Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur la construction européenne et le Brexit, à l'Assemblée nationale le 9 octobre 2019.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Audition devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale

Texte intégral

Merci, Madame la Présidente, pour votre invitation à m'exprimer devant votre Commission en amont du prochain Conseil européen qui se tiendra les 17 et 18 octobre prochains. L'Europe n'est pas l'étranger puisque l'Europe, c'est nous tous, mais de nombreux sujets nécessitent que nous puissions échanger tout de même.

La semaine qui vient est une semaine très importante pour l'Europe et pour la France en Europe. Il s'y déroulera un Conseil affaires étrangères, un Conseil agriculture, un Conseil affaires générales, un conseil des ministres franco-allemand à Toulouse le 16 octobre, puis le Conseil européen, les 17 et 18 octobre.

Ce Conseil européen se déroule dans un contexte particulier : celui des auditions des commissaires désignés par le Parlement européen qui sont, comme vous le savez, toujours en cours. Ce processus vise à la fois à s'assurer des compétences et de l'intégrité des candidats, ainsi que de leur engagement européen afin de permettre une entrée en fonction de la Commission le 1er novembre. La prochaine étape est celle du vote d'investiture du collège des commissaires, prévu le 23 octobre, pendant la session plénière du Parlement européen à Strasbourg.

Ce Conseil européen sera également marqué par le contexte du retrait du Royaume-Uni qui devrait intervenir le 31 octobre.

Les nouvelles propositions sur l'Irlande et l'Irlande du Nord présentées par le Premier ministre britannique le 2 octobre permettent de clarifier la position de son gouvernement et sont, en ce sens, bienvenues. Toutefois, elles soulèvent d'importantes difficultés au regard des principes définis par l'Union depuis le début de la négociation, à savoir la protection de l'intégrité du marché unique, l'absence de frontière physique en Irlande par le respect absolu des accords du Vendredi saint et la loyauté dans les relations commerciales futures. Elles sont par conséquent, en l'état, insuffisantes.

Le dispositif envisagé pour les contrôles douaniers repose sur des arrangements qui ne sont pas détaillés et ne seront pas opérationnels au jour du retrait, ce qui ne permet pas de s'assurer que les produits qui entreront dans l'Union européenne respecteront bien les normes européennes dès lors que les petites et moyennes entreprises (PME), en particulier, seraient exemptées de nombreuses procédures de contrôle. Le risque de contrebande n'est pas levé. Par ailleurs, le gouvernement britannique propose d'introduire un mécanisme qui rend les arrangements caducs dans le cas où l'Irlande du Nord ne donnerait pas son consentement et ce, tous les quatre ans. Cela remet en question les garanties ouvertes par l'actuel accord de retrait : il n'y aurait plus de "filet de sécurité" garantissant automatiquement l'absence de frontière physique et la protection du marché unique en toutes circonstances.

Dans ces conditions, la Commission et les vingt-sept Etats membres ont constaté que les nouvelles propositions ne constituaient pas une base suffisante pour conclure un accord et qu'il fallait continuer à négocier. L'enjeu est très important. Au-delà de ce que certains considèrent comme un jeu, il y a des millions de citoyens, d'emplois et d'entreprises. Il y a 300.000 Français au Royaume-Uni et 150.000 Britanniques en France qui attendent des perspectives, au-delà des ordonnances que nous avons déjà prises sur le sujet. Nous avons comme priorité leurs intérêts. Nous avons aussi des impératifs de sécurité collective qui nécessitent la plus étroite collaboration.

Je pourrai y revenir plus tard plus en détail à l'occasion des questions et notamment sur un éventuel report de la date de sortie. Cela dépendra d'une éventuelle nouvelle configuration politique britannique liée à des élections législatives ou à un nouveau référendum. En effet, je ne suis pas sûre de l'utilité d'un nouveau report de quelques mois dans la même configuration politique.

Au-delà du Brexit, ce Conseil européen sera l'occasion pour les chefs d'Etat et de gouvernement de revenir sur les dossiers structurants pour l'avenir de l'Union.

Une discussion aura lieu sur la mise en oeuvre de notre agenda stratégique pour les cinq prochaines années. Parmi les chantiers prioritaires que la nouvelle Commission entend mettre en oeuvre, un grand nombre de propositions font écho aux priorités que nous portons, concernant par exemple la lutte contre le changement climatique - avec le "pacte vert européen" -, la création d'un bouclier social - avec l'annonce d'une proposition sur un salaire minimum juste pour tous les travailleurs de l'Union - ou encore la protection, des frontières extérieures, l'innovation, la souveraineté numérique ou le programme d'intelligence artificielle.

Il revient désormais au Conseil européen d'examiner précisément la manière dont les priorités définies dans le programme stratégique adopté en juin seront reprises dans le programme de travail de la Commission. La réunion des chefs d'Etat ou de gouvernement des 17 et 18 octobre, à laquelle participera Ursula von der Leyen, permettra ainsi d'évoquer les initiatives à porter sur le plan politique dès l'entrée en fonction de la nouvelle Commission.

À la demande de la France, qui a été suivie par un grand nombre d'Etats membres, le Conseil européen aura un débat sur les enjeux climatiques. Cette discussion nous semble indispensable pour parvenir rapidement à un consensus sur l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 et sur les moyens d'atteindre les ambitions proposées par la Commission pour 2030.

Enfin, les chefs d'Etat et de gouvernement auront une première discussion politique sur le cadre financier pluriannuel (2021-2027) sur la base des travaux conduits jusqu'à présent. Ce sera l'occasion pour le président de la République de rappeler les priorités françaises, sur l'agriculture et son accompagnement dans sa transition écologique, sur la convergence sociale, sur la jeunesse, sur la protection des frontières et de plaider pour la création de nouvelles ressources propres. Je veux faire ici remarquer que nous avons un vrai problème de sous-consommation des crédits européens. Il y a là un problème de crédibilité. On ne peut pas demander une augmentation des enveloppes budgétaires, alors que celles existantes ne sont pas consommées en totalité. Il y a des barrières bureaucratiques qui expliquent ces difficultés. Il nous faut une mobilisation nationale pour les lever et arriver à déployer la politique européenne. C'est ce que j'appelle l'Europe du concret. Je l'accompagne et je compte également sur votre vigilance auprès des autorités de gestion que sont les régions.

Pour les ressources de l'Union, il y a un consensus sur la contribution plastique. Sur le marché des quotas à polluer, ce n'est pas acquis, mais nous progressons. Sur la taxe carbone aux frontières, nous menons un travail franco-allemand en vue d'une proposition commune. Pour les autres ressources propres, le combat doit être poursuivi.

Enfin, l'un des plus importants sujets d'actualité européenne que je souhaitais évoquer avec vous est celui de l'élargissement. Le CAG du 15 octobre doit se prononcer sur la question de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et l'Albanie. Notre position est encore à affiner.

Nous reconnaissons l'aspiration européenne des pays candidats. En même temps, nous considérons que le processus d'élargissement doit d'abord tenir compte de la priorité pour l'Union d'être approfondie et de voir son fonctionnement amélioré. Dans ce contexte nous nous déterminerons à l'aune de deux critères principaux.

D'abord, les pays candidats doivent respecter la totalité des critères fixés, en particulier concernant l'Etat de droit et la bonne gouvernance économique. Le processus d'élargissement est fondé sur des critères exigeants et les mérites propres des candidats, sans calendrier préétabli. Il suppose des efforts considérables en matière d'Etat de droit et de bonne gouvernance économique. En Macédoine du Nord, l'accord historique de Prespa avec la Grèce doit être salué. Nous avons néanmoins encore des questions sur l'indépendance de la justice et du statut du parquet. L'Albanie a fait un effort tangible sur ce point mais des progrès restent encore à faire sur le nombre et la formation des magistrats. En définitive, des améliorations sont encore à attendre sur la réforme de la justice, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, les droits fondamentaux et la réforme de l'administration.

Ensuite, nous considérons que la procédure de négociations entre l'Union et les pays candidats à l'adhésion doit être revue. Il est extrêmement lent et irréversible. Surtout, il accélère le "brain drain" qui continue à des rythmes élevés. Il faut pourtant que les pays concernés gardent une vivacité culturelle, intellectuelle, sociale, économique et politique. Ils ont besoin de leur classe moyenne et de la jeunesse la mieux formée pour être de futurs partenaires.

Cette nouvelle approche, plus incitative, plus graduelle mais aussi réversible, doit permettre d'avoir des résultats tangibles que les citoyens souhaitent voir. La France n'est pas là pour donner une apparence de fermeté, elle recherche simplement à assurer que les critères soient respectés et à insister sur la révision du processus de négociation.

Sur l'asile, nous soutenons la réforme telle qu'elle est portée par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Il est nécessaire de créer une agence européenne de l'asile mais aussi de réformer l'accord de Schengen. Tout cela doit être conduit dans un même élan. Nous avons avancé sur ce point au Conseil JAI, au moins pour considérer que tout ne va pas très bien dans ce domaine.

En ce qui concerne Airbus et le différend à l'OMC, nous sommes en négociation, mais l'intégralité des mesures de rétorsions éventuelles qu'il faudra mettre en oeuvre si nous ne pouvons pas trouver d'accord sont prêtes. La présence de la chancelière Angela Merkel à Toulouse mercredi prochain est par ailleurs un signal politique fort.

(interventions des parlementaires)

Je reviens d'abord sur la question de la taxation du kérosène. C'est un sujet qui revient dans les débats et qui est traité dans le Conseil des ministres des transports et dans le Conseil des ministres de l'environnement. Il s'agit d'un point explicitement à l'ordre du jour européen. Il y a plusieurs axes d'action : le renouvellement des flottes qui demande un gros investissement pour que l'innovation soit au service du climat, les alternatives en termes de carburant et le renforcement à court terme du marché des quotas d'émission de carbone dit ETS pour Emission Trading Scheme, afin qu'il puisse s'appliquer au secteur aérien. Ensuite, une coalition existe, ouverte à des mesures de pollueurs-payeurs qui pourraient prendre la forme que vous suggérez. Cette coalition est composée de la France, l'Allemagne, la Suède, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Danemark. Ce sont des pays avec compagnie nationale et dotés de hub aéroportuaires importants. Ce n'est pas de la communication, c'est un sujet sur lequel nous travaillons. J'espère pouvoir lors de ma prochaine audition vous donner plusieurs éléments.

À propos du Brexit et du budget, deux questions se posent. Sur le budget 2020, la France rappelle qu'il est hors de question que cela ait un impact sur le montant des politiques publiques en cours ou sur les paiements attendus si le Royaume-Uni n'honore pas ses engagements financiers. Aucune contribution nationale supplémentaire ne sera en outre demandée en compensation. Sur le cadre financier 2021-2027, plus de 300 milliards d'euros concernent des projets lancés avant 2021. Sur ces 300 milliards d'euros, le Royaume-Uni a des paiements à effectuer et doit honorer ses engagements en contrepartie des bénéfices reçus de l'Union européen. C'est un contributeur important qui se retire de la contribution au budget. La France pousse en outre à la suppression des rabais. Par ailleurs, si les Britanniques veulent avoir un accès ad hoc à des politiques européennes, nous souhaitons qu'une contribution aux programmes soit prévue. Par ailleurs, nous cherchons un équilibre entre contributions des différents Etats membres. Les citoyens et les acteurs européens ne doivent pas subir les conséquences directes du Brexit.

Sur les fonds spécifiques Interreg, tout comme nous avons un fonds de soutien à la mondialisation, nous avons préparé des fonds dédiés pour les secteurs et les régions les plus exposés aux conséquences du Brexit. Notre objectif n'est pas de le mettre en oeuvre, notre objectif est de trouver un accord ou un cadre d'action. Mais tout cela est prêt. Michel Barnier a largement communiqué sur cette question.

Monsieur Dumont, la commission jury du Parlement européen a statué sur les questions de conflits d'intérêts et a accepté le dossier de Sylvie Goulard. J'ai pu faire allusion au fait que les questions adressées à Mme Goulard lors de son audition n'avaient pas concerné le fond de son portefeuille. Je me suis, en effet, étonnée que des députés français posent ce genre de questions. Une nouvelle audition est organisée demain, je pense qu'elle donnera lieu à des questions sur des sujets de fond, ce pour quoi les commissaires européens sont désignés.

Je continue sur la question de Jean-Louis Bourlanges. Oui, un accord avec le Royaume-Uni est toujours recherché. L'Union européenne et l'intégralité des parties savent que c'est dans l'intérêt de tous de trouver un accord. Nous avons toujours nos priorités en tête à cet égard. S'il n'y a pas d'accord, il faudra protéger le marché intérieur mais aussi protéger la paix en Irlande, notamment grâce à un soutien technologique, mais c'est un mécanisme dégradé. C'est pourquoi les Irlandais ont préparé des mécanismes alternatifs pour mettre en place des contrôles. L'Irlande doit assumer une réduction de la fluidité des échanges avec l'Union européenne pour contrôler ce qui sort de son territoire. Mais nous allons nous assurer, et même si cela crée des difficultés, de ne pas mettre en danger les biens que nous consommons et les normes qui y sont attachées. Cette situation est préjudiciable à l'Irlande qui devra faire des contrôles supplémentaires et ce n'est pas ce que nous souhaitons.

Sur la discussion autour de la création d'une frontière sur laquelle devra se prononcer, au bout de quatre ans, l'Assemblée d'Irlande du nord, on ne peut pas reprendre cette discussion éternellement. Cela met en péril les investissements de long terme. L'Irlande se prépare à contrôler tous les flux, afin de préserver la confiance en nos flux commerciaux internes. Sur les PME, ce que préparent les Irlandais et la Commission européenne, c'est une capacité à contrôler tous les flux pour que nous ne laissions pas place à une perte de confiance.

(intervention d'un parlementaire)

C'est assez différent de gérer une situation complètement dégradée où nous ne partons de rien et de partir d'une situation où nous avons des garanties juridiques et de les dégrader nous-mêmes. Même si les choses pourraient présenter des ressemblances pratiques, nous ne pouvons pas en tant qu'Européens nous lancer dans un système sans garanties juridiques. Nous ne pouvons pas assumer politiquement un système sans responsabilité juridique, les citoyens européens et irlandais ne comprendraient pas.

À Mme Dumas, je dirai que le système INSTEX est prêt avec les trois pays signataires européens - l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni - qui continuent de vouloir apporter leur soutien à l'accord de Vienne. Il faut que les Iraniens mettent en place un système miroir de celui-ci. Il y a aujourd'hui une proposition avec une structure qui existe. Beaucoup de partenaires européens, comme les Pays-Bas ou l'Italie, veulent nous rejoindre. Pour que nous puissions faire des transactions, dans le domaine agricole ou le domaine pharmaceutique par exemple, il nous faut pouvoir travailler dans un cadre juridique. En revanche, l'article 36 de l'accord sur le nucléaire iranien ne donne pas à ce pays la possibilité de contourner ses obligations. Notre soutien est politique, je ne crois pas que la France souhaite ralentir le processus. L'extraterritorialité des sanctions américaines pose un vrai problème en revanche. Cela concerne d'ailleurs beaucoup d'autres sujets. Notre détermination est totale pour soutenir la mise en oeuvre essentielle de ces mécanismes.

(intervention de la présidente)

Le ministère des finances français travaille sur des mécanismes incluant le pétrole iranien d'ailleurs.

Monsieur Lambert, je suis prête à décrire ce que nos partenaires nous disent de ces propositions telles que je les connais. Tout ce que nos partenaires disent peut changer jusqu'au Conseil. Sur le climat, la coalition est composée de vingt-quatre pays qui veulent la neutralité carbone en 2050. Ce sont des pays porteurs de certaines idées, prêts à créer des moyens financiers comme le fonds de transition juste. Sur le principe ces pays considèrent que c'est une priorité. La difficulté restante concerne l'ampleur des moyens et les modalités à mettre en oeuvre. Il faut également trouver une solution pour continuer à travailler avec les trois pays restants qui sont d'ailleurs devenus deux depuis que l'Estonie nous a rejoints.

Sur le sujet de l'agriculture, vingt pays soutiennent une augmentation de l'enveloppe de la PAC par rapport à ce qui était proposé par la Commission. Certains soutiennent le premier pilier comme la France, d'autres sont pour augmenter le second pilier. Les ministres de l'agriculture vont faire des déclarations pour éclairer les positions collectives sur la PAC. Sur les enjeux sociaux, il y a des Etats favorables à ce que le semestre européen inclue un vrai volet social - sur le montant des salaires, les salaires plancher -. Les positions françaises ne sont jamais isolées sur ce sujet comme sur d'autres. Sur le budget, nous avons une position médiane, sur les autres sujets nous sommes parmi les pays les plus ambitieux mais nous ne sommes jamais seuls. Il y a des coalitions, sujet par sujet, qu'il faut animer et élargir. Il nous faut être extrêmement habiles. Mon travail consiste justement à construire des coalitions, parfois avec certains pays, parfois avec d'autres.

Madame Trisse, que se passera-t-il en termes de flux de personnes avec le Brexit ? Les Britanniques avaient posé un principe clair quand Theresa May était Premier ministre : les règles de circulation des personnes resteraient inchangées quoi qu'il arrive, y compris en cas de "no deal" jusqu'en décembre 2020. Certaines déclarations récentes de la ministre de l'intérieur britannique laissent entendre qu'ils pourraient vouloir amender le droit des étrangers, notamment pour les Européens qui viendraient sur leur sol pour plus de trois mois. J'ai encore hier posé la question aux Britanniques pour que nous comprenions si cela inclurait des démarches à l'arrivée au Royaume-Uni et potentiellement au passage de la frontière. Je n'ai pas de certitude quant à la réponse aujourd'hui. Mais c'est un point sur lequel nous sommes extrêmement vigilants. Cette question est essentielle pour notre capacité à nous organiser dans les ports, les gares, etc. La frontière est gérée sur le sol français par la police française et britannique. S'il faut faire des files différentes selon les personnes, il faut nous le dire vite.

Madame Le Peih, sur les fonds européens agricoles, la coalition autour de la PAC est importante. Une vingtaine de pays sont alignés sur le fait nous devons maintenir la PAC à son niveau en valeur sur la période 2021-2027. Il est clair pour ces pays que nous devons investir davantage et financer la transition. Nous accompagnons cette transition. Les fonds de développement rural doivent pouvoir se déployer de manière plus simple. Nous allons négocier le budget de la PAC et tâcher de faire au mieux pour avoir ces mécanismes d'investissements et d'accompagnement de la transition mais il faut ensuite que nous soyons capables de les déployer.

Monsieur Kokouendo, sur les fonds européens consacrés à l'intégration et aux migrations, des orientations fortes ont été données par les ministres de l'intérieur sur les types de politiques à soutenir notamment l'enseignement de la langue ou encore l'accès au marché du travail des réfugiés comme le programme HOPE. Nous devons faire non pas de la discrimination positive mais avoir les bons mécanismes et ne pas contrevenir à certaines dispositions légales. Nous avons aussi dans les programmes structurels des outils qui peuvent nous aider à compléter les actions nationales. Les fonds européens de l'aide à l'entrepreneuriat ou au soutien aux dynamiques de politiques de la ville peuvent également appuyer les programmes nationaux.

Monsieur El Guerrab, je vais vous répondre sur les accords de Cotonou, et ce que nous cherchons à faire en direction des pays ACP. Les Etats membres ont adopté un mandat qui est bon à nos yeux, qui préserve l'acquis de Cotonou. Il engage un dialogue politique ainsi qu'un dialogue sur les valeurs et surtout une meilleure prise en compte des priorités régionales. Ainsi nous pourrons avoir une vraie stratégie avec chacune des zones géographiques et également une vraie réflexion sur l'intégration régionale. L'Europe doit faciliter les dynamiques sur l'intégration régionale pour créer une cohérence de déploiement des fonds. Nous sommes en négociations. Les volets Caraïbes et Pacifique ont plus avancé que le volet Afrique de l'ACP.

Monsieur Cordier, j'ai déjà beaucoup parlé des fonds européens. Ce que je cherche à faire sur ce sujet est dans l'intérêt de tous les élus, des députés, du gouvernement, des présidents de régions, des acteurs européens. Il s'agit de nous assurer que nous savons et que nous pouvons déployer pleinement les fonds jusqu'au terrain. Toute personne désirant travailler avec moi sur des choses qui ne fonctionnent pas est la bienvenue. Le but est que nous puissions repartir sur une dynamique de déploiement intensif en 2021. J'ai ainsi demandé à des préfets de me faire remonter tous les problèmes sur le terrain pour que nous puissions les traiter.

Sur l'harmonisation des règles fiscales, la France n'est pas en faveur de l'unanimité dans ce domaine. Nous considérons que nous perdons du temps avec l'unanimité. La taxation minimale telle qu'elle est négociée à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est un chemin intéressant pour l'Union. Je fais le lien avec la question de M. Mahjoubi. La question du numérique et de la taxation du chiffre d'affaires est bien sûr importante et avance bien. Les pays les plus récalcitrants ne bloquent plus le processus. L'Union européenne est relativement unie sur le sujet. Mais la taxation minimale est une capacité à définir une taxation qui s'applique à tous les acteurs économiques. Les Etats-Unis ont retenu un seuil de 10% d'impôts minimal. Cela permet de gommer les disparités d'assiette. On fait fi des mécanismes d'optimisation réciproques. Je pense que c'est une démarche éclairante sur ce nous pouvons faire au niveau européen. Il ne faut cependant pas tuer les objectifs politiques dans ces négociations techniques. Il faut rester cohérent avec l'OCDE.

Monsieur Maire, intégrer le climat et le développement durable dans le commerce, c'est une priorité française, partagée je crois. C'était dans la feuille de route d'Ursula von der Leyen. Elle a bien dit que l'enjeu climatique n'était pas un enjeu parallèle mais devait être présent dans toutes les régulations européennes : dans les règles financières, d'investissement, etc. Si nous ne sommes pas cohérents et si nous nous empêchons de faire des choses positives pour le climat parce que certaines régulations européennes n'ont pas été mises à jour, les citoyens ne vont pas comprendre. C'est un sujet sur lequel nous travaillons activement.

Monsieur Girardin, ce que vous décrivez c'est un mécanisme d'aide d'Etat non justifié et il faut le notifier. Selon les règles, au-dessus de 200.000 euros d'aides publiques, au bout de trois ans, nous rentrons dans le domaine des aides d'Etat. Il faut expliquer à la Commission européenne pourquoi telle entreprise ou activité a bénéficié de fonds publics. Si cela s'applique à l'entreprise dont vous me parlez, il y a une procédure officielle qui permet de le notifier. On poursuivra la discussion avec vous bien volontiers.

Madame Poletti, la révision du droit à la concurrence évidemment est une priorité. Par exemple, Mme Goulard à qui on propose le portefeuille de l'industrie, aura à travailler sur la concurrence et l'industrie. Mais il y a d'autres sujets comme la concurrence et le commerce, comme l'entrée sur nos marchés d'acteurs super subventionnés par les puissances publiques. L'ambition est de pouvoir considérer que les concurrents ne sont pas juste au sein de l'Europe mais aussi sur un marché mondial. Certains biens sont échangés sans frontière. Le droit à la concurrence doit pouvoir identifier sur quels marchés ces biens sont diffusés : locaux, régionaux ou mondiaux. Mme Vestager a été très claire sur ces enjeux-là. Il faut s'adapter à la concurrence et au numérique. On voit bien que des acteurs qui sont en concurrence avec d'autres acteurs traditionnels ont des pratiques très différentes et qui posent questions. Là aussi, la position française est très forte, et la position allemande est très proche de la nôtre, ce qui est relativement nouveau.

Madame Rauch, à propos de la convention d'Istanbul, vous étiez à Strasbourg pour les soixante-dix ans du Conseil de l'Europe. Le sentiment que nous avons est qu'être progressiste sans faire comprendre que la moitié de la population ne peut pas vivre dans la peur de se faire agresser, ne sert à rien. On porte une politique féministe dans les grandes instances mondiales. Nous voudrions d'ailleurs universaliser la convention d'Istanbul. Il y a des bonnes nouvelles. L'Arménie a annoncé qu'elle travaillait avec l'Europe à une ratification de ce texte. D'autres pays travaillent à l'étude juridique de la cohérence entre cette convention et leur droit. Si vous pouvez nous aider, c'est par vos liens avec les parlementaires de pays tiers, notamment à travers vos groupes d'amitié. Il faut que les faits soient connus. En France, nous n'avons pas de leçons à donner mais nous avons une conscience collective de ce que sont les féminicides et les violences faites aux femmes car les faits sont sur le devant de la scène. Mais, dans beaucoup de pays, la ratification n'a pas encore eu lieu et l'idée selon laquelle ce sujet est un petit sujet existe. Or c'est un petit sujet jusqu'à ce qu'on en réalise l'ampleur. La diplomatie parlementaire peut aider, je le crois, à la prise de conscience populaire.

Monsieur Mahjoubi, je crois avoir déjà répondu à votre question.

Madame Lenne, sur la coopération transfrontalière franco-suisse, d'abord, il s'est passé plein de belles choses entre la Suisse et la France : en termes de transports, de systèmes hospitaliers, etc. Cela concerne aussi la relation avec le Luxembourg. La prochaine étape, c'est la formation. Il s'agit de nous assurer que les bassins d'emplois soient mieux identifiés et que nous formions assez de personnel pour qu'ils puissent travailler de part et d'autre de nos frontières. La relation franco-suisse est forte. Je me suis rendue à Berne, nous avons fait de grands progrès sur les investissements dans l'infrastructure aéroportuaire par exemple. Ce sont des sujets sur lesquels il y a une vraie dynamique, nous sommes au service des citoyens. Ce sont des laboratoires et nous travaillons sur notre capacité à transformer la diplomatie en résultats concrets pour ceux qui vivent dans ces régions.

Madame Clapot, sur les Balkans, le sujet n'est pas de changer les règles du jeu en cours de route puisque les négociations d'adhésion n'ont pas commencé. Nous aimerions pour ces pays, le jour venu, négocier sur des bases efficaces et de confiance mutuelle. La France a posé des conditions pour ouvrir les négociations, nous voulons que ces conditions soient remplies. C'est également ce qu'a dit le Bundestag. Dans l'intérêt de tous, il faut que ces négociations se fassent dans un cadre bénéfique pour les peuples, la jeunesse et les entrepreneurs. Il faut porter ces exigences. L'Europe a un rôle pour la stabilité de la région et la géopolitique. Les Balkans sont au coeur de l'Europe. Il faut donc investir politiquement et économiquement dans ces régions.

Monsieur Buon Tan, la relation UE-ASEAN et l'axe indopacifique forment évidemment une relation importante. Chaque bloc possède 500 à 600 millions d'habitants si on exclut la Chine. Je crois que l'ambition de former un partenariat stratégique est connue mais bloquée car l'Indonésie et la Malaisie portent le sujet de l'huile de palme au coeur de ces négociations et en font un point bloquant. L'ASEAN représente trente et un partenaires commerciaux potentiels et donc c'est autour de ce bloc que doit être pensée une stratégique indopacifique. Nous mettons les enjeux de développement durable et de climat à un niveau stratégique, notamment sur l'huile de palme.

Madame Chapelier, à Malte, quatre pays ont travaillé ensemble sur un mécanisme de gestion des débarquements de migrants sauvés en mer. C'était l'objet de l'échange entre les ministres hier à Luxembourg. Nous avons aujourd'hui une dizaine de pays prêts à aider quand de prochains bateaux arriveront. Nous ne souhaitons pas que ces drames se produisent. Mais nous pensons que, quand cela se produit, nous avons à être beaucoup plus efficaces sur ces sujets humanitaires. Voici quelques chiffres. Parfois, on a l'impression qu'on parle de centaines de milliers de personnes. La France est le pays à avoir accueilli le plus de personnes depuis juin 2018 via ces mécanismes, avec six cents personnes. En Allemagne, ce sont trois cents personnes et, au Luxembourg, soixante. Par rapport aux flux migratoires qui arrivent par voie terrestre, ce sont de tous petits chiffres. Bien sûr il y a tous ceux que nous n'avons pas réussi à sauver. Hier, à Luxembourg, une dizaine d'Etats se sont accordés pour travailler ensemble pour accueillir de manière rapide ces personnes. Nous avons une obligation plus importante d'agir avec humanité et d'empêcher ces hommes et femmes de monter sur des bateaux qui les mettent les exposent à la mort. Nous travaillons ainsi afin de sauver des personnes qui sont en situation de besoin manifeste, en leur faisant prendre des avions. Ce sont 10.000 personnes que la France a accepté d'accueillir avec le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

(interventions des parlementaires)

La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni sont en train de rédiger une déclaration commune qui sera claire sur le fait que nous condamnons très fermement ces actes. Nous saisissons le Conseil de sécurité des Nations unies et cherchons la plus grande coalition possible. Le président de la République a reçu les porte-paroles des FDS, kurdes et arabes. Une déclaration européenne est en cours de rédaction. Je tiens à dire que certains pays européens, ce matin, n'étaient pas sûrs de vouloir signer.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2019