Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à CNews le 4 avril 2019, sur l'emploi de travailleurs détachés dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024 et l'âge légal de la retraite.

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Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
La nouvelle arrestation ces dernières heures au Japon, l'âge de départ à la retraite ou encore les attentes suscitées par le Grand débat, la fin du Grand débat aujourd'hui. Muriel PENICAUD, la ministre du Travail est l'invitée de Jean-Pierre ELKABBACH, c'est tout de suite.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Emmanuel MACRON en Corse, la tension est dangereuse et palpable, bienvenue à vous, Muriel PENICAUD. Bonjour. D'ailleurs, vous n'allez pas en Corse vous ?

MURIEL PENICAUD
Bonjour. Non pas aujourd'hui, mais j'y vais d'ici la fin du mois, pour signer un accord pour former plus de jeunes, plus de demandeurs d'emploi, parce que…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous leur donnez de l'argent ?

MURIEL PENICAUD
Oui, je viendrai avec, voilà, 28 millions d'euros supplémentaires.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
En tout cas, je ne sais pas si Emmanuel MACRON va leur donner de l'argent, mais il sera en Corse, il achève son Tour de France du Grand débat, dans un petit village qui s'appelle Cozzano, numérisé et moderne, parait-il. Les dirigeants de la Corse, on en a entendu un ici, avec nous, ont décrété l'île morte et le boycott de cette visite. Pas de dialogue de sourds, il n'y aura pas de dialogue, mais c'est l'épreuve de force entre l'Etat et les élus de Corse. Pourquoi ?

MURIEL PENICAUD
Le président de la République, il voit ce matin tous les maires qui le souhaitent, tous les parlementaires, le président de l'Assemblée, le président du Conseil exécutif, tous ceux qui veulent parler en Corse, tous ceux qui sont ouverts au sujet. Je crois qu'il y a une démarche d'ouverture. Il leur a proposé de les rencontrer en Corse ou à Paris ou les deux. Il n'y a pas de solution.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ils ne s'entendent pas. Ils ne s'entendent pas.

MURIEL PENICAUD
Attendez, il n'y a pas de solution sans dialogue, et moi je crois que la majorité des Corses ne veulent pas que ces histoires soient à leur détriment, ils veulent qu'il y ait du dialogue, pour qu'on améliore la situation des Corses et le développement de la Corse, qui en a bien besoin.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais Emmanuel MACRON et messieurs SIMEONI et TALAMONI, on voit bien qu'ils ne se comprennent pas. Il y a des susceptibilités de protocole, des divergences de fond et d'intérêt, j'ai envie de dire des confrontations d'orgueil.

MURIEL PENICAUD
Eh bien, quand on ne se comprend pas, comment il faut faire ? Il faut se voir et discuter. C'est ça qui est proposé.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien c'est ce qui ne se fait pas.

MURIEL PENICAUD
Oui. Oui peu.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et est-ce que ces dirigeants corses donnent le sentiment d'apprécier l'Etat quand il se couche ou quand il capitule, mais dès qu'il résiste ils ne veulent pas ? Et est-ce qu'on n'abandonne pas les Corses, eux-mêmes ? Ils ont ce sentiment-là.

MURIEL PENICAUD
Il y a une seule chose qui compte, c'est que ça ne soit pas au détriment des Corses, mais il faut que les progrès, les discussions, soient pour les Corses et pour le développement de la Corse. Encore une fois il y a du potentiel et notamment du potentiel économique. Il y a du potentiel d'emploi…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, il y a du chômage…

MURIEL PENICAUD
Mais il y a du chômage…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a de la pauvreté.

MURIEL PENICAUD
Les jeunes c'est 28 %, c'est insupportable, les jeunes ils sont obligés d'aller sur le Continent pour travailler, certains sont contents, d'autres voudraient travailler là, donc voilà ce sur quoi il faut se mobiliser, sur l'éducation, sur la formation, sur l'emploi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Conseil exécutif de Corse compte 100 directeurs, j'ai un peu vu, et 5 000 fonctionnaires, c'est peut-être trop, mais ça vous le direz peut-être, mais pour les revendications des insulaires, ceux qui s'expriment, c'est le pouvoir d'achat comme sur le Continent, et l'emploi. Qu'est-ce que vous faites pour eux ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien d'abord, vous savez, la meilleure manière d'augmenter le pouvoir d'achat, c'est vrai en Corse comme ailleurs en France, c'est quand même le travail. Ceux qui travaillent, gagnent mieux que, évidemment, ceux qui ne travaillent pas, et le deuxième moyen c'est de progresser dans la carrière. Donc c'est pour ça qu'il faut investir à fond dans ce qu'on appelle le capital humain, permettre à chacun de se former, d'avoir un emploi et puis aussi de progresser dans la carrière, c'est ça qui augmentera le vrai pouvoir d'achat. On ne peut pas faire juste de redistribuer de l'argent si personne ne le gagne. Il faut évidemment qu'on puisse, que la société du travail permette à beaucoup plus de Corses notamment, comme pour tous les autres citoyens français, de gagner leur vie, d'augmenter leur pouvoir d'achat, et par le travail.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ce qui complique les choses, c'est que Gilles SIMEONI et Jean-Guy TALAMONI sont toujours ensemble, mais ils sont très souvent en désaccord, l'un est nationaliste l'autre indépendantiste, sous la l'autorité de son mentor redoutable Charles PIERI qui est le symbole là-bas des actions musclées, c'est le moins que je puisse dire, des actions musclées, de la clandestinité, est-ce qu'il ne faut pas leur rappeler que ce sont des élus de la République et en même temps quelques fois des enfants gâtés de la République ?

MURIEL PENICAUD
La seule chose qui compte, c'est l'intérêt des Corses et l'intérêt des et de la France. Je crois qu'il faut que tout le monde se remette sur l'intérêt supérieur qui est : qu'est-ce qu'on fait pour développer la Corse ?

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, vous parlez du Grand débat, vous avez vu que huit Français sondés sur dix, sont persuadés qu'il ne sortira rien de concret, rien de précis et d'important, du Grand débat, pour améliorer leur vie quotidienne.

MURIEL PENICAUD
Alors, j'ai vu ce sondage, moi je pense qu'ils vont être surpris en bien, parce qu'on n'a pas fait tout ce débat, toute cette formidable vitalité démocratique pour rien. Je rappelle qu'il y a 2 millions de personnes qui ont envoyé leur contribution, 10 000 débats qui ont eu lieu partout, 16 000 cahiers citoyens. Mais c'est inédit, il n'y a aucun pays qui a fait ça. Vous pensez bien que le président de la République, le Premier ministre, le gouvernement, on ne va pas mettre ça dans un placard, c'est une richesse énorme de propositions, de discussions, de points de vue, et donc dès lundi…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites ça parce que vous le préparez, vous voyez le président de la République le préparer…

MURIEL PENICAUD
Et puis je vois la richesse de tout ce qui est sorti.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui oui, la richesse de ce qui monte, mais est-ce qu'il y aura la richesse de la restitution ? Parce que sinon c'est une frustration et une déception collective, immense…

MURIEL PENICAUD
Bien sûr qu'il y aura une richesse de la restitution.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
... et violente peut-être.

MURIEL PENICAUD
Ce n'est pas une Liste à la Prévert, il doit y avoir des choses immédiates, des choses qui mettent plus de temps, mais il y aura, oui il y aura du concret.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors aujourd'hui, Muriel PENICAUD, vous lancez deux chantiers, l'un est lié aux Jeux olympiques 2024 de Paris. Je pense qu'il faut d'ores et déjà se préparer au moins pour les emplois. Est-ce que, comme les Anglais aux Jeux olympiques de 2012, la France va chercher surtout des travailleurs détachés, pendant cette période ?

MURIEL PENICAUD
Non, moi je veux faire exactement le contraire de ce qui s'est passé à Londres pour les JO. Ça n'avait pas été anticipé. Résultat, il y avait des emplois qui se créaient, il y a eu un afflux massif de travailleurs détachés d'autres pays européens…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites « je veux faire le contraire », alors, qu'est-ce que vous voulez faire, vous ? Qu'est-ce que vous voulez faire ? Que je comprenne.

MURIEL PENICAUD
Alors, moi ce que je veux, c'est que pour les habitants de Seine-Saint-Denis, d'Ile-de-France, de Bouches-du-Rhône, ça soit une chance pour l'emploi et pour les jeunes. Concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire ? On a 2 ans pour se préparer, puisque ça commence plutôt à partir de dans 2 ans, eh bien il faut former des apprentis, il faut donner une chance aux jeunes. En gros, je veux beaucoup plus d'apprentis, plutôt que des travailleurs détachés. Et pour ça on va commencer dès maintenant, on va financer dans le Plan d'investissement de compétences, d'investissement dans les compétences, 3 000 places de préapprentissage, qui démarre là, cette année. Il faut 2 ans pour former les jeunes, ils seront en apprentissage, donc payés, pour se former à des métiers qui vont leur permettre de travailler aux JO, mais aussi bien après…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais à partir de quel moment ils sont formés ?

MURIEL PENICAUD
Alors là on commence cette année.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour qu'ils soient prêts au moment de la préparation des Jeux olympiques, au moment où on approchera. Et auprès de qui ils doivent être candidat ?

MURIEL PENICAUD
Alors, ils doivent être candidats auprès de Pôle emploi et des missions locales, et des centres de formation d'apprentis, et avec Pôle emploi on va faire autre chose, qu'on n'a jamais fait, sur aucun grand événement sportif, on va faire une agence virtuelle Pôle emploi, où tous les emplois liés aux JO seront étiquetés. Donc, vous êtes passionné de sport, eh bien vous avez envie d'être cuisinier, ou dans la sécurité, ou dans l'événementiel, ou dans le bâtiment, mais vous voudriez participer à cette fantastique aventure, vous aurez directement les emplois qui vont là-dessus.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais Pôle emploi virtuel, ce sont des emplois virtuels ou des vrais emplois ?

MURIEL PENICAUD
C'est des vrais emplois, bien sûr.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien ? Combien ?

MURIEL PENICAUD
Alors, aujourd'hui, avec le COJO…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien de prévus ? C'est ça qui est frappant.

MURIEL PENICAUD
Avec le COJO tout à l'heure, nous allons annoncer que l'on a déjà la visibilité sur 150 000 emplois directs. Ce que l'on appelle les emplois directs, c'est directement lié aux JO, sécurité, événementiel, hôtellerie-restauration, organisation sportive, bâtiment…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Transport et tout ça.

MURIEL PENICAUD
Dans le sport.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
150 000 emplois prévus.

MURIEL PENICAUD
Mais en fait il y a beaucoup plus d'emplois directs, en plus, qu'on ne sait pas chiffrer aujourd'hui, mais donc c'est une fantastique chance pour l'emploi, pour les jeunes, on ne va pas passer à côté de la chance, on en fait un formidable levier pour l'emploi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans quels domaines ?

MURIEL PENICAUD
Alors, comme je le disais, il y a du transport, de la logistique, il y a du bâtiment, des travaux publics, il y a de la sécurité, beaucoup, et de l'événementiel, du marketing, de l'accueil, de l'hôtellerie-restauration.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Voilà. Et de quelle durée ces emplois ?

MURIEL PENICAUD
Alors, les emplois liés aux JO seront évidemment plus longs pour la construction et le bâtiment, plus courts pour l'événement lui-même, mais ce qui est formidable c'est que c'est des métiers qu'on cherche partout en France. Donc si vous arrivez, que vous êtes formé, que vous avez fait de la sécurité ou de l'hôtellerie-restauration, vous êtes sûr d'avoir un emploi ailleurs.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout ça c'est très beau. Mais je vous entends dire ce que vous dites. Vous demandez de former, de recruter, d'abord des apprentis français.

MURIEL PENICAUD
Je veux d'abord des apprentis qui habitent en France, qui sont nos jeunes, parce que…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est une priorité : les apprentis qui sont en France.

MURIEL PENICAUD
C'est des apprentis plutôt que des travailleurs détachés, c'est très clair, ça sera la politique de la France. Pourquoi ? Et ça pourquoi ? Parce qu'il y a un taux de chômage des jeunes, même s'il a commencé à baisser, qui est très fort, moi je veux que les JO soient une chance pour les jeunes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va préciser. Entre un apprenti de France et un apprenti qui vient de Hongrie, de Pologne, d'Estonie, et à compétences égales, qu'est-ce qu'on choisit ?

MURIEL PENICAUD
Mais, ça n'existe pas ça, comme... C'est un problème théorique.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce qu'on choisit ?

MURIEL PENICAUD
Il faut travailler, il y a quasiment, il y a un petit peu d'apprentissage transnational, qu'on développe pour des raisons qualitatives, mais il n'y a aucun apprenti qui fait tout son apprentissage en France, qui vient dans notre pays, ça, ça n'existe pas. Ce qui existe, c'est le travail détaché, qui est bien quand on ne trouve pas les compétences, mais quand on a le temps de les préparer, eh bien il n'y a pas de raison de ne pas préparer les jeunes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, mais en même temps, est-ce que c'est un message aux chefs d'entreprise français, des grands, des petits, et des PME : attention, pas de dumping social ?

MURIEL PENICAUD
Alors, c'est un message triple. Un, il y aura des clauses d'insertion, 10 % des heures travaillées devront être pour les demandeurs d'emploi ou les personnes en difficulté en France. Deuxième message, il y aura des contrôles sur le travail détaché, très intensifs. Et troisièmement, surtout, prenez des apprentis, la loi vous permet, la loi que j'ai pu porter l'année dernière, vous permet de créer des CFA. On y va ensemble.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui d'accord. Mais pourquoi vous dites « plutôt » ? Parce que ça résonne comme un slogan. Des apprentis français plutôt que des travailleurs détachés, pourquoi plutôt ?

MURIEL PENICAUD
Plutôt, parce qu'il y aura peut-être certaines spécialités où on ne trouve pas la spécialité en France, il faut faire venir quelques semaines ou quelques mois…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'il y a quand même une certaine ouverture européenne, si vous en avez le droit.

MURIEL PENICAUD
Oui, il y a une certaine ouverture.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si vous avez le droit de choisir des Français, surtout.

MURIEL PENICAUD
Non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Le sujet c'est : aujourd'hui, pourquoi il y a beaucoup de travailleurs détachés qui viennent ? Parce que l'on ne trouve pas les Français qui peuvent faire le travail, parce qu'ils n'ont pas les qualifications nécessaires, souvent.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, est-ce que vous allez faire comme…

MURIEL PENICAUD
Donc, on a réglé le problème du coût du travail, maintenant faut régler le problème de la formation.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous avez demandé, comme Marine LE PEN et Jean-Luc MELENCHON, l'interdiction des travailleurs détachés ?

MURIEL PENICAUD
Alors ça, j'attends de voir s'ils vont vraiment le proposer, parce qu'il va falloir qu'ils l'expliquent aux 150 000 Français qui eux sont travailleurs détachés dans un autre pays d'Europe. Alors, s'ils veulent supprimer 150 000 emplois des Français, on verra. Mais je pense que l'ouverture c'est bon, mais la priorité c'est former nos jeunes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, l'ouverture, pas d'exclusivité, mais préférence française et priorité française.

MURIEL PENICAUD
Non, ce n'est pas ça, c'est préférence aux jeunes et à l'emploi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais qui sont de France.

MURIEL PENICAUD
On ne va pas demander la carte d'identité, ce n'est pas le sujet. Il ne faut pas rentrer dans ce faux débat.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, je continue. Deuxième chantier…

MURIEL PENICAUD
C'est une chance pour les jeunes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deuxième chantier, dans quelques heures vous allez signer avec Valérie PECRESSE le Plan d'investissement compétences pour la région Ile-de-France. C'est combien ?

MURIEL PENICAUD
Alors, c'est énorme, puisque l'on va, pour pouvoir augmenter la formation des demandeurs d'emploi des jeunes, on apporte, l'Etat apporte un milliard d'euros supplémentaires aux 722 millions de la région, et en somme ça va nous permettre de former 320 000 personnes de plus en Ile-de-France, dont les JO, et bien d'autres sujets, il y a de l'emploi mais il faut avoir une qualification pour…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc la formation…

MURIEL PENICAUD
...on fait un investissement massif.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais le montant du plan, c'est 15 milliards... pour eux c'est un milliard, il faut dire que c'est attribué en fonction je suppose…

MURIEL PENICAUD
C'est 1 milliard sur 4 ans.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
... de la taille et de la population.

MURIEL PENICAUD
De la taille et du nombre de jeunes sans emploi, de demandeurs d'emploi. C'est massif.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi vous ne donnez rien à la région Auvergne-Rhône-Alpes ? Parce que c'est Laurent WAUQUIEZ, et que c'est un opposant ?

MURIEL PENICAUD
J'ai proposé à Laurent WAUQUIEZ, c'était de l'ordre de 700 millions d'euros, que l'Etat vienne abonder ce que fait la région, à une condition…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est lui qui ne veut pas ou vous ne voulez pas ?

MURIEL PENICAUD
C'est lui qui ne veut pas accepter de garder le niveau de formation des demandeurs d'emploi. Il a supprimé 60 % des entrées en formation des demandeurs d'emploi, pour faire des économies budgétaires, mais moi je vois des entreprises d'Auvergne-Rhône-Alpes, elles ont des besoins de compétences, je vois les demandeurs d'emploi…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais alors, justement, vous allez pénaliser la région pour autant ?

MURIEL PENICAUD
Non, je ne vais pas pénaliser, ni les entreprises, ni les demandeurs d'emploi, donc je vais signer, avec Pôle emploi, la convention avec les 700 millions d'euros qui seraient passés par la région et qui passeront directement à Pôle emploi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Prochaine signature, c'est qui, quelle région ?

MURIEL PENICAUD
Bretagne lundi.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien ça va vite. Dans 6 jours, Tom ENDERS, le patron d'AIRBUS prendra sa retraite. Avec l'accord d'AIRBUS, il part avec un parachute de près de 37 millions pour ses années à la tête de l'avionneur et ses performances. Est-ce que vous aussi vous allez vous livrer, comme dit le Figaro, à la chasse aux patrons qui gagnent beaucoup d'argent, et trop d'argent ?

MURIEL PENICAUD
Non, le sujet ce n'est pas ça, mais il y a un sujet qui est les retraites chapeaux. Les retraites chapeaux c'est quoi ? C'est un système payé par les entreprises, qui complètent de façon très forte, les retraites des dirigeants. Moi, depuis longtemps, je pense que ce système n'est pas bon. Pourquoi ? Parce que quand on est à la retraite, on n'apporte plus de valeur pour son entreprise, et donc, dans le partage de la valeur, il n'y a pas de raison qu'une entreprise paie pour quelqu'un qui a pris sa retraite il y 10 ans, il y a 20 ans. Donc je pense qu'il faut réguler ça, c'est excessif, en termes de justice sociale, de perception qu'on partage…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais ça on le dit, on le dit chaque saison, parce que ça revient, il y a des polémiques périodiques, saisonnières.

MURIEL PENICAUD
Là on y travaille.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Là, vous y travaillez, avec quelles perspectives, quelles mesures ? Parce qu'il y a l'AFEP, c'est-à-dire l'Association Française des Entreprises Privées, et le MEDEF, qui ont une charte éthique, il faut qu'ils appliquent, eux aussi…

MURIEL PENICAUD
Donc ça ne suffit pas.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites : ça ne suffit pas.

MURIEL PENICAUD
Ça ne suffit pas, parce que …

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'est-ce que vous préparez ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien on prépare, on ne va pas annoncer maintenant, mais on travaille sur le sujet, pour pouvoir réguler. On ne peut pas avoir ce niveau de retraites chapeaux.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Empêcher d'avoir ces sommes et ce niveau.

MURIEL PENICAUD
Ces sommes exorbitantes, quand même.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Autrement dit, aujourd'hui en France il vaut mieux, et peut être sur le plan international, il vaut mieux être tennisman ou footballeur, là on est tranquille.

MURIEL PENICAUD
Oui, c'est un autre sujet, mais on pourra en parler un autre jour.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ? Il faudra s'intéresser aussi si monsieur X ou Y gagne…

MURIEL PENICAUD
Non, mais c'est un autre sujet, ce n'est pas le sujet des retraites chapeaux. Comment dire, il ne faut pas se dire que les gens qui apportent de la valeur, ne doivent pas gagner d'argent. Ça c'est un faux débat. Par contre, les retraites chapeaux…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Surtout quand ils rapportent à leur entreprise.

MURIEL PENICAUD
Ils n'apportent plus de valeurs, ils sont à la retraite. Donc ils vont... on gagne plus quand ils ont des fortes responsabilités, ça c'est normal, et après, à eux de faire des économies pour leur retraite, il n'y a pas de raison que les entreprises paient.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cette nuit, Carlos GHOSN a été encore une fois arrêté, et du Japon il réclamait tous ses droits à la retraite. RENAULT a répondu non, le Conseil d'administration a supprimé la retraite chapeau annuelle de 770 000. Au nom de l'Etat actionnaire, vous êtes d'accord ?

MURIEL PENICAUD
Vous voyez, CQFD. Si le conseil d'administration, et il a bien fait, ne s'était pas opposé, en principe le système de retraite chapeau s'appliquait.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais c'est-à-dire qu'il est jugé et condamné avant son procès.

MURIEL PENICAUD
Non, mais je pense qu'il y a un certain nombre de règles dans les retraites chapeaux qui ont pu jouer. Je pense que le Conseil d'administration de RENAULT a pris sa responsabilité.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les retraites des Français, le candidat puis le président Emmanuel MACRON promettait de ne pas toucher à l'âge légal de la retraite, 62 ans. Le Grand débat, est-ce qu'il est en train de remettre en cause l'âge de la retraite ? Parce qu'il y a en plus cette phrase prononcée hier à Saint-Brieuc par Emmanuel MACRON : « Aujourd'hui, on part à la retraite au même âge qu'en 1980 ». Comment il faut l'interpréter ?

MURIEL PENICAUD
C'est vrai.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, bien sûr, mais comment on l'interprète ?

MURIEL PENICAUD
Je crois que l'on a deux sujets qui se mêlent et il faut séparer les deux sujets. On a le sujet de la réforme des retraites, qui est engagé depuis 18 mois, et Jean-Paul DELEVOYE fait un super travail avec les partenaires sociaux, pour analyser tout, voir comment ça peut être juste, entre les 42 systèmes qui sont différents, faire un système juste, et là on est parti sur un système de retraite par points, qui va permettre un système plus juste, toute la vie. Et ça c'est un sujet, c'est la réforme des retraites, qui est presque mûre, je dirais. Et puis il y a un deuxième sujet qui est posé…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, d'accord, mais avant d'aller au deuxième sujet…

MURIEL PENICAUD
... c'est la dépendance.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, et qu'il faut financer etc., mais avant d'aller…

MURIEL PENICAUD
Oui, organiser et financer.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
La plupart de vos collègues ministres d'importance, sont d'ailleurs d'accord plutôt avec Xavier BERTRAND : il faudra allonger la durée du travail au-delà des 62 ans, au moins pour financer le modèle social et les retraites.

MURIEL PENICAUD
Eh bien moi je pense qu'il faudra…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc on crée de la confusion, à la fois dans l'esprit des Français, et chez Jean-Paul DELEVOYE et ses équipes.

MURIEL PENICAUD
Mon avis, c'est simple, c'est qu'il ne faut pas donner les réponses avant d'avoir posé la question. C'est quoi la question de la dépendance ? En 2050, nous serons, parce que nous en ferons partie, nous serons 5 millions de Français à avoir plus de 85 ans. Donc, d'abord, comment on fait pour être en bonne santé à 85 ans ? Deuxièmement, est-ce qu'on veut 5 millions de places dans les EHPAD ou plutôt du maintien à domicile ? Comment on l'organise ? Ensuite, combien ça coûte ?

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il faut travailler plus.

MURIEL PENICAUD
Il y a plusieurs solutions, et ça il faudra, il y a un rapport qui vient d'être sorti, il faudra regarder toutes les solutions. Mais le débat n'a même pas commencé, le travail n'a pas commencé, il y a juste des rapports sur la table, il faut faire les choses dans l'ordre, diagnostic, discussion et après on décide. ON ne décide pas avant.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a la conclusion, une apparence de conclusion…

MURIEL PENICAUD
Je sais, mais moi je crois en la méthode.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jean-Paul DELEVOYE et ses équipes, je pense qu'ils sont persuadés par ce méli-mélo. Depuis plusieurs mois il négocie avec les syndicats dans un climat de confiance, est-ce que vous ne craignez pas qu'il s'en aille, qu'il démissionne, alors qu'il a fait un boulot extraordinaire ?

MURIEL PENICAUD
Mais je crois que ça a été réaffirmé encore hier, ça été réaffirmé, on ne change pas les hypothèses sur lesquelles la réforme de la retraite est en train d'être faite. Et par contre il y a l'autre sujet, qu'il faudra traiter, dans un autre temps.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord. Mais DELEVOYE, retenez-le si vous ne voulez pas qu'il parte.

MURIEL PENICAUD
Mais je pense qu'il fait un énorme travail et que l'on est prêt d'aboutir.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vous pose deux questions très vite. Il y a quelques mois vous promettiez la création d'une appli sur Smartphone, « Mon compte formation ». Il sera possible de choisir sa formation de s'y inscrire, de payer. Est-ce que c'est jeté dans l'oubliette ? C'était une idée qui était formidable, imaginée par Antoine FOUCHER, votre imaginatif directeur de cabinet, et par vous-même. Est-ce que vous y renoncez ou vous le faites ?

MURIEL PENICAUD
Alors moi quand j'ai, en juillet 2017, j'ai eu l'idée de cette appli, c'est pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui il y a un tiers des Français, des salariés, qui n'ont jamais accès à la formation, et c'est les salariés ouvriers, employés, TPE PME, qui y ont le moins accès. Donc il fallait créer un droit. Pourquoi c'est important ? Parce que demain, c'est le fait d'avoir une formation qualifiante, de qualité, qui vous donne un emploi et des perspectives d'avenir.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on l'a sur le smartphone.

MURIEL PENICAUD
Donc, on l'a mis dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que j'ai portée et qui a été votée l'année dernière, on a mis un droit à tous les salariés, ça fait 19 millions de personnes, de recevoir chaque année 500 €, 800 € si vous n'avez pas de qualification, et d'avoir une appli qui sort en novembre cette année, qui s'appelle « Mon compte formation », et sur cette appli eh bien vous pourrez choisir votre formation, vous saurez combien vous avez d'argent, ce qu'on pensé les autres personnes qui ont fait la formation, réserver, payer…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si ça marche…

MURIEL PENICAUD
Et ça va être une libération du droit à la formation.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si ça marche, ça sera exemplaire.

MURIEL PENICAUD
Il y a plein de pays dans le monde qui nous suivent déjà, qui regardent ça, si ça marche ça va faire tache d'huile dans beaucoup de pays. Mais d'abord on va le réussir pour la France.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venue. L'assurance chômage, c'est pour quand ?

MURIEL PENICAUD
C'est d'ici l'été, comme convenu.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous tiendrez compte de ce que disent les syndicats ou l'Etat impose ?

MURIEL PENICAUD
Eh bien si on fait... Si c'était juste pour tenir compte de l'avis de personnes, on aurait déjà sorti le décret, on fait de la concertation, c'est pour en tenir compte.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venue, à bientôt ?

MURIEL PENICAUD
Merci.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonne journée.

MURIEL PENICAUD
A vous aussi.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2019