Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le projet de loi de finances pour 2020, à l'Assemblée nationale le 14 octobre 2019.

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Circonstance : Discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2020 à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,


Je suis heureux de vous présenter pour la troisième année consécutive les grandes orientations du projet de loi de finances.

Avec ce budget, nous faisons des choix politiques clairs.

Nous répondons à l'attente des Français qui veulent être mieux rémunérés pour leur travail. C'est le sens de la baisse de l'impôt sur le revenu. Elle vient compléter les mesures prises depuis deux ans pour revaloriser la prime d'activité, pour défiscaliser les heures supplémentaires et pour supprimer les cotisations salariales.

Nous voulons accélérer la transition écologique. 6,3 milliards d'euros seront investis en 2020 pour développer les énergies renouvelables. L'enveloppe dédiée au bonus automobile et à la prime à la conversion augmentera de 50%. Le crédit d'impôt pour la transition écologique sera transformé en aide directe et concentré pour aider les ménages les plus modestes.

Enfin, nous continuons notre politique de l'offre pour soutenir la compétitivité de nos entreprises. Les impôts des entreprises baisseront d'un milliard d'euros en 2020.

1. Ces choix, nous les faisons dans un contexte marqué par le ralentissement de la croissance mondiale.

La principale raison, ce sont les tensions commerciales. Elles se sont intensifiées en un an. Les Etats-Unis taxaient 50 milliards de dollars d'importations chinoises il y a un an. Ils taxeront 520 milliards d'importations en décembre, soit la quasi-totalité des biens en provenance de Chine. Même si la hausse de tarif qui devait intervenir demain [passage de 25 à 30% sur 250 milliards de dollars] a été suspendue dans le cadre de l'accord partiel conclu il y a quelques jours, la situation reste préoccupante.

Ces tensions se sont aussi généralisées. Il y avait déjà une guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis. Les Etats-Unis ont menacé la semaine dernière d'ouvrir une guerre commerciale avec l'Union européenne en imposant dès le 18 octobre des tarifs douaniers sur les avions, les vins ou les fromages européens.

C'est une double erreur économique et politique de la part de nos alliés américains.

Une erreur économique car ces hausses de tarifs vont ralentir les échanges et la croissance mondiale. Le rythme de la croissance mondiale devrait baisser de 0,5 point en 2020 selon l'OCDE. Ce chiffre devrait empirer en cas de nouvelles sanctions contre des produits de l'Union européenne.

Une erreur politique car, face aux défis de notre siècle – l'urgence climatique, les défis technologiques et numérique, la montée des inégalités au sein de nos pays industrialisés –, nous avons besoin d'unité pas de division.

Les incertitudes européennes ne se sont pas dissipées. L'instabilité politique s'est accentuée en Europe : en Italie, en Espagne, et bien sûr au Royaume-Uni, avec le risque de plus en plus réel d'un Brexit sans accord.

2. Une nouvelle donne économique s'est installée : une croissance faible, une inflation faible et des taux d'intérêt bas voire négatifs.

Nous savons que les taux resteront bas dans les prochains mois, en raison des dernières décisions de la FED et de la BCE.

Ces taux bas nous permettent de renouer avec la croissance. Ils nous permettent d'alléger la charge de la dette. Ils donnent la possibilité aux particuliers et aux entreprises qui le peuvent d'investir.

Pour autant, il serait irresponsable de fonder notre politique économique sur le seul outil des taux bas.

D'abord, parce que les taux remonteront un jour ou l'autre et qu'il faut nous y préparer, notamment vis-à-vis de nos finances publiques, en stabilisant la dette et en prévoyant sa réduction.

Ensuite, parce que les taux bas affectent la rentabilité du secteur financier qui emploie 800 000 personnes en France.

Enfin, parce qu'ils ne rétabliront pas la prospérité en Europe. La politique monétaire est nécessaire mais elle n'est plus suffisante.

Elle doit être complétée par une politique budgétaire offensive en matière d'investissements, par le maintien d'une politique de l'offre et par la poursuite de la transformation économique du pays avec le pacte productif.

3. Face au ralentissement de la croissance, l'investissement est la seule réponse efficace.

Nous avons donc décidé de poursuivre une politique de l'offre et une politique de meilleure rémunération du travail.

* Nous faisons des choix fiscaux en faveur des entreprises.

Il y aura un milliard d'euros de baisses nettes d'impôt sur les entreprises en 2020.

L'intégralité des allègements de charges, quel que soit le niveau de salaire, sera maintenu. Et comme nous l'avions voté dans le budget 2018, ces allégements de charges ont été renforcés au 1er octobre dernier. Il n'y a plus aucune cotisation patronale au niveau du SMIC. Et le taux des allègements généraux a diminué de 4 points pour les plus bas salaires entre 1 et 1,6 SMIC.

Pourquoi ne pas revenir sur nos allègements de charges ? Tout simplement parce que le signal envoyé aux entreprises et aux investisseurs serait négatif. Il aurait un impact défavorable sur l'emploi et sur les investissements directs étrangers en France.

La baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuivra. L'impôt sur les sociétés baissera pour toutes les entreprises en 2020. Il atteindra 25% pour toutes les entreprises en 2022.

Certains nous demandent de revenir à notre trajectoire initiale de baisse d'impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises. Cela dégraderait nos comptes de deux milliards d'euros. J'en appelle à la responsabilité des parlementaires. Nous n'avons jamais autant baissé l'impôt sur les sociétés. Si nous voulons maintenir notre politique de l'offre et tenir nos finances publiques, nous avons besoin d'une trajectoire plus progressive.

Autre baisse d'impôt sur les entreprises : le prélèvement sur les entreprises affecté au financement des chambres de commerce et d'industrie diminuera.

Nous nous étions engagés l'année dernière à répercuter la baisse des ressources des chambres de commerce et d'industrie en une baisse d'impôt de production pour les entreprises. Nous tenons notre engagement dans ce budget.

Je veux dissiper une inquiétude des chambres de commerce et d'industrie : nous serons attentifs à la situation des chambres. La baisse de ressources ne doit pas mettre en danger certaines CCI, nous y veillerons.

Comme je l'ai toujours dit, si nous observons que la réforme est trop difficile à suivre dans certains territoires l'année prochaine, notre porte sera toujours ouverte pour évaluer le rythme de la baisse du plafond de ressources des CCI et, de manière liée, de la taxe pour frais de chambre.

Par ailleurs, le Gouvernement donnera un avis favorable à la demande de suppression du prélèvement France Telecom. Près de 30 millions d'euros seront rendus aux chambres pour accompagner la transformation de leur modèle. Cet effort sera gagé. Nous infléchirons la trajectoire de baisse de la taxe additionnelle à la CVAE et de la taxe additionnelle à la CFE prévue à l'article 15 du PLF.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour nos entreprises sur le quinquennat. Si on y ajoute les 27 milliards de baisse d'impôt pour les ménages, cela fait 40 milliards de baisse sur tout le quinquennat.

C'est une baisse qui nous permet de rompre avec dix années d'augmentation massive de la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises.

Enfin, nous avons maintenu et nous maintiendrons une politique d'innovation offensive.

Nous sanctuarisons le Crédit impôt recherche. Je connais les critiques sur le CIR mais je les crois infondées.

Le Crédit impôt recherche bénéficierait exclusivement aux grandes entreprises. C'est faux. Les grandes entreprises représentent un tiers des dépenses de Crédit impôt recherche, les ETI et les PME en représentent les deux tiers.

Il serait inefficace pour promouvoir la R&D. C'est faux. Pour un euro de Crédit impôt recherche versé, un euro de R&D privé supplémentaire a été dépensé.

Il serait détourné par des entreprises qui ne font pas de R&D. C'est faux. Les risques de fraude sont limités. Et le Crédit impôt recherche bénéficie en grande majorité à l'industrie, et notamment à l'ingénierie et à l'informatique.

Toucher aux paramètres fondamentaux du CIR serait une erreur stratégique. On ne change pas une politique publique efficace qui a fait ses preuves depuis une décennie.

En revanche, nous avons examiné les remarques de la Cour des comptes sur le forfait des dépenses de fonctionnement. La Cour juge qu'il est surestimé. Nous proposons de suivre ses recommandations et d'abaisser le taux de ce forfait de fonctionnement de 50 à 43%. Cela représente une économie de 230 millions d'euros à l'horizon 2021 sur un crédit d'impôt de plus de 6 milliards d'euros.

* Nous répondons aussi aux attentes des Français qui veulent être mieux rémunérés pour leur travail.

Nous engageons dans ce budget une baisse massive de l'impôt des ménages : 9,3 milliards d'euros.

L'impôt sur le revenu baissera de 5 milliards d'euros pour 17 millions de Français dès le 1er janvier 2020. La défiscalisation des heures supplémentaires sera pleinement effective. Et le dernier tiers de la taxe d'habitation sera supprimé pour 80% des Français.

Nous voterons aussi dans ce budget des baisses d'impôts pour les années à venir : la taxe d'habitation sera supprimée pour tous les Français à horizon de 2023. Avec la suppression de la taxe d'habitation, 18 milliards d'euros seront rendus aux Français.

Ces baisses s'ajoutent à la revalorisation de la prime d'activité, à la prime de fin d'année défiscalisée, à la suppression de toute taxe sur l'intéressement et la participation pour les PME, et à toutes les mesures que nous avons prises depuis deux ans pour mieux rémunérer le travail.

* Pour financer ces baisses d'impôts, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales.

1ère niche : le gazole non routier.

Le GNR a déjà fait l'objet de débats. Nous avions été peut-être trop brutaux ou trop rapides l'année dernière. Cette fois-ci, nous avons mené des concertations et nous avons évalué les impacts secteur par secteur. La suppression du tarif réduit sera plus progressive et mieux accompagnée pour l'ensemble des secteurs concernés.

Le tarif réduit de GNR sera supprimé en trois ans. La première hausse interviendra seulement au 1er juillet 2020 afin que tout le monde y soit préparé. Ni les agriculteurs, ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit. La suppression de ce tarif réduit permettra de dégager 900 millions d'euros à terme et 200 millions d'euros dès 2020.

La suppression progressive sera associée à des mesures d'accompagnement et de compensation adaptées aux secteurs touchés, notamment celui des travaux publics qui est le plus affecté et avec lequel nous avons échangé à de nombreuses reprises.

Comme je l'ai indiqué au Président de leur fédération dans un courrier, nous nous engageons à mettre en oeuvre les mesures suivantes :

- une clause générale de révision des prix sera mise en place ;
- un suramortissement pour acquérir du matériel moins polluant sera accessible ;
- l'avance versée par l'Etat aux PME sera portée de 5% à 10% dans le cadre des marchés publics passés avec les collectivités territoriales et les établissements publics les plus importants ;
- les travaux d'entretien de réseau des collectivités territoriales seront éligibles au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). C'était une demande de longue date des professionnels.

Les autres secteurs, comme les industries portuaires, le transport frigorifique, les distributeurs ou les industries extractives soumises à la concurrence internationale seront également accompagnés autant que possible dans cette transition. Il ne peut pas y avoir de modification des niches fiscales sans concertation avec les acteurs concernés.

2ème niche : le mécénat d'entreprise.

Le mécénat d'entreprise est en croissance. Il n'est pas question de fragiliser cette croissance.

Mais ce mécénat doit être encadré. Nous avons donc baissé le taux de défiscalisation de 60% à 40% pour les dons supérieurs à 2 millions d'euros. Cela ne concerne que 78 grandes entreprises. Surtout, c'est un choix cohérent avec notre décision de baisser l'impôt sur les sociétés.

Parallèlement, nous proposons également d'encadrer plus strictement le recours au mécénat de compétence.

Les dons aux associations d'aides aux plus démunis ne seront pas concernés par cet effort.

3ème dispositif : l'avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique

Cet avantage sera plafonné. Ce plafonnement permettra de réaliser une économie de 400 millions d'euros dès 2020. Il sera proposé dans le PLFSS.

J'en appelle ici à l'esprit de responsabilité des parlementaires. Nous proposons dans ce budget un effort de réduction de certaines niches fiscales inefficaces. Nous les encadrons, nous les évaluons : il s'agit d'une démarche vertueuse que nous menons, Gérald Darmanin et moi-même, en collaboration avec vous.

Si nous supprimons des niches fiscales d'un côté, ce n'est pas pour créer, de l'autre, de nouvelles dépenses fiscales. Gardons ce principe à l'esprit tout au long des débats.

Ces mesures, accompagnées pas les efforts de baisse des dépenses publiques que présentera Gerald Darmanin, nous permettent de parvenir à :

- un déficit public de 2,2% en 2020, c'est le déficit public le plus bas depuis 20 ans ;
- une dette stabilisée à 98,7% du PIB. Ce niveau nous interdit de nous endetter davantage. La baisse de la dette publique doit rester notre objectif ;
- une baisse des prélèvements obligatoires de 1,3 point sur l'ensemble du quinquennat au lieu d'un point prévu au départ.

Voilà les grandes orientations de ce PLF 2020.

Je voudrais conclure en disant que nous pouvons être fiers de la manière dont l'économie française résiste aux tempêtes. La France fait figure d'exception.

Nous avons une croissance supérieure à la moyenne de la zone euro. La croissance française s'établira à 1,4% en 2019 et 1,3% en 2020.

Notre chômage est en baisse. Le chômage est au plus bas depuis 2009. Il devrait continuer à baisser en 2020.

Les entreprises investissent de nouveau : leurs investissements ont augmenté de 50 milliards d'euros en deux ans. Ils devraient continuer à augmenter de 20 milliards d'euros en 2020.

La consommation repart à la hausse : elle augmentera de 1,2% en 2019 et de 2 % en 2020.

Tous ces résultats nous prouvent que la bonne politique est de réconcilier compétitivité des entreprises et juste rémunération du travail.

C'est la ligne que nous suivons depuis deux ans et que nous défendrons dans ce troisième budget du quinquennat.


Je vous remercie.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 16 octobre 2019