont épouvantables, pas uniquement pour les combattants, y compris pour la population civile victime de Daesh. Et il nous faut aujourd'hui prendre des initiatives humanitaires, pour faire en sorte que ces camps qui étaient prévus pour 10.000, 20.000 personnes, qui aujourd'hui sont…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais…
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais c'est ça la réalité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais la réalité…
JEAN-YVES LE DRIAN
Parce qu'on parle beaucoup des enfants, il y a tous les enfants…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais je parle des enfants français, est-il vrai…
JEAN-YVES LE DRIAN
Vous parlez de quoi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que 149 ont été identifiés, c'est vrai ou c'est faux ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Vous parlez… je n'ai pas le chiffre exact, si quelqu'un l'a, je suis très heureux de l'avoir. Moi je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
149 enfants français identifiés dans les camps syriens…
JEAN-YVES LE DRIAN
Merci de me donner la liste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sous contrôle des Kurdes.
JEAN-YVES LE DRIAN
Monsieur BOURDIN, parce que ces chiffres-là sont toujours aléatoires. Par contre le ministre des Affaires étrangères que je suis a envoyé une mission de ses collaborateurs, dangereuse, dans les camps pour vérifier quelles étaient les situations à la fois des enfants, des orphelins et des mères…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que 5 enfants ont été rapatriés il y a quelques jours ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les enfants français doivent être rapatriés, les enfants français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous avons rapatrié les orphelins français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tous les orphelins français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous avons rapatrié 5 orphelins français dans des conditions difficiles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas tous.
JEAN-YVES LE DRIAN
Il est possible qu'il y en ait d'autres, on va regarder.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ils seront rapatriés !
JEAN-YVES LE DRIAN
Si les conditions le permettent oui. Les orphelins de moins de 5 ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pas les enfants qui sont avec leur mère ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Les enfants qui sont avec leur mère, on peut regarder au cas par cas, mais il ne faut pas se faire manipuler, parce que les mères de ces enfants ce sont des militantes du jihadisme, ce sont des militantes de Daesh, ce sont des combattantes, parce que ces mères dont on parle beaucoup en ce moment, quand elles sont arrivées en Syrie en 2015, ce n'était pas pour faire du tourisme, c'était des combattantes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que les enfants sont responsables de leurs parents ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Sauf que le droit de l'enfant s'attache aussi à la relation avec leurs parents et avec la mère. Et d'aventure…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais on peut séparer l'enfant de ses parents lorsque les parents…
JEAN-YVES LE DRIAN
Vous avez pu remarquer, puisque vous êtes bien informé, que beaucoup de mères jihadistes refusent cette éventualité et combattent les mères qui, éventuellement, pourraient poser la question du retour de leurs enfants en France. Donc moi je crains la manipulation sur ce sujet. Si d'aventure, il y avait des cas individuels identifiés avec le soutien de la Croix Rouge internationale, on peut envisager des retours, mais je crains beaucoup les manipulations sur ce sujet et l'instrumentalisation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la France…
JEAN-YVES LE DRIAN
On n'a pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est un Etat faible qui a peur de récupérer des enfants…
JEAN-YVES LE DRIAN
On n'a pas affaire à des amateurs là-bas, on n'a pas affaire à des amateurs, on a affaire à des gens qui ont combattu la France, des Français qui ont combattu la France. Et donc il faut être extrêmement vigilant et c'est la doctrine que nous avons, la doctrine développée par le président de la République, il faut que…
JEAN-JACQUES BOURDIN.
Quel que soit l'avenir des enfants ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il faut que les combattants… l'avenir des enfants il sera sur place si les conditions humanitaires le permettent et on veut le faire. Il faut régler les questions humanitaires de ces camps et puis au cas par cas envisager éventuellement des retours. Les orphelins, on l'a fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous confirmez ce matin que Nathalie LOISEAU conduira bien la liste La République en Marche ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Elle est candidate, très bien, c'est une bonne candidate, je la connais très bien, je travaille avec elle tous les jours. Il importe maintenant au parti de la majorité de décider si elle sera ou pas candidate, il y a deux listes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera tête de liste !
JEAN-YVES LE DRIAN
Moi je le souhaite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais elle le sera…. Jean-Yves LE DRIAN…
JEAN-YVES LE DRIAN
J'attends… il est vraisemblable qu'elle le soit, mais pour l'instant ce n'est pas encore…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura un remaniement ministériel !
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La semaine prochaine… j'allais dire l'année prochaine !
JEAN-YVES LE DRIAN
Non ! La semaine prochaine, c'est possible. Les partis de la majorité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est plus que possible.
JEAN-YVES LE DRIAN
Les partis de la majorité vont se réunir dans quelques jours pour décider qui sera la tête de liste de la majorité aux élections européennes. Je pense moi que Nathalie LOISEAU serait une bonne candidate.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Allemagne siège jusqu'en 2021 au Conseil de sécurité des Nations unies, je dis bien au Conseil de sécurité des Nations unies, un siège non permanent, je précise.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, non permanent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Allemagne n'est pas seule puisque la Belgique, l'Afrique du Sud, l'Indonésie et la République dominicaine sont dans le même cas. Il y a 5 membres permanents, j'explique pour pas qu'il y ait ambiguïté, 5 membres permanents : La France, la Russie, la Grande Bretagne, les Etats Unis, la Chine avec un droit de veto. Le gouvernement allemand en novembre a estimé que la France devrait renoncer à son statut de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU au profit de l'Union européenne. Et j'ai comme vous les déclarations de la présidente de la CDU le week-end dernier. Alors est-ce qu'on va mutualiser le siège de la France ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Le siège de la France n'est pas négociable, et le siège de membre permanent du Conseil de sécurité de la France, il est inscrit dans la charte des Nations unies qui date de 1945. Donc ce point-là, il est très clair et d'ailleurs il est aussi en filigrane inscrit dans le traité d'Aix-la-Chapelle que nous avons signé avec l'Allemagne au mois de janvier dernier. Par contre ce qui est envisageable, c'est qu'il y ait d'autres membres du Conseil de sécurité à titre permanent, parce que depuis 1945…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Union européenne pourrait être un 6ème membre…
JEAN-YVES LE DRIAN
Depuis 1945, la situation géopolitique mondiale a bougé, donc la France pense qu'il faut que des pays comme le Brésil, comme le Japon, que l'Inde et l'Allemagne, et l'Allemagne rentrent au Conseil de sécurité et c'est ça qui est inscrit dans le traité d'Aix-la-Chapelle. Et c'est le propos d'ailleurs que je tiendrai mercredi, puisque mercredi je suis invité par Madame MERKEL à siéger au Conseil des ministres allemand, ce qui montre d'ailleurs la qualité des relations que nous avons avec l'Allemagne. Et je ferai part de cette incompréhension et aussi de cet engagement, à faire en sorte que l'Allemagne trouve sa place aussi au sein du Conseil de sécurité avec les autres. Il faudra aussi faire une place au sein du Conseil de sécurité comme membres permanents à une représentation africaine, qui est un sujet aussi d'actualité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais à quoi ça sert d'ailleurs le Conseil de sécurité des Nations unies, avec les vetos c'est un Conseil de sécurité qui ne prend jamais aucune décision, qui est là pour garantir la paix…
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, Ça prend quand même des décisions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez ! Moi j'ai une question… attendez ! Mais même Jean-Yves LE DRIAN c'est du bon sens, si j'ai bien compris… enfin si j'ai bien compris, c'est la réalité, le Conseil de sécurité est là pour garantir la paix, on est bien d'accord ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est sa vocation de départ.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quels sont les pays qui siègent comme membres permanents des pays exportateurs d'armes, les plus importants du monde ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui ! Ce n'est pas… oui mais ce n'est pas… le sujet principal ce n'est pas le nombre d'armes exportées…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La sauvegarde de la paix est confiée à des pays qui vendent des armes !
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y a pas que ces 5 pays, mais le sujet principal de la paix c'est que lorsqu'il y a une crise, au sein du Conseil de sécurité on peut en débattre, on peut approcher des solutions, on peut constater des désaccords mais au moins, il y a un lieu de dialogue et vraisemblable…dans beaucoup de cas un lieu de régulation. Il y a des crises qui sont réglées au sein du Conseil de sécurité, il y a quelques crises africaines en particulier récemment qui nous permettent d'avance. Je vais au Conseil de sécurité là, la semaine prochaine, puisque la France préside le Conseil de sécurité, donc je vais présider le Conseil de sécurité. Et dans cette présidence du Conseil de sécurité, nous allons aborder la question du Sahel, la question du Mali, la question de la protection des personnels humanitaires et médicaux dans le monde. Nous allons aussi prendre des initiatives avec mon collègue allemand, puisque vous l'avez rappelé, ils siègent au Conseil de sécurité pas comme membres permanents, pour faire en sorte… à titre provisoire, pour faire en sorte que des initiatives soient prises pour mieux réguler la situation mondiale ; et faire en sorte aussi que les pays que nous appelons « les puissances de bonne volonté » puissent s'unir pour engager un nouveau multilatéralisme qui, aujourd'hui, est fortement désemparé. Donc ce Conseil de sécurité, il sert à dialoguer, il sert à échanger et il sert aussi à avancer. Je prends un exemple, ça nous ramène à la situation antérieure, il y a une résolution du Conseil de sécurité qui s'appelle la 22.54, puisqu'elles sont toutes numérotées, qui fixe la manière dont on va sortir de la crise en Syrie. Et puisqu'il y a une résolution du Conseil de sécurité, ça veut dire qu'elle a été adoptée à l'unanimité, il n'y a pas eu de veto…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est rare.
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais je vous en parle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non mais…
JEAN-YVES LE DRIAN
Parce que vous me dites que ça ne sert à rien, là ça sert vraiment à quelque chose, il faut la mettre en oeuvre. Et ça oblige l'ensemble des acteurs à dire : je vais appliquer la résolution 22.54 parce que je l'ai votée. Et pour la mettre en oeuvre, le secrétaire général des Nations unies délègue un représentant pour essayer de faire en sorte de l'appliquer. Je le dis, moi, aujourd'hui à la Russie, je le dis aussi à la Chine, on le dit aux Etats-Unis, nous sommes (nous) déterminés à faire en sorte que cette résolution soit appliquée. Je donne cet exemple-là mais il y a d'autres exemples de résolutions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que nous pourrions reprendre les relations diplomatiques avec la Syrie ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas d'actualité, la guerre n'est pas finie. Il y a 2 guerres en Syrie, il faut quand même le rappeler, il y a la guerre contre Daesh qui est en train de se terminer, on en a parlé à propos des enfants de jihadistes français, mais il y a aussi une guerre civile qui n'est pas achevée. Il faut donc que le processus politique reprenne en Syrie et il ne reprendra en Syrie que sur la base d'une résolution du Conseil de sécurité qui remplit sa mission.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Algérie, Abdelaziz BOUTEFLIKA est inflexible, oui inflexible pour l'instant, vous le regrettez ?
JEAN-YVES LE DRIAN
L'Algérie traverse un moment important il y a des mouvements significatifs de la population, mouvements profonds qui aspirent à un dialogue démocratique. Nous respectons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne vous immiscerez pas dans la politique intérieure algérienne ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Absolument pas, c'est un pays souverain, nous venons de fêter l'anniversaire des Accords d'Evian il y a quelques jours, ce pays souverain assume ses responsabilités et la France ne s'ingérera pas. Simplement la France regarde avec beaucoup d'attention l'ampleur de ces…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui dirige le pays ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Pour l'instant c'est toujours le président BOUTEFLIKA. Mais nous regardons ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas le chef d'état-major ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous regardons… non, c'est toujours le président BOUTEFLIKA, nous regardons avec attention tout ce qui se passe, la force de ce mouvement démocratique ; et puis surtout le civisme de ces manifestations avec un peu d'admiration, voir comment encore aujourd'hui vraisemblablement… comment ce mouvement profond des Algériens se manifeste. Il y a même…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est moins violent qu'en France.
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est vous qui faites le commentaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je vous pose la question.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je le constate aussi. Je trouve que les Algériens font preuve d'une très grande dignité, et la France sera aux côtés de l'Algérie, mais c'est l'Algérie qui décide de son avenir, ce n'est pas la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, à propos de la France, c'est vous qui avez mis en place l'opération Sentinelle.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Personne peut être... c'était le 12 janvier 2015.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bien sûr, je m'en souviens très bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment que vous vous en souvenez, dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Des militaires de Sentinelle mobilisés demain pour protéger les bâtiments publics, c'est une bonne décision ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est déjà arrivé. Ce n'est pas la première fois, je trouve qu'il y a un débat sur ce point qui me paraît un peu surréaliste, c'est déjà arrivé plusieurs fois. Vous me rappelez 2015, je vais vous rappeler 2016, au moment de l'Euro 2016 de football, quand les forces de police étaient occupées beaucoup ailleurs, quand elles étaient très sollicitées, ce sont des soldats de Sentinelle qui ont remplacé les forces de police pour la sécurité d'un certain nombre de bâtiments, que ce soit les ambassades, que ce soit les lieux de culte etc., ça arrive.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans la lutte, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais non, de la sécurité générale. Même quand il n'y a pas de terrorisme, il y a des gardes. Les ambassades sont gardées même s'il n'y a pas de terrorisme, c'était le cas avant. Moi ça ne me choque pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce débat vous parait dérisoire ou pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Un peu surréaliste ou provocateur. Jamais il n'a été question que les forces de Sentinelle n'interviennent dans le maintien de l'ordre, simplement, à un moment donné, on le voit bien, les forces de police ont beaucoup de travail, elles sont très sollicitées, donc certains postes de sécurité de certains sites, et puis d'ambassades, d'écoles, de choses comme ça, les lieux religieux, seront assurés, cette protection par Sentinelle, on l'a déjà fait, ça dure un moment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les soldats n'iront pas au contact des manifestants ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas leur rôle. Ils suppléent des policiers qui sont bien accaparés par ailleurs, et à qui je tiens à rendre hommage, parce qu'ils ont un travail très difficile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Yves LE DRIAN, vous connaissez bien la vie politique française, dites-moi, le bureau du Sénat qui saisit le Parquet dans l'affaire BENALLA.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je suis choqué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes choqué.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, je trouve que le Sénat, pour moi, était, j'espère qu'elle l'est toujours, une chambre de sagesse, et voilà qu'elle se transforme en une chambre de polémique ? A quoi cela va servir pour l'image du Sénat ? Je suis choqué et je trouve qu'il y a un amalgame qui est fait entre deux individus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Sénat conduit une commission d'enquête parlementaire…
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, j'y étais, j'y suis allé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes allé.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui oui, on a parlé... Je trouve que l'amalgame qui est fait, entre deux individus qui ont des chefs d'accusation majeurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
BENALLA et CRASE.
JEAN-YVES LE DRIAN
... et qui sont poursuivis par ailleurs, cet amalgame entre ces deux individus et trois hauts fonctionnaires qui remplissent leur mission, je trouve que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le chef de cabinet du président de la République, qui est soupçonné de faux témoignage !
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais c'est le procureur qui le dira, je regrette qu'on arrive à ces extrémités, mais je pense que le Sénat a joué un amalgame néfaste, y compris pour la démocratie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est à eux qu'il faut demander.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non mais je vous pose la question, vous avez un avis sur la question.
JEAN-YVES LE DRIAN
Peut-être qu'ils veulent faire un peu de surenchère politique, mais je trouve que ce n'est pas le rôle de la Chambre des sages.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Edouard PHILIPPE qui ne se rend pas au Sénat en réponse, ce n'est pas un peu infantile ça ? Non, comme réaction ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ça lui amène du désagrément et il manifeste son mécontentement de cette manière, et je pense qu'il a raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a raison. Bien, la justice tranchera.
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais bien sûr, mais la justice tranchera, et on verra, je n'anticipe pas, mais il faudra à ce moment-là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Eh bien je ne sais pas, c'est elle qui dira, mais en verra à ce moment-là si le Sénat avait raison de faire des amalgames. Je trouve que c'est un amalgame outrancier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot, dernier mot sur la présidence chinoise qui arrive en France. Le président sera là dimanche à Nice, il atterrit à Nice, finalisation de nombreux contrats j'imagine, 184 AIRBUS.
JEAN-YVES LE DRIAN
On verra. Vous voulez avoir le résultat !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais parce que c'est pré-négocié. Jean-Yves LE DRIAN, parce que c'est pré-négocié.
JEAN-YVES LE DRIAN
D'abord, c'est un voyage important, c'est un voyage important et qui va être d'autant plus important, qu'il n'y aura pas que le bilatéral, ça ne vous a pas échappé, le bilatéral ça sera dimanche, j'accueillerai au nom du président de la République, le président XI à Nice, il y aura des réunions de travail dimanche soir et lundi, et puis mardi matin, il y aura une réunion sur le multilatéralisme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu ça.
JEAN-YVES LE DRIAN
Avec madame MERKEL.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec madame MERKEL.
JEAN-YVES LE DRIAN
Et avec monsieur JUNCKER, pour voir avec la Chine comment est-ce qu'on peut avoir entre l'Europe et la Chine, une relation de confiance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, surtout des pratiques commerciales loyales, et non pas déloyales.
JEAN-YVES LE DRIAN
Absolument. Mais avec la Chine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles sont déloyales aujourd'hui, Jean-Yves LE DRIAN.
JEAN-YVES LE DRIAN
Elles sont déséquilibrées, et elles ne sont pas conformes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Déloyales ! Déloyales socialement, déloyales sur le terrain de l'environnement, vous le savez.
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous avons avec la Chine, une relation qui est à la fois une relation de partenariat, et une relation de compétitivité. Une relation de coopération, mais aussi d'une relation de protection pour nos propres intérêts. Donc nous avons avec la Chine ce débat, il faut que ce débat il soit le plus clair possible, le plus simple possible. Ça veut dire que si on prend en compte ce que les Chinois appellent les Routes de la soie, les nouvelles Routes de la soie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
... vous en parlez.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je vais y aller, moi, à la fin du mois d'avril, parce que qu'il importe d'avoir néanmoins avec la Chine, un dialogue, parce qu'on ne fera pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On se méfiera de cette Route.
JEAN-YVES LE DRIAN
On ne fera pas de la réorganisation du multilatéralisme dans le monde, sans la Chine. On ne fera pas de lutte contre le réchauffement climatique, sans la Chine, donc il faut parler avec la Chine, il faut parler sereinement avec la Chine, c'est ce que nous faisons et c'est je crois le l'objectif de la visite du président XI à Paris. Et si nous parlons des Routes de la soie, il faut que la Route de la soie soit dans les deux sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord.
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est ce que nous disons aux Chinois, et c'est ce que le président français a dit lorsqu'il est allé en Chine, et c'est ce que nous nous proposons de faire avec les Chinois, mais sous des cas concrets. Par exemple l'Afrique, on veut aller en Afrique, allons-y ensemble, mais on respecte les règles, les règles environnementales, les règles du commerce, les règles d'accès aux marchés publics, et la transparence. Voilà un bon sujet de discussion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Yves LE DRIAN d'être venu nous voir ce matin sur RMC et BFM TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2019