Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les priorités de la construction européenne, au Sénat le 22 octobre 2019.

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Circonstance : Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2019 au Sénat

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 17 et 18 octobre 2019.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de m'adresser à vous pour le traditionnel débat que nous tenons à l'issue des conseils européens. Lors du débat préalable à ce sommet, vous aviez exprimé vos attentes et posé des questions relatives aux différents points à l'ordre du jour : la présentation de l'agenda de la nouvelle Commission, le cadre financier pluriannuel, la demande d'ouverture de négociations d'adhésion à l'Union européenne de l'Albanie et de la Macédoine du Nord et enfin, bien sûr, le Brexit.

Le Conseil européen s'est donc réuni jeudi et vendredi derniers, des conclusions ont été adoptées et le Président de la République s'est exprimé en conférence de presse sur le déroulement des travaux et sur nos positions.

Ce Conseil européen était d'abord l'occasion pour la nouvelle présidente élue de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, de présenter son agenda. Nous nous reconnaissons très largement, vous le savez, dans ses priorités.

La première d'entre elles porte sur la lutte contre le changement climatique et la présentation d'un nouveau pacte vert. L'objectif est de faire de l'Union européenne le premier continent neutre en carbone à l'horizon 2050 et de mettre toutes les politiques – industrielle, environnementale, énergétique… – en cohérence avec cet objectif plus large. Notons également que la présidente élue a mentionné l'établissement d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et notre marché de permis carbone dit ETS.

La présidente élue a également rappelé la priorité donnée au numérique et à ses différents aspects fiscaux, concurrentiels et juridiques.

Elle a de nouveau fait valoir qu'elle ferait des propositions sur la révision du régime d'asile – nous avons d'ailleurs eu un débat sur les sujets migratoires dans cet hémicycle il y a quelques jours.

Elle a enfin souligné que sa commission serait géopolitique, car l'Europe doit affirmer sa place et arrêter sa propre ligne en matière de défense économique, et ainsi gagner en souveraineté.

Le Conseil européen a aussi conduit sa première véritable discussion substantielle sur le prochain cadre financier pluriannuel, dit CFP. Ce débat venait opportunément compléter la discussion sur les priorités du nouveau collège.

Les échanges ont confirmé les positions connues qui restent aujourd'hui, avouons-le, très éloignées les unes des autres, que ce soit sur le volume global, les priorités à financer ou l'opposition entre les politiques dites traditionnelles et les nouvelles priorités que nous préférons plutôt voir comme des politiques qui, pour certaines, soutiennent notre souveraineté et notre autonomie au niveau européen, quand d'autres permettent d'améliorer notre convergence et notre solidarité. Des divergences existent aussi sur les ressources propres et les rabais.

Le Président de la République a rappelé la position française : la France veut le maintien de l'enveloppe UE-27 de la politique agricole commune, la PAC, et ne souhaite pas opposer le premier et le second pilier de cette politique, car sans agriculteurs, il n'y a pas et il n'y a plus besoin de développement rural. Il y a là une opposition qu'il nous faut combattre.

Je vous rappelle que le budget de la PAC représente 0,3 % de la richesse européenne produite chaque année et que ce budget doit être réparti sur 80 % de notre territoire, soit la part de l'espace européen où se situent des champs et des forêts exploités. Dans ce contexte, nous avons besoin de soutenir le revenu et l'investissement des agriculteurs pour les aider à faire évoluer leurs modes de production et faire face aux risques climatiques, de marché et de production auxquels ils sont confrontés.

Nous voulons financer le budget par de nouvelles ressources propres, notamment dans le domaine environnemental, car la France ne pourra pas augmenter indéfiniment sa contribution nationale et le prélèvement sur ses recettes.

Nous voulons aussi verdir le budget dans son ensemble pour arriver à 40 % de dépenses compatibles avec le climat, la biodiversité et l'environnement.

Nous ne nous exprimerons pas sur le volume de ce budget, tant que nos demandes politiques ne seront pas satisfaites sur la PAC, le verdissement, les ressources propres, la fin des rabais et les conditionnalités.

La discussion doit donc se poursuivre et le prochain Conseil européen débattra sans aucun doute de cette question. Il nous faut parvenir à un accord rapidement et en tout état de cause au plus tard en début d'année prochaine, car nous devons cette fois-ci faire beaucoup mieux qu'en 2014 – la France avait alors pris beaucoup de retard dans sa capacité à déployer les politiques européennes.

S'agissant du point consacré à l'élargissement qui a fait l'objet de longs échanges et qui a donné lieu à une abondante couverture de presse, je crois qu'il me revient ce soir de clarifier un certain nombre de points.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Effectivement !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. D'abord, la conclusion du Conseil européen n'est pas le fruit, comme je le lis depuis quelques jours, d'un quelconque veto français. Pour qu'il y ait veto, il faut qu'il y ait vote ; or il n'y en a pas eu.

Ensuite, de nombreux projets de conclusion ont été présentés, que ce soit au conseil Affaires générales ou devant le Conseil européen, et aucun de ces projets n'a réuni de consensus. Pourquoi ? Parce que certains États membres souhaitaient l'ouverture immédiate des négociations d'adhésion pour la Macédoine du Nord et l'Albanie, d'autres le souhaitaient uniquement pour la Macédoine du Nord et d'autres enfin posaient des conditions en termes de réformes supplémentaires.

La France, comme souvent dans les institutions européennes, a proposé une approche positive et crédible et a cherché à réunir une unanimité – c'est la procédure qui s'applique à ces sujets. Nous avons axé notre message sur les points suivants : d'abord, renforcer notre attachement à la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux – leur avenir est européen –, ensuite demander la mise en oeuvre complète des réformes que nous avons réclamées au Conseil en juin 2018 et 2019.

Nous avons également demandé qu'une nouvelle procédure de négociations soit proposée, ce que la France soutient depuis des années. Il ne s'agit pas de ralentir le processus, mais de s'assurer que, pendant les négociations, les populations des pays concernés y trouvent un avantage concret plutôt que de voir se dérouler un processus juridique qui n'amène qu'une seule chose : l'émigration massive des jeunes et des classes moyennes qui finalement perdent espoir.

C'est sur cette base et selon ces étapes que nous pourrons nous décider à ouvrir les négociations ou en tout cas à étudier leur ouverture au printemps 2020 en amont du sommet Union européenne-Balkans qui se tiendra sous la présidence croate à Zagreb en mai 2020.

Et puis j'aimerais vous dire quelques mots sur le Brexit, ce véritable feuilleton, même si je dois vous dire que ce sujet fait davantage l'objet de discussions depuis le Conseil européen que lors de sa réunion. En effet, jeudi, nous étions juste quelques heures après la conclusion d'un nouvel accord entre l'équipe de négociation de Michel Barnier et celle du Gouvernement britannique.

Je voudrais d'abord vous dire que cet accord est un bon accord. Il propose un nouvel équilibre sur les questions de la frontière irlandaise et du consentement démocratique en Irlande du Nord et en ce qui concerne la relation future entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Vous le savez, je vous en avais parlé la semaine dernière, la France a particulièrement insisté sur le fait que cette relation future devra être loyale, équilibrée et sans divergences excessives avec nos normes sociales, fiscales et environnementales.

Mais comme en avril dernier et plus que jamais, nous devons absolument clarifier les enjeux et les échéances pour nos concitoyens. Sans délai clair – nous connaissons trop bien cette petite musique –, la situation pourrait de nouveau s'enliser. C'est bien parce qu'en avril dernier et depuis lors le Président de la République a tenu une position très ferme sur la date butoir du 31 octobre que nous avons réussi à faire des progrès depuis dix jours. La question est finalement assez simple : est-ce que le Parlement veut, oui ou non, d'un nouvel accord ?

Nous le savons, une sortie sans accord, un no deal, serait un moment de vide juridique et nous ne le souhaitons pas, mais nous devons avec la même force limiter l'incertitude qui mine des millions de familles et d'entreprises, car l'incertitude liée au Brexit est une cause à ne pas négliger de la récession industrielle qui sévit dans certains pays européens.

Pour entrer en vigueur, ce projet d'accord de retrait révisé ainsi que la déclaration politique sur les relations futures qui l'accompagne doivent être adoptés par l'Union européenne et ratifiés par le Parlement européen et le Parlement britannique.

Ce n'est pas encore le cas ! Cependant, une étape importante a été franchie ce soir et je crois qu'il faut la saluer : pour la première fois depuis des mois, une majorité s'est exprimée en faveur des objectifs de l'accord. Pour autant, le Parlement britannique se divise sur la rapidité du processus de ratification de cet accord, ce qui complique naturellement les choses.

Nous n'avons donc pas de clarté sur le calendrier, ce qui accroît l'incertitude. D'autant plus que le Parlement britannique a mis sur la table des amendements de substance, notamment pour revenir à l'union douanière, étendue à tout le Royaume-Uni, comme c'était déjà le cas dans la version de l'accord avec Theresa May. Vous imaginez bien que, lorsqu'un accord est amendé d'un côté, il est difficile pour l'autre partie, en l'occurrence les Européens, de déterminer sa position.

De manière très solennelle, je veux le dire devant le Sénat, qui représente les Français, parfois de l'étranger, les territoires, nous devons absolument sortir de cette incertitude, qui est toxique, angoissante, pénalisante pour la vie de nos familles et des entreprises.

Certains nous disent que la situation de ce soir justifierait forcément une extension. J'ai envie de répondre : pour quoi faire ? Nous le savons, le temps seul n'apportera pas de solution. Seule une décision politique peut apporter une clarification.

Il nous faut comprendre comment les Britanniques prévoient de recréer les conditions d'un alignement démocratique entre le peuple, le parlement et le gouvernement. Certains nous parlent d'élections, d'autres de référendum. La position française est de dire que nous ne pouvons pas étendre à l'infini, en restant spectateurs d'un processus dont rien ne ressort. Une extension ou une demande d'extension ne peut être entendue que si elle est justifiée et que nous en comprenons les raisons. Je crois qu'il y a là, pour nous tous, une ligne claire à tenir.

Pendant ce Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement ont également échangé sur les sujets de politique étrangère, en particulier la situation du nord-est de la Syrie et le problème des forages turcs en Méditerranée. Le Conseil, comme j'avais pu le faire devant cette assemblée lors d'un débat sur l'offensive turque, a condamné très fermement et à l'unanimité les actions militaires unilatérales de la Turquie en Syrie. Il a pris acte de l'annonce par les États-Unis et la Turquie d'une pause dans les opérations militaires, mais il a surtout demandé qu'elles cessent immédiatement et de manière définitive, avec un retrait des forces en présence. De plus, conformément aux conclusions du Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne du 14 octobre dernier, il a rappelé que tous les États membres avaient décidé de suspendre les licences d'exportation d'armement vers la Turquie. Un appel collectif à la réunion de la coalition contre Daech a été lancé pour que ceux qui, hier, combattaient ensemble et qui, aujourd'hui, combattent les uns contre les autres, prennent leurs responsabilités.

Sur le sujet des forages turcs en Méditerranée orientale, le Conseil européen a endossé les conclusions du conseil du 14 octobre, qui prévoient l'adoption de mesures restrictives, ciblées, à l'encontre des responsables de ces forages illégaux et ont réaffirmé la solidarité entière de l'Union européenne avec Chypre.

Enfin, je terminerai sur la prise de fonction de la nouvelle Commission, même si ce point n'a pas été officiellement à l'ordre du jour de la réunion. Il est clair qu'elle ne pourra pas avoir lieu le 1er novembre. L'objectif est désormais le 1er décembre, si les trois nouvelles candidatures sont présentées dans les deux prochaines semaines. C'est un enjeu essentiel de travail collectif pour que le Conseil, le Parlement et la Commission puissent faire ce que l'on attend d'eux : proposer des projets européens et les mettre en oeuvre pour apporter des résultats à nos concitoyens. (Applaudissements au banc des commissions, sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe UC.)

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État, qui souhaite répondre aux trois présidents de commission.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Merci, madame la présidente.

J'ai été interrogée par M. le président Cambon sur le portefeuille du prochain commissaire français. Nous cherchons à nous assurer que l'industrie, le numérique, la défense soient bien, au coeur de cette nouvelle Commission, portés par le candidat que le Président de la République proposera à Ursula von der Leyen dans les prochains jours. Sur son profil type, son portrait-robot, si je peux m'exprimer ainsi, il faut qu'il s'agisse de quelqu'un susceptible de gagner la confiance du Parlement européen et travailler avec lui à obtenir des résultats. Au fond, la question est la suivante : comment créons-nous concrètement des emplois en Europe dans les domaines industriels, numériques, et dans le secteur de la défense ? Nous cherchons non pas une figure, mais un candidat qui aura la capacité de porter devant le Parlement le projet ambitieux du Président de la République, qui, parfois, fait grincer un peu les dents.

Vous m'avez aussi interrogée sur la nomination d'un commissaire britannique. Je rappelle que c'est bien pour cette raison que le Président de la République avait fixé la date du 31 octobre. J'étais même venue m'en expliquer ici. Il fallait s'assurer qu'à l'entrée en fonction de la nouvelle Commission nous puissions être opérationnels dans sa configuration de plein exercice, c'est-à-dire sans les Britanniques. Je suis d'accord avec vous, la relation future sur l'économie, la défense, la politique extérieure, la sécurité, la culture, l'éducation, la recherche aura à être reconstruite. Néanmoins, je le répète, l'échéance du 31 octobre nous permettait d'avoir une position cohérente.

Nous le savons, si le Royaume-Uni est encore membre de l'Union européenne après l'entrée en fonction de la nouvelle commission, dorénavant fixée au 1er décembre, la question va se poser. C'est donc pour cela que nous travaillons à des échéances les plus claires et les plus rapprochées possible. Si un commissaire doit être nommé, il faut une décision à l'unanimité de tous les chefs d'État et de gouvernement, puisqu'il faudra changer des textes qui requièrent une telle unanimité. C'est beaucoup de travail et de procédures. C'est surtout nous retrouver dans une situation que nous ne voulions pas, c'est-à-dire que le Brexit perturbe notre capacité à nous donner des objectifs et des priorités pour les citoyens de l'Union.

Je répondrai bien entendu ensuite aux questions que les sénatrices et les sénateurs m'auront posées, mais je veux m'attarder un instant sur l'élargissement. Pourquoi avons-nous refusé de découpler ? Le Président de la République a pensé qu'il s'agissait d'une stratégie funeste pour la stabilité de la région. C'était aussi l'avis de très nombreux chefs d'État et de gouvernement. Si, d'un côté, nous disons « oui » à la Macédoine du Nord, mais que nous laissons l'Albanie au milieu du gué, sans perspective, sans trajectoire, tous les efforts que nous faisons pour stabiliser le Kosovo, sachant qu'il y a des minorités albanaises dans l'intégralité des pays de la région, seront réduits à néant.

En outre, nous avons constaté que des réformes demandées en juin 2018 et en juin 2019 n'étaient pas arrivées à leur terme en Macédoine du Nord, et que d'autres réformes demandées en Albanie n'étaient pas non plus mises en oeuvre complètement. Il était alors difficile de dire qu'avec la même méthode nous arrivions à des conclusions différentes.

Le point clé de notre démarche, monsieur le président Bizet, c'est non pas de proposer une solution alternative, mais de travailler avec ces pays pour qu'ils puissent rejoindre l'Union européenne en ayant franchi les étapes initiales que nous leur avons fixées. C'est un processus par étapes, et nous ferons des propositions à la Commission, propositions que nous avons partagées, depuis déjà quelques mois, avec nos partenaires. Je ne parlerai pas de statut intermédiaire. À mon sens, ce n'est pas forcément le statut qui compte, mais il faut que nous puissions apporter à ces pays la possibilité d'avoir un accès graduel, séquentiel aux politiques, en commençant, peut-être, par la politique agricole, la politique de cohésion, la politique d'innovation, pour, in fine, accéder au marché intérieur et au Conseil européen.

Aujourd'hui, c'est un processus purement juridique. Seule la Commission met de la pression, mais les populations n'en voient pas les résultats. Pour un gouvernement, c'est plus difficile de faire des réformes si la pression vient seulement de l'extérieur. Si nous arrivons à apporter aux populations des bénéfices concrets, ces peuples accorderont beaucoup de crédit à l'Europe.

M. Jean-Yves Leconte. Plus personne n'y croit dans ces pays !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Je ne vois pas non plus d'incohérence avec le discours des ambassadeurs.

Le Président de la République a déclaré que nous devions nous réinvestir dans les Balkans pour que ce ne soit pas la Chine, la Russie, la Turquie et d'autres qui viennent investir, construire des infrastructures, conclure des partenariats universitaires.

M. Jean-Yves Leconte. C'est ce qui se passe !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Nous avons relancé le plan d'engagement de l'Agence française de développement, l'AFD, pour les Balkans. Il s'agit d'engagements concrets, réaffirmés par le Président de la République.

M. Didier Marie. Ce n'est pas crédible !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Messieurs les sénateurs, ce qui n'est pas crédible, c'est de considérer que le seul outil de politique étrangère et de partenariat à notre disposition, c'est un épais formulaire de 6 000 questions envoyé à des gouvernements, qui nous permettrait de dire : « Nous avons rempli notre rôle ! » Il y a là beaucoup d'hypocrisie. Si nous voulons que ces pays s'arriment à l'Europe, nous devons leur proposer des politiques concrètes pour qu'ils ne fassent pas affaire avec d'autres puissances.

Je tiens à vous dire qu'il est dangereux et, au fond, assez dérangeant d'entendre que l'élargissement est notre seul levier de politique de partenariat.

M. Simon Sutour. C'est un engagement qui avait été pris après la guerre en ex-Yougoslavie !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Quand nous travaillons avec l'Ukraine, la Moldavie, les pays d'Afrique du Nord, nous avons d'autres leviers. Pourquoi, avec ceux-là, en serions-nous réduits à parler, en termes juridiques, d'organisation des marchés publics et de recrutement des fonctionnaires ? Je pense que nous devons muscler nos dispositifs et allier le concret au juridique. À entendre vos réactions, je pense que vous y reviendrez.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Il faut fixer la jeunesse dans ces pays.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Enfin, je terminerai par le CFP. Vous avez raison, monsieur le président Éblé, il nous faut avancer, mais aujourd'hui la proposition prétendument de consensus que la présidence finlandaise a mise sur la table a abouti à un autre consensus : aucun pays n'est d'accord !

Nous devons donc reprendre la discussion, avec une méthode différente, selon nous. Le point de départ ne peut pas être de savoir combien chacun met, à la décimale près. Peu importe que ce soit 1,065, 1,066 ou 1,067 ou 1,00, comme certains nous le disent. Vous serez d'accord avec moi, je ne connais pas de budget qui soit construit à partir d'un chiffre arbitraire décidé dans un bureau. Un budget, c'est un outil politique. Quelles priorités fixons-nous ? Quelles politiques voulons-nous reconduire ? Que voulons-nous faire de nouveau ? Sur quelles ressources nous appuyons-nous ? Je sais bien qu'il ne faut pas inventer des impôts tous les matins, mais je vous rappelle que l'Europe n'a pas de ressources propres. Tout dépend des contributions nationales, et donc des contribuables que sont les entreprises et les ménages. Tant que nous n'aurons pas eu cette discussion, qui inclut la fin des rabais et notre capacité à être cohérents, tout d'abord sur le climat, la France n'entrera pas dans des discussions de boutiquiers. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Beaucoup d'entre vous m'ont interrogée sur l'éventualité d'une extension. Tout indique que nous devrons faire un point, en fin de semaine, sur la nécessité d'accepter une extension purement technique de quelques jours. Il s'agit de permettre au Parlement britannique d'achever une procédure qu'il souhaite mener, non pas à un train de sénateur (Sourires.), mais selon un rythme « adapté ». (Nouveaux sourires.)

Une extension qui ne servirait qu'à gagner du temps ou à rediscuter l'accord est totalement exclue. Il ne s'agit pas d'un changement de position. Nous avons déjà perdu trop de temps. Nous avons trouvé un accord équilibré qui respecte à la fois la souveraineté britannique et les lignes rouges européennes. Nous devons consacrer toute notre énergie à le mettre en oeuvre sans délai.

Nous devons nous employer à faire cesser une incertitude qui crée beaucoup d'angoisses et qui pénalise économiquement des millions de familles, d'entreprises et d'emplois. C'est la raison pour laquelle la France ne veut pas d'une extension à l'infini. Nous voulons pouvoir nous appuyer sur des échéances claires et rapprochées et avancer étape après étape.

Monsieur le président Éblé, vous m'avez interrogée sur le fameux plan de contingence visant justement à répondre à l'incertitude, si elle venait à se manifester. Certains règlements ont déjà été modifiés, notamment le mécanisme d'interconnexion des infrastructures portuaires qui a permis de réaliser des investissements à Boulogne, à Calais et autour de l'entrée du tunnel sous la Manche, à Coquelles. Je pense également au fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, ou Feamp, en cas d'immobilisation de la flotte. La Commission a aussi proposé de nouveaux aménagements concernant l'activation du fonds de solidarité de l'Union européenne, le fameux FSUE, destiné à aider les pays confrontés à des chocs subis et non prévisibles et la mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation, le FEM, qui permet notamment de se protéger contre des chocs commerciaux extérieurs ou d'y répondre.

Au départ, la Commission prévoyait des critères suffisamment restrictifs pour que ces mécanismes ne profitent qu'à très peu de monde, pour ne pas dire à personne. La France a plaidé, avec un certain succès, pour qu'ils puissent être réellement mis en oeuvre. Il ne s'agit pas d'être dans le symbolique : si l'on crée des mécanismes, il faut s'assurer de l'existence de bénéficiaires.

Il est difficile de savoir aujourd'hui combien de millions ou de milliards d'euros tout cela pourrait représenter pour la France. Ce n'est pas une enveloppe par pays, mais en fonction des besoins. Je ne peux vous dire combien d'entreprises en bénéficieraient si nous activions ces mécanismes.

Je tiens à rappeler mes propos lors de mon audition : j'ai besoin de vous et de votre soutien si jamais les Britanniques venaient à ne pas payer leur contribution de 2020, soit 12 milliards d'euros – non pas parce qu'ils seraient forcés de rester, comme j'ai pu l'entendre ce soir, mais bien parce qu'il s'agit de sommes dues.

Il faudrait alors absolument rappeler à la Commission européenne que nous nous opposons au plan qu'elle a imaginé, à savoir 6 milliards d'euros coupés dans les dépenses prévues – ce qui aurait des conséquences immédiates sur nos collectivités locales – et un appel à contribution des États membres de 6 milliards, soit plus d'1 milliard d'euros pour la France. Vous êtes en train d'examiner le projet de loi de finances : je vous laisse imaginer ce que représenterait sur nos comptes publics une telle contribution exceptionnelle… Dans la mesure où, pour entamer des discussions sur une relation future, il faudrait que le Royaume-Uni ait payé ses contributions, cela reviendrait à faire des avances de trésorerie.

Si cette situation venait à se produire, il faudrait trouver une solution technique pour apporter 12 milliards d'euros de trésorerie à la Commission, puisque nous savons que cet argent sera récupéré. S'il ne l'était pas, il n'y aurait pas de relation future. Il faut mener un travail technique sur ce sujet, peut-être par la BEI, la Banque européenne d'investissement, au capital de laquelle le Royaume-Uni a des parts.

Il existe plusieurs manières de trouver des garanties et de se prémunir. Il s'agit d'un sujet hautement politique. Je ne me vois pas revenir devant vous ou ailleurs pour expliquer aux élus locaux ou aux contribuables que nous devons faire des efforts en raison d'un petit problème de trésorerie britannique…

Monsieur le sénateur Bonnecarrère, nous nous sommes effectivement mobilisés contre une relation future marquée par la concurrence déloyale. Nous considérons que la déclaration politique sur la relation future est une bonne déclaration en ce qu'elle encadre très fermement les conditions d'un accord de libre-échange.

Je tiens d'ailleurs à vous rassurer : vous aurez à ratifier cet accord de libre-échange. Les parlements nationaux vont rentrer de nouveau dans le jeu : si l'accord de divorce est bien un processus restreint à l'Union européenne au nom des Vingt-Sept, au Parlement européen et au Royaume-Uni, dès qu'il s'agira de l'accord de libre-échange, même négocié au nom de l'Union européenne, chacune des chambres nationales devra bien le ratifier.

Madame la sénatrice Guillotin, vous m'avez interrogée sur l'exécution des fonds européens. C'est bien beau de négocier des enveloppes, mais c'est encore mieux si elles se concrétisent ensuite. Comme vous le savez, j'ai l'intention de travailler très précisément, avec tous les parlementaires, tous les élus locaux, toutes les associations d'élus, à simplifier le recours aux fonds européens. Trop souvent, on dit que l'Europe est compliquée ; en fait, ce sont les procédures françaises de mise en oeuvre des politiques européennes qui sont compliquées. Avec Jacqueline Gourault et les ministres référents – Didier Guillaume pour les politiques agricoles ou Muriel Pénicaud pour les politiques sociales – nous menons, avec un certain nombre de préfets, un travail de recension très pratique : quelles sont les démarches à suivre en France pour avoir accès au fonds social européen et quelles sont celles à suivre en Belgique, par exemple ? Inspirons-nous de ce qui est plus simple ailleurs pour faciliter la vie des porteurs de projets. Notre objectif est de faire en sorte que l'argent arrive dans les territoires.

En ce qui concerne l'élargissement, vous nous avez appelés à développer une prospérité réelle. Il s'agit aussi pour l'Europe de retrouver des modes de décision interne qui soient efficaces. Beaucoup de vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, soulignaient que l'Europe était dans une impasse, à la croisée des chemins… D'autres encore ont dit que nous devions nous ressaisir.

C'est là tout le paradoxe : quand nous sommes au Conseil européen et qu'on nous parle d'élargissement, il est devenu tabou de dire que le sujet n'est pas de savoir si tel ou tel pays mérite ou démérite, mais d'avoir revu nos procédures internes de décision le jour où nous aurons à statuer sur leur adhésion effective. La règle de l'unanimité donne parfois un pouvoir démesuré à des coalitions de pays qui se mettent dans une posture de blocage et non de proposition. Je pense également à la représentation d'un commissaire. Peut-on vraiment travailler avec un gouvernement dont les trente membres sont sur un pied d'égalité totale. Comment organiser la collégialité, comment prendre des décisions et, surtout, comment retrouver de la rapidité ?

Ce qui rend beaucoup d'Européens sceptiques sur la valeur du projet européen, c'est la lenteur des processus entre le moment où l'on se fixe des objectifs et le moment où l'on arrive à les mettre en oeuvre. Il faut des réformes. C'est la raison pour laquelle le Président de la République, la Chancelière Merkel et d'autres chefs d'État et de gouvernement soutiennent cette fameuse conférence sur l'Europe. Nous devons mettre certaines choses sur la table pour retrouver de l'agilité, de la rapidité et de la capacité à décider. Mme Merkel disait, au moment de choisir ceux qui allaient occuper les « top jobs », que le sujet ne portait pas tant sur les hommes que sur la capacité à prendre des décisions qu'on leur donne. Il nous reste à mener une réflexion sur le sujet.

Monsieur le sénateur Gattolin, je suis très déçue de ne pas disposer du temps suffisant pour regarder toutes les séries Netflix que vous avez décrites. (Sourires.) Je suis, parfois avec amusement, mais toujours avec beaucoup d'intérêt, celle qui s'appelle le Brexit. On finit par se demander si on est dans la fiction ou dans la réalité. Ce qui est certain, c'est que nous ne pouvons malheureusement pas en sourire, tant il y a d'incertitudes. Quand vous rencontrez les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer, vous comprenez vite qu'il ne s'agit pas d'un feuilleton humoristique ni parodique.

Vous avez raison de souligner que ce processus sera de longue durée. Nous aurons en effet à « retricoter » toutes nos relations culturelles, universitaires, sociales et économiques. J'ai grandi à Calais. Le tunnel sous la Manche a été construit quand j'y habitais. Il mesure 50 kilomètres de long ; il ne fera pas davantage demain. Nous verrons toujours les falaises de Douvres depuis Calais. Au nord-ouest, le Royaume-Uni est notre premier voisin. Les 5 millions de camions qui passent par Calais chaque année pour rejoindre l'Angleterre ne vont pas disparaître demain. Nous avons des liens forts avec le Royaume-Uni qui a la possibilité, à tout instant, de dire qu'il souhaite rester dans l'Union européenne. Il peut également choisir un jour de refaire le chemin inverse.

L'accord de libre-échange traite de nos liens commerciaux. Nous avons aussi conclu de nombreux traités bilatéraux, notamment sur la défense. L'année prochaine, nous célébrerons les dix ans des accords de Lancaster House, traité fondateur dans nos relations avec le Royaume-Uni en termes de sécurité et de défense. Nous avons encore beaucoup de sujets sur lesquels travailler. J'espère que nous le ferons de manière positive. Il est toujours plus facile, politiquement, de se rapprocher que de se détacher.

Je vois que le sénateur Masson a quitté l'hémicycle. Il est coutumier du fait : souvent, il prend la parole, puis s'en va sans attendre ma réponse… Je voulais faire une première précision sémantique : il faut parler des Britanniques et non des Anglais. Anglais, Écossais, Nord-Irlandais, Gallois ont tous voté de manière assez différente sur le Brexit, mais c'est bien le peuple britannique qui a voté.

Je ne pense pas non plus que la comparaison entre 2005-2007 et ce qui se passe aujourd'hui soit de bon aloi. La France et ses partenaires n'ont pas voulu bloquer la volonté du peuple britannique de réaliser le Brexit. Depuis le départ, et vous savez que c'est un souhait permanent du Président de la République, nous ne devons pas nous opposer à ce référendum, mais faire en sorte que le processus démocratique aboutisse. Nous voudrions que les choses aillent plutôt vite. La lenteur ne sera pas forcément un gage de réalisation de cette volonté souveraine. Il faut toujours être extrêmement respectueux. Si nous croyons en l'État de droit, nous devons nous interdire toute ingérence directe.

Monsieur le sénateur Laurent, vous m'avez interrogée sur ce que vous décrivez comme des impasses. Je retiens deux choses : une nouvelle politique industrielle qui puisse nous amener à parler d'Alstom et de Siemens et une nouvelle politique ferroviaire, notamment pour permettre des investissements publics sur la sécurité ou sur le fret.

La Commission travaille déjà à changer de version, sinon de logiciel, et met clairement à jour sa doctrine pour pouvoir protéger nos emplois. Quand la présidente de la Commission nous dit vouloir mettre en place un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, j'y vois une méthode très intéressante de protection des normes environnementales et des emplois sur notre continent.

Il faut effectivement repenser un modèle de croissance, de prospérité, de partage des richesses. La France aimerait, par exemple, que toutes les dispositions sur l'intéressement et sur la participation puissent s'exporter à l'échelle européenne. Quand nous défendons le bouclier social, et notamment le salaire minimum européen, c'est-à-dire le fait qu'aucun travailleur à plein temps en Europe ne puisse gagner moins que le seuil de pauvreté, nous créons sinon un nouveau capitalisme, du moins un capitalisme respectueux des richesses qui permettent la production de prospérité collective.

Monsieur le sénateur Menonville, vous m'avez interrogée sur la PAC, sur la cohésion et sur la façon dont nous allions défendre ces politiques. Nous allons les défendre sans être conservateurs. Nous allons d'abord rappeler que l'Europe doit construire la souveraineté et la convergence. Si nous ne sommes pas capables d'apporter aux citoyens à la fois souveraineté et convergence, tout ce que je pourrai vous dire ici n'aura aucun sens concret dans la vie de nos compatriotes que nous appelons aux urnes tous les cinq ans.

Notre principale défense consiste à montrer en quoi ces politiques sont pertinentes, en quoi elles répondent aux exigences de nos territoires et des citoyens. Pour le Président de la République, la PAC et la cohésion sont tout à fait finançables avec une contribution de 1 % du PIB national. Par contre, le financement du reste doit reposer sur des ressources propres. J'y vois le chemin d'un compromis à même de réconcilier les pays contributeurs nets, très vigilants sur l'effort qu'ils consentent, et les pays qui souhaiteraient voir de nouvelles politiques se déployer.

Monsieur le sénateur Allizard, vous m'avez interrogée sur la Chine et l'Asie en général. Comme vous le savez, quand Xi Jinping est venu à Paris, nous l'avons reçu en compagnie de Mme Merkel. Un sommet avec Jean-Claude Juncker a ensuite eu lieu. Le Président de la République se rendra à son tour en Chine dans quelques jours, avec une délégation européenne… Nous devons essayer de nouer avec la Chine une relation, non pas d'égal à égal, car les Européens ne seront jamais aussi nombreux que les Chinois, mais de partenaires économiques et commerciaux qui repose sur une forme de réciprocité.

Une partie du déplacement du Président de la République en Chine est justement consacrée à l'ouverture des marchés chinois à nos entreprises. Nous devons créer de l'écoute et donc de la réciprocité sur ces sujets.

Vous m'avez également interrogée sur les forages turcs au bloc 7 au large de Chypre. Le Conseil européen a décidé des sanctions à l'encontre de ceux qui mènent ces forages. La limite à poser est celle de la souveraineté territoriale d'un État membre. Nous sommes extrêmement mobilisés sur ce sujet.

Monsieur le sénateur Marie, vous souhaitez savoir quels projets phares nous portons pour les années qui viennent. La France et l'Allemagne, contrairement à beaucoup de nos partenaires, ont une feuille de route. C'est le discours à la Sorbonne qui a ensuite été décliné sous diverses formes durant la campagne des élections européennes et qui a largement inspiré le discours d'Ursula von der Leyen.

Ce discours nous dit que l'Europe doit se positionner face aux défis de son siècle – le climat, la capacité à créer des emplois dans un monde très innovant… – et doit porter sa voix dans un monde qui n'est plus celui des années quatre-vingt-dix, avec des blocs très organisés, où chacun savait où il habitait. Les alliances sont aujourd'hui très mouvantes, ce qui nous oblige à retrouver de l'autonomie.

Cette souveraineté européenne est un cadre qui rassemble davantage chaque jour. Les différents pays ne peuvent répondre autrement qu'en Européens face aux pressions commerciales ou aux investisseurs prêts à partir très loin et à détruire des emplois…

Comment Ursula von der Leyen peut-elle trouver une majorité pour soutenir ce projet ? Le travail mené la semaine dernière avec les chefs d'État et de gouvernement lors du Conseil européen et cette semaine au Parlement européen ne vise pas à signer un accord de coalition, un bout de papier signé la main sur le coeur pour cinq ans dont on ignore s'il aboutira à quoi que ce soit. Sur les grandes thématiques, les grandes priorités qu'elle a fixées, la présidente de la Commission doit pouvoir disposer d'un engagement collectif et de confiance.

Je me rends à Strasbourg tous les mois depuis six mois, au moment de la plénière, pour rencontrer les parlementaires européens de manière extrêmement intensive. Les choses sont bien évidemment plus compliquées qu'avec deux blocs et des positions définies dès le départ, mais je peux vous assurer qu'une majorité existe sur de nombreux thèmes. Il faut construire cette majorité, sujet par sujet. C'est un travail que je mène aussi au Conseil. Si l'on se contente de dire que la France et l'Allemagne sont d'accord, ça ne marche pas. Les coalitions se forment sujet par sujet : nous avons des partenaires sur le budget, nous en avons d'autres sur le climat ou sur la cohésion… Nous avançons thématique par thématique, ce qui demande plus de travail et d'agilité. Nous avons une majorité moins visible, moins automatique, qui demande plus de mobilisation collective.

En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel, le CFP, je pense que nous pourrons trouver des contributions nationales pour les politiques actuelles et des ressources propres pour financer le coût des nouvelles politiques. Il existe un chemin pouvant nous permettre de rallier les contributeurs nets et les pays les plus demandeurs.

Monsieur le sénateur Longeot, en ce qui concerne le calendrier, mieux vaut un bon accord qu'un mauvais accord négocié trop vite. Nous essayons tout de même d'avoir de la visibilité pour le début 2020. Nos chercheurs, nos collectivités locales, nos entreprises qui dépendent au quotidien de ces fonds européens ont besoin de clarté. Vous m'en voudriez beaucoup si, dans quelques semaines, je venais vous annoncer un accord avec une PAC réduite à la portion congrue ou des régions en transition maltraitées. Il faut trouver le juste équilibre.

Toutefois, nous ne voulons pas prendre de retard. Nous ne voulons pas nous retrouver avec les mêmes problèmes qu'en 2014 sur le terrain. Nous savons combien cela pourrait être dommageable.

Madame la sénatrice Morhet-Richaud, vous avez souligné que les Américains avaient largement soutenu les programmes de développement militaire en Macédoine du Nord. Or, pour 2 millions d'habitants, ce pays a reçu de l'Union européenne 664 millions d'euros de soutien entre 2014 et 2020, au travers de l'instrument de préadhésion.

Nous menons avec ces pays une politique d'investissement collectif très forte. S'il faut traiter le sujet juridico-politique de l'élargissement, les chiffres que je viens de citer montrent que l'Union européenne ne se désintéresse pas de ces pays situés au coeur de l'Europe et avec lesquels nous devons nouer une relation stratégique.

Je vous remercie de ces échanges et de votre soutien, dans une période où nous avons besoin d'une parole unie et non d'une parole dure, d'une parole qui amène de la clarté. Nos partenaires doivent savoir que si nous sommes parfois exigeants, c'est aussi dans leur intérêt. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)


source http://www.senat.fr, le 29 octobre 2019