Extrait d'un entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France culture le 3 mai 2019, sur la construction européenne.

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Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : France Culture

Texte intégral

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Q - La construction européenne s'est beaucoup faite avec le moteur franco-allemand. Aujourd'hui, on ne peut pas dire que le couple franco-allemand soit en panne, mais il ne fonctionne pas bien. Emmanuel Macron, lors de son discours post-Grand débat n'a pas caché ses divergences avec l'Allemagne. Je le cite : "Elle a un modèle productif qui a beaucoup reposé sur un certain déséquilibre, le fait qu'il y ait des pays à bas coûts, qui est le contraire du projet social que je porte au niveau de l'Europe." On ne cache plus, effectivement, ces divergences.

R - Ce qui est sûr, c'est que tout ce qui allait de soi il y a 20 ou 30 ans je pense à la construction européenne en elle-même, perçue comme facteur de paix et de stabilité après le deuxième conflit mondial, le couple franco-allemand incarné par les différents responsables politiques : De Gaulle Adenauer, Kohl Mitterrand, etc., tout cela ne va plus de soi comme par le passé. Cela signifie donc que nous devons nous imposer ce dialogue régulier, car si on n'y prend pas garde, nos structures économiques sociales et politiques sont si différentes qu'elles nous poussent vers nos intérêts nationaux, ce qui peut nous amener à des divergences. Pourtant, ce moteur franco-allemand est plus que jamais nécessaire pour porter un certain nombre d'ambitions. Nous avons des défis à relever : le défi migratoire par exemple. Face à cela, et pour cela nous sommes raccord avec les Allemands, nous devons avoir un véritable partenariat eurafricain. L'Europe et l'Afrique c'est un même fuseau, nous sommes séparés par 14km de mer, donc ensemble nous devons "mettre le paquet" sur le développement. La France met d'ailleurs 1 milliard d'euros de plus sur la table cette année. C'est pour vous dire aussi que par exemple, en matière économique, quand on lance l'Airbus des batteries, hier Peter Altmaier, le ministre allemand de l'Economie était avec Bruno Le Maire, nous sommes sur des projets sur lesquels on bâtit en commun.

Oui, nous avons des structures qui nous conduisent parfois à nous éloigner mais il y a des volontés politiques pour aller dans le même sens ensemble.

Q - On dit que ces élections seront les élections du bouleversement européen. Comment voyez-vous la suite ?

R - Ce qui est sûr, c'est que la construction européenne a été d'abord la réconciliation franco-allemande avec un certain nombre d'Etats fondateurs dont vous avez fait le tour cette semaine. Ensuite, ce fut la réconciliation de l'Est et de l’Ouest ; aujourd'hui paradoxalement, il faut réconcilier les peuples européens avec la construction européenne elle-même. C'est un vaste chantier me direz-vous, mais c'est une impérieuse nécessité parce que si nous n'y prenons pas garde, tout ce qui s'est construit patiemment et laborieusement par nos aînés depuis 70 ans peut être remis en cause du jour au lendemain : regardez le Brexit.

Avant l'Europe permettait d'additionner, pour la première fois, c'est une soustraction et je ne veux pas m'y résoudre parce qu'au moment où l'on voit la Chine, les Etats-Unis et un certain nombre d'empires ou d'impérialismes se manifester, nous avons besoin d'affirmer notre ADN, notre identité. C'est la défense de la démocratie, des droits de l'Homme, une certaine présence au monde différente des autres.

Q - Comment parlez d'Europe aujourd'hui pour donner envie d'Europe ?

R - Hier à Chambord, le président de la République recevant son homologue italien évoquait la nécessité de mobiliser les grandes figures. Souvenons-nous, par le passé, nous avions Simone Veil, Schumann, Robert Schuman.

Q - Oui mais c'est le passé !

R - Justement, nous avons besoin de trouver de nouvelles icônes et de ce point de vue, la présence d'un Thomas Pesquet qui a fait rêver de nombreux Français et Européens, en regardant notre monde depuis plusieurs milliers de kilomètres et en voyant aussi tous les défis auxquels ce monde est confronté : défis climatiques environnementaux etc. Tout cela, ça se voit. Nous avons besoin de trouver des figures fortes pour cela et nul doute qu'il y en a beaucoup sur ce continent, bourrées de talents.

Q - Merci à vous, Jean-Baptiste Lemoyne, d'avoir accepté cette invitation dans le journal de France Culture.

R - Merci à vous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2019