Texte intégral
Madame la Présidente,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et les ambassadeurs,
Chers amis,
C'est pour moi un immense plaisir de vous retrouver pour cette nouvelle session de l'Assemblée parlementaire après nos échanges de juin. Je crois qu'il faut aujourd'hui souligner que nous commençons cette session par un moment de tristesse, car je crois que nous regrettons tous ici ce grand Européen, ce grand humaniste qu'était Jacques Chirac.
Toute sa vie il a porté un combat pour les droits de l'Homme, pour l'ouverture à l'autre, pour la tolérance, et singulièrement pour la lutte contre l'antisémitisme. Je pense évidemment à son discours du Vel d'Hiv en juillet 1995 où il a su nommer l'irréparable et faire avancer le travail de mémoire en France.
Je pense aussi à son engagement pour le Conseil de l'Europe dont il était un partisan, un ami, un protecteur. Il y a 22 ans, presque jour pour jour, en octobre 1997, le président Jacques Chirac se trouvait ici, au Palais de l'Europe, pour ouvrir le deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe. C'était un moment important et fondateur pour notre Organisation qui s'ouvrait à de nouveaux membres, à mesure que l'Europe retrouvait sa liberté et son unité. Je pense notamment à l'Ukraine et à la Russie qui nous ont rejoints à ce moment-là. Jacques Chirac a eu ces mots, dans son discours d'ouverture, qui me semblent pouvoir très justement inspirer notre échange d'aujourd'hui. Il disait : "Désormais libérée des confrontations et des méfiances d'hier, notre famille européenne toute entière se rassemble autour de valeurs communes, le respect de la personne humaine, le caractère sacré et inviolable de sa dignité, et la primauté du droit."
Depuis notre dernière rencontre, et merci, Madame la Présidente, pour vos mots chaleureux, nous avons je crois beaucoup travailler. Vous avez beaucoup fait et nous avons beaucoup fait ensemble pour défendre l'unité de cette famille européenne, pour préserver ce lieu unique au monde de protection de la personne humaine et de sa dignité inhérente. Je reviendrai sur ces derniers mois de responsabilité collective qui ont révélé le meilleur de notre union au service des citoyens.
C'est aussi à ce titre que je voudrais, comme cela est de coutume, vous informer sur les travaux de notre présidence, et en particulier sur les travaux de mise en oeuvre de la procédure de réaction conjointe. C'est un sujet sur lequel, vous le savez et je le répète ici fermement, nous voulons avancer rapidement.
Enfin, il sera temps de rendre compte devant votre Assemblée des réalisations concrètes de notre présidence du Comité des ministres.
Mais avant de commencer, je souhaite saluer la présence à cette tribune de notre nouvelle Secrétaire générale, Marija Pej?inovi? Buri? ; son expérience et son engagement seront et sont déjà un atout précieux. Je redis à cette occasion, notre reconnaissance pour le travail accompli par Thorbjørn Jagland durant ces dernières années.
Je souhaite également saluer l'attribution, il y a quelques minutes par votre Assemblée, du Prix Vaclav-Havel 2019, à l'initiative des jeunes pour les droits de l'Homme et à Ilham Tohti.
Au fond, cette décision reconnaît l'importance du dialogue entre communautés ; le travail d'abord de l'initiative des jeunes, et pour la réconciliation au bénéfice de la jeunesse des Balkans occidentaux. Un travail essentiel pour l'avenir de la région où les jeunes de ces pays doit pouvoir dépasser les conflits des générations précédentes ; j'y reviendrai. L'Histoire doit être enseignée, mais elle ne doit pas se répéter.
Je veux également saluer l'oeuvre d'Ilham Tohti qui depuis 20 ans aide à la compréhension inter-ethnique en Chine. Il a été arrêté en 2014, condamné à la prison à perpétuité et la France souhaite, comme vous tous ici je crois, qu'il puisse être remis en liberté immédiatement et que, dans l'attente, ses conditions de détention soient améliorées et les droits de sa défense pleinement garantis.
Par ce Prix, nous rappelons toutes et tous ici, l'attachement profond que nous avons chacun à la liberté d'expression, partout dans le monde.
Pour commencer sur nos travaux, je crois qu'en juin dernier votre Assemblée a pris une décision importante, celle de préserver notre famille européenne et de permettre à des millions, à des centaines de millions de citoyens de garder une protection effective de leurs droits au titre de la Convention. Vous avez décidé d'accueillir en votre sein deux délégations qui n'avaient pas pu se joindre à vous dès le début de la session 2019. Je sais que cette décision a été difficile et prise en conscience ; elle est restée difficile pour un certain nombre d'entre vous, et je sais quel esprit de responsabilité et d'humanité a été le vôtre, élus comme je l'ai été dans mon pays, pour mettre de côté la géopolitique et privilégier l'intérêt des citoyens. Je crois que plus que tout, ici, nous sommes en charge de protéger les droits des citoyens. Nous ne devons jamais perdre de vue que la raison d'être du Conseil de l'Europe, c'est cette protection des droits fondamentaux, quotidiennement, partout où ils habitent, de plus de 800 millions d'européens. Cette protection se traduit par un engagement juridique très fort que prennent nos Etats devant leur peuple, car ils peuvent être condamnés par la Cour pour des politiques nationales ou des décisions individuelles. C'est au fond l'essence, le socle de ce que nous avons construit depuis 70 ans, ce système de protection des droits de l'Homme le plus avancé au monde et dont nous ne devons jamais oublier le caractère tout à fait unique.
En voyant cette salle, en pensant aux débats qui s'y tiennent et à l'échange que nous avons, j'ai le sentiment que nous avons ici le creuset d'un véritable espace public européen. C'est tout l'opposé d'une arène géopolitique où l'on attribue des points aux gagnants, aux perdants, et où chacun, à la fin de la session, fait un bilan de qui a gagné et qui a perdu.
Le Conseil de l'Europe c'est tout l'inverse. C'est d'abord un lieu où les Européens se retrouvent autour d'un socle de valeurs partagées, un lieu de dialogue exigeant mais un lieu de dialogue toujours. C'est aussi et surtout, un lieu où les citoyens peuvent trouver un refuge, une protection, une instance de dernier recours qui garantit très concrètement, mais très puissamment leurs droits, pour que sur notre continent, nous ne laissions pas la place à l'arbitraire.
Alors, le retour de la délégation russe dans cette Assemblée engage la Russie. Comme l'a rappelé le président de la République à l'occasion de son entretien avec le président Poutine le 19 août dernier, c'est au nom des engagements auxquels la Russie a souscrit en tant que membre du Conseil de l'Europe, qu'elle a été appelée cet été au respect des libertés, de manifester l'expression d'opinion ou encore de se présenter à des élections. Je sais que vous aurez jeudi, ici dans cet hémicycle, un échange sur ces sujets majeurs. Je tiens à le dire ici très solennellement et très fermement, la présidence française veillera à ce que la Russie respecte toutes ses obligations statutaires, qu'elle continue de mettre en oeuvre, chaque jours davantage, toute les décisions de cette Institution, et nous le rappelons systématiquement, ici mais également dans les travaux du Comité des ministres.
Je me réjouis bien sûr de l'échange de prisonniers qui a eu lieu entre l'Ukraine et la Fédération de Russie et qui a permis notamment la libération des marins ukrainiens et d'Oleg Sentsov. Nous espérons que cette libération permettra de rétablir la confiance et de favoriser un dialogue essentiel en vue du règlement politique du conflit en Ukraine.
Tout aussi fermement, je tiens ici à rappeler et à réaffirmer le soutien indéfectible de la France à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans le cadre de ses frontières internationalement reconnues. C'est la position de la France dans toutes les instances où nous portons cette voix, au Conseil de sécurité de l'ONU, dans l'Union européenne, ici bien sûr, c'est aussi bien sûr la position maintes fois exprimée et répétée au Comité des ministres. Ces principes, nous ne devons jamais les perdre de vue, Nous devons rester fermes et je sais que la présidence géorgienne y veillera également étroitement après le mois de novembre. Je saisis d'ailleurs ici l'occasion de rappeler notre soutien tout aussi égal à l'intégrité, à la souveraineté et à l'indépendance de la Géorgie, dans ses frontières internationalement reconnues.
Mesdames et Messieurs, cette crise n'aurait pas pu être surmontée sans vous, sans le travail convergent de nos pays et de nos parlementaires, pour avancer ensemble vers un retour à la normale du fonctionnement du Conseil de l'Europe, avec la préoccupation permanente de le faire dans l'intérêt de nos peuples et de la protection de leurs droits. Le dialogue entre votre Assemblée et le Comité des ministres s'est intensifié dans cette crise et je crois que c'est une bonne chose. Il nous faut continuer d'entretenir collectivement cette dynamique d'échange et de travail commun. Je souhaite remercier ici la présidente finlandaise, la présidente de votre Assemblée pour avoir lancé ce processus. Tous ici, nous pouvons savoir que certains, certaines, Mme la présidente notamment, ont eu une action décisive et inlassable en faveur du dialogue et donc en faveur du Conseil de l'Europe.
Cette relation est essentielle, nous devons faire aboutir ce chantier commun initié à Helsinki pour que le Conseil de l'Europe puisse défendre encore mieux ses principes à l'avenir. Cela passe par cette capacité à faire en sorte que les décisions qui sont prises ici puissent être réellement mises en oeuvre ; et quand elles ne le sont pas, que nous puissions en tirer des conclusions. C'est pour cela que je me suis pleinement engagée à titre personnel, avec beaucoup de temps et, j'espère, suffisamment d'énergie, pour que nous puissions mettre en place cette nouvelle procédure de réaction conjointe qui devra permettre de répondre efficacement et de manière coordonnée lorsqu'un Etat manque à ses engagements.
Notre objectif est que cette procédure de réaction conjointe soit opérationnelle en janvier 2020. Je me suis rendue à Berne début septembre à l'invitation de Mme la présidente, pour échanger avec votre comité présidentiel. Je souhaite ici souligner quelques principes que j'ai évoqués à Berne mais que je crois essentiels à vous faire connaître car ils sont, à mes yeux, le coeur de ce que doit être cette procédure de réaction conjointe.
Tout d'abord, cette procédure doit être prévisible ; nous devons disposer d'une marche à suivre bien définie, c'est essentiel pour la confiance dans les institutions, c'est également essentiel pour l'Etat visé par la procédure et pour que celle-ci soit perçue comme légitime et non arbitraire. De plus, cette procédure doit être réactive. Lorsque des événements se produisent, il faut que nous puissions agir rapidement, montrer aux citoyens que la mise en cause de ces principes fondamentaux ne restent pas sans réponse, et qu'il nous faut bien sûr dans ce cadre, instaurer des délais suffisants, pour mener un dialogue avec l'Etat concerné, mais que ce ne soit pas des délais qui permettent d'enfouir le sujet, alors que nous le savons ils sont complexes, mais ils sont essentiels à traiter.
Cette réactivité, troisième point, doit nous permettre d'avoir une procédure qui soit crédible. Prévisible, réactive, crédible. Cette procédure doit en effet pouvoir être appliquée dans la pratique et, en tant qu'ancienne parlementaire, je sais que nous avons très souvent l'occasion de créer des textes que plus personne ne peut ensuite appliquer.
C'est tout l'inverse que nous devons faire ici. Nous devons permettre d'avoir une vraie réponse crédible à des violations du statut. Nous devrons donc, Assemblée, Comité des ministres, Secrétaire générale, être capables de décider de manière conjointe et opérationnelle, voire d'imposer des sanctions. Mais cette logique doit être incitative, pas punitive, le but est bien que les droits des citoyens soient protégés, pas de nous lancer dans des procédures uniquement intergouvernementales.
C'est pour cela qu'il faut, je crois, réfléchir à instaurer des mesures intermédiaires et progressives, un cadre de réaction graduel pour que nous puissions, là aussi, être crédibles.
Et puis, dernier point, je crois que c'est dans l'intérêt des citoyens et de nous tous ici, il faudra que cette procédure soit réversible. Le but final n'est pas d'imposer des sanctions pour imposer des sanctions mais bien d'amener l'Etat concerné au respect des obligations et aux principes de l'Organisation.
Il faut donc inclure une stratégie de sortie bien définie.
Je crois que, par ces quatre thèmes, vous comprenez l'exigence qui est la nôtre de faire avancer ces travaux sous cette présidence. Et je compte, si je puis parler ainsi, sur votre soutien et votre aide. C'est avec vous, grâce à votre mobilisation, grâce à un esprit de consensus, que nous pourrons conclure cette procédure.
Alors, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il est aussi important que nous parlions du monde qui nous entoure et de son avenir. Ce monde connaît des bouleversements qui créent de nouveaux enjeux pour les droits fondamentaux. Le Conseil de l'Europe doit continuer d'avoir, comme il l'a eu depuis 70 ans, un rôle pionnier, pour que les citoyens retrouvent des repères, retrouvent un socle de valeurs dans ces transformations. C'est l'ambition de la présidence française, comme je vous en avais présenté le programme en juin.
Notre première priorité, vous le savez, a été de renforcer le respect et la protection du droit développés par le Conseil de l'Europe par la Convention comme par la Cour. Et nous avons souhaité mettre l'accent notamment sur le dialogue des juges à la suite de l'entrée en vigueur du protocole 16. Nous avons ainsi réuni, il y a quelques jours à Paris, le 13 septembre, les chefs de Cour suprême des Etats membres et de la Cour européenne. Ce dialogue entre les juges est essentiel pour que la Convention irrigue jusqu'au niveau national, pour que cette convention soit appliquée de la même manière dans tous les Etats membres et, si je puis parler ainsi, pour que nous puissions rendre caducs au fond les travaux de la Cour européenne des droits de l'Homme, en nous assurant que dans tous les jugements nationaux cette Convention s'applique déjà.
C'est aussi la question de l'abolition de la peine de mort qui reste une priorité pour le Conseil de l'Europe et je crois qu'en juin, nous avons tous ici déploré une nouvelle exécution en Biélorussie. Une autre condamnation à mort a été prononcée en juillet par un tribunal biélorusse. Et si l'objectif du Conseil de l'Europe reste le rapprochement avec ce pays, l'abolition de la peine de mort est un préalable essentiel.
Lorsque nous parlons du coeur de la mission du Conseil de l'Europe, le sujet de l'Etat de droit me paraît également incontournable. Nous devons vraiment valoriser les travaux que vous menez ici et mettre son action au service du plus grand nombre. J'ai ainsi eu la chance il y a quelques semaines encore de rappeler au sein des institutions de l'Union européenne combien le travail de la Commission de Venise, du Conseil de l'Europe et des différentes instances comme le GRECO, par exemple, pourraient servir à alimenter, à approfondir et à nourrir les travaux au sein de l'Union européenne. Ce n'est pas une question de répartition des tâches ou de partage du travail ou d'économie, en se disant que si le travail est fait d'un côté, il n'est plus à faire de l'autre. Je crois qu'il y a là une coopération essentielle pour faire émerger une culture juridique commune de l'Etat de droit sur notre continent, et ainsi parachever un espace cohérent de protection des droits sur notre continent et dans les Etats qui nous entourent.
Cela suppose également l'adhésion de l'Union européenne à la Convention. Vous savez notre attachement profond en France à faire aboutir ce projet. Et nous souhaitons pleinement que les initiatives prises par la présidence française du Conseil de l'Union européenne puissent aboutir.
L'action du Conseil de l'Europe en matière d'Etat de droit est un atout qui peut s'appliquer de manière très concrète. Et j'ai pu moi-même, en me rendant le 13 septembre dernier en République de Moldavie, apporter le soutien de la France et, je crois, par mon biais, votre soutien à tous ici, aux réformes menées par le nouveau gouvernement moldave. Celui-ci a fait du renforcement de l'Etat de droit une priorité. Et je crois que nous devons tous ici les soutenir car c'est une tâche ardue et que le Conseil de l'Europe a un rôle clé pour l'accompagner. Je me réjouis ainsi que le gouvernement moldave ait saisi la Commission de Venise sur son projet de réforme de la justice.
La force de notre système de protection, ce qui fait toujours son actualité, c'est aussi l'étendue des droits qu'il recouvre. C'est pourquoi notre présidence a également insisté sur les droits sociaux, en faisant la promotion de la ratification de la Charte sociale européenne révisée et de son protocole additionnel. Nous avons également travaillé sur les droits des enfants en cette année où nous célébrons le 30ème anniversaire de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant.
Un deuxième enjeu pour notre présidence, c'est celui de la promotion de l'égalité et du vivre ensemble. Nous le voyons partout, je crois, malheureusement, l'intolérance, les discours de haine, en ligne ou ailleurs, continuent de progresser. Ce sont des discriminations qui sont à l'opposé des valeurs qui nous réunissent depuis 70 ans. L'idée européenne, notre identité, c'est un projet humaniste, égalitaire, fondé sur la dignité de chacun. Et j'ai été heureuse à ce titre d'ouvrir la conférence pour le 25ème anniversaire de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, l'ECRI, la semaine dernière à Paris. Je crois que les travaux pour atteindre une égalité effective permettront de définir une feuille de route ambitieuse et pour que nous puissions aller de l'avant.
Au centre du combat pour le vivre ensemble, il y a aussi la lutte contre les violences faites aux femmes, faites à ces 50% de l'humanité, qui trop souvent deviennent des cibles, deviennent des victimes. Trop de femmes, des centaines, des milliers chaque année, des milliers chaque année sur notre continent, meurent sous les coups de leur ex-conjoint ou de leur mari. La France est ici loin d'être irréprochable et je ne donnerai de leçon à personne. Mais je tiens à vous dire que nous ne pouvons pas parler de progrès, de valeurs, d'humanisme, de progressisme, et nous satisfaire de cette situation. Je crois que pour beaucoup de nos concitoyens, être progressiste ce sera se payer de mots si nous n'arrivons pas à ce que toutes les femmes en Europe se sentent en sécurité et vivent sereinement leur vie quotidienne. Sinon, nous aurons des slogans, nous aurons des discours, mais ce progrès auquel nous aspirons restera un concept.
C'est pourquoi nous menons activement, avec la Secrétaire général, avec toutes les organisations qui sont rattachées au Conseil de l'Europe, un effort pour faire ratifier et universaliser la Convention d'Istanbul. Je crois ici aussi qu'il nous faut dissiper les malentendus qui entourent ce texte. Certains, j'ai lu cela ce week-end, ont été jusqu'à attribuer la responsabilité d'un tremblement de terre en Turquie aux femmes et à la Convention d'Istanbul. Je vous assure que les plaques tectoniques ont bien peu à faire avec nos conventions et je peux vous dire que je suis, pour le coup, très fière que ce soit la Turquie qui ait été le premier pays à ratifier la Convention. C'est un sujet que j'évoque systématiquement avec mes homologues ministres. Je sais les difficultés politiques, juridiques qui freinent parfois les bonnes volontés dans chacun des pays qui n'ont pas encore ratifié. Cela suppose un vrai engagement, une vraie transparence sur la nature des faits que cette Convention cherche à éradiquer et cela suppose une vraie dynamique politique.
En tant que parlementaires, dans chacune de vos assemblées, vous êtes des aiguillons, vous êtes des hommes et des femmes, qui pouvez faire avancer vos systèmes politiques, vos opinions publiques. Alors, je crois que nous comptons tous ici sur vous, car 50% de notre continent en a bien besoin.
Je ne veux pas non plus oublier le droit des personnes LGBTI. La décision d'organiser un séminaire dédié à ce sujet se justifie pleinement, notamment au vu de nombreuses agressions et attaques homophobes qui se sont produites cet été dans plusieurs Etats membres, y compris d'ailleurs membres de l'Union européenne, et que nous condamnons ici sans aucune réserve. La France accorde la plus haute importance à cette question, car chacun de nous doit pouvoir vivre sans peur.
Je voulais enfin mentionner un projet qui me tient particulièrement à coeur, je vous en avais parlé en juin dernier, c'est la création d'un observatoire de l'enseignement de l'Histoire. Notre objectif, et je tiens ici à être très claire, n'est pas d'écrire un manuel d'histoire unique pour 47 pays. L'idée est plutôt que, de manière très pragmatique, en s'appuyant sur les réseaux existants et la Convention de 1954, nous puissions dresser un état des lieux neutre et permettre aux spécialistes de se parler et de travailler ensemble sur la façon dont notre passé est enseigné dans les écoles. Je crois que l'enjeu, si modeste soit-il mais si décisif en fait, est bien de former une génération de paix qui pourra prendre le relais pour porter notre projet humaniste collectif.
Le 26 novembre prochain, nous organisons une réunion de ministres de l'éducation à Paris au cours de laquelle j'espère que le principe de création de cet observatoire pourra être acté. Cela suppose qu'au moins 16 pays se déclarent volontaires. Je crois que le soutien de votre Assemblée à ce projet est essentiel et je me réjouis qu'une proposition de résolution soit déjà en circulation, une motion, qui puisse être étudiée par le bureau de votre Assemblée le 4 octobre prochain. Et j'espère que vous pourrez tous et toutes signer cette motion pour que nous puissions avancer.
Enfin, pour conclure, je crois qu'il nous faut adapter plus que jamais le Conseil de l'Europe aux défis posés par les nouvelles technologies. C'est pourquoi nous avons, à la suite de la présidence finlandaise de cette organisation, décidé de faire avancer à notre tour les travaux en matière de société de l'information, d'algorithmes et d'intelligence artificielle. Ce sera l'objet de la conférence des ministres de la justice qui se tiendra à Strasbourg en octobre. Ce sera également un des thèmes fondamentaux du Forum mondial de la démocratie qui se réunira sur les relations entre information et démocratie.
Ce sont des enjeux au coeur des préoccupations des citoyens européens qui tous ont un téléphone et regardent sur leur petite machine des choses leur parvenir, des informations, des faits. Sont-ils ciblés ? Sont-ils vrais ? Je crois qu'il y a là pour notre démocratie un énorme enjeu. Et nous devons être à la hauteur, pour devancer les évolutions technologiques. C'est une réflexion qui nous concerne tous, qui concerne également nos enfants et je tiens à vous redire combien je considère essentiel que votre Assemblée y soit pleinement associée.
Alors, parfois, il faut savoir parler de choses prosaïques après de grands discours. La France a pris la décision, pour faire avancer ces différents chantiers et jusqu'à la fin de notre présidence, en y mettant volonté, énergie, sérieux, mais aussi soutien matériel, et nous avons, il y a quelques minutes, pu annoncer devant cette Assemblée et après la Secrétaire générale que la France versera une contribution volontaire exceptionnelle de 900.000 euros pour que certains de ces projets que je vous ai évoqués puissent aller de l'avant. Cette contribution contribuera à soutenir l'activité de la Cour européenne des droits de l'Homme, des actions en faveur de la lutte contre les violences à l'égard des femmes, et financer le lancement de l'observatoire sur l'enseignement de l'Histoire.
Mesdames et Messieurs, 70 ans après sa création que nous fêterons demain, le Conseil de l'Europe peut être fier de son bilan. Et nous toutes et tous ici pouvons être fiers de cette action pour sans cesse défendre l'acquis qu'il représente, le chemin parcouru pour nos concitoyens, pour protéger effectivement leur dignité et leurs droits. Nous aurons l'occasion demain de commémorer l'importance de cet acquis en célébrant avec le président de la République française ce 70ème anniversaire. Ensemble, nous partageons la si noble mission de faire progresser les droits de 800 millions d'Européens. Je tiens à vous remercier encore une fois de l'humanité, de la responsabilité que vous avez démontrées. Je crois que nous faisons ainsi honneur à notre famille et à notre civilisation européenne. Merci de votre attention et je suis désormais à l'écoute de vos questions que je sais exigeantes et bienveillantes, au service des citoyens européens. Je vous remercie.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 octobre 2019