Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord (projet n° 676 [2018-2019], texte de la commission n° 39, rapport n° 38).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi de ratification du protocole d'accession de la Macédoine du Nord à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN, texte signé à Bruxelles le 7 février 2019.
Avec l'entrée en vigueur de ce protocole, la Macédoine du Nord deviendra le trentième allié de l'OTAN. Je rappelle que, lors de sa création, en 1949, cette alliance comptait douze États fondateurs : on mesure ainsi le chemin parcouru. (Marques d'approbation sur les travées du groupe UC.)
Dans quelques jours, nous fêterons le trentième anniversaire de la chute du mur de Berlin, qui, en entraînant celle du rideau de fer, a créé une nouvelle donne internationale. Depuis lors, l'OTAN a quelque peu révisé ses concepts stratégiques. D'ailleurs, les débats ne sont pas épuisés.
M. Loïc Hervé. En effet !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. En témoignent les propos tenus hier par M. le Premier ministre, dans ce même hémicycle, lors des questions d'actualité au Gouvernement, au sujet des derniers événements survenus au nord-est de la Syrie. Comme l'a dit M. le Premier ministre, il faut regarder la situation en face.
M. Loïc Hervé. Oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. C'est là une ardente obligation : il faut progresser toujours davantage dans la voie de l'autonomie stratégique européenne. On le sait – je parle sous le contrôle d'Alain Richard, ancien ministre de la défense –, la construction d'un pilier européen de défense fait l'objet de débats réguliers, y compris avec l'OTAN. (M. Alain Richard mime les mouvements d'un rameur.) Naturellement, ces pourparlers devront trouver des prolongements.
Cela dit, j'en reviens à la Macédoine du Nord.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le protocole qui vous est soumis a le mérite de consolider les efforts de stabilisation entrepris dans les Balkans occidentaux.
Chacun garde en tête la succession des événements. L'Ancienne République yougoslave de Macédoine, l'ARYM, s'est séparée de la Yougoslavie pour se déclarer indépendante en 1991. En 1993, la France a reconnu ce nouvel État et, la même année, ce dernier est devenu membre des Nations unies sous son nom provisoire. Dès 1995, l'OTAN a noué un partenariat avec Skopje, qui s'est vu octroyer en 1999 un plan d'action pour l'adhésion à l'Alliance atlantique, le MAP.
Depuis vingt ans, la Macédoine du Nord a réalisé des progrès constants pour la mise en oeuvre du MAP : je pense à la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité, à l'accroissement de l'interopérabilité au plan militaire, ou encore à la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.
Les différents rapports de progrès établis par l'OTAN ont souligné les efforts réels consentis par la Macédoine du Nord pour la modernisation des forces armées et la réforme du secteur de la sécurité et du renseignement.
À titre d'illustration, la Macédoine du Nord consacre, cette année, quelque 1,2 % de son PIB à l'effort de défense, et ces crédits sont en progression rapide : le pays prévoit de les doubler et, ainsi, d'atteindre les 2 % du PIB d'ici à 2024, ce qui signifie une augmentation du budget de la défense de l'ordre de 300 millions d'euros.
Naturellement, cette candidature était liée au règlement du différend bilatéral avec la Grèce sur la dénomination du pays. Cette condition a été fixée dès l'origine, lors du sommet de Bucarest en 2008, puis rappelée en juillet 2018, lors du sommet de Bruxelles. Quelques semaines plus tôt, l'accord historique de Prespa a doté le pays d'un nouveau nom, à usage aussi bien interne qu'international : la République de Macédoine du Nord, ou Macédoine du Nord, en abrégé.
Skopje a révisé la Constitution nationale en conséquence et le Parlement grec a ratifié l'accord à son tour, le 25 janvier 2019. Dès lors, la voie était libre et, quelques jours plus tard, le 6 février 2019, l'on a pu procéder à la signature du protocole d'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN.
À l'issue du processus de ratification, la Macédoine du Nord sera le trentième membre de l'OTAN, avec les mêmes droits et les mêmes obligations que les autres alliés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quel intérêt présente, pour notre pays, une adhésion à l'OTAN de la Macédoine du Nord ? Ce pays est véritablement au carrefour des Balkans et, à cet égard, je tiens à formuler un bref rappel historique.
Sur le front oriental, pendant le premier conflit mondial, c'est au coeur de la Macédoine du Nord que s'est dénoué l'écheveau du front oriental. Il est bon de rappeler la charge héroïque de la cavalerie française – l'une des dernières charges menées à cheval par nos troupes ! –, celle d'Uskub, nom de l'actuelle Skopje. À l'époque, des spahis marocains et des chasseurs d'Afrique, après un raid épique de quatre-vingts kilomètres sur les cimes, fondent sur Uskub et permettent au général Franchet d'Espèrey de remporter une victoire décisive, grâce à laquelle, le 30 septembre 1918, la Bulgarie signe un armistice.
Ainsi, par sa situation, la Macédoine du Nord a été le théâtre d'une bataille clé de la Grande Guerre ; à mon tour, je rends hommage à nos glorieux cavaliers, et je salue les élèves officiers de l'école militaire interarmes, l'ÉMIA, qui, cette année, pour leur cinquante-huitième promotion, ont choisi le nom d'Uskub pour honorer leurs valeureux anciens.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Ce rappel historique montre bien le rôle stratégique joué par la Macédoine du Nord dans la région des Balkans.
J'en viens à la situation intérieure que ce pays connaît aujourd'hui. Il a parfois subi de sérieuses crises internes, mais il a su les surmonter grâce au dialogue et à la négociation. Je pense en particulier à l'accord-cadre d'Ohrid, du 13 août 2001, qui a mis fin à des affrontements intercommunautaires. De plus, il y a deux ans, une phase d'instabilité politique a été surmontée grâce à une alternance aboutissant à la formation d'un nouveau gouvernement réformateur.
On le constate : le pays mène, de manière constante, une politique étrangère orientée vers l'Union européenne et vers l'OTAN. En effet, la Macédoine du Nord s'est d'ores et déjà engagée auprès de l'OTAN, en qualité de pays partenaire. Elle a notamment déployé un contingent de quarante-sept soldats dans le cadre de l'opération Resolute Support en Afghanistan, comme Mme Garriaud-Maylam l'a souligné dans son rapport. De plus, elle continue d'apporter un appui à la force de l'OTAN au Kosovo, la KFOR.
Les sujets d'élargissement sont au coeur des débats, non seulement de l'OTAN, mais aussi de l'Union européenne ; on peut se demander jusqu'où cet effort doit être mené, et selon quelle stratégie.
Très clairement, dans le cadre de l'accord conclu en 2016, au terme du sommet de Varsovie, la France s'est assurée que l'invitation faite à la Macédoine du Nord ne serait pas entendue comme le signal d'un élargissement non maîtrisé.
Pour la France, l'élargissement de l'OTAN n'est aujourd'hui ni une priorité ni une fin en soi. Il ne peut être envisagé que dans la mesure où il renforce effectivement la sécurité de l'espace euro-atlantique et la crédibilité de la défense collective.
Disons-le, entre les alliés, il n'existe pas aujourd'hui de consensus quant à l'adhésion de la Bosnie-Herzégovine, dernier candidat dans la région, et, plus à l'est, de l'Ukraine ou de la Géorgie ; et il n'y aura pas de nouvel élargissement s'il n'y a pas de consensus quant à la contribution de nouvelles adhésions à la sécurité de l'espace euro-atlantique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous livrer ces quelques éléments pour éclairer le contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi. Naturellement, j'appelle la Haute Assemblée à l'approuver. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
source http://www.senat.fr, le 29 octobre 2019