Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur l'élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans et le Brexit, à Luxembourg le 15 octobre 2019.

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Circonstance : Conseil des affaires générales

Texte intégral

Q - La France a obtenu gain de cause finalement ?

R - Il faut rappeler la nature des discussions que l'on a eues. On a eu des discussions très consensuelles, très positives, sur la perspective européenne des Balkans occidentaux, sur le fait que tous, autour de la table, considérons que les engagements pris en 2001-2003, sur le fait que les six pays de la région avaient une perspective européenne, ont été réaffirmés. D'ailleurs, la France a souhaité que ce soit plus clairement écrit, encore, dans le texte des conclusions.

Ensuite, on a eu une discussion qui est en fait assez complexe, où les pays ont, en fait, des approches assez différentes les uns des autres. Et la France a une position, qui est celle de dire que les critères fixés en 2018 doivent être pleinement remplis, pour la Macédoine et pour l'Albanie, et donc il y a une partie des réformes qui ont été mises parfois dans les tuyaux mais qui ne sont pas arrivées à pleine réalisation.

On a aussi mis sur la table l'idée qu'il fallait qu'on réforme en profondeur le processus de la négociation pour que notamment les populations y voient un intérêt beaucoup plus concret pour elles pendant le processus de négociation et qu'on arrive notamment à s'occuper du "brain drain", la fuite des cerveaux et d'avoir donc là-dessus un processus plus concret et plus crédible, moins frustrant à la fois pour les pays candidats et pour l'Union. Là-dessus, il y a un grand consensus autour de la table.

Ensuite, ce qui est plus complexe c'est que vous avez des pays qui souhaitaient ouvrir pour un seul pays, vous avez des pays qui sont opposés à un découplage. En fait, on avait une discussion qui n'était pas du tout une discussion 25 pays contre 2 ou 26 pays contre un. C'était une discussion en fait assez complexe sur les priorités des uns et des autres.

Ce qui est certain c'est qu'il y a eu une unanimité sur la perspective européenne, ce qui est certain aussi c'est que des réformes sont encore nécessaires dans les deux pays pour correspondre aux critères de 2018 et je tiens ici à le dire vraiment très fermement, la France, les Pays-Bas et d'autres pays n'ont pas demandé de nouvelles réformes, n'ont pas demandé de nouvelles conditions. Nous cherchons à être certains que les critères fixés il y a dix-huit mois sont bien aujourd'hui mis en oeuvre.

Donc la discussion va se poursuivre entre les chefs d'Etat et je pense que le Conseil aura probablement des choses à faire ensuite. Les chefs d'Etat et de gouvernement soit se mettent d'accord, soit donneront des instructions au Conseil des affaires générales à nouveau.


Q - Il n'empêche qu'aujourd'hui la décision est négative. Vous ne craignez pas des frustrations surtout pour la Macédoine qui avait réglé le problème du nom avec la Grèce ?

R - Il n'y a pas de décision.

Q - Une non-décision, c'est une décision négative.

R - Je tiens à attirer votre attention là-dessus, personne n'a dit non. La position française c'est : il y a une perspective européenne, il faut qu'on réforme le processus de négociation pour qu'il soit plus intéressant pour les citoyens. Il ne faut pas que ce soit, vous savez, un tunnel, pendant lequel on ne parle que d'affaires juridiques, et les citoyens eux sur le développement économique, social, culturel ne voient rien changer. Et ensuite, la France dit : on ne demande rien de nouveau, on ne dit pas non, on dit juste que les critères fixés en 2018 doivent être pleinement appliqués.

Je pense donc qu'il faut que l'on fasse extrêmement attention dans la lecture de ce qu'on fait. Oui, c'est une discussion où il n'y a pas, à ce stade, de consensus. Mais il n'y a pas un consensus parce qu'on serait contre ou pour parce qu'on approche le sujet différemment. Donc, c'est pour cela qui c'est une discussion, je pense, qui, dans les mois qui viennent, les semaines qui viennent, peut très bien aboutir sur des choses beaucoup plus lisibles. À ce stade, nous, la France, on a une position qui est, au fond, celle de la crédibilité du message européen. On doit, quand on fixe des critères, nous assurer qu'ils sont respectés. Rien de plus, rien de moins. Je n'ai aucune animosité, il n'y a aucune agressivité. C'était une discussion tout à fait cordiale. Mais il y a le sentiment que de notre côté, avec les Pays-Bas notamment, on voit bien qu'il y a des réformes qui ont été demandées et qui ne sont pas arrivées à leur terme. Pour la Macédoine du Nord, c'est notamment l'ensemble des dispositions à prendre autour du parquet spécial. Ce Special Prosecutor Office, on voit bien qu'il y a..., et j'ai eu des échanges avec les ministres macédoniens, il y a encore quelques jours, cette réforme doit aller à son terme. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Cela ne veut pas dire que la France considère que, du coup, il y a une position, vous voyez, dure. Non, il faut que cette réforme puisse aller à son terme et que dans ce cas-là qu'on puisse réfléchir à l'ouverture des négociations.

Q - Côté Brexit, on dit qu'on est proches d'un accord. Est-ce que vous avez des informations que vous pouvez partager avec nous ?

R - Ce que j'ai entendu ce matin, c'est que Michel Barnier a expliqué qu'il y a un certain nombre de points qui, dans les propositions initiales de Boris Johnson, est en train d'évoluer, que cela permettait d'avoir des discussions politiques, qu'il fallait maintenant qu'il y ait des discussions techniques, pour nous assurer que tous les points de l'accord potentiel étaient bien réalisables maintenant, techniquement, que ce soit sur les contrôles douaniers, sur les contrôles réglementaires, sur un certain nombre de sujets qui doivent toujours en revenir à trois sujets. Un, comment on préserve la paix en Irlande ? Deux, comment on s'assure que le marché intérieur est protégé et donc que l'on n'a pas de concurrence déloyale parce qu'il manquerait des contrôles à des endroits stratégiques ? Trois, comment la relation future qu'on crée est une relation équilibrée, loyale et où nos exportations réciproques se font sur un cadre où il n'y a pas de concurrence déloyale ? Sur ces trois sujets-là, je comprends que Michel Barnier, et c'est le message qu'il avait pour nous, a montré des avancées. Il y a un travail technique en cours pour que l'on passe de la déclaration d'intention politique à la déclaration technique. Il faut ensuite, vous voyez bien, que cet accord déjà qu'il existe, qu'il soit ratifié, signé par ceux qui sont dans la pièce. Ensuite, il y a tout un travail encore de ratification au Parlement britannique. Vous savez, je ne suis pas dans l'optimisme ou le pessimisme, je suis dans la responsabilité. Il y a des millions de familles, il y a des millions d'entreprises, dont l'activité, les projets dépendent de cette discussion, parce que notre souhait depuis le départ c'est de faire les choses de manière organisée. Donc, il faut que l'on fasse un accord, pas n'importe lequel, pas à n'importe quel prix. On a nos principes et c'est là-dessus qu'on avance.

Q - Il y a des temps techniques aussi à respecter. Pensez-vous que c'est possible de respecter toute la procédure technique ? Il y a déjà une discussion qui s'ouvre sur la nécessité d'un report technique du Brexit, même en cas d'accord.

R - Sur ce sujet, on sait qu'il y a des gens qui font des grands scenarios, des flèches de " ce qui se passe si " etc., et ça pourrait maintenant remplir, je crois, des pièces entières de décrire les scenarios. Je préfère faire les choses séquentiellement. Tout ce qu'on peut faire pour organiser cette sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne qui était la demande liée au référendum de 2016, il faut le faire, avec des principes, avec des lignes rouges, sans le faire à n'importe quel prix. Mais déjà, vous savez, arriver à ce point-là aujourd'hui c'est déjà quelque chose qui demande beaucoup de travail. Les étapes suivantes, on les fera une par une. Merci.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2019