Texte intégral
Agnès VIDAL
Discours de clôture du 4ème séminaire de l'AFDESRI
(Association pour les Femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation)
18-01-2019
Madame la Présidente, chère Sophie Béjean,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs d'universités, d'écoles et d'établissements de recherche,
Madame la Présidente de Campus France, chère Béatrice Khaiat,
Mesdames les rectrices, Messieurs les recteurs,
Mesdames et Messieurs les représentants du monde syndical et associatif,
Mesdames et Messieurs les agents du MESRI, chère Brigitte Plateau,
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour clôturer le 4ème séminaire annuel de l'AFDESRI et je me réjouis qu'il se tienne une nouvelle fois dans les murs de ce ministère. Je m'en félicite car votre association me paraît essentielle au sein de nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche et notre réunion dans cet amphithéâtre emblématique est aussi là pour en témoigner.
Le travail de l'AFDESRI me semble essentiel car, de toute évidence, la parité n'est pas acquise. Même si nous pouvons apprécier que je sois « numéro une », pour reprendre l'intitulé de votre conférence, cela n'est en rien représentatif des opportunités dont nous bénéficions, en tant que femmes, dans l'enseignement supérieur et la recherche en France.
Votre engagement pour promouvoir l'accès des femmes à des fonctions à responsabilités est donc crucial et cela à plus d'un titre. Il l'est au nom de l'égalité, évidemment, mais aussi au nom du bien-être et du développement professionnel de chacune d'entre nous. Il l'est, enfin, au nom de l'exemplarité que nous devons incarner. Je crois effectivement que la charge d'enseigner ou de diriger des universités et des écoles nous confère un devoir d'exemplarité particulier. Nos étudiantes et nos étudiants sont de jeunes citoyens auxquels nous devons des exemples d'égalité concrète et des représentations positives. C'est aussi à travers eux que le pays pourra évoluer vers plus de justice. Nos établissements doivent donc refléter nos ambitions en étant des lieux ouverts et respectueux des différences, mais aussi des lieux d'opportunités pour toutes les femmes qui le souhaitent.
* De nouvelles représentations au service de l'égalité
Comme Caille Froidevaux-Metterie nous l'a rappelé ce matin, les sciences humaines et sociales ont une fonction particulière pour nommer les inégalités, les quantifier et nous permettre de les combattre. Elles éveillent les consciences et participent à renouveler nos représentations collectives. Notre devoir d'exemplarité, au sein de l'enseignement supérieur et vis-à-vis des étudiantes et des étudiants, relève aussi de cette nécessité de faire évoluer les représentations. Je crois d'ailleurs que ces questions étaient au coeur de l'intervention de Tonie Marshall et Véronique Zerdoun sur « Les femmes de pouvoir au cinéma » et je vous remercie de la projection que vous avez organisée hier à l'ENS. Je pense que nous ne pouvons envisager d'agir pour l'égalité sans recourir aux sciences humaines et sociales et aux arts dans leur ensemble. Bien souvent ce sont eux qui nous ouvrent les yeux et bousculent nos idées reçues.
* Les actions concrètes de l'AFDESRI
Pour autant, et c'est aussi la raison pour laquelle je me retrouve tant dans les actions de l'AFDESRI, nous ne pouvons pas simplement compter sur le changement des mentalités pour voir des améliorations concrètes et rapides. Les regards changent aussi avec les structures de notre société et celles qui les dirigent. La lutte pour l'égalité femmes–hommes appelle ainsi des actions très concrètes et l'AFDRESI en est une actrice privilégiée dans l'enseignement supérieur et la recherche.
Vos actions de formation et de partage d'expériences sont effectivement porteuses de grands espoirs, tout comme votre nouveau partenariat entre la CPU et la fondation L'Oréal pour former 15 femmes à la prise de hautes responsabilités. Le système de marrainage que vous lancez cette année me semble également particulièrement efficace pour inciter des femmes à se positionner à des postes stratégiques. Il incitera les participantes à agir à court-terme tout en changeant profondément leurs représentations du monde professionnel au contact de leur marraine.
Aujourd'hui encore, vous avez conduit des tables-rondes aux ambitions très tangibles pour soutenir l'accès, l'élection ou la nomination de femmes à des postes à responsabilités et je ne manquerai pas de consulter les conclusions de vos échanges avec la plus vive attention. Par le passé, ces travaux ont déjà été source de propositions à même de changer la donne dans l'enseignement supérieur et la recherche et je sais que vous avez rencontré mon collègue Olivier Dussopt en charge de la fonction publique à cet effet en mars dernier. Au-delà de nos établissement d'enseignement supérieur et de recherche, les inégalités entre les femmes et les hommes concernent évidemment toute la fonction publique et je me félicite que l'AFDESRI s'investisse dans le réseau des associations de femmes des ministères, notamment l'association « Administration Moderne » dont je salue la présidente Nathalie Pilhes.
Outre ce combat pour l'égalité qui nous anime toutes, je voudrais aussi dire, en ma qualité d'ancienne présidente d'université et compte tenu des fonctions managériales que j'y occupais, que la France et nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche réussiront toujours moins bien en se privant de la moitié des talents disponibles sur notre territoire. A l'exigence d'égalité pour combattre l'injustice, j'ajouterais donc celles du bon sens et de l'intérêt général.
A la fin de l'année dernière encore, les femmes hospitalo-universitaires qui veillent chaque jour sur notre santé ont rappelé que tous les secteurs de la société étaient concernés par les difficultés d'accès aux postes à responsabilités pour les femmes. Car ne nous y trompons pas, la féminisation de la profession médicale ne conduit pas mécaniquement à la parité parmi les chefs de services, les chefs de pôles ou les doyens. Nous devons donc réfléchir collectivement aux mesures qui participeront à remédier à cette situation inacceptable. Même dans ce monde parfois clos de la médecine, le statu quo n'est plus toléré et je crois que c'est une excellente nouvelle. Les associations d'étudiants et d'internes rapportent désormais des situations de sexisme ordinaire ou de harcèlement caractérisé saisissantes et il nous faut nous mobiliser pour que l'intranquillité change de camp.
* Une mobilisation nationale
Ce processus me semble déjà amorcé et vous avez vu comme moi à quel point la parole des femmes s'est libérée en 2018. Je m'en réjouis et l'AFDESRI peut s'enorgueillir d'avoir participé à une certaine avant-garde de cette libération de la parole dans le milieu socio-professionnel qui est le nôtre.
Comme de nombreux témoignages de victimes l'ont montré en 2018, les universités, les écoles et les établissements de recherche ne sont évidemment pas épargnés par les inégalités, voire les violences sexistes et sexuelles. Avec le soutien du Président de la République, qui a fait de l'égalité femmes–hommes une des grandes causes nationales de son quinquennat, j'ai donc souhaité agir rapidement et avec fermeté. En mars dernier, je lançais la campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles à l'Université » pour prévenir et traiter ces violences dans nos établissements. Moins d'un an plus tard, je me félicite du travail accompli, notamment grâce à l'engagement remarquable des chargés de mission et des référents égalité. Plus de 95 % de nos établissements sont désormais dotés d'une cellule d'accueil et d'écoute des victimes et cela sans injonction ou règlement émis par le ministère. Je crois qu'il y a une prise de conscience nationale et historique sur ces questions et nous devons nous en féliciter.
* La mobilisation du MESRI
Vous le savez, l'égalité femmes–hommes a toutefois plusieurs visages, de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles que je viens d'évoquer à celle pour l'égalité salariale. La possibilité pour les femmes d'accéder à des postes à responsabilités, qui est au coeur de la mobilisation de l'AFDESRI, est un des visages de l'égalité et le Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation tâche également d'y répondre en interne.
En juillet dernier, les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur se sont notamment accordés sur un plan d'action 2018-2022 en faveur de l'égalité, notamment en termes de gestion des ressources humaines, et je salue à ce titre le travail d'Edouard Geffray en charge des questions d'égalité dans notre établissement.
En septembre dernier, j'avais également rencontré l'AFDESRI et nous avions évoqué les modalités de mise en place d'un dispositif « Sauvadet 2 » pour la nomination aux fonctions de haut encadrement de la fonction publique. Depuis 2013, le « dispositif Sauvadet » a permis une hausse constante de la part de femmes dans les primo-nominations à des emplois à responsabilités, mais il nous faut aller plus loin aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, en octobre dernier, après notre échange, j'ai pris des mesures pour la reconnaissance de l'engagement pédagogique des enseignants-chercheurs en soutenant la mise en place de CRCT, des congés pour recherches ou conversions thématiques, au retour d'un congé maternité ou parental.
Je vous suis donc particulièrement reconnaissante, en tant que femme dans cette communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi en tant que ministre qui s'attache à promouvoir l'égalité et qui bénéficie de votre expertise, de vos conseils et de vos appels à la vigilance.
Pour toutes ces raisons et pour votre engagement constant depuis votre fondation, je renouvellerai avec joie votre subvention pour les trois prochaines années et je vous propose, chère Sophie Béjean, que nous signons une nouvelle convention dans les prochaines semaines, voire le 8 mars pour la Journée internationales des droits des femmes.
Comme je le disais, je souhaite que nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche puissent être exemplaires et pionniers sur les questions d'égalités femmes–hommes et cela commence par des politiques internes volontaristes que je ne saurais mener sans votre concours. Je nous souhaite donc une année 2019 fructueuse et je vous remercie chaleureusement pour votre engagement au service de l'égalité.
Merci à toutes et à tous.
Source http://afdesri.fr, le 28 mars 2019