Texte intégral
Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône,
Monsieur le ministre du Travail, de l'Emploi, des Anciens combattants et des Affaires sociales de la République de Serbie,
Madame l'ambassadrice de Serbie en France, Excellence,
Monsieur le Prince héritier de Yougoslavie,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
Ce jour-là, une ambiance joyeuse s'empare des Marseillais. Il y a de la légèreté dans les rues, une joie simple mais bruyante a envahi le Vieux-Port. La Canebière est noire de monde ! Des salves d'honneur sont tirées, les cloches sonnent, des drapeaux tricolores et yougoslaves sont agités, les hymnes des deux nations résonnent. Journalistes et caméras – choses encore rares à l'époque – sont présents en nombre. C'est bel et bien la fête de l'amitié franco-yougoslave qui débute.
Il y a 85 ans, jour pour jour, le roi Alexandre de Yougoslavie et toute sa délégation posaient le pied sur le sol français en débarquant dans la cité phocéenne. Cette visite d'État devait conduire la délégation royale jusqu'à Paris et permettre de renforcer encore davantage nos liens.
Dès qu'il foule le Vieux-Port, le roi, dans son magnifique uniforme d'amiral de la marine yougoslave, attire tous les regards. Ce grand ami de la France est accueilli par deux ministres dont celui des Affaires Etrangères, Louis BARTHOU.
Côte à côte, ils se recueillent et déposent des gerbes devant le monument aux morts du front d'Orient. La Grande Guerre fut pour le Royaume de Serbie et la République française une expérience de douleur et de sang. En alliés indéfectibles, les armes de la France et de la Serbie ont vaincu ensemble.
Mais en 1934, dans cet entre-deux-guerres qui ne dit pas encore son nom, l'objectif de nos nations est de renforcer notre alliance, de la conforter, de la démontrer aux yeux du monde. C'était le sens de cette visite royale. C'était un message puissant dans une Europe en proie au doute, dans un continent au ciel menaçant. Déjà, à travers l'Allemagne hitlérienne et l'Italie mussolinienne, on devinait la montée des périls et une nouvelle source de conflits potentiels. Louis BARTHOU avait eu cette intuition. Il avait perçu le sombre dessein du nazisme et tenté de mobiliser contre celui-ci. Ce fut son dernier combat.
Ce 9 octobre 1934, en quelques minutes, ce qui devait être une démonstration d'amitié et de solidarité a été tragiquement interrompue par la violence et la confusion.
Alors que le véhicule remonte l'avenue, devant le Palais de la Bourse, un homme s'élance hors de la foule, arrive à la hauteur de la voiture et fait feu à plusieurs reprises. Un roi périt, un ministre de renom succombe, des gendarmes et des civils décèdent.
Cet attentat a durablement marqué nos mémoires et notre histoire commune. La ville de Marseille s'en souvient également. Cet attentat a eu un retentissement international, d'autant qu'il fut un des premiers évènements dramatiques à être filmé par la presse. La consultation de cette archive vidéo est d'ailleurs toujours saisissante.
Dans une veillée funèbre improvisée, les dépouilles d'Alexandre Ier et de Louis BARTHOU sont allongées côte à côte et reçoivent les honneurs. Depuis, à cet endroit même, un monument dédié à la paix a été érigé. Il fait écho à tous les monuments qui commémorent nos combats communs et célèbrent notre amitié.
Nous nous retrouvons aujourd'hui sur les lieux même du drame pour rendre hommage aux victimes, pour nous en souvenir et pour dire notre amitié réciproque. En présence de représentants du Gouvernement français et du Gouvernement serbe, nous rappelons que l'amitié entre nos deux pays est solide, durable et résiliente.
Cette amitié a résisté aux guerres et aux crises. Elle a surmonté sans faiblir tous les soubresauts européens, tous les épisodes les plus douloureux et les plus récents de notre histoire.
Monsieur le ministre, monsieur le prince héritier, l'alliance et le partenariat étroit entre nos pays nous sont chers. L'amitié que se portent nos peuples est profondément enracinée dans la terre de France, dans la terre de Serbie et dans la terre européenne. Les liens qui nous unissent ne peuvent se distendre car ils sont ceux de la fraternité, du dialogue, de la solidarité et du respect. Ils sont ceux d'un enthousiasme sincère.
Aujourd'hui, nos peuples se tendent les mains et se regardent avec une ambition commune : celle de construire l'avenir. La France sait que nos deux pays ne construiront un destin européen qu'en tirant les leçons des conflits passés et récents et en consolidant notre partenariat. C'est le sens du discours du Président de la République prononcé à Belgrade, en juillet dernier, au côté du Président VUCIC, devant le monument de reconnaissance à la France.
Lors de sa visite d'État en Serbie, le Président de la République l'a exprimé avec force : de nombreux liens de coopération existent entre nos pays. Nous en avons encore tant à consolider en matière sociale, en matière économique et en matière de développement.
Chers amis serbes, nos coopérations sont également mémorielles. La mémoire que nous partageons est à la source de notre amitié. Il y a une grande richesse dans notre mémoire partagée. Nous en avons eu la démonstration lors du centenaire de la Grande Guerre. Je l'ai moi-même constatée, il y a un an, à l'occasion des commémorations de la libération de Belgrade.
J'exprime devant vous la volonté de la France de poursuivre notre travail de mémoire commun, de continuer notre oeuvre de transmission et de mise en valeur.
Dans cette ville de Marseille, ouverte sur les cultures européennes, ouverte sur la Méditerranée, ouverte sur le monde, dans cette ville qui symbolise les idéaux de diversité et de solidarité, la France et la Serbie expriment à nouveau les valeurs communes qui ont forgées notre amitié.
En commémorant l'attentat du 9 octobre 1934, nous nous souvenons que la relation franco-serbe est celle de la fidélité entre deux grands peuples européens. Le chemin qui s'offre à nous est celui de notre amitié au XXIème siècle. Une amitié que les générations futures de Français et de Serbes continueront à entretenir.
Je vous remercie.
Source https://www.defense.gouv.fr, le 15 octobre 2019