Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, bonjour.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a besoin de vous pour comprendre où on en est avec ce Brexit. Le 31 octobre, date limite, on est bien d'accord. Qu'a dit le gouvernement de Boris JOHNSON ? Il martèle, c'est ce qu'il a fait hier, que le Brexit aura lieu le 31 octobre, comme prévu. Est-ce que le Brexit aura lieu le 31 octobre comme prévu ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui est certain, c'est qu'il nous faut un oui ou un non, très vite, avant le 31 octobre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça c'est évident, il vous faut une réponse avant le 31 octobre.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et rien que de le dire, Jean-Jacques BOURDIN, ce n'est pas évident, parce le Parlement britannique, on le voit aujourd'hui, est parti dans une procédure très compliquée, où il devait voter samedi sur le nouvel accord qu'on a négocié dans les 10 derniers jours, pour répondre à des questions que le Parlement britannique avait lui-même posées par rapport à l'accord d'avant, et donc ce qu'il nous faut aujourd'hui c'est la clarté. Pas parce que on a envie d'être durs, pas parce qu'on a décidé que c'était à nous de décider, mais si les entreprises, en France, en Europe, si les familles, si les pêcheurs, si les agriculteurs n'arrivent pas d'ici les 10 15 prochains jours à savoir ce que nous faisons, eh bien je pense qu'on vit le pire du Brexit. Le pire du Brexit pour moi ce n'est même pas le no deal, c'est l'incertitude qui se prolonge, c'est le fait qu'on n'est pas capable de dire aujourd'hui aux entreprises, aux pêcheurs, aux agriculteurs, aux familles, voilà ce qui va se passer. Et ça c'est le pire, parce que c'est ça qui crée la récession, c'est ça qui crée le manque de confiance dans les politiques, et c'est ça qui crée, au Royaume-Uni, j'écoutais, je regarde les chaînes maintenant, je me suis, je dirais qu'il y a RMC, mais il y a aussi les jeunes britanniques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais bien sûr.
AMELIE DE MONTCHALIN
Qu'est-ce qu'ils disent les Anglais, les Ecossais ? Ils disent : on n'en peut plus. Pas du débat, on n'en peut plus, juste de pas savoir ce qui va nous arriver. Et donc l'incertitude c'est le pire. Donc c'est pour ça que la France, et c'est pour ça que je vous dis ce matin très solennellement, ce que nous voulons avant le 31 octobre, c'est est-ce que l'accord qu'on a mis sur la table, après les 10 jours de négociations, le Parlement britannique en veut ou pas ? Tant qu'on n'a pas cette réponse-là, nous on ne bougera pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce qu'un accord a été trouvé entre la... Je résume pour toutes celles et ceux qui nous écoutent et qui nous regardent, qui ne…
AMELIE DE MONTCHALIN
Résumez, parce que c'est compliqué de résumer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui... mais non. Un accord a été trouvé entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. C'était jeudi dernier. Il a été annoncé cet accord. Bien. Aujourd'hui, la position de la France est claire : c'est cet accord qui doit être appliqué à partir du 31 octobre, ou si les Britanniques disent non, il n'y aura pas d'accord, ce sera un deal, c'est cet accord, tout ou rien.
AMELIE DE MONTCHALIN
Si les Britanniques nous disent non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
AMELIE DE MONTCHALIN
Est-ce qu'ils disent non à l'accord ou est-ce qui disent : on va à des élections, on fait un nouveau référendum ? Enfin, il faut qu'ils nous disent ce qu'ils veulent faire. Le problème, c'est que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que la France ne transigera pas.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, la France, d'ici au 31 octobre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a un délai, le 31 octobre, qui a été fixé, c'est la France qui a insisté pour que ce délai soit fixé le 31 octobre…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça c'est très important, parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh oui, donc la France ne transigera pas.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Malgré les pressions d'autres pays d'Europe, Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Est-ce que je peux vous rappeler ce qui s'est passé au mois d'avril ? Au mois d'avril c'était la même situation. Il y avait un accord, le Parlement disait oui, un peu non, bref on était coincé. Et on a eu un sommet le 12 avril, le 10 avril à Bruxelles. Et vous aviez certains en Europe qui disaient : bon, écoutez, ce qu'on va faire, c'est qu'on va leur donner un an, et puis comme ça, ça va se résoudre, et le président de la République, très fermement, a dit : si on ne met pas une échéance claire, si on ne pose pas une question simple et si on ne rapproche pas les délais, on va créer le pire du Brexit, qui est l'incertitude. Donc on va rapprocher. Donc c'est pour ça qu'on est arrivé au 31 octobre. Pourquoi ça a bougé depuis 15 jours ? Mais parce qu'on à cette date-là. Si la date était au mois de mars, je peux vous garantir qu'il ne se serait rien passé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord, Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc on veut faire la même chose. Une question simple : oui ou non ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non à cet accord.
AMELIE DE MONTCHALIN
Une échéance claire, le 31 octobre, et ensuite il faut que les choses soient clarifiées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais ça c'est la position française, mais toute l'Europe n'est pas derrière la France, Amélie de MONTCHALIN. Est-ce qu'il va y avoir un nouveau sommet, de chefs d'Etat et de gouvernement avant le 31 ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a deux solutions. Si le Parlement britannique nous dit : "On est d'accord pour mettre en oeuvre l'accord qui a été trouvé à Bruxelles", eh bien on va prendre le temps qu'il faut. S'il faut quelques jours de plus pour ratifier, vous imaginez bien qu'on ne va pas bloquer les choses. S'ils nous disent : "On n'est pas d'accord", eh bien dans ce cas-là les chefs d'Etat et de gouvernement se réuniront. Mais ce que je peux vous dire, c'est que nous ne sommes pas, nous, partisans, d'un truc qui s'étend à l'infini…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de nouveau report. Pas de nouveau report, la France ne veut pas de nouveau report.
AMELIE DE MONTCHALIN
Pas de nouveau report, sans conditions, sans justifications, pas « le temps va résoudre le problème tout seul ». Il y a des gens qui nous disent : "On n'a qu'à leur donner 6 mois", mais 6 mois pour faire quoi ? 6 mois pour quoi ? S'il y a des élections, s'il y a un nouveau référendum, on peut en discuter, mais 6 mois pour dire à Boris JOHNSON : "Eh bien, ta majorité ne te suit pas, mais on va te donner du temps, parce qu'on ne sait pas, un miracle va peut-être arriver", Ça ne peut pas marcher. On ne peut pas, nous, être contraints à l'immobilisme en Europe, parce qu'il y a des jeux politiciens britanniques. Ça ne peut pas fonctionner. Les citoyens européens, moi dans ma fonction, bien sûr qu'il y a le Brexit, mais il y a qu'est-ce qu'on fait pour l'industrie, pour la défense, pour les emplois, pour le climat, pour... On voit bien, on a la Syrie, la Turquie, on a beaucoup beaucoup de défis, on a les taxes américaines, tous ces sujets-là nous demandent du temps et de l'énergie. Et donc, si le Parlement britannique nous dit non, il faudra qu'on se réunisse, mais on ne leur donnera pas du temps sans conditions. Les conditions, on l'a dit depuis des mois et des mois, c'est qu'il faut qu'à un moment donné, soit il y a des élections, soit il y a un référendum, mais il faut qu'on clarifie. Et cette clarification, c'est pour ça que j'insiste. Vous savez, hier j'ai dit : il faut un oui ou un non. Tout le monde a dit ; mais c'est idiot. Ce n'est pas idiot du tout, parce que depuis 3 ans, c'est bien ce qui nous manque, un oui ou un non. Il y a eu un référendum, c'était clair, et depuis il n'y a rien de clair. C'est non à tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Troisième demande de délais du Royaume-Uni, il y a eu trois demandes de délais du Royaume-Uni.
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a eu une demande en mars, une demande en avril, et aujourd'hui c'est une troisième demande. Vous imaginez bien qu'on voit bien que ce n'est pas le temps qui résout, c'est une décision politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, Amélie de MONTCHALIN, est-ce qu'il va y avoir une réunion, un nouveau sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, ce serait utile ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense que si le Parlement britannique nous dit on ne veut pas de l'accord que vous avez négocié pendant 10 jours, il va falloir qu'on se réunisse, parce que ça veut quand même dire que ça fait déjà deux fois qu'on négocie, ça fait deux fois qu'on trouve des solutions techniques à des demandes politiques du Royaume-Uni…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si le Parlement ne vous répond pas d'ici le 31 octobre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien alors là on a un grave problème.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et alors, que se passe-t-il là ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Dans ce cas-là il va falloir que Boris JOHNSON nous explique très clairement comment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y a un "no deal", il y a entrée en vigueur du Brexit le 31.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est une possibilité. S'il ne se passe rien d'ici au 31, c'est ce qui se passe, effectivement c'est que ça rentre en vigueur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que le Brexit entre en vigueur le 31.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais c'est pour ça qu'on attend une clarification. C'est parce que nous sommes, aujourd'hui, je pense qu'on vit plus d'incertitudes même que s'il y avait un "no deal", parce que s'il y a un "no deal", je ne dis pas que c'est sympathique, ça secoue très fort, ça met en danger beaucoup, beaucoup de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est Singapour sur la Tamise.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, parce que le « no deal » c'est un moment, c'est un moment où tous les accords juridiques tombent, mais au moins on sait ce qui se passe. Là, aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Singapour sur la Tamise, avec un pays aux portes de l'Europe qui va devenir un paradis fiscal.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Sauf que dans ce cas-là ils ne pourront pas exporter vers chez nous, on a écrit aussi très clairement jeudi dernier, qu'est-ce qu'on a écrit, on a dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais si les Britanniques ne veulent pas de cet accord ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais s'ils ne veulent pas de cet accord, d'accord, ils vivront leur vie, mais nous, pour qu'ils nous exportent leurs biens, pour qu'ils nous exportent leurs services, on va mettre des conditions, dans le monde entier, quand on échange des biens et des services, on a soit le régime basique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc des taxes.
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc des tarifs douaniers, soit, si on ne veut pas de taxes, il faut qu'on se mette d'accord sur les normes, et donc c'est pour ça qu'on a aussi très clairement mis dans le texte de jeudi, de l'accord, qu'on voulait que sur le plan fiscal, social, environnemental, nous ayons une relation équilibrée, parce qu'on ne va pas accepter qu'on nous exporte des biens qui sont produits dans des situations de concurrence déloyale, et ça c'est très important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'unité des 27 est menacée par ces tergiversations britanniques, franchement ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Franchement, hier, il a fallu 15 minutes pour que tout le monde soit d'accord, pour qu'on lance la procédure de ratification, au Parlement européen, du point de vue du Conseil, donc, vous savez, on ne s'est pas battu hier, on était d'accord en 15 minutes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes sûre ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ah je suis sûre qu'on était d'accord en 15 minutes hier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-il vrai que le gouvernement, que Boris JOHNSON et son gouvernement vous ont envoyé trois lettres en l'espace de 24 heures, pas à vous, à Donald TUSK ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait ils ont envoyé une lettre, il y avait trois documents dedans, il y avait une lettre de couverture signée par un ambassadeur qui dit « voilà la lettre de mon Premier ministre », il y avait la lettre du Premier ministre, et il y avait effectivement la demande qui vient de la loi. Il ne faut pas faire du folklore là où il n'y en n'a pas, ce que Boris JOHNSON nous dit c'est "je veux que mon pays avance, je vais faire tout mon possible pour que les choses se clarifient d'ici au 31 octobre."
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors si le Parlement britannique ne clarifie pas les choses il y aura une initiative de la France avant le 31 ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense qu'on est en train de prendre des initiatives. Ce que je vous dis là, de dire aussi clairement "il nous faut un oui, il nous faut un non", c'est en soi une initiative, c'est-à-dire que, ce n'est pas de l'ingérence, ce n'est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République va venir et dire "maintenant c'est un oui ou c'est un non" ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il l'a dit vendredi après-midi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et il va le redire.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et on va le dira, et on le dira parce qu'on voit bien qu'on ne peut pas ni…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même si l'Allemagne n'est pas d'accord ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, on ne peut pas ni affaiblir la souveraineté britannique, c'est d'abord une question des Britanniques pour eux-mêmes, mais on ne peut pas non plus laisser l'Europe être rendue immobile, être rendue paralysée, parce qu'on a un sujet qui est très important, qui est très compliqué, et sur lequel nous n'arrivons pas à avoir de réponse claire, c'est de la clarté qu'il nous faut aujourd'hui. Je pense aux pêcheurs. Voyez, à Boulogne-sur-Mer aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Les pêcheurs ils sont très inquiets, parce qu'ils disent « si jamais il y a un no deal, peut-être qu'on ne pourra aller pêcher dans les eaux britanniques », ça c'est quelque chose que la France voit comme un sujet sur lequel, de manière absolue, on se battra. Mais il y a une deuxième qui est beaucoup plus pernicieuse, est-ce qu'il achète un nouveau bateau, est-ce que les jeunes pêcheurs s'installent ? Ils ne savent pas, parce que c'est l'incertitude qui est le poison ultime de cette affaire. Donc, moi je veux de la certitude, et ensuite je veux que cet accord qu'on a négocié, qui est un bon accord, puisse entrer en vigueur pour que les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer ils puissent continuer à pêcher dans de bonnes conditions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, le négociateur au nom de l'Union européenne s'appelle Michel BARNIER. Est-ce que Michel BARNIER sera le candidat de la France au poste de commissaire européen ? Franchement ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors je peux vous dire franchement que ça se joue entre Ursula VON DER LEYEN, les chefs de groupes politiques au Parlement européen et le président de la République. C'est une discussion qui va demander à ce qu'on recrée de la confiance. Parce qu'aujourd'hui entre la Commission et le Parlement, on ne peut pas dire que la confiance règne et on a besoin de confiance pour que, quelle que soit la personne qui portera le portefeuille français sur l'industrie, sur la défense et sur le numérique, il ait des majorités. Ça ne sert à rien de nommer quelqu'un…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel BARNIER, c'est le meilleur candidat ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a beaucoup de noms sur la table. Le président et Ursula s'en parlent. Ce qui est certain, c'est qu'il faut que ce soit quelqu'un qui ait la confiance du Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Michel BARNIER a la confiance du Parlement.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais il y en a d'autres qui peuvent avoir la confiance du Parlement et je peux vous dire que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce serait un bon candidat à vos yeux ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais tous les candidats qui peuvent porter des résultats, qui peuvent travailler avec le Parlement et qui peuvent porter leur ambition…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais heureusement. Heureusement que ce sont de bons candidats. Et donc Michel BARNIER sera un bon candidat ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a plein d'autres gens qui peuvent être des bons candidats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'insiste : on saura quand ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On saura probablement à la fin de la semaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A la fin de la semaine, nous connaîtrons le nom proposé par la France ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, parce que pourquoi ? Il faut quand même que ça avance cette affaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il est tant.
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, il nous manque trois commissaires. Il nous manque un commissaire roumain, il nous manque un commissaire hongrois et il nous manque un commissaire français. Ursula VON DER LEYEN, elle voit là dans les prochaines heures les chefs de groupe parlementaire en leur disant : vous avez fait vos auditions, vous avez pris les décisions qui ont été les vôtres ; maintenant, il faut quand même qu'on travaille ensemble, il faut qu'on recrée de la confiance. Et l'autre chose qu'on veut mettre en place, ça ne se mettra en place demain, mais c'est que pour les prochaines fois on crée une Autorité de la transparence de la vie publique européenne pour que toutes les questions d'intégrité et de conflits d'intérêts…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. On aurait pu le faire avant.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui. On aurait bien aimé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On n'aurait pas eu l'affaire Goulard.
AMELIE DE MONTCHALIN
On aurait bien aimé le faire avant. Pourquoi ? Parce qu'on a besoin que ce soit à la fois très, très ambitieux, très exigeant mais que ce ne soit pas politisé. Et donc on apprend…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord mais enfin, très exigeant : très exigeant, GOULARD n'aurait pas été choisie. Sylvie GOULARD.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne sais pas. La Commission des affaires juridiques… Le Parlement européen n'a pas retoqué son cas quand il s'est agi de la regarder par la Commission des affaires juridiques. Donc je préfère aujourd'hui ne pas refaire les auditions, ce n'est pas mon rôle. D'ailleurs c'est passé, donc il n'y a plus rien à faire. En revanche, il faut qu'on crée de la confiance. Pas parce qu'on veut que le petit jeu politique continue mais parce que si on veut des résultats…Le commissaire français, il va s'occuper de l'industrie, de la politique industrielle, de comment on crée des emplois demain. Ça, c'est important et c'est important que rapidement il puisse avoir une majorité au Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les sanctions américaines contre l'Europe. Sept milliards et demi de droits de douane supplémentaires. Tout le monde est touché en en Europe mais je parle simplement des vins français. Les viticulteurs sont en colère et disent : l'Europe ne fait rien pour nous défendre et le gouvernement français non plus.
AMELIE DE MONTCHALIN
Didier GUILLAUME lundi dernier à Luxembourg a demandé devant tous ses collègues ministres de l'Agriculture que la Commission européenne étudie, parce que ça concerne aussi les olives espagnoles, le fromage italien, les vins français, comment on indemnise, comme on soutient…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le whisky.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr, écossais.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
AMELIE DE MONTCHALIN
Les producteurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ils seront indemnisés ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc la Commission, on lui a demandé de regarder très en détail quels étaient les secteurs, combien on pouvait mettre d'argent, quels étaient les mécanismes de protection, pourquoi, parce que, d'un autre côté, la Commission a demandé quand même aux Etats-Unis de négocier, on leur a fait une offre de négociation, ils n'ont pas répondu, on leur a dit : si ça continue, on peut aller à l'OMC, et on fera valoir nos droits, on peut aussi taxer les produits qui arriveraient des Etats-Unis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ne pas le faire ? Rétorsion ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On peut bien sûr aller dans cette voie-là, nous, on cherche plutôt la désescalade, on cherche plutôt à dialoguer, parce que quand Donald TRUMP nous dit : moi, ce que je veux, c'est surtout contre la Chine qu'il n'y ait pas de concurrence déloyale aux Etats-Unis, quand il taxe un AIRBUS, c'est très bien, il peut le faire, mais les avions, du coup, qui vont être achetés par les Etats-Unis, c'est des avions chinois, je ne sais pas si c'est vraiment ce qu'il veut faire, donc nous, on veut négocier, mais on ne se prive pas de se dire que dans quelques mois, dans quelques semaines, on peut aller à l'OMC et on peut taxer des produits américains. Mais surtout, je tiens à le dire, on cherche avec la Commission à mettre en place le mécanisme qui va permettre d'indemniser et de soutenir ceux qui, du jour au lendemain, ils se sont réveillés, ils n'ont pas compris pourquoi, mais on leur a dit : eh bien, vos produits, c'est taxé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, bon, les viticulteurs, les producteurs de parmesan ou de whisky écossais seront indemnisés donc, on est bien d'accord ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est ce qu'on cherche à faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est ce que vous cherchez à faire, c'est ce que vous ferez ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Et c'est pour ça qu'on a pris dès lundi dernier une motion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous ferez, pas « cherchez à faire », c'est ce que vous ferez ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Bien sûr qu'on le fera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que moi, les « cherchez à faire », je n'aime pas trop…
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, non, mais on le fera avec la Commission, et on le fera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec la Commission, oui, bon…
AMELIE DE MONTCHALIN
Dans les mesures qu'elle nous pourra nous proposer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, pourquoi est-ce que l'Union européenne dans l'affaire de l'offensive militaire turque dans le nord-est de la Syrie, pourquoi est-ce que l'Union européenne est aussi inexistante franchement ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'Union européenne, elle a fait quand même avec Jean-Yves LE DRIAN, avec le président au Conseil quatre choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a fait quoi ?
AMELIE DE MONTCHALIN
D‘abord, elle a condamné la chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Inexistante…
AMELIE DE MONTCHALIN
Deuxièmement, elle a arrêté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a condamné, oui, non, mais ça, oui…
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, enfin, vous savez qu'il y a des gens qui pensaient que peut-être il ne fallait pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, elle a condamné, d'accord, mais ensuite ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ensuite, elle a suspendu toutes les exportations d'armement vers la Turquie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous avons suspendu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle n'a pas réussi à imposer un embargo sur les ventes d'armes à la Turquie.
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, non, on a fait un truc qui est plus efficace, c'est qu'on a dit, à 28, tous les pays des 28 s'engagent à suspendre dès demain, maintenant, là, les exportations d'armes vers la Turquie, donc ça, c'est quand même un engagement très fort. On est en train de réunir la coalition contre Daesh, parce que l'affaire la plus importante, c'est comment on ne met pas à plat 5 ans d'efforts collectifs contre Daesh. Cette coalition, il faut qu'on la réunisse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes en train de mettre en place la coalition ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, non, non, on veut la réunir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une réunion de la coalition…
AMELIE DE MONTCHALIN
Pourquoi, parce que dans cette coalition, il y a qui, il y a les Américains, il y a les Turcs, il y a nous et qu'est-ce qu'on cherche à faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais d'accord, mais Amélie de MONTCHALIN, l'offensive a commencé depuis maintenant un certain temps, et vous mettez beaucoup de temps à mettre en place une réunion de la coalition, non, mais si c'est la seule réponse, mettre en place une réunion de la coalition, franchement…
AMELIE DE MONTCHALIN
Parce que cette coalition…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle vitesse dans la réaction, quelle efficacité…
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais elle a, cette coalition, manifestement un problème, parce que pendant 5 ans, on s'est battu ensemble, et maintenant, on se bat les uns contre les autres. Ça veut dire qu'il y a un problème qui ne marche pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que la Turquie était membre de la coalition…
AMELIE DE MONTCHALIN
Tout à fait, ensuite, on va surtout faire en sorte que le cessez-le-feu temporaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voulu par les Américains, enfin, voulu…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas un cessez-le-feu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voulu par les Turcs…
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas un cessez-le-feu qu'on veut, c'est qu'on arrête, et que les troupes turques se retirent, et donc c'est pour ça qu'on est mobilisé, c'est pour ça qu'il y a des discussions au conseil de sécurité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous faire pour que les troupes turques se retirent, mais franchement, Amélie de MONTCHALIN ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, c'est pour ça qu'on met en place tout notre arsenal de pression de pays autour de la Turquie. Si l'Union européenne est toute seule et que les Etats-Unis ne sont pas avec elle, ça ne peut pas marcher. Et donc aujourd'hui, on est en train d'aligner les alliés qui, ont, ensemble, pendant 5 ans, été du même côté, pour se dire : attendez, s'il y en a un qui fait défaut, parce que l'essentiel là-dedans, c'est quand même qu'on combatte Daesh, c'est que les djihadistes ne repartent pas et ne puissent pas recommencer à faire ce pourquoi on se battait contre eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Amélie de MONTCHALIN, puisqu'on parle d'extrémisme, de terrorisme, le rapport est fait un peu vite en France entre le voile et le terrorisme, vous en convenez ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je conviens qu'il y a trois sujets très différents et qu'il faut les adresser de manière très différente, il y a le terrorisme, il y a le communautarisme et il y a la laïcité. C'est trois sujets qui ont des liens, mais qui n'ont pas des liens directs, et qu'il faut faire très attention à bien manier avec précision…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors, le communautarisme, juste une question, faut-il interdire les listes d'Union des démocrates musulmans français aux municipales, la liste dite communautariste ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je vais vous répondre deux choses, si les propositions qui sont faites mettent à mal la République, nous avons toutes les lois pour les interdire, Christophe CASTANER l'a déjà dit, et donc si quelqu'un, mais c'est la loi, si vous, moi disons des choses qui sont contraires à la République, on est suspendus, on est interdits, on peut être même condamnés, et puis, on va en prison, c'est le principe de notre loi. Ensuite, sur le plan politique, la bataille, elle n'est pas juridique, elle est politique, comment on se fait des coalitions, comment on fait des actions politiques pour que les gens qui défendent des idées qui ne sont pas les nôtres ne soient pas dans les conseils municipaux, c'est ce que dit Sébastien LECORNU très clairement : il dit, c'est par le front républicain et par la mobilisation citoyenne qu'on combattra les idées qui ne nous conviennent pas, si c'est contraire à la République, c'est condamné. Si c'est des idées qui ne nous conviennent pas, on les combat politiquement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai lu Bruno RETAILLEAU qui dit que le voile est un étendard pour un islam politique conquérant. Vous êtes d'accord ou pas ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense qu'il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais est-ce que vous êtes d'accord avec cette phrase, cette analyse, cette remarque ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je ne suis pas d'accord avec les grandes phrases, moi j'ai été élue dans une circonscription de Paris où il y a une mosquée où les gens vivent ensemble, où il y a des dérives qu'il faut condamner où on traque les renseignements territoriaux quand il y a des dérives communautaristes et donc on travaille concrètement. Moi je préfère qu'on soit dans le concret, ce que je vous dis c'est qu'on a le droit en France de croire et de ne pas croire. On a le droit en France de porter le voile. Maintenant on n'a pas le droit de faire de l'islam un argument politique et on n'a pas le droit en France de faire porter notamment par des idées et de l'argent étranger des idées qui sont contre la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le voile, pour vous, n'est pas un étendard pour un islam conquérant ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais une femme voilée devant moi est-ce que c'est l'étendard ? Non. Maintenant, est-ce que si certains en font un outil politique il faut qu'on combat ceux qui en font un outil politique oui, mais individuellement je ne vais pas me lancer dans vous voyez ? Individuellement de là où j'étais députée, à Massy, à Palaiseau dans les quartiers, je ne suis pas sûre qu'il y est l'étendard politique dont on parle. Maintenant, que collectivement, certains veulent politiser le sujet c'est un problème et c'est contre eux qu'il faut qu'on se batte et c'est ça la différence c'est que, on n'est pas là pour aller à la chasse un par un des gens, on est là pour combattre des idées qui sont contraires à ce qu'est notre laïcité. La laïcité, c'est le droit de croire et de ne pas croire, c'est que les religions laissent l'Etat être neutre et c'est le fait que dans l'espace public, on n'est pas là pour faire de la religion un outil politique c'est ça au fond, c'est à la fois pas très compliqué mais il faut que chacun du coup comprenne bien que c'est pas stigmatiser les individus qui arrivera à répondre à une menace qui peut être une menace politique, une menace communautariste et qui peut amener ensuite avoir des dérives très graves.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 octobre 2019