Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous, vous êtes secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, on va bien sûr parler de vos dossiers, de l'Europe, de la campagne des européennes, mais revenons sur ce qui s'est passé le 1er mai, intrusion de dizaines de manifestants dans l'enceinte de l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, le soir même voilà ce que Christophe CASTANER a déclaré.
CHRISTOPHE CASTANER, MINISTRE DE L'INTERIEUR
Des gens ont attaqué un hôpital, nos forces de l'ordre sont immédiatement intervenues pour, au fond, sauver le service de réanimation.
APOLLINE DE MALHERBE
On a attaqué un hôpital, on a agressé des soignants, c'était faux ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est certain c'est que, moi j'ai vu des images, et on a surtout entendu des équipes médicales terrorisées. C'est des gens dont le métier est de sauver des vies, de s'occuper de gens qui sont entre la vie et la mort dans des services de réanimation, est-ce que vous pensez que c'est normal qu'ils passent une bonne partie de leur temps à tenir une porte contre des gens qui veulent s'introduire dans les lieux ? Après, la justice définira, est-ce que c'est une attaque, une intrusion, une intrusion violente, là on est dans l'étymologie. moi ce que j'ai vu c'est qu'il y a une directrice d'hôpital, Martin HIRSCH, des équipes d'urgentistes, des gens qui sont, dont le métier est de protéger des vies, et qui pendant un temps donné, au lieu de s'occuper de ce qui est leur mission, ont dû tenir des portes, s'occuper des serrures, vérifier qu'il n'y avait pas des personnes qui n'avaient rien à faire qui étaient là, ça c'est grave. Que dans notre pays on puisse dire que, quand vous avez une aide-soignante, une infirmière, derrière une porte, et vous vous dites que vous voulez quand même rentrer, eh bien ce n'est pas dans l'ordre des choses.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il s'est quand même un peu emballé le ministre de l'Intérieur ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Sur le moment vous avez une directrice d'hôpital qui appelle et qui dit « il y a une intrusion », vous avez des images où des grilles sont fracturées, donc après, si c'est le mot attaque ou intrusion sur lequel il faut qu'on disserte, vous savez, moi je ne suis pas là pour ça ce matin, je suis là pour que les Français, quand ils vont à l'hôpital, quand ils ont des proches à l'hôpital, ils sachent qu'ils sont en sécurité, et que collectivement, eh bien il y a des règles, il y a des principes, et on ne s'introduit pas dans un lieu où on sauve des vies.
APOLLINE DE MALHERBE
On a Bruno RETAILLEAU, des Républicains, qui dit que Christophe CASTANER met de l'huile sur le feu, on a la France insoumise qui non seulement l'appelle à la démission, mais l'accuse de mensonge et de manipulation de l'opinion.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ecoutez, là c'est un registre de mots qui ne correspondent pas au débat public. Aujourd'hui les Français ils veulent qu'on leur parle de pouvoir d'achat, ils veulent qu'on leur parle de leurs enfants qui vont à l'école, ils veulent qu'on leur parle de leur retraite, ils veulent qu'on leur parle de l'Europe, ils veulent qu'on leur parle de comment on les protège, et comment on donne une vision à notre pays pour que ça redevienne un pays qui fonctionne, qui est un pays conquérant, qui est un pays qui crée des emplois. Donc, toutes ces polémiques, vous savez, je ne pense pas que ça intéresse finalement autant que ça les Français de savoir ce que les uns et les autres disent comme petites phrases, pour essayer, comme d'habitude, de faire monter en mayonnaise des sujets qui n'intéressent pas les Français dans leur quotidien. Il y a des forces de l'ordre, il y a un ministère de l'Intérieur, il y a les procédures de maintien de l'ordre, c'est ça qui est important, et puis le reste je pense qu'objectivement ça restera l'écume de l'Histoire.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, Amélie de MONTCHALIN, au-delà des mots qui ont été utilisés, sur les faits, est-ce que vous, vous estimez, est-ce que, au gouvernement, vous avez le sentiment que le 1er mai c'était un succès ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est ni un succès, ni un échec, il y a des principes, et d'abord le principe qui est le droit de manifester, et notre République, les forces de l'ordre, les services d'ordre des syndicats, sont là pour assurer le droit de manifester. Ensuite vous avez des gens qui manifestement, depuis quelques semaines, n'ont une envie, c'est de caillasser et de tabasser des forces de l'ordre, que ces gens-là on les arrête, on les maîtrise et on évite que justement ils puissent poursuivre leur oeuvre de destruction, c'est normal. C'est ni un succès, ni un échec. Ça fait plus d'un siècle que le 1er mai il y a des manifestations syndicales, très bien, il faut qu'elles puissent se poursuivre, c'est une partie d'ailleurs peut-être même de notre identité, mais normalement elles se passent dans le calme. Le 1er mai 2018 on a vu, on s'en souvient, des centaines de Black blocs défoncer Paris, aujourd'hui ça ne s'est passé, maintenant je ne sais pas si c'est un succès ou un échec, ce qui est certain c'est que les forces de l'ordre ont fait leur métier, elles ont été bien dirigées, il y a eu effectivement, la casse qui nous était prévue ou annoncée par certains qui voulaient mettre le bazar n'a pas eu lieu, c'est ça que je vois, et je pense qu'il faut qu'on reste tous très très calme. On n'est pas là pour faire des polémiques tous les matins…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais très très calme, justement, est-ce que ce n'est pas refuser la précipitation, est-ce que ce n'est pas ça qu'aurait dû entendre, comme vous dites, une sorte de calme, un appel au calme, de la part du ministre de l'Intérieur, est-ce que ce n'est pas précisément le problème ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Le ministre de l'Intérieur il vient parce qu'il y a une directrice d'hôpital, des équipes, et la ministre de la Santé se rend aussi sur place, parce que les gens ont eu peur, et je pense que c'est normal que le ministre de l'intérieur, qui doit faire respecter l'ordre public, se rende dans des lieux publics où des équipes, je vous rappelle, des aides-soignants, des infirmières, des réanimateurs, des anesthésistes, ont eu peur, ça, c'est ça qu'on retient, et ensuite la justice fera son travail, et je pense qu'on a plein d'autres sujets à couvrir.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur la question, quand même, qui couve depuis des mois maintenant, de ces violences à répétition, qui effectivement se sont encore manifestées le 1er mai, alors certes on a monté le nombre de policiers, là on est au plafond, du coup on a repris, en quelque sorte, l'avantage, mais est-ce que ça veut dire que ce n'est qu'un avantage numéraire, est-ce que ça veut dire que le jour où les Black blocs seront plus nombreux, eh bien dans ces cas-là on n'aura plus rien à faire, on n'aura plus rien à mettre en face ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il faut que la République soit toujours forte contre ceux qui veulent la menacer.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais il y a un moment où on est quand même au plafond, là. On est au plafond des forces de l'ordre.
AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien, le plafond des forces de l'ordre, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'effectivement il faut que ce mouvement, notamment qui s'appuie sur la violence, puisse cesser.
APOLLINE DE MALHERBE
Il suffit qu'ils soient plus nombreux en face pour qu'ils gagnent.
AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien, ce genre de stratégie, c'est le préfet de police, c'est le ministère de l'Intérieur, c'est la mobilisation, c'est de l'organisation, c'est de la stratégie, c'est pour ça qu'on a des forces très mobiles, c'est pour ça qu'on a changé de doctrine, c'est pour ça qu'il faut que la République soit forte, parce que, je le rappelle, les Français, ils ne veulent pas qu'il y ait un gouvernement qui passe ses semaines, et ses week-ends, et ses samedis, à s'occuper du maintien de l'ordre parce qu'on a des centaines d'excités qui viennent se dire qu'ils vont caillasser les vitrines et taper les forces de l'ordre. Notre pays, il s'honore à faire des grandes choses, il s'honore à s'occuper des Français dans leur vie quotidienne. Je vous rappelle, l'emploi, l'éducation, ce qu'on va faire sur le patrimoine, gérer et reconstruire Notre-Dame, c'est des sujets qui mobilisent et qui unissent, et moi je pense qu'il faut que dans notre pays, on soit capable collectivement de mobiliser, d'unir, et surtout de travailler, pour que notre pays redevienne conquérant, redevienne un pays où on a envie de vivre.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous arrivez à mobiliser ? vous avez pris la succession de Nathalie LOISEAU au ministère des Affaires européennes, Nathalie LOISEAU qui a donc pris la tête de la campagne des européennes pour la liste En Marche, et les courbes se croisent depuis quelques jours, plusieurs instituts de sondages montrent que ce serait le Rassemblement national qui, si l'élection avait lieu aujourd'hui, sans doute l'emporterait, prendrait la première place, devant la liste En Marche. Est-ce que ça vous inquiète ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, ce qui est sûr, c'est que, on part d'une situation qui inquiétante, qui est que depuis des années la première délégation au Parlement européen c'était le Front national, c'était 24 députés qui n'ont rien fait pour l'Europe, ils se sont opposés à tout…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais visiblement vous n'allez pas vraiment réussir à changer…
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc, ce qu'on est en train de faire… alors, on l'a changée, depuis 18 mois le président a fait voter, grâce à sa mobilisation, grâce à un travail d'union des pays de la Commission, de tous les acteurs, des choses très concrètes, on a voté des choses sur le travail détaché, on a voté l'Autorité européenne du travail pour contrôler, on a voté des choses sur le droit d'auteur, on a voté des choses sur les frontières avec Frontex, qui va pouvoir avoir 10.000 gardes-côtes, donc on a fait beaucoup de choses, maintenant il faut que la France regagne de l'influence pour aller plus loin et pour que, un certain nombre de propositions, qui font d'ailleurs consensus parfois en Europe, puissent aller jusqu'au terme.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais précisément, pour pouvoir gagner cette influence, si vous vous retrouvez battus par le Front national, par le Rassemblement national…
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais c'est pour ça qu'on mène campagne.
APOLLINE DE MALHERBE
Votre influence sera quand même nettement moindre !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, attendez, les sondages, à trois semaines d'une élection, qu'on sait qui est une élection qui, en général, se joue sur un temps court, il faut les regarder, il ne faut pas être obsédé. La campagne qu'on mène c'est une campagne de terrain, parce qu'on a une liste…
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que, pardon, mais le président de la République lui-même a l'air de les regarder attentivement, puisqu'il vous a tous un peu mis la pression en disant « on ne peut pas se permettre de les perdre », ça veut dire qu'il trouve que ce scénario il est crédible.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais, une élection n'est jamais gagnée d'avance, et deuxièmement, si on est aussi tous conscients de ce que l'Europe fait de chacune des actions ministérielles, l'Europe c'est une partie de notre santé, c'est une partie de notre mobilité, c'est une partie de notre protection sociale, tout ça se joue… le changement climatique ce n'est pas entre les frontières de la France qu'on va trouver une solution, donc évidemment qu'il faut qu'on se mobilise.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais là vous me parlez de l'Europe, je comprends parfaitement, mais la liste Rassemblement national…
AMELIE DE MONTCHALIN
Sur la campagne, mais on va parler de la campagne.
APOLLINE DE MALHERBE
Le choix de Nathalie LOISEAU, est-ce que vous ne vous dites pas bon ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi ce que je vois c'est que, voilà, nous on a mis sur notre liste 79 personnes, les 30 premiers ils ont des compétences, ils sont dans la vie réelle. Je vais à Reims demain, avec Jérémy DECERLE qui est le président…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous impliquez dans la campagne !
AMELIE DE MONTCHALIN
Des jeunes agriculteurs, vous avez des gens qui ont été médecin, vous avez des gens qui ont été, qui ont eu toutes sortes de métiers, qui sont implantés, qui croient en l'Europe, parce qu'elle a une…
APOLLINE DE MALHERBE
Nathalie LOISEAU, pour l'instant, il n'y a pas grand chose qui se passe autour d'elle quand même, vous êtes bien d'accord ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On a fait 100 réunions en France en 1 mois…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'en parlez pas ?
AMELIE DE MONTCHALIN
De quoi ?
APOLLINE DE MALHERBE
Nathalie LOISEAU, le choix.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais Nathalie LOISEAU, bien sûr que c'est la personne la plus compétente, qui était au gouvernement, qui a mené, depuis 18 mois, toutes les avancées dont je vous parle, qui a été chercher les alliances, qui a été unir les pays, qui a été faire en sorte que, sur des sujets concrets, on passe du discours à la réalité, et que dans quelques semaines, sur les droits d'auteur, on va pouvoir transposer dans notre pays le fait qu'on protège, dans notre pays, oui, les artistes et la création artistique, et on le fait partout en Europe.
APOLLINE DE MALHERBE
C'était le bon choix, pour vous il n'y a aucun doute, vous n'avez pas…
AMELIE DE MONTCHALIN
Nathalie LOISEAU c'est la plus compétente, c'est celle qui pourra faire en sorte qu'on ait de l'influence.
AMELIE DE MONTCHALIN
Pourquoi on fait une campagne européenne, pas juste pour se dire « on a gagné », on fait cette campagne parce qu'on veut dans quelques semaines pouvoir dire que la France a nouveau a de l'influence, qu'elle a de la crédibilité, qu'on envoie au Parlement européen autre chose que des députés qui sont contre tout ; ou des députés qui sont recyclage politique parce que le Parlement européen, c'est la destination d'exil préférée de tous les autres partis politiques…
APOLLINE DE MALHERBE
On veut, on veut, on veut mais est-ce qu'on y arrive ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On fait, on fait, on fait, 100 réunions ont eu lieu en un mois, 50.000 personnes ont été vues en porte-à-porte depuis le lancement de la campagne, des réunions ont lieu partout. Ce n'est pas du tout la même campagne que les têtes de liste qui font les plateaux télé, on a dans notre liste 30 personnes qui ont des compétences, qui viennent de régions différentes, qui sont sur tout le territoire et qui font une campagne de terrain, qui parlent de l'Europe du concret, qui parlent de l'Europe du quotidien. Alors bien sûr, quand je vois que la campagne du FN, elle est faite par Marine LE PEN qui est la dernière de la liste, Marine LE PEN ne sera jamais au Parlement européen. Je préfère qu'on voie des candidats qui siégeront, qui auront des vraies missions, Pascal CANFIN…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si ça ne marche pas !
AMELIE DE MONTCHALIN
Dominique RIQUET, tous ces gens-là…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si ça ne marche pas !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ça va marcher, ça va marcher parce qu'on va se battre, parce qu'on va expliquer que… c'est quoi le choix ? Soit on se dit qu'on fait avancer l'Europe et c'est ce qu'on propose, d'ailleurs le président – vous le remarquerez – a reçu du soutien de gens de droite et de gauche partout en Europe, de pays qui ne sont pas connus par les Français comme étant partie gagnante aux alliés. On a ce projet, cette lettre aux citoyens, ce discours à la Sorbonne, des choses concrètes qui ont été faites ; on veut aller plus loin. Et on sait que face à la Chine et face aux Etats-Unis, il faut qu'on ait une Europe dans, la défense par exemple, qu'on ait une Europe forte pour se protéger du terrorisme. Et puis à côté vous avez une vision qui est celle notamment du FN, qui est de dire : chers amis vous savez quoi, l'Europe ça ne marche pas, donc ce qu'on va faire c'est que ça marche encore moins bien. Je ne suis pas sûre que les Français soient dupes. Et puis après vous avez aussi les romantiques, vous avez les LR qui vous parlent d'un monde qui n'a jamais existé, mais qui était formidable et auquel on voudrait revenir.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un romantique François-Xavier BELLAMY ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ah ! Je peux vous dire que j'adore lire ses tribunes dans Le Figaro, c'est romantique, c'est une vie passéiste, on nous parle d'un monde qui n'a jamais existé et on se dit que surtout ce qu'il faut, c'est le transmettre. Moi ce que je veux c'est construire, c'est parler de la vie concrète des gens…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais Amélie DE MONTCHALIN vous-même, vous auriez pu être tentée il y a quelques années de voter pour quelqu'un du profil de François-Xavier BELLAMY, c'était plutôt votre famille politique au départ !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais alors c'est très intéressant, ça a été ma famille politique à un donné. Aujourd'hui quand je lis les tribunes et les prises opposition de François-Xavier BELLAMY, mais il parle de qui, il parle de quoi, du social, de la vie quotidienne des gens ? Non, il vous parle d'un monde rêvé qui n'existe plus, il vous parle d'une Europe qui n'a jamais existé…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est une utopie de la droite de François-Xavier BELLAMY !
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est des conservateurs, on a le droit d'être conservateur, mais dans ce cas-là on ne dit pas qu'on va au Parlement européen pour changer les choses. Ils ne vont rien changer du tout, ils ne veulent rien changer. Le PPE avait… ils sont alliés, c'est eux qui nous expliquent qu'ils ne veulent plus du siège à Strasbourg, c'est eux qui nous expliquent qu'il faudrait faire des choses…
APOLLINE DE MALHERBE
François-Xavier BELLAMY a dit que tout ça évidemment, il était spécialement contre et qu'en plus, la France ne l'acceptant pas il faut une majorité absolue, ça ne passerait pas !
AMELIE DE MONTCHALIN
D'accord mais moi, j'aimerais les entendre et les voir aller négocier avec les Allemands, parce que moi le travail que je fais depuis un mois, c'est d'aller à Strasbourg expliquer qu'on a besoin du siège à Strasbourg, pas parce que c'est joli, pas parce qu'un certains vous disent que ça coûte plus cher, on en a besoin parce qu'historiquement ça a un sens, parce que politiquement ça a un sens d'avoir une Europe décentralisée. Tout n'est pas à Bruxelles, on ne croit pas à une Europe fédérale, on ne veut pas que tous concentre comme à Washington aux Etats-Unis et qu'on se dise : l'Europe…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est drôle parce que cette défense de Strasbourg, on se demande si ce n'est pas l'inverse de ce que vous prônez, c'est-à-dire une forme presque un peu de patriotisme ou de nationalisme !
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais attendez ! L'autorité…
APOLLINE DE MALHERBE
Cette façon de défendre notre pays, est-ce que ce n'est pas à l'inverse de l'Europe que vous proposez ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'Autorité européenne de la pêche, c'est une bonne idée qu'elle soit à Vigo, l'Autorité… vous des autorités dans tous les pays, j'étais à La Haye, vous avez Eurojust et Europol, pourquoi on a cette vision-là ? Parce qu'on se dit : l'Europe, elle doit être proche des citoyens, on n'a pas envie d'être une Europe fédérale claquemurée entre des murs à Bruxelles et qui dirige depuis Bruxelles la ville 500 millions d'habitants. On a cette vision de décentraliser, le fait que l'Europe soit proche des citoyens. Strasbourg c'est un de ces lieu-là et vous regarderez que souvent, là où l'Europe se positionne c'est aussi parce qu'il y a un sens historique. Et je pense qu'il ne faut pas qu'on oublie ça, il ne faut pas qu'on oublie notre histoire mais il faut qu'on soit volontaire, qu'on soit conquérant, qu'on ait envie de faire des choses. Quand j'entends François-Xavier BELLAMY nous dire que lui, il ne croit pas au progrès, il croit à la transmission, mais est-ce que le monde qu'on à transmettre à nos enfants, c'est celui qu'on observe aujourd'hui et dont on constate tous les jours qu'il y a quand même des choses à changer. Donc ce que j'ai envie de faire dans cette campagne, c'est d'abord donner envie d'Europe. L'Europe c'est un projet qui est motivant…
APOLLINE DE MALHERBE
Pour l'instant, vous ne pouvez pas dire que ça marche, il y a d'ailleurs au-delà même de la question de la baisse de Nathalie LOISEAU dans les sondages, il y a également le fait qu'il n'y a pas d'engouement pour cette campagne européenne, il n'y a une envie d'aller voter incroyable !
AMELIE DE MONTCHALIN
Je peux vous dire que les jeunes qui participent à Erasmus, ils ont envie d'Europe, les apprentis à qui on va permettre de faire justement aussi un échange Erasmus, pour que ce ne soit pas qu'une question vous savez les étudiants des meilleures universités, ils ont envie d'Europe. Quand on fait un corps européen solidarité, où on envoie des jeunes sur les chantiers humanitaires, sociaux, qu'on va leur permettre d'aller sur le chantier du patrimoine, on crée une Europe qui est celle que ma génération a envie de construire, pour que mes enfants vivent dans un continent qui soit à la fois apaisé, un continent où on se connaisse et surtout un continent qui soit celui qui révèle nos choix climatiques, nos choix économiques, nos choix sociaux. Quand on propose un SMIC au niveau européen, ce n'est pas pour baisser le SMIC en France, c'est pour dire qu'on voudrait qu'en Europe toute personne qui travaille soit sortie de la pauvreté. Ca c'est un principe…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais vous êtes bien d'accord que la question, ça sera quand même celle du niveau du SMIC !
AMELIE DE MONTCHALIN
Ensuite chaque pays, ce qu'on a proposé c'est que chaque pays définisse le SMIC comme étant au moins 50 % du salaire médian. Ca veut dire quoi, ça veut dire que quand vous êtes payé au SMIC, vous êtes presque sorti de la pauvreté ou en tout cas, vous n'êtes pas à un salaire qui est un salaire symbolique, mais vous êtes au-dessus de la ligne de pauvreté. Ca c'est des choses très concrètes pour que quand on se dit Européen, on ait des valeurs communes mais pas des valeurs dans les discours, des valeurs qui se voient dans la vie concrète.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans ce qui est concret, il y a cette idée que l'Europe devrait aussi s'occuper de notre patrimoine. A la suite de l'incendie de Notre-Dame, vous allez recevoir aujourd'hui même les ministres des Affaires européennes des 28, pour leur proposer un mécanisme de coopération pour le patrimoine. C'est quoi ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait ce qu'on s'est dit, c'est qu'on a reçu énormément de messages d'amitié des Européens Après Notre-Dame, qui nous ont dit : au fond ce bâtiment, c'est une part aussi notre identité, c'est une part essentielle de l'identité française, mais aussi c'est une part de notre histoire, de notre culture, nous Européens. Donc avec Franck RIESTER, on reçoit les ministres de la Culture, les ministres des Affaires européennes et ce qu'on se dit aujourd'hui c'est 3 choses. Quand il y a une situation d'urgence, comment on partage nos expertises ; comment les spécialistes des incendies d'ailleurs en Europe peuvent venir nous aider quand il y a une urgence…
APOLLINE DE MALHERBE
L'histoire des cathédrales d'ailleurs effectivement à l'époque même, elle traversait les frontières.
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, il y en a partout et on a vu, il y a eu des tremblements de terre, il y a eu des incendies, bref ! Comment on partage nos experts. Deuxième enjeu c'est la jeunesse, le patrimoine c'est un formidable outil de formation de la jeunesse et un formidable outil d'échange. Et donc on aimerait qu'il y ait des Européens, des jeunes européens qui viennent sur le chantier de Notre-Dame, on aimerait qu'il y ait des jeunes français qui aillent rénover… je ne sais pas, le centre ville de Riga, qui aillent en Roumanie où il a des choses magnifiques et qui sont en train d'être reconstruites…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce serait une sorte d'Erasmus de chantiers du patrimoine ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. Donc c'est le corps européen de solidarité, aujourd'hui existe, on aimerait l'étendre au patrimoine. Et puis la troisième chose, c'est qu'il y a des lieux qui sont symboliques, qui sont connues de tous les Européens. Pompéi par exemple, si on se dit qu'à Pompéi il y a des travaux de prévention, de maintenance ou de restauration à faire, peut-être que l'Europe peut mettre des moyens, mettre des moyens en commun, parce qu'on se dit que se joue là une partie de notre identité. Et ça oui, c'est notre méthode, c'est concret, on parle de l'avenir, on parle de l'avenir pas avec des discours, pas avec des choses vous voyez que je peux vous expliquer de manière… qui concernent la vie des gens et qui nous montrent que si on s'unit, si on met en commun des choses qui nous rassemblent, on peut faire avancer l'Europe.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils sont d'accord les Européens ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr qu'ils sont d'accord.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez déjà j'imagine commencé les discussions, même si vous les formaliserez tout à l'heure ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On va échanger avec des associations, l'association « Rempart » par exemple qui, avec Gabriel ATTAL, travaille à faire venir les jeunes sur les chantiers de patrimoine, ça marche déjà. On a des super résultats et donc on voudrait… là c'est un bon exemple qu'on voudrait étendre. On va aussi parler donc de cet échange d'expertise, la Commission européenne y réfléchit et ce qu'on veut c'est le faire. Donc les Européens qui viennent sont très enthousiastes, et ils sont aussi très contents qu'on leur propose de faire d'un événement de Notre-Dame quelque chose qui est pérenne, qui profite à tous les pays. Ce n'est pas juste « venez nous aider nous Français », mais c'est aussi comment cet événement peut nous dire des choses sur l'Europe et comment on peut faire avancer le sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Emmanuel MACRON, il est quand même assez seul en Europe.
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez moi, je ne crois pas, j'étais aux Pays-Bas…
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais il n'y a pas à croire ou ne pas croire, quand on voit par exemple sur le Brexit, quand il a demandé à ce qu'on arrête de redonner toujours plus de temps aux Anglais, il n'a pas pu être suivi.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je vais vous dire quelque chose, quand l'Allemagne dit non et qu'elle dit non toute seule, on dit qu'elle est forte ; quand la France pose principes et que parfois elle dit non, on dit qu'elle est isolée, ce n'est pas normal. Vous savez sur le sujet du Brexit, tout le monde était très clair sur l'objectif, il faut que les Anglais règlent cette question eux-mêmes, ce n'est pas à l'Europe de régler cette question. Ensuite tactiquement, certains disaient « il faut leur donner du temps », certains disaient « il faut leur donner moins de temps ». Mais au fond on est tous d'accord, ce n'est pas le sujet de l'Europe, ce n'est pas aux Européens décider dans salle est-ce qu'on veut ou pas des Britanniques, ce n'est pas ça le sujet. C'est comment on dit aux Britanniques : vous avez fait un vote démocratique, vous avez un Parlement, vous avez une Première ministre, trouvez une solution qui soit la vôtre et nous Européens, on sera clair. Mais on a une condition, c'est que cette question elle nous a pris trop de temps et elle nous a détournés de ce pourquoi on est là. Les citoyens européens ont le droit de nous demander de s'occuper d'eux et pas s'occuper du Brexit pour là encore 24, 36 40 mois…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il y a un moment où les Anglais, il faut qu'ils se débrouillent tout seuls.
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc il y a un moment donné où on leur redonne le ballon : c'est un sujet que vous avez amené et c'est à vous le résoudre. On est là, on n'est pas ni méchant, ni gentil, c'est d'ailleurs une question qui ne se pose pas dans ces termes, c'est votre sujet et nous les Européens, on doit avancer, on doit définir quelles sont nos priorités pour les 5 ans qui viennent, on doit définir ce qu'on propose au Parlement européen quand il rouvrira le 2 juillet. Donc notre objectif, il était partagé avec l'Allemagne. Mais vous savez, j'étais aux Pays-Bas, mais avec les Pays-Bas qui est un pays que les Français ne connaissent pas, on a énormément de points communs. J'ai eu mon homologue…
APOLLINE DE MALHERBE
Des diplomates qui font beaucoup d'échanges d'ailleurs en ce moment…
AMELIE DE MONTCHALIN
Estonien, avec les Irlandais, avec les Portugais ont crée des coalitions. Et moi ce que j'ai envie de faire, c'est qu'on crée des unions pratiques, pragmatiques, si on…
APOLLINE DE MALHERBE
Des cercles concentriques au sein de l'Europe
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, pas forcément des cercles, parce que ce n'est pas une question de ceux qui seraient très intégrés et ceux qui seraient moins intégrés. Mais quand mon homologue estonien au téléphone, on a des choses à se dire, on a des points communs, simplement construisons sur nos points communs et avançons, dès qu'on trouve un compromis on avance.
APOLLINE DE MALHERBE
Des arcs donc, merci Amélie DE MONTCHALIN. On se souvient de cette Une de The Economist qui parlait d'Emmanuel MACRON comme le futur leader de l'Europe. Il y avait une petite astérisque c'était : s'il réussit à gérer le bazar au sein de la France. Et c'est là qu'on voit qu'en ce moment, c'est quand même un peu compliqué.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est sûr, c'est que la France doit continuer à se réformer et quand Bruno LE MAIRE veut réindustrialiser le pays…
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est comme ça qu'il pourra parler aux Européens.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et propose un AIRBUS des batteries, vous voyez, on arrive à faire les deux en même temps.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'avoir été avec nous Amélie DE MONTCHALIN, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mai 2019