Interview de M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, à France 2 le 4 avril 2019, sur l'action de la police face aux manifestations des "Gilets jaunes" et la coopération policière au sein du G7.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Bonjour Christophe CASTANER.

CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour.

CAROLINE ROUX
Nous allons parler du G7, mais d'abord un mot, vous avez déclaré hier que vous en aviez assez de la fable du méchant flic et du gentil casseur. Alors que vous étiez en déplacement à Avignon où il y a eu des violences ce week-end en marge des déplacements des gilets jaunes, le 20 mars, il y avait 174 enquêtes de l'IGPN en cours, quel est le chiffre aujourd'hui concernant des éventuelles violences policières ?

CHRISTOPHE CASTANER
199 pour l'IGPN, la Police nationale, 10 pour la gendarmerie nationale à travers l'IGN. Attention ce sont des enquêtes qui ne portent pas sur des violences policières, qui portent sur des faits, qui vont de l'insulte qui peut avoir été évoquée jusqu'à des blessés et des blessés qui peuvent être graves.

CAROLINE ROUX
Où en sont ces enquêtes ?

CHRISTOPHE CASTANER
Elles se poursuivent, elles sont placées sous l'autorité judiciaire, elles sont détachées du ministère de l'Intérieur, elles sont placées sous l'autorité d'un procureur, même si c'est l'Inspection générale de la police nationale, de la gendarmerie nationale et elles se poursuivent. Elles font l'objet du temps nécessaire à des enquêtes et s'il y a des fautes établies, il y aura des sanctions.

CAROLINE ROUX
Est-ce qu'il y en a eu, est-ce qu'il y a d'ores et déjà eu des sanctions ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non parce qu'il n'y a eu aucun aboutissement à ces enquêtes judiciaires actuellement.

CAROLINE ROUX
Parce que vous prenez votre temps ?

CHRISTOPHE CASTANER
Ce n'est pas moi, je vous ai indiqué dans la réponse précédente qu'elles sont placées sous l'autorité d'un magistrat et donc c'est le temps de l'enquête. Le temps de l'enquête implique justement surtout quand on met en cause la responsabilité d'un homme ou d'une femme, que l'on prenne le temps de cela. Mais ce que je voulais vous préciser c'est qu'on a eu plusieurs dizaines de milliers de manifestations qui ont été organisées et je vous parle de 199 cas, c'est ça la réalité. Par contre je vais vous parler aussi des 1628 policiers, gendarmes et pompiers qui ont été attaqués, qui ont été blessées, dont peut-être on ne parle pas assez aussi, tous les samedis de la violence. J'étais hier à Avignon, j'ai vu le stock d'armes qui a été saisi, je parle bien d'un stock et je parle bien d'armes, à la fois…

CAROLINE ROUX
Il y avait quoi ?

CHRISTOPHE CASTANER
Un pistolet, des machettes, des battes de base-ball, des gens qui viennent pour casser mais aussi pour blesser nos forces de l'ordre.

CAROLINE ROUX
Sur le cas du manifestant qui a reçu un coup de matraque sur la tête à Besançon, vous avez expliqué qu'il n'y avait pas eu cette fois de violence policière, ces images-là, naturellement les Français qui nous regardent ce matin les ont vues, elles peuvent être choquantes, quelle est la définition que vous donnez vous, Christophe CASTANER, d'une violence policière, des violences policières ?

CHRISTOPHE CASTANER
Une violence policière, c'est un acte intentionnel pour blesser quelqu'un.

CAROLINE ROUX
Ce n'est pas le cas-là ?

CHRISTOPHE CASTANER
Il y a une enquête, donc je ne vais pas me prononcer sur le sujet, mais je répondre à la question d'une journaliste qui affirmait, qu'est-ce que vous pensez de cette violence policière ? Je lui ai dit non, si dans le cadre d'une manifestation, vous avez ce qu'on appelle un « beaux offensif » de nos forces de l'ordre pour dégager, là en l'espèce les faits qui sont évoqués ce sont des manifestants qui prenaient des objets pour les envoyer sur les policiers, à ce moment ils interviennent pour neutraliser trois personnes, une est au passage et c'est le coup de matraque est évoqué. Mais là encore, moi je n'ai pas hésité une seconde, j'ai demandé aux préfets d'engager une procédure et qu'une enquête soit menée, mais j'aimerais, j'aimerais qu'il y ait une telle efficacité pour tous les voyous qui viennent dans les manifestations pour casser des commerces, pour empêcher la manifestation et pour blesser, voire tuer des policiers.

CAROLINE ROUX
On vous a entendu dire, je n'ai jamais vu un policier attaquer un manifestant ou un journaliste, est-ce que vous seriez aussi affirmatif aujourd'hui ?

CHRISTOPHE CASTANER
Oui, bien sûr que oui parce que…

CAROLINE ROUX
Peu importe les résultats des enquêtes en réalité alors ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non mais attendez, vous faites une vraie différence entre des gens qui peuvent être blessés et j'ai toujours dit qu'un blessé, qu'il ait un gilet jaune ou képi bleu, c'est un blessé de trop. Et donc dans une manifestation violente au moment où vous avez des émeutes urbaines, la police charge, c'est sa responsabilité, elle est là pour garantir l'ordre public et d'ailleurs elle est la seule légitime à pouvoir utiliser la force. Donc il peut y avoir des blessés mais, attention à l'amalgame, ce ne sont pas des violences policières. Vous savez moi j'entends encore hier à Avignon, les slogans de quelques gilets jaunes, pas beaucoup, mais quelques gilets jaunes qui sont là et qui hurlent « Castaner, assassin », ils oublient peut-être les 9 morts sur les ronds-points. J'étais à Avignon. J'ai en tête cette maman à Arles qui a vu son fils mourir dans un rond-point inorganisé et elle a été très touchée de voir ensuite les gilets jaunes récupérer la mort de son fils et de défiler avec le nom de la mort de son fils, alors même qu'ils sont responsables. Il faut remettre les choses à leur place, moi je veux bien qu'il y ait le procès permanent des forces de l'ordre, mais la réalité c'est que quand on a besoin d'eux, ils sont là.

CAROLINE ROUX
L'idée, c'est d'être juste, Christophe CASTANER, et que s'il y a des erreurs, qu'elles soient signalées et qu'elles soient assumées par le ministre de l'Intérieur.

CHRISTOPHE CASTANER
Oui mais Madame Caroline ROUX, ok on parle du coup de matraque à Besançon, est-ce que quelqu'un, un journaliste depuis 3 semaines m'a demandé des nouvelles de ce policier qui s'est fait arracher la mâchoire sur les Champs-Elysées par un pavé ? Personne, personne n'en parle. Vous savez pourquoi ? Parce qu'on considère qu'un policier ou un gendarme qui se fait blesser, c'est normal et on banalise cette violence-là, je trouve que c'est dégueulasse. Je trouve qu'il y a aujourd'hui des femmes et des hommes qui non seulement…

CAROLINE ROUX
Ils le vivent mal, les policiers, c'est ça que vous voulez dire aussi.

CHRISTOPHE CASTANER
Bien sûr parce que non seulement ils sont mobilisés tous les samedis au quotidien pour gérer l'ordre public, mais ils continuent à faire leur boulot. Hier à Avignon je les ai salué aussi par démantelé un réseau de trafic de drogue assez spectaculaire, pour avoir enquêté sur 5 morts parce qu'il y a eu 5 morts sur Avignon des règlements de comptes et ils ont enquêté et ils ont arrêté du monde. Ils font leur travail, ils peuvent faire des fautes et les fautes doivent être sanctionnées, mais arrêtons de ne parler que de cela parce qu'elles sont totalement marginales. Vous savez dans toutes les professions, vous pouvez faire cela, mais ne jetons pas l'eau propre sur celles et ceux qui au quotidien nous protègent.

CAROLINE ROUX
Je crois que le message est passé, Christophe CASTANER. Un mot sur l'acte 21, est-ce que vous redoutez mobilisation particulièrement forte ce week-end ?

CHRISTOPHE CASTANER
Non, la violence forte oui, mais la mobilisation, elle est faible, on le voit de semaine en semaine, c'est peu de monde qui manifeste en France et pourtant systématiquement des tentatives, des volontés de violence à Paris comme ailleurs. Et si les forces de sécurité n'étaient pas là, vous savez très bien ce qui se passerait.

CAROLINE ROUX
Paris va bientôt trembler, c'est le mot d'ordre pour samedi.

CHRISTOPHE CASTANER
Ils avaient annoncé qu'ils voulaient brûler Avignon la semaine dernière, effectivement entre le 20 avril et le 1er mai, ils annoncent qu'ils veulent à nouveau faire trembler, voir brûler Paris, c'est ça la réalité des appels.

CAROLINE ROUX
Le dispositif restera à l'identique ?

CHRISTOPHE CASTANER
Nous l'adaptons chaque semaine.

CAROLINE ROUX
En fonction de quoi par exemple ?

CHRISTOPHE CASTANER
En fonction des informations, des renseignements que nous avons parce qu'il faut être mobilisé partout en France en fonction des évolutions de ce mouvement, qui dans les manifestations n'a toujours qu'un seul but, fuir et empêcher la police de faire son travail. Son travail, ce n'est pas d'empêcher la manifestation, c'est de faire en sorte qu'elle se déroule bien.

CAROLINE ROUX
Vous recevrez vos homologues, je le disais, à Paris aujourd'hui et demain, donc les ministres, les autres ministres de l'Intérieur, dans le cadre du G7, quels sont les secteurs sur lesquels vous considérez qu'on peut mieux faire en matière de collaboration ? Est-ce que c'est la lutte contre le terrorisme, est-ce que c'est la lutte contre les contenus haineux, et une forme de terrorisme aussi, on l'a vu récemment sur les réseaux sociaux ? Dans quels secteurs on peut vraiment mieux faire ?

CHRISTOPHE CASTANER.
D'abord ce sont ces deux points et j'en ai rajouté un troisième, celui de la criminalité environnementale qui est un sujet majeur sur lequel nous devons tous nous mobiliser. Moi ce dont je suis convaincu, c'est qu'il y a de grands sujets sur lesquels agir seul à l'échelle de notre nation, c'est au fond accepter l'échec. Et donc il nous faut nous renforcer sur des sujets que vous avez évoqués comme la criminalité environnementale. C'est l'objet du G7 où je réunis tous les ministres de l'Intérieur pour travailler sur cela. Sur la question migratoire par exemple, je sais qu'on a des divergences de vues avec Matteo SALVINI, avec la secrétaire d'Etat américaine, on a des divergences, par contre il y a un sujet qui peut nous mobiliser et qui va nous mobiliser, c'est la lutte contre les passeurs. Ces gens qui au nom de la misère humaine l'exploitent, font beaucoup d'argent et tuent énormément de monde. Eh bien on va faire cette entrée là, on ne va pas chercher à tomber d'accord sur des sujets, dont je sais que nous n'aboutirons pas, par contre se battre contre les passeurs et les mettre en prison, c'est une bonne chose.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Christophe CASTANER.

CHRISTOPHE CASTANER
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2019