Interview de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, à France Bleu Hérault le 25 mars 2019, sur la prévention des inondations, la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l'étang de Thau.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Bleu

Texte intégral

VIVIAN CUGUILLERE
Avec nous en direct aujourd'hui François de RUGY, ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie qui vient participer aujourd'hui à Montpellier au lancement des Assises nationales des risques naturels, Guillaume ROULLAND.

GUILLAUME ROULLAND
Bonjour François de RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY, MINISTRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Bonjour.

GUILLAUME ROULLAND
Merci de nous accorder ces quelques minutes avant de prendre votre avion pour Montpellier, où vous venez parler de risques naturels de prévention aujourd'hui à l'occasion de ces Assises nationales. Alors François de RUGY, est-ce qu'avec le réchauffement climatique ce risque, il va falloir s'y habituer et pire même, est-ce qu'il est de plus en plus important ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Le risque lié au dérèglement climatique augmente. Ce sont les risques bien sûr de sécheresse en été. Ce sont les risques de pluies très violentes et on sait ce que c'est. Tout le monde a en mémoire ce qui s'est passé dans l'Aude en octobre dernier.

GUILLAUME ROULLAND
Oui, il y a six mois.

FRANÇOIS DE RUGY
Et ce qui s'est passé aussi il y a plus longtemps à Nîmes en 1988. On a beaucoup progressé et heureusement depuis ces périodes sur la prévention des inondations, les inondations violentes. C'est un des risques majeurs liés au dérèglement climatique. On sait que ça risque de devenir plus fréquent et plus violent.

GUILLAUME ROULLAND
Alors on le sait dans notre région, vous le rappelez, ce qui pose problème aussi très souvent, c'est la vulnérabilité, les zones inondables. On continue de construire là où on sait que ça peut faire mal en dépit du bon sens. Est-ce que d'abord vous, vous comptez lutter contre cela ? Et si oui, comment ?

FRANÇOIS DE RUGY
Il faut à la fois maîtriser l'urbanisme. C'est évident que la première des préventions, c'est la maîtrise de l'urbanisme. On ne peut pas non plus rendre inconstructibles toutes les zones qui sont potentiellement inondables car, on le sait, que ce soit à la fois dans l'Hérault mais aussi dans le Gard où par exemple dans le Var, sur la Côte d'Azur, on sait qu'il y a eu toujours l'urbanisation dans des zones où il y a des écoulements très forts, des ruissellements de pluie lorsqu'il y a des pluies d'orages, les pluies cévenoles comme on dit. C'est un phénomène ancien. Ce qu'il faut, c'est à la fois prendre des mesures d'alerte quand il y a des fortes pluies, des craintes de fortes pluies, des alertes météo. Il faut que les personnes puissent se mettre à l'abri, puissent se protéger. Parfois il suffit d'ailleurs de se mettre à l'étage de sa maison. Et puis parfois, il y a aussi des travaux à entreprendre et depuis maintenant des années et des années, heureusement, les collectivités locales, l'Etat se mobilisent, cofinancent ensemble des travaux d'aménagement qui permettent d'éviter ou en tout cas plutôt de limiter l'impact des crues sur les habitations ou sur les infrastructures.

GUILLAUME ROULLAND
François de RUGY, je reviens sur ces constructions. Est-ce que l'Etat a encore la main là-dessus ? Parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de maires qui accordent des permis de construire là où ils ne devraient pas le faire. Est-ce que l'Etat a encore son mot à dire aujourd'hui ? Est-ce qu'il peut peser sur les maires ?

FRANÇOIS DE RUGY
Bien sûr. Il y a des plans de prévention des risques qui sont élaborés sous la houlette des préfets et qui ont un certain nombre de conséquences pratiques et contraignantes. Mais vous savez, comme toujours, ce n'est jamais facile d'accepter la contrainte. Parfois il peut ne plus y avoir d'inondations pendant dix, quinze, vingt ans et on finit par oublier en quelque sorte, par minimiser le risque. Je me souviens de ce que m'a dit le maire d'une petite commune Villegailhenc dans l'Aude. Il m'a dit : « Je passe beaucoup de temps à expliquer pourquoi je dis non à des permis de construire » et ce n'est pas facile de dire non parce que souvent la population encore une fois oublie ce qui est le risque inondation.

GUILLAUME ROULLAND
François de RUGY, un mot du réchauffement, alors, il y a ces marches pour le climat régulièrement, pratiquement tous les week-ends, il y a cette Affaire du Siècle, c'est bien, il y a une prise de conscience citoyenne. En même temps, vendredi, on apprend que les cinq principaux groupes pétroliers et gaziers cotés en Bourse, dont le groupe TOTAL, ont, depuis la COP21, dépensé un milliard de dollars en lobbying et en relations publiques, pour étendre leurs opérations en matière d'énergie fossile. Il n'y a pas un problème quelque part, là, entre, d'un côté, le réveil citoyen, ce que vont faire les gouvernements et ce que font les grandes entreprises de l'énergie aujourd'hui encore ?

FRANÇOIS DE RUGY
Mais là aussi, c'est un bras de fer. Et ce bras de fer politique, nous le menons, vous savez, moi, je mets en oeuvre la fermeture de quatre centrales à charbon en France, chez nous, car si on veut entraîner d'autres pays, l'Allemagne, la Pologne et bien d'autres pays du monde à réduire l'utilisation du charbon dans la production d'électricité, qui est une catastrophe pour le climat, eh bien, il faut bien que nous le fassions aussi nous-mêmes, eh bien, ce n'est pas facile, il y a une centrale à Gardanne, il y a d'autres centrales d'autres régions de France, à chaque fois, les entreprises concernées, les salariés, bien sûr, parfois aussi les élus des territoires concernés résistent parce qu'ils préféreraient que les transformations se produisent ailleurs ou plus tard…

GUILLAUME ROULLAND
Mais c'est choquant quand même un milliard de dollars dépensé en lobbying par ces grandes entreprises, moralement, il y a un côté un peu choquant quand même ?

FRANÇOIS DE RUGY
C'est bien pour cela qu'il faut à la fois la pression citoyenne, qui est très utile parce qu'elle montre qu'il y a une mobilisation, qu'il y a une volonté des citoyens d'agir, de s'impliquer d'ailleurs personnellement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi bien sûr une pression, un bras-de-fer politique, et il faut que toutes ces manoeuvres qui peuvent exister pour essayer de repousser à plus tard le changement, eh bien, ces manoeuvres, il faut qu'elles puissent être dénoncées, à la fois par l'action citoyenne et par des actions politiques très fortes.

GUILLAUME ROULLAND
Un mot pour terminer, de l'étang de Thau, François de RUGY, puisque vous allez vous y rendre, je crois aujourd'hui, après Montpellier, pour y rencontrer les ostréiculteurs qui sont régulièrement confrontés à des problèmes de pollution, en lien d'ailleurs parfois, et on peut le dire, avec le réchauffement climatique. Là, on sait que les températures sont exceptionnellement douces, et on craint encore cette année des problèmes de pollution, qu'est-ce que vous allez leur dire aux ostréiculteurs de l'étang de Thau, aujourd'hui, François de RUGY ?

FRANÇOIS DE RUGY
J'ai souhaité rencontrer les professionnels ostréiculteurs conchyliculteurs, qui travaillent et qui vivent directement de l'étang de Thau, avec notamment le député Jean-François ELIAOU, parce que sur ces sujets-là, là aussi, il faut bien prendre la mesure de ce qui se passe. Et le dérèglement climatique est sans aucun doute un facteur aggravant, mais il y a aussi des pollutions…

GUILLAUME ROULLAND
Mais vous allez leur annoncer des mesures concrètes ou pas ?

FRANÇOIS DE RUGY
Nous sommes dans l'action avec les services de l'Etat, avec les collectivités locales pour réduire tous les apports de polluants vers l'étang de Thau. C'est ça l'objectif. Ça a été identifié depuis longtemps que, évidemment, s'il y a un mauvais traitement des eaux usées, évidemment, s'il y a des effluents polluants qui finissent dans l'étang de Thau, comme dans l'étang de Berre, d'ailleurs, à côté de Marseille, eh bien, cela contribue à le polluer, et donc à tuer d'autres activités économiques. Il faut être bien conscient que quand on dit faire marcher main dans la main économie et écologie, si on détruit l'environnement, on détruit aussi des activités économiques.

GUILLAUME ROULLAND
Merci François de RUGY. Bonne journée à vous.

FRANÇOIS DE RUGY
Merci.

GUILLAUME ROULLAND
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 mars 2019