Texte intégral
Général,
Madame la directrice adjointe,
Mesdames, monsieur les commissaires,
Mesdames et messieurs,
« La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. C'est un instrument de guerre offensive contre l'ennemi. » Je crois qu'il n'y a pas mieux que cette phrase de Picasso à propos de Guernica pour résumer cette très belle exposition.
Un instrument de guerre au même titre qu'un canon, ce sont les couleurs, parfois l'absence de couleurs qui font feu sur la toile, et nous mettent face à notre histoire, face à nos batailles, face à nos soldats. Et s'il n'a jamais été en première ligne du front, s'il n'a connu la réalité des conflits que par les récits de ses proches – dont on croise ici les plus prestigieux – Picasso partage avec les militaires un profond engagement. Les uns au service de la protection de nos concitoyens, l'artiste au service d'un message de paix. Il était donc tout naturel que le musée de l'Armée accueille cette rétrospective inédite.
Inédite, car il me semble que c'est la première fois que l'on offre autant de clés de lecture historiques des oeuvres de Picasso. Inédite, car on ne connaît souvent que Guernica, et au fil des déambulations, la découverte des peintures de bataille en Corée, des femmes d'Alger, de la chapelle de Vallauris nous prouve qu'on aurait tort de réduire les guerres de Picasso à la tragédie espagnole. Inédite enfin, et même émouvante, car jamais l'on avait mis côte à côte les esquisses de Guillaume Apollinaire blessé, meurtri par la guerre de 14, et le casque portant le trou béant de cette blessure.
Ce trou béant du casque de Guillaume Apollinaire suggère également ce que l'on ne voit pas. Le silence de l'artiste, ce qui relève du secret, de l'« exil intérieur ». Les dessins et les sculptures sont là pour expliquer ce qu'on ne peut pas dire autrement.
Et les lettres éclairent parfois ce silence. Je retiens tout particulièrement cette malicieuse proposition de Picasso de camoufler les canons en Arlequin ! Nos premiers chars Griffon seront bientôt livrés à l'armée de terre, il est peut-être encore temps de souffler l'idée à la direction générale de l'armement…
Au fil de ces toiles, de la Première guerre mondiale aux années 1970 en passant par les figures résistantes, c'est aussi l'histoire de nos Armées qui s'esquisse. C'est avec les yeux d'un civil qu'elle est dessinée, ce sont des hommes appelés qui nous la racontent. En l'offrant aux visiteurs, le musée de l'Armée participe pleinement à cette transmission nécessaire de notre histoire, sans laquelle notre cohésion nationale ne serait qu'illusion. Votre travail contribue pleinement à tisser et renforcer le précieux lien qui lie notre Nation et nos armées.
Je souhaite donc adresser mes sincères remerciements aux commissaires de l'exposition pour leur remarquable travail, qui je n'en doute pas, se distinguera dans l'histoire des rétrospectives de Picasso.
Je souhaite également remercier le général d'Andoque, ainsi que Madame James-Sarazin qui dirigent admirablement ce beau musée de l'Armée que nous avons la chance d'avoir et dont la programmation le hisse au rang des plus grands musées nationaux et parisiens. Et demain, ce musée s'agrandira davantage pour couvrir l'histoire de la colonisation, de la décolonisation, et celle notre histoire militaire jusqu'aux opérations des années 2000. Vous avez toute ma confiance et tout mon soutien pour transformer ce musée qui fait rayonner nos armées, en France et au-delà même de nos frontières.
Picasso disait « donnez-moi un musée et je le remplirai », je vous souhaite donc des salles où le public se presse de le découvrir et tout le succès que cette exposition mérite.
Je vous remercie.
Source https://www.defense.gouv.fr, le 16 avril 2019