Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des finances, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. « Le nouvel empire, l'Europe du 21ème siècle », c'est le livre que vous publiez qui sort aujourd'hui, je crois, aux Editions Gallimard, nous en parlerons tout à l'heure, votre vision de l'Europe. Carlos GHOSN, une nouvelle fois arrêté au Japon, réaction. Première réaction.
BRUNO LE MAIRE
Il a été arrêté par le procureur japonais, il bénéficie de la protection consulaire, nous lui garantissons, et de la présomption d'innocence. Ensuite, la justice japonaise suit son cours, je redis que monsieur GHOSN bénéficie de la présomption d'innocence, mais ma responsabilité, c'est de faire en sorte que RENAULT tourne bien, que la boîte fonctionne bien. Et Jean-Dominique SENARD, le nouveau président de RENAULT, fait un remarquable travail, il consolide l'alliance entre RENAULT et NISSAN, qui est à mes yeux ce qu'il y a de plus important aujourd'hui. Il a également pris la décision que je tiens à saluer de diviser par deux son salaire, le salaire de référence du président de RENAULT, donc je crois que nous sommes dans la bonne direction pour RENAULT.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je fais appel au gouvernement français, c'est ce que Carlos GHOSN dit dans une interview accordée à nos confrères de TF1 et de LCI. Est-ce que le gouvernement français va le défendre, il un avocat, vous allez aller plus loin dans…
BRUNO LE MAIRE
Carlos GHOSN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas, il fait appel à vous !
BRUNO LE MAIRE
Carlos GHOSN est un justiciable comme les autres…
BRUNO LE MAIRE
Ni plus ni moins…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il bénéficie de la présomption d'innocence, ni plus ni moins, et de la protection consulaire, et ma responsabilité de ministre de l'Economie, c'est une fois encore d'assurer la bonne gouvernance de RENAULT, c'est le cas avec Jean-Dominique SENARD, et la gouvernance autour de lui, et puis, je le rappelle, Jean-Jacques BOURDIN, de faire toute la lumière sur la gouvernance passée de RENAULT. Nous avons demandé une enquête très approfondie à la gouvernance de RENAULT sur le fonctionnement de RENAULT, de nouveaux éléments, que je ne commenterai pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez des doutes ? Vous avez des doutes ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a de nouveaux éléments qui sont apparus dans le cadre de cette enquête que j'avais demandée il y a maintenant plusieurs semaines, ces éléments ont été transmis à la justice, et c'est la justice qui évaluera ces éléments…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quels sont ces éléments ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas me prononcer sur ces éléments, je vous dis juste que j'ai demandé la transparence totale, que la transparence totale est en train d'être faite, parce que nous le devons à nos compatriotes, je rappelle que l'Etat est actionnaire de RENAULT, donc nous devons cette transparence, il y a de nouveaux éléments qui sont apparus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Malversations financières ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a de nouveaux éléments qui sont apparus qui étaient suffisamment importants pour mériter d'être transmis à la justice.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno LE MAIRE, 765.000 euros de retraite annuelle à vie versée par RENAULT, qui devait être versée par RENAULT Carlos GHOSN, justement, le conseil d'administration a supprimé cette retraite, c'est heureux ?
BRUNO LE MAIRE
C'est le droit. Les relations entre Carlos GHOSN et RENAULT sont désormais clarifiées, puisque Carlos GHOSN a démissionné de RENAULT. A partir du moment où il démissionne de RENAULT, il n'a pas le droit à cette retraite chapeau, là encore, c'est le droit qui s'applique, ni plus ni moins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tom ENDERS, le président exécutif d'AIRBUS, va quitter son poste le 10 avril, et il touchera 36 millions, 37 millions d'euros, près de 40 millions d'euros, clause de non-concurrence, cessions d'actions, retraite mensuelle versée jusqu'à sa mort, provision faite jusqu'à l'âge de 80 ans, il a 60 ans, provision faite par AIRBUS, c'est absolument incroyable, non, ça vous scandalise ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sont des sommes excessives, ce sont des sommes d'un autre temps, d'un autre capitalisme, le contraire de celui que nous cherchons à construire, je cherche à construire un capitalisme responsable, respectueux des salariés et qui ne se livre pas à ces excès qui sont absolument insupportables pour nos compatriotes, et puisque certains ne veulent pas comprendre, certains, puisque, je le redis, Jean-Dominique SENARD, beaucoup d'entrepreneurs français, beaucoup de chefs d'entreprise français ont changé leurs pratiques et ont compris qu'on était rentré dans une nouvelle époque et qu'il fallait bâtir ce nouveau capitalisme, mais certains ne veulent pas comprendre. Donc puisque certains ne veulent pas comprendre, nous allons prendre une série de dispositions, première disposition, une transparence sur les salaires, avec un rapport d'équité, il est prévu dans la loi Pacte, qui sera mis en place dans les mois qui viennent et qui fera la transparence sur les salaires à l'intérieur de l'entreprise sur la base du salaire médian. Deuxième décision, sur les retraites chapeaux, aujourd'hui, qu'est-ce qui existe comme dispositif, uniquement un plafonnement à 45 % du salaire du dirigeant, mais qui n'est pas contraignant, ce n'est pas dans la loi, ça n'est pas un décret, ça n'est pas une obligation légale. Je ramènerai à 30 % du salaire des dirigeants le montant maximum de la retraite chapeau. Et cette disposition, Jean-Jacques BOURDIN, deviendra une disposition législative, puisque, visiblement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Inscrite dans la loi ?
BRUNO LE MAIRE
Elle sera inscrite dans la loi, puisque, visiblement, certains ne veulent pas comprendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera dans les prochaines semaines, sur la base d'une ordonnance, là aussi, prévue dans la loi Pacte, parce que cela fait longtemps que j'observe ces excès, que je n'ai pas attendu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas plus de 30 % pour des retraites chapeaux, 30 % du salaire…
BRUNO LE MAIRE
Je n'ai pas attendu, pas plus de 30 % du salaire du dirigeant pour les retraites chapeau, et inscrit dans la loi. Je redis que je n'ai pas attendu le cas de Tom ENDERS pour m'apercevoir de certains excès, c'est pour cela que nous avions prévu cette ordonnance, et cette ordonnance prévoira qu'aucune retraite chapeau ne peut dépasser 30 % du salaire du dirigeant, et ce sera gravé dans le marbre de la loi, puisque, visiblement, les bonnes pratiques ne suffisent pas. Troisième chose, comment est-ce qu'on peut comprendre que lorsque vous partez à la retraite, vous touchez votre retraite, et en plus, vous avez la chance de toucher une retraite chapeau, on vous donne une clause de non-concurrence, je rappelle que dans le cas de monsieur ENDERS, c'est 1,3 million d'euros pour la retraite et 3,2 millions d'euros pour la clause de non-concurrence, mais enfin, si vous partez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais attendez, 1,3 million d'euros par an !
BRUNO LE MAIRE
Par an, bien entendu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour monsieur ENDERS, de retraite…
BRUNO LE MAIRE
Plus une clause de non-concurrence, mais enfin, moi, je suis un garçon simple, à partir du moment où vous partez à la retraite, c'est que vous partez à la retraite et que vous n'allez pas aller travailler chez un concurrent. Donc je ne vois pas comment on peut cumuler une retraite chapeau et une clause de non-concurrence. Donc nous prévoirons qu'il sera désormais interdit de cumuler retraite chapeau et clause de non-concurrence. Et là encore, Jean-Jacques BOURDIN, ce sera inscrit dans la loi pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, et pour que force soit faite à la loi et à ses règles qui devraient être appliquées et qui le sont déjà, je le redis, par beaucoup d'entrepreneurs français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin, qui ne sont pas appliquées au niveau européen…
BRUNO LE MAIRE
Mais, visiblement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ne sont pas appliquées au niveau européen…
BRUNO LE MAIRE
Certains ne comprennent pas, donc nous le mettrons dans la loi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, qui ne sont pas appliquées au niveau européen ?
BRUNO LE MAIRE
Je serai, dans quelques heures, à Bucarest avec mes homologues ministres des Finances de la zone euro, je vais porter ce message en disant : mais regardons comment est-ce qu'au niveau européen nous pouvons bâtir ce nouveau capitalisme plus responsable, plus respectueux des salariés et dans lequel on évite les excès, le capitalisme des excès ne peut pas être l'avenir du capitalisme européen.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, pendant ce temps-là, beaucoup de Français ont des difficultés pour leurs fins de mois, beaucoup de Français épargnent aussi. Je regardais les encours qui progressent, vous avez vu ça, sur le LIVRET A !
BRUNO LE MAIRE
Beaucoup de Français, puisqu'on parle des entrepreneurs, Jean-Jacques BOURDIN, beaucoup de Français vont aussi toucher, et je le salue, la prime défiscalisée qui a été versée à deux millions de salariés pour un milliard d'euros. Là aussi, les entrepreneurs ont joué le jeu, c'est pour ça que je regrette…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux millions…
BRUNO LE MAIRE
Deux millions de salariés ont touché un milliard d'euros de prime défiscalisée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une partie de cet argent va sur l'épargne…
BRUNO LE MAIRE
C'est pour ça que je regrette d'autant plus que quelques entrepreneurs isolés jettent l'opprobre sur l'immense majorité des entrepreneurs français qui font vivre notre pays, qui créent des emplois et qui créent de l'activité dans les territoires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des grandes entreprises qui n'ont pas versé de prime ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a des grandes entreprises qui ont pu ne pas verser des primes, mais la grande majorité a versé des primes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, oui, je disais l'encours, l'épargne des Français, et curieusement, paradoxalement, alors que les difficultés sont là, il y a aussi un encours d'épargne qui est considérable…
BRUNO LE MAIRE
Très élevé, tout à fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le LIVRET A, le LIVRET A, ça progresse le LIVRET A.
BRUNO LE MAIRE
Tous les encours d'épargne progressent, et tous les dépôts à vue sur les comptes courants progressent. Raison de plus d'ailleurs pour proposer à nos compatriotes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'allais y venir…
BRUNO LE MAIRE
Des projets d'épargne un peu différents, peut-être un peu plus dynamiques que ce qui existe aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un nouvel instrument d'épargne, vous allez présenter un nouvel instrument d'épargne…
BRUNO LE MAIRE
Oui, un nouvel instrument d'épargne, je me mets à la place des Français, ils se disent : on a le choix entre laisser notre argent sur le compte à vue, en dépôt sans rémunération, on perd de l'argent, parce qu'il y a de l'inflation, même si elle est faible, on perd un peu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
0,75 % le LIVRET A, l'inflation est le double !
BRUNO LE MAIRE
Exactement, donc ça pose une difficulté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, on perd de l'argent !
BRUNO LE MAIRE
Deuxième option, vous allez sur l'assurance-vie, l'assurance-vie est le placement préféré des Français, aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne leur rapporte pas grand-chose…
BRUNO LE MAIRE
Mais ça rapporte moins. Troisième option, vous allez sur un PEA-PME, donc vous avez un placement un petit peu plus offensif, un peu plus dynamique, mais ça représente un risque. Eh bien, nous avons voulu avec le Premier ministre proposer un placement différent, qui soit plus dynamique, qui finance exclusivement l'économie française et les PME françaises, mais avec un peu plus de garanties, parce que ce sera proposé par la Banque publique d'Investissement, la BPI, qui connaît parfaitement le tissu des entrepreneurs et des PME françaises, et donc quand vous investirez, vous financerez l'économie française et des PME françaises, mais vous aurez la garantie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un PEA, quoi ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un PEA garanti par la BPI, avec la connaissance, le savoir-faire, l'expertise la BPI sur les PME françaises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
075 % le taux de LIVRET A va changer ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Non, nous avons fixé un plancher, il n'est pas question de changer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ou 2020… Pas question de changer…
BRUNO LE MAIRE
Le taux de rémunération du LIVRET A, mais vous l'avez très bien dit, Jean-Jacques BOURDIN, c'est à taux qui est aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Variable…
BRUNO LE MAIRE
Faible, il n'est pas très élevé, donc il ne rapporte pas beaucoup…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Faible, mais oui, mais en 2020, il peut changer quand même ?
BRUNO LE MAIRE
Donc je me mets à la place des épargnants…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais, oui, oui…
BRUNO LE MAIRE
Qui veulent un rendement plus élevé, et je leur dis : vous aurez un placement de la BPI finançant l'économie française avec un peu plus de dynamisme et un peu plus de revenus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La taxe GAFA, où est-ce que vous en êtes ?
BRUNO LE MAIRE
Elle a été votée hier, en commission à l'Assemblée nationale, c'est une question de justice à laquelle je crois profondément, les géants du numérique paient 14 points d'impôts en moins que les PME dont nous venons de parler ; qui peut accepter cela ? Donc nous allons mettre en place cette taxe GAFA, 3 % uniquement pour les géants du numérique, c'est-à-dire ceux qui ont plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires numérique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
27 entreprises concernées…
BRUNO LE MAIRE
Donc il y a peu d'entreprises concernées, parce que c'est des très grosses entreprises, mais c'est un signal très fort, notre volonté est de bâtir une fiscalité au 21ème siècle qui soit à la fois plus juste et plus efficace, parce que demain, comment est-ce qu'on va faire pour financer nos écoles, nos crèches, nos hôpitaux si notre fiscalité ne pèse que sur les entreprises qui font les profits les plus faibles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va rapporter quoi, 400 millions d'euros à peu près ?
BRUNO LE MAIRE
Ça va rapporter deux milliards d'euros d'ici 2022, donc quand on me dit : ça ne rapporte rien, j'ai entendu un député dire : c'est la taxe peanuts, eh bien, si pour ce député, deux milliards d'euros, c'est peanuts, pour moi, ministre des Finances, c'est beaucoup…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ici 2022…
BRUNO LE MAIRE
Et par ailleurs, je souhaite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les Autrichiens vont plus loin, ils font 5 %, j'ai vu…
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais sur une base qui est plus étroite que la nôtre. Donc chacun son choix, nous avons un taux à 3 % et une base qui est large. Les Autrichiens, 5 %, une base qui est un peu plus étroite. L'important, c'est que ça prouve que la France n'est pas seule, la Grande-Bretagne, l'Autriche, la France mènent ce combat pour la taxation des numériques. Et, je le redis, du jour où il y aura à l'OCDE une solution internationale, notamment avec nos alliés et amis américains, nous adopterons la solution nationale, mais ce combat pour la justice fiscale est un combat auquel je crois beaucoup, il y a la taxe sur les géants du numérique, il y a aussi un point clé, c'est un impôt minimum, un impôt sur les sociétés pour toutes les multinationales qui délocalisent leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, cette question d'impôt minimum, j'en fais la priorité du G7 Finances que la France préside cette année, je ne veux plus avoir des multinationales qui font des bénéfices sur vous, sur nous, sur les consommateurs français, qui rapatrient ces bénéfices dans un paradis fiscal où l'impôt sur les sociétés est plus faible, et qui, du coup, paient moins d'impôts…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ya des sociétés françaises qui le font…
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr qu'il y a des sociétés françaises qui le font !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, des banques par exemple qui peuvent le faire…
BRUNO LE MAIRE
Mais pourquoi, mais bien sûr que des sociétés françaises le font, mais elles seront soumises à cet impôt minimum, un impôt sur les sociétés, je ne veux plus d'évasion fiscale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, le grand débat, réponses puissantes dit le Premier ministre, nous verrons bien si elles sont puissantes ou pas. Est-ce que les impôts sur le revenu des classes moyennes vont baisser, l'impôt sur le revenu va baisser ?
BRUNO LE MAIRE
Je souhaite que les impôts baissent, oui, très simplement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais tout le monde le dit !
BRUNO LE MAIRE
Mais je souhaite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais bon, d'accord…
BRUNO LE MAIRE
Mais en plus, je le fais, voyez, non seulement, je le dis, mais je le fais, parce que depuis dix ans, les impôts n'ont cessé d'augmenter de près de dix milliards d'euros par an, et nous, avec Gérald DARMANIN, avec le Premier ministre, avec le président de la République, pour la première fois depuis 2017, nous avons inversé cette tendance au matraquage fiscal des Français, et nous baissons les impôts, c'est important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais là, est-ce que l'impôt payé par…
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, je vais vous répondre, je dis juste que dès cette année 2019, deux tiers des ménages français vont voir leurs impôts baisser en moyenne de 440 euros, donc cette décrue des impôts, qui ont augmenté de manière vertigineuse depuis dix ans, je dis bien «vertigineuse », nous avons amorcé cette décrue, et comme ministre des Finances, je souhaite qu'on accélère la décrue des impôts sur les ménages français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une baisse, il y aura dans les mesures qui font suite au grand débat une baisse de l'impôt sur le revenu payé par les classes moyennes ?
BRUNO LE MAIRE
Je souhaite qu'il y ait une baisse des impôts, je souhaite qu'elle touche en priorité les classes moyennes, notre majorité, avec laquelle nous avons discuté, Gérald DARMANIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura…
BRUNO LE MAIRE
Le souhaitent également. Le président de la République décidera et tranchera, mais nous avons eu des échanges très approfondis, très constructifs avec les députés de la majorité autour du président LE GENDRE, il y a quelques jours, avec Agnès BUZYN, avec Gérald DARMANIN et moi-même, et ce qui se dégage comme consensus, c'est : allons vers une baisse des impôts qui touche en priorité les classes moyennes, et en particulier, les classes moyennes les plus modestes, je vous donne juste un exemple parce que c'est cohérent par rapport à notre philosophie politique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, allez-y, un exemple.
BRUNO LE MAIRE
Quelqu'un qui est au chômage, qui reprend un travail et qui devient salarié peut se retrouver soumis à l'impôt sur le revenu, et quand il rentre dans cette première tranche de l'impôt sur le revenu, son imposition marginale peut atteindre quasiment 40 %, c'est-à-dire que quand il gagne un euro…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera exempté ?
BRUNO LE MAIRE
On lui prend 40 centimes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera exempté d'impôt ?
BRUNO LE MAIRE
Je souhaite que l'entrée dans l'impôt sur le revenu soit plus douce, plus progressive, parce que c'est plus cohérent par rapport à notre volonté d'inciter au retour au travail, je suis très attaché, Jean-Jacques BOURDIN, à la cohérence de notre politique. Et le point clé de la cohérence de notre politique économique, c'est le travail, et le travail qui paye.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'âge de départ à la retraite, vous avez été candidat à la primaire, voilà ce que vous disiez : nous devrons travailler plus longtemps, jusqu'à 65 ans, âge légal de départ retraite, 65 ans. A partir de cinq mois de plus par an, à partir de la génération 56, c'est ce que vous disiez lorsque vous étiez candidat, fin des régimes spéciaux également, et régime par points. Vous êtes toujours sur cette même position ?
BRUNO LE MAIRE
Vous me connaissez suffisamment Jean-Jacques BOURDIN, pour savoir que j'ai des convictions solides…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, donc vous dites oui, l'âge légal de départ à la retraite doit…
BRUNO LE MAIRE
Je ne dis pas ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Mais c'est ce que vous disiez pourtant…
BRUNO LE MAIRE
Je dis : faut-il… je vais revenir sur ce que j'ai dit, surtout sur ce que je continue à croire. D'abord, notre système de retraite est infiniment trop compliqué, donc il faut un système de retraite par points, c'est ce que fait aujourd'hui Jean-Paul DELEVOYE, nous l'avons vu hier avec Gérald DARMANIN, Agnès BUZYN et le Premier ministre, il fait un travail, je tiens à le dire, exceptionnel, nous avons passé deux heures à examiner des situations d'une complexité infinie et qui touchent nos compatriotes qui nous écoutent, prenez l'exemple des pensions de reversion, il y a 13 systèmes de pension de reversion aujourd'hui avec parfois des grandes injustices, vous êtes une femme mariée, vous êtes mariée depuis 40 ans, vous avez divorcé, votre mari s'est remarié avec une autre personne, il décède, qui va toucher la pension de reversion ? Dans la plupart des cas, la femme qui n'aura vécu que deux ans avec ce mari. Mais la première femme, qui a vécu 40 ans, qui a renoncé à sa carrière, qui a perdu du salaire, qui a élevé les enfants, qui, parfois, a encore la garde des enfants, ne touche pas de pension de reversion. Je pose juste la question : est-ce juste ou non, ça fait partie des réponses qui devront être traitées dans cette réforme en profondeur de notre système de retraite. Et puis, il y a un deuxième sujet, qui est très différent du premier, qu'il faut séparer de ce premier sujet, c'est de se dire sur la dépendance, la France dépense peu. Et je vais vous dire mon sentiment comme ministre des Finances, elle ne dépense pas assez pour aider les personnes en situation de dépendance, on le voit avec la situation de beaucoup d'EHPAD. Nous avons besoin d'environ 20 milliards d'euros pour cela, comment est-ce qu'on le finance ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ?
BRUNO LE MAIRE
Moi, j'ai ma conviction, c'est que travailler plus longtemps est un des moyens de financer la dépendance et de personnes les plus âgées…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quel est le rapport entre…
BRUNO LE MAIRE
De permettre aux personnes les plus âgées de vivre plus dignement, la question doit rester ouverte. Le président de la République la tranchera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on garde 62 ans, si j'ai bien compris, on garde 62 ans l'âge légal, mais on permet à ceux qui le souhaitent de travailler plus longtemps…
BRUNO LE MAIRE
Toutes les options sont sur la table…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est cela ? C'est cela ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ça fait partie des possibilités, oui, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous soutenez Jean-Paul DELEVOYE… ?
BRUNO LE MAIRE
Totalement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Totalement ?
BRUNO LE MAIRE
Totalement, parce que je travaille avec lui, j'ai vu le travail qu'il a fait encore hier, je vous donne l'exemple des pensions de reversion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est qu'il a menacé de démissionner, est-ce que c'est vrai ?
BRUNO LE MAIRE
Je connais Jean-Paul DELEVOYE depuis des années, c'est un serviteur de l'Etat et de l'intérêt…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui je sais que vous le connaissez bien…
BRUNO LE MAIRE
Il fait un travail exceptionnel pour aller dans chaque détail…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai qu'il a menacé de démissionner ?
BRUNO LE MAIRE
En bien écoutez, moi, il m'a menacé de ne rien du tout, il a toujours été amical avec moi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas vous, personnellement…
BRUNO LE MAIRE
C'est tout ce dont je peux témoigner…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai qu'il a menacé de démissionner ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas confirmer cette information puisque je n'ai jamais vu Jean-Paul DELEVOYE menacer de quoi que ce soit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne toucherez pas à l'âge légal de départ à la retraite fixé à 62 ans ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis qu'il y a un débat qui doit rester ouvert sur l'allongement de la durée de travail. Le président de la République tranchera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, mais vous ne toucherez pas à l'âge légal ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je ne peux pas, comme ministre de l'Economie et des Finances préempter les réponses définitives, et je pense être très clair avec vous pour vous dire : il y a un choix, qui est un choix de société devant nous, est-ce que nous voulons nous donner les moyens de financer mieux le grand âge, les personnes en situation de dépendance, pour moi, la question doit rester ouverte bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, le Brexit, Theresa MAY demande un nouveau report, vous êtes opposé à tout nouveau report ? La France est opposée à tout nouveau report ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, un report pourquoi, Jean-Jacques BOURDIN, que les Britanniques nous disent un report pourquoi, parce que le report, on a l'impression que ce n'est rien derrière, mais enfin, je rappelle qu'il y a des élections européennes dans quelques semaines, donc si on reporte trop longtemps, ça veut dire qu'on va élire des députés britanniques au Parlement européen, alors que les Britanniques ont décidé de sortir de l'Union européenne. Donc il faut, là encore, de la cohérence, et que nous comprenions pourquoi, avec quels objectifs et quels projets politiques les Britanniques souhaitent prolonger cet accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais la date fatidique approche du 12 avril !
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, la date fatidique approche, mais c'est la responsabilité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
No deal donc, no deal ?
BRUNO LE MAIRE
C'est la responsabilité des Britanniques de trouver des solutions. Et nous, notre responsabilité, Jean-Jacques BOURDIN, c'est de faire en sorte que nous renforcions le marché unique, qu'il ne puisse pas y avoir des biens qui rentrent dans le marché européen qui ne respectent pas les mêmes règles environnementales, sanitaires ou sociales que celles que nous imposons à nos propres producteurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, le coût d'un no deal ?
BRUNO LE MAIRE
C'est que nous avancions dans la construction politique de l'Europe, il y a le problème britannique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous dites dans votre livre…
BRUNO LE MAIRE
C'est aux Britanniques de le régler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le coût d'un no deal pour la France ? Vous l'avez calculé ?
BRUNO LE MAIRE
Nous nous sommes préparés, il n'y a pas de calcul, vous savez, ce genre de calculs, c'est très difficile à faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est difficile, c'est très difficile à faire…
BRUNO LE MAIRE
Ce que je peux vous dire, c'est que le Premier ministre, depuis des mois, a demandé à chacun de ses ministres de préparer activement cette situation, une sortie des Britanniques, sans accord, nous y avons travaillé, je pense en particulier aux contrats d'assurances, aux secteurs financiers qui sont absolument vitaux pour notre économie, nous sommes prêts, je préfère qu'on évite cette situation, mais c'est aux Britanniques de faire adopter cet accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, votre livre est clair, l'Europe peut disparaître, attention, il y a deux géants qui menacent l'Europe, qui sont la Chine et les Etats-Unis, c'est ce que vous développez comme thèse dans ce livre, il faut absolument développer la puissance européenne, ce nouvel empire, il faut créer un nouvel empire européen. Alors moi j'ai une question à vous poser justement. Est-ce que PONT-A-MOUSSON, filiale de SAINT-GOBAIN, sera vendu à une entreprise chinoise ? 2000 emplois concernés.
BRUNO LE MAIRE
Je vais, comme toujours, être direct avec vous, je vois le président de SAINT-GOBAIN dans quelques jours, je vais lui demander quels sont ses projets, je ne peux pas confirmer ce projet, je ne l'ai pas encore rencontré, j'ai vu comme vous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous vous opposerez si les Chinois…
BRUNO LE MAIRE
J'attends de voir quel est le projet de SAINT-GOBAIN, dont PONT-A-MOUSSON est une filiale, il y a des emplois qui sont en jeu, il y a des intérêts stratégiques qui peuvent être en jeu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement.
BRUNO LE MAIRE
Moi j'attends de voir le projet du président de SAINT-GOBAIN, mais je ne juge pas à l'avance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais si le président de SAINT-GOBAIN vous dit « ce sont les Chinois qui vont racheter, à 60 %, l'entreprise » ?
BRUNO LE MAIRE
Quel Chinois, quel investisseur, avec quels projets…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ne dites pas non ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne dis pas non, a priori, à un investissement, j'attends de voir quel est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même chinois ?
BRUNO LE MAIRE
J'attends de voir quel est cet investisseur, quels sont ses projets, je ne veux pas, au préalable, avant même d'avoir rencontré le président de SAINT-GOBAIN, fermer la porte aux solutions, parce que derrière je n'oublie pas qu'il y a des emplois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y a une souveraineté technologique de l'Europe quand même, non…
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il pourrait y avoir un transfert de compétences.
BRUNO LE MAIRE
Mais je veux regarder aussi quelles sont les compétences, là il s'agit de tuyaux en fonte, est-ce que ce sont des compétences qui sont sensibles, cette analyse est en train d'être faite, et ensuite, et ensuite seulement, je prendrai ma décision, mais je ne veux pas, a priori, dire non à un investissement chinois, je veux regarder sur quoi il se fait, est-ce que la technologie est sensible ou non, quel est le projet de l'investisseur, quel est cet investisseur, et ensuite seulement nous prendrons une décision.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question. L'EPR de Flamanville, mais quand est-ce que cet EPR sera opérationnel, est-ce que vous avez une date ?
BRUNO LE MAIRE
Vous inviterez le président d'EDF et vous lui demanderez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez une date ? Alors vous-même vous ne savez… personne ne sait, c'est absolument hallucinant cette histoire !
BRUNO LE MAIRE
Nous savons simplement qu'il y a eu un retard, dû très précisément à des problèmes de soudures…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un retard, 8 ans de retard !
BRUNO LE MAIRE
Mais pourquoi ? parce que nous avons perdu les compétences, parce que, à force de ne pas dire haut et fort que le nucléaire fait partie du mix énergétique français, qui nous permet d'avoir un prix de l'énergie plus faible que dans d'autres pays européens, eh bien ce secteur a été moins attractif, pour beaucoup de jeunes, ils ont du mal à recruter, nous avons perdu des compétences, il y a eu un problème de soudures, c'est des soudures qui sont très sensibles et longues à faire, ça prendra du temps…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mise en service quand ?
BRUNO LE MAIRE
C'est au président d'EDF de nous le dire, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas ?
BRUNO LE MAIRE
Je peux vous dire en tout cas que ça ne sera pas à la date de la rentrée 2019 qui avait été prévue, ça ne sera pas septembre, octobre 2019, ce sera plus tard, probablement au début de l'année 2020, mais je ne veux pas m'engager là-dessus. Qu'est-ce que ça prouve en tout cas ? c'est que, pour revenir à la question européenne, si nous voulons, demain, rivaliser avec les Etats-Unis et avec la Chine, il faut que nous nous mettions ensemble, pour investir dans toutes ces technologies, extraordinairement sensibles, de l'intelligence artificielle, du stockage des données, du stockage de l'énergie renouvelable, qui donnera un avantage compétitif considérable à l'Europe, soit nous sommes unis et nous ferons face à la Chine et aux Etats-Unis, soit nous nous disloquons, nous nous féodalisons, nous nous vassalisons et nous disparaîtrons de la scène internationale. Voilà le choix qui se joue aux prochaines élections européennes, voilà pourquoi je m'engage totalement, avec beaucoup d'enthousiasme, dans cette campagne européenne, derrière notre chef de file Nathalie LOISEAU.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno LE MAIRE merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2019