Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les ventes d'armes à l'Arabie saoudite, l'Algérie, le Mali et le Conseil de sécurité de l'ONU, à New York le 29 mars 2019.

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Circonstance : Conseil de sécurité des Nations unies, à New York (Eytats-Unis) le 29 mars 2019

Texte intégral

Q - L'Allemagne a décidé hier soir de prolonger de six mois son gel de vente d'armes à l'Arabie saoudite. Quelle est votre réaction, sachant qu'il y a des implications pour la France ?

R - Nous avons fait savoir à l'Allemagne qu'il nous fallait agir ensemble pour avoir une politique commune en matière d'exportation d'armes. C'est inscrit dans le Traité d'Aix-la-Chapelle. Donc nous travaillons ensemble en ce moment pour aboutir à une posture commune qui soit contraignante et qui soit en plus lisible pour l'avenir. Dans cet intervalle, il y a eu une décision des autorités allemandes de prolonger de six mois l'embargo à l'égard de l'Arabie saoudite, c'est de leur propre responsabilité. Mais nous travaillons en même temps pour aboutir à des positions communes entre l'Allemagne et la France.

Q - Quel est votre message pour les Algériens aujourd'hui ?

R - Je suis frappé de la dignité et de la fierté du peuple algérien. Il y a une phase difficile de leur histoire ; mais en même temps il y a un civisme remarquable. Et l'Algérie doit être maîtresse de son destin, la population contribue, par ses différentes manifestations, à montrer son appartenance et sa fierté algériennes. Il faut donc que le processus, qui va se mettre en oeuvre, de transition qui maintenant s'impose puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Je fais tout à fait confiance au peuple algérien pour résoudre cette difficulté. Mais en même temps, c'est une nouvelle période de leur destin.

Q - Concernant le Mali, vous avez dit tout à l'heure être plutôt optimiste, pourtant les temps paraissent un peu compliqués, avec des attentats, avec une guerre communautaire.

R - Il y a deux séries d'événements qui se passent au Sahel. D'une part, les combats contre les groupes terroristes qui sont des trafiquants qui se réfèrent à des principes barbares, ceux-là nous les combattons, et nous avons eu beaucoup de succès dans les temps récents, à la fois par la force Barkhane mais aussi par les forces des différentes armées du Sahel. Et puis, il y a des rivalités communautaires, avec des milices armées qui s'affrontent. C'est un autre sujet mais les populations sont victimes des deux. Il importe donc, pour le Mali en particulier, que les grands principes des Accords d'Alger qui avaient été actés en 2015 puissent se mettre en oeuvre. Ils ont mis du temps, parce que cela suppose de rompre des habitudes, de rompre aussi les positions arrêtées ; cela veut dire aussi partager une culture commune, politique. Cela prend du temps mais nous avons pu constater depuis la nouvelle élection du président Keita, depuis l'arrivée d'un nouveau Premier ministre, M. Maïga, une accélération, à la fois dans le désarmement, la réintégration de combattants qui étaient dans des groupes armés mais aussi dans le processus politique de centralisation. Je crois donc que le débat aux Nations unies de cet après-midi au Conseil de sécurité va pouvoir ancrer ces résultats et soutenir les autorités du Mali pour les efforts qui restent à encore faire, pour aboutir à une situation plus solide.

Q - Sur le Conseil de sécurité, qu'est-ce que vous pensez des polémiques politiques en France alimentées ces derniers mois sur le travail commun franco-allemand au Conseil de sécurité, notamment l'hypothèse alimentée par certains d'un siège commun franco-allemand ?

R - La question du siège commun ne se pose pas. La France est membre du Conseil de sécurité, à titre permanent, depuis 1945. Elle prend toute sa place, et je présiderai au Conseil de sécurité cet après-midi à ce titre. Mais depuis 1945 la géopolitique du monde a changé et il est logique qu'un certain nombre de pays, je pense au Japon, je pense au Brésil, je pense à l'Inde, je pense à certains pays africains, je pense à l'Allemagne évidemment, puissent avoir leur place de permanent au Conseil de sécurité, mais pas au détriment des autres. Et la position française, mais c'est aussi je crois la position allemande, puisque cette position-là a été intégrée dans un traité, notre position est qu'il faut se mobiliser pour que l'Allemagne ait un poste permanent au Conseil de sécurité. Mais pas le poste de la France, tout cela est stupide.

Q - Mais certains en Allemagne continuent à défendre l'idée que ce siège français pourrait être un siège européen.

R - Il faut une discussion entre les Européens qui siègent au Conseil de sécurité sur tous les sujets, oui, bien sûr, mais cela se passe déjà, ce n'est pas nouveau. Il y a aujourd'hui la Pologne, la Belgique, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France. Nous sommes cinq au Conseil de sécurité, nous parlons entre nous sur les différents sujets, mais ce n'est pas un siège de l'Union européenne et la France gardera son siège au Conseil de sécurité. Nous souhaitons que l'Allemagne puisse elle-même avoir un siège.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2019