Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
MARC FAUVELLE
La France était-elle au courant en amont du raid qui a permis d'éliminer ce week-end le chef du groupe Etat Islamique en Syrie ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On a toujours des discussions avec nos alliés. Là ce qui compte, c'est que c'est une étape positive. Je ne vais pas vous dire ici, vous imaginez bien, les échanges qui ont lieu entre les forces armées. D'ailleurs c'est le principe, c'est que ce sont des échanges qui n'ont pas vocation…
MARC FAUVELLE
Vocation à être donnés à 08 heures 33 à la télé.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qu'on voit, c'est que c'est positif. Parce qu'une organisation terroriste contre laquelle on se bat, on est toujours… On voit positivement le fait que ces leaders soient maintenant arrêtés, en tout cas en incapacité de nuire plus avant. Maintenant, il faut quand même avoir en tête que ce combat contre Daesh n'est pas terminé. Il y a encore beaucoup de combattants. On sait que c'est des organisations qui sont très mouvantes et qui donc peuvent très bien se retrouver un leader ou, en tout cas, des velléités d'organisation rapidement. Il n'y a plus d'Etat Islamique au sens géographique mais on sait que, notamment en Syrie et en Irak, il y a encore la présence de combattants. C'est pour ça qu'on va réunir la coalition contre Daesh, c'est pour ça qu'on va continuer.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Amélie de MONTCHALIN, d'un mot quand même pour reprendre la question de Marc, c'est simple. Effectivement, Donald TRUMP a remercié la Turquie, a remercié la Russie et d'autres pays. Est-ce qu'encore une fois, sans nous révéler un secret d'Etat, la France était informée de cette opération ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Florence PARLY a fait des déclarations. La France, elle l'a dit, c'est une question sans objet puisque nous n'avons pas participé à l'opération. Ensuite, il y a des discussions, des informations. Ça, c'est autre chose. Mais nous n'étions pas dans l'équipe qui a mené ce raid. C'est des choses qui sont tout à fait publiques. Je n'ai pas de révélations à vous faire sur le sujet. Ce qui compte pour moi, c'est que cette coalition contre Daesh, ça fait cinq ans. Cinq ans qu'un certain nombre de pays mènent une lutte pied à pied sur le terrain parce qu'on sait que c'est dans ces territoires, notamment en Syrie, d'où sont partis beaucoup, beaucoup de projets d'attentat à travers le monde entier. On a aussi beaucoup d'Européens qui sont allés lutter sur place. Et donc cette coalition contre Daesh, à la fois parce qu'il y a eu cette offensive turque et parce que maintenant nous avons ce fait nouveau, il faut qu'elle puisse se réunir et donc notamment il y a beaucoup de réunions des ministres de la Défense et c'est quelque chose qui est essentiel à tenir parce que ce n'est pas parce qu'il y a eu cet événement important hier que les choses sont finies. Et malheureusement pour nos concitoyens, c'est un combat qui doit encore durer parce que nous n'en sommes pas arrivés au bout de cette lutte contre ceux qui agitent les menaces terroristes à travers le monde.
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas l'ombre d'un doute, Amélie de MONTCHALIN, sur le fait que c'est bien le chef du groupe Etat Islamique qui a été tué ce week-end en Syrie. La Russie notamment fait part de doutes et dit qu'elle n'a pas reçu les résultats des tests ADN. La position officielle de la France, c'est bien de s'aligner sur les mots de Donald TRUMP hier.
AMELIE DE MONTCHALIN
La position officielle, vous l'avez entendue par les mots de Florence PARLY, par les mots de Jean-Yves LE DRIAN, par les mots du président de la République. C'est de considérer que, effectivement, c'est une étape importante. C'est un leader terroriste…
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas de raison de douter de la parole de Donald TRUMP.
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, aujourd'hui moi ici devant vous, non. Si des gens ont des doutes, ils auront les possibilités, j'imagine, d'échanger sur ces questions.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Est-ce que selon vous Donald TRUMP a raison quand il affirme qu'aujourd'hui le monde est plus sûr ou, au contraire, faut-il craindre effectivement un acte de vengeance et la résilience de Daesh ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est ce que je vous dis. C'est une étape importante dans la lutte contre cette espèce d'hydre, comme l'appelle le président, terroriste dont on sait que ce mouvement et ce leader quand même avaient beaucoup d'idées qui étaient très nocives et très dangereuses pour à la fois la région où il était et nous-mêmes puisque, c'est de cette région et de son organisation que beaucoup d'attentats en Europe ont été perpétrés. Perpétués et perpétrés. Ce qui est important, c'est que, oui, c'est plus sûr parce qu'il y a quelqu'un de moins. Maintenant est-ce que, on le voit bien, les instructions sont de vigilance encore accrue parce que des vengeances sont toujours possibles et parce que, je le dis, le mouvement terroriste en lui-même n'est pas éteint. Et ce n'est pas parce que vous coupez la tête du mouvement qu'en-dessous les combattants disparaissent. Donc c'est pour ça que c'est un combat, cette une guerre que nous menons et dans des fronts différents. Il y a aussi une guerre contre les terroristes au Sahel, au Mali. Donc on voit bien que la menace terroriste perdure et qu'il nous faut une vigilance, une mobilisation sans faille et collective.
MARC FAUVELLE
C'est une victoire…
AMELIE DE MONTCHALIN
Et mon message vraiment, c'est que cette coalition contre Daesh, ce n'est pas parce qu'on a eu dans les dernières semaines des mouvements qu'il faut se dire qu'il faut y mettre un terme. Nous avons encore beaucoup à faire ensemble.
MARC FAUVELLE
C'est une victoire que vous mettez au crédit de Donald TRUMP, une victoire personnelle pour lui ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne vais pas compter en victoire. Vous savez, le terrorisme quand il n'y en aura plus, on pourra tous se dire qu'on a gagné. La France prend énormément de risques, vous savez, dans beaucoup d'autres zones du monde et je ne pense pas qu'on pas qu'on parle en termes de victoire pour les uns ou pour les autres. C'est une étape importante. Evidemment qu'il y ait des militaires, des soldats, qui ont pris des risques pour mener cette opération et qu'ils étaient américains. C'est évident. Maintenant, je vous dis, il y a encore beaucoup à faire et Donald TRUMP se félicite d'une opération et nous, nous avons à continuer avec cette coalition le mouvement.
MARC FAUVELLE
Amélie de MONTCHALIN, nous sommes trois ans après le référendum britannique le Brexit. Nous sommes également de 28 octobre c'est-à-dire à trois jours de la dernière date qui avait été choisie pour que nos voisins quittent l'Union européenne. Est-ce que vous savez quand va se faire le Brexit ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors je ne sais pas vous dire quand va se faire le Brexit.
MARC FAUVELLE
Il se fera ? Ça, c'est une certitude maintenant.
AMELIE DE MONTCHALIN
Un jour. Un jour, je crois qu'il sera bon pour tout le monde, et je crois que c'est comme cela que nous travaillons maintenant depuis quelques mois, quelques années, que nous puissions à la fois respecter le désir souverain du peuple britannique qui s'est exprimé par référendum en 2016, qui est de dire : « nous voulons quitter les instances politiques de l'Union européenne », et nous travaillons d'arrache-pied pour que cela se fasse de manière ordonnée.
MARC FAUVELLE
Il n'y a plus de doute sur le fait que le Brexit aura lieu. Il n'y a plus l'ombre d'un doute là-dessus.
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors je n'ai à la fois pas de doute. Maintenant, de manière souveraine, le Royaume-Uni peut politiquement décider qu'il veut rester dans l'Union européenne. C'est toujours son droit.
MARC FAUVELLE
Par quel biais ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça s'appelle la révocation de l'article 50. Le Premier ministre britannique peut prendre son téléphone, appeler à Bruxelles et dire : « j'arrête tout. »
MARC FAUVELLE
Vous le sentez prêt à faire ça, Boris JOHNSON ? En ce moment, pas trop, non.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, mais je ne dis pas que c'est… Mais je dis qu'il faut toujours avoir en tête que ce n'est pas une décision souveraine des Britanniques. Nous sommes là parce qu'ils nous ont demandé souverainement de faire des choses et ils ont à tout moment la possibilité de dire non. Ce qui est important, c'est que pour les Britanniques… Moi j'aimerais avoir ce matin quand même un petit mot j'allais dire d'amitié. Le pays est divisé en deux depuis maintenant trois ans. Il y a une impasse politique, on le sent, très forte parce qu'entre le peuple britannique, entre le gouvernement, entre le Parlement, ce n'est pas du tout aligné. On est sur un triangle d'incompatibilité : ce que pensent les uns n'est pas compatible avec ce que pensent les autres. Et donc, nous devons à la fois pour le peuple britannique et pour tous les Européens, nous devons de la clarté. Et donc tout ce qu'on fait en ce moment, c'est essayer de nous organiser avec des échéances, des scénarios plus clairs. Parce que sinon plus personne n'y comprend rien et c'est ni bénéfique pour les Européens, ni bénéfique pour les Britanniques. Donc nous avions cette date du 31 octobre, elle a d'ailleurs permis à ce que, vous avez vu, on ait un nouvel accord. Qu'il soit sur la table, ce qui était quelque chose d'important pour sortir de l'impasse. Et maintenant, nous avons dit : « soit cet accord est ratifié rapidement », et c'est la volonté du Parlement qui s'exprime dans les prochaines heures de travailler sur cet accord et on donnera le temps nécessaire pour le faire. Soit, et c'est ce qui s'est plutôt ce qui s'est passé ce week-end, les partis politiques veulent organiser des élections. C'est un fait politique majeur et là aussi les Européens, de manière unie, devront probablement se dire qu'il faut donner plus de temps.
MARC FAUVELLE
Et on va poursuivre, si vous voulez bien, dans un instant. Pardon pour ce suspense absolument insoutenable sur l'avenir du Brexit. (…)
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, en se prononçant pour des nouvelles élections, est-ce que les Britanniques vous donnent raison, à vous ministre en charge des Affaires européennes, à la France, de donner effectivement un nouveau report pour le Brexit au 31 janvier, comme le veulent une majorité de pays ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ecoutez, ça fait exactement maintenant six mois que nous disons que si un fait politique majeur se produit au Royaume-Uni, un deuxième référendum, un changement de Premier ministre, ou des élections, évidemment les Européens, parce que nous ne sommes pas dans l'ingérence et que nous ne sommes pas dans l'indifférence, nous n'allons pas nous opposer à ce qu'une clarification démocratique puisse avoir lieu. Au fond pourquoi, si on veut expliquer pourquoi on est dans cette situation, où je pense que beaucoup de Français et beaucoup d'Européens ne comprennent plus grande chose, c'est que, entre ce qu'est la majorité parlementaire, ce qui est le Premier ministre, et ce que pensent les Britanniques dans leur ensemble, il n'y a plus d'alignement. et donc c'est une situation très particulière, c'est-à-dire que, vous avez vu Boris JOHNSON a négocié, avec les Européens, un accord qui répondait à un certain nombre de questions, qui tiennent aux lignes rouges, notamment sur le fait que nous aurons une relation future équilibrée, loyale, c'est des choses très importantes, il arrive avec un nouvel accord, on peut se dire, au fond, que sa majorité va le suivre, et ils n'arrivent pas, pour l'instant, à étudier cet accord. Donc, pour nous ce qui compte, c'est de la clarté, ce sont des échéances, c'est qu'effectivement s'il y a des élections qui se profilent, et nous avons vu que, dans le week-end, au fond, cette demande exprimée par les Européens de dire « on peut vous donner du temps, mais on veut du temps justifié », a amené un certain nombre de leaders politiques britanniques à annoncer qu'ils soutenaient des élections.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais Amélie de MONTCHALIN, pour que ce soit clair justement, pour la France, la perspective d'un « no deal », d'une sortie brutale de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, n'est pas forcément la pire des solutions par rapport à cette incertitude qui perdure.
AMELIE DE MONTCHALIN
Le « no deal », la sortie sans accord, c'est le chaos juridique, c'est-à-dire que d'un seul coup tous les accords juridiques qui relient le Royaume-Uni et l'Europe tombent, donc, c'est une situation, on s'y est préparé, on a mis beaucoup de choses…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça secouera si ça se produit comme ça. Mais, ce que je vous dis aussi c'est que, parce que nous avons fixé depuis des mois et des mois, le fait que si des élections, s'il y a référendum, s'il y a un changement de Premier ministre, bref, si une clarification politique se produit, nous aurons à en tenir compte.
MARC FAUVELLE
Donc la France n'est plus hostile sur le principe…
AMELIE DE MONTCHALIN
On n'a jamais été hostile à l'extension…
MARC FAUVELLE
A un report du Brexit, de combien de temps, jusqu'à fin janvier, comme le dit ce matin une source à l'Elysée, c'est ça, 3 mois de plus ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui c'est la demande qui a été faite par écrit, en fonction d'une loi qui a été votée il y a quelques semaines, en disant « on voudrait fin janvier. » Ce que nous nous disons, depuis des semaines et des semaines, c'est, ce n'est pas le temps pour le temps qui compte, le temps lui-même ne dissoudra pas la complexité de la question, ce qu'il faut c'est du temps avec un scénario, des justifications, pour que, et les Britanniques, et les Européens, sachant que, s'il y a quelques semaines, quelques mois en plus, ce n'est pas pour se dire qu'on repousse encore les décisions difficiles, mais c'est parce qu'on se met en position de clarifier les choses.
MARC FAUVELLE
Mais le 31 janvier, c'est raisonnable, ça reste une date butoir qui vous semble… ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, il y a des discussions qui se poursuivent à Bruxelles, les chefs d'Etat sont consultés, la décision n'est pas prise, mais aujourd'hui, si on nous annonce des élections entre le 9 décembre, le 5 décembre, le 12 décembre, il y a beaucoup de scénarios, je ne dis pas que ça va être simple pour arriver à ce qu'elle se produise, mais on voit beaucoup qu'il y a des grandes discussions, vous imaginez que s'il y a des élections début décembre, ce n'est pas complètement aberrant d'avoir quelques semaines ensuite pour que cette nouvelle majorité puisse étudier l'accord qui est sur la table, poser, du coup, une ratification, et qu'on puisse avancer.
MARC FAUVELLE
Et j'ajoute une dernière question avant d'en venir au cas de Thierry BRETON, si vous voulez bien, proposé par la France à la Commission européenne, si jamais les anti-Brexit gagnaient les élections britanniques, il se passe quoi, on retourne à la case départ ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien c'est là où…
MARC FAUVELLE
On en revient à la première question de tout à l'heure.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, c'est là où il peut se passer un deuxième référendum, il peut y avoir des décisions qui soient prises. Vraiment, je pense qu'il faut que les Français comprennent bien, c'est un sujet qui nous concerne, nous Français, mais pas totalement, c'est un choix souverain des Britanniques, ce n'est pas à Paris, ce n'est pas à Bruxelles qu'on trouvera une solution et qu'on décidera pour les Britanniques. Vous savez, l'Europe s'est construite sur le fait que la souveraineté nationale était clé, c'est pour ça qu'on parle d'un Etat de droit, c'est pour ça qu'on respecte…
MARC FAUVELLE
La souveraineté avant tout, ça veut dire que l'hypothèse d'un deuxième référendum elle est toujours également sur la table, dans toute la palette des solutions possibles.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, c'est leur choix, c'est leur choix, ce n'est pas à moi, ministre française, d'avoir un avis sur ce que politiquement, dans le cadre de la Constitution britannique, les institutions pourraient décider. Vous imaginez le risque ? Sinon, faisons l'effort inverse. Un jour vous avez des difficultés en France, sur telle ou telle question, et puis vous auriez une ministre étrangère qui dirait « ah ben moi je pense que les Français il faut qu'ils fassent si, il faut qu'ils fassent ça. » Donc, c'est un choix souverain, c'est un référendum, qui amène des négociations, qui se sont produites depuis 3 ans, on travaille pour que ce soit organisé, et je vous dis, on n'est ni dans l'ingérence, ni dans l'indifférence, il y a un moment donné il faut qu'on prenne en compte les faits politiques, et donc, on a, nous, un objectif, un principe clair, c'est, il nous faut de la clarté, il nous faut un scénario, le temps pour le temps ne suffit pas.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, en termes de clarté effectivement, après le camouflet subi par la France, par le rejet de la candidature de Sylvie GOULARD, vous avancez maintenant la candidature de l'industriel Thierry BRETON, écoutons les doutes de Yannick JADOT, c'était cette semaine sur BFM.
YANNICK JADOT, DEPUTE EUROPEEN EUROPE ECOLOGIE-LES VERTS
On va avoir un souci de conflit d'intérêts, y compris, j'ai cru comprendre que Thierry BRETON était encore actionnaire de son entreprise, donc il va piloter le numérique, les subventions publiques, notamment qui vont à son entreprise, dont il est actionnaire, donc ça risque probablement d'amener à un redécoupage de son portefeuille.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Thierry BRETON va être auditionné à la mi-novembre par ce que l'on appelle la Commission des affaires juridiques au Parlement européen, il va être passé à la paille de fer sur les conflits d'intérêts, mais vous êtes quand même confiante ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, il y a deux choses. D'abord, je trouve qu'il y a un procès, un peu hallucinant, depuis quelques jours, qui consiste à dire que quand on est compétent dans un domaine il ne faudrait surtout pas qu'on s'en occupe au niveau européen, et il y a derrière toutes ces affaires l'idée que, parce qu'on a travaillé dans un secteur, parce qu'on en connaît les détails, les enjeux…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Parce qu'il y a des allers-retours entre public et privé ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Et parce qu'on considère que la compétence, moi je considère que la compétence doit primer. Ensuite il y a un deuxième sujet qui sont les questions de potentiels conflits d'intérêts, si Thierry BRETON a, à la Commission européenne, à s'occuper de sujets spécifiques liés à l'entreprise qu'il dirigeait auparavant. Dans tous les pays d'Europe…
MARC FAUVELLE
En l'occurrence il serait en charge du numérique, donc on peut supposer que oui.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais dans tous les pays d'Europe il y a des systèmes, ça s'appelle les systèmes de déport, qui disent que, dans le cas particulier, par exemple de la société ATOS, dont il était le dirigeant, eh bien ces dossiers-là s'ils ont, à un moment donné, à être connus par la Commission européenne, c'est quelqu'un d'autre qui s'en occupe.
MARC FAUVELLE
Est-il exact, Amélie de MONTCHALIN, qu'il est toujours actionnaire de son entreprise, et si oui, souhaitez-vous qu'il revende ses actions avant l'audition devant le Parlement ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il faut reprendre les choses. Il y a une commission qui s'appelle la Commission JURI, qui va lui poser un certain nombre de questions, par écrit, il va devoir formuler un certain nombre de documents, expliquer comment il s'organise, pour se mettre dans une situation où ces questions ne se posent pas. Il y a plein de façons différentes, il peut faire gérer les choses par quelqu'un d'autre, il peut les vendre, il y a plein de façons, c'est à lui de présenter ce qu'il va faire. On échange et on se parle, je vous avoue que j'échange plus sur les questions qui relèvent de l'industrie européenne, de comment on crée la souveraineté, comment on se protège face à la Chine et aux Etats-Unis, dans les domaines du numérique et de la défense, c'est plutôt de ça qu'on parle ensemble. Ensuite, ces questions, c'est des questions personnelles, il va s'organiser, et vous imaginez bien qu'il a déjà eu à faire face à ces mêmes questions quand il est devenu ministre de l'Economie, ça a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions à l'époque, et puis ensuite ça s'est très bien organisé, les choses n'ont jamais été polémiques, et donc je pense qu'il a tout à fait les décisions et les capacités de s'organiser.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Après le vote massivement négatif pour Sylvie GOULARD, vous aviez parlé vous, Amélie de MONTCHALIN, d'une crise majeure en Europe, d'une crise de confiance envers les institutions, c'est refermé, la parenthèse est refermée ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, elle n'est pas refermée, c'est pour ça que Ursula VON DER LEYEN travaille beaucoup avec le Parlement, et au-delà des questions des commissaires c'est, au fond, la capacité qu'elle a, au Parlement, de faire passer son programme, son projet. Son projet c'est celui des chefs d'Etat, c'est celui que les citoyens ont d'ailleurs exprimé lors des élections, c'est s'occuper de la transition climatique, c'est s'occuper de notre capacité à créer des emplois, c'est s'occuper à avoir une voix forte dans le monde, on vient de le voir avec les sujets en Turquie, en Syrie, il faut que l'Europe puisse peser, pas juste parler, et donc la crise, au fond, qu'on doit résoudre, mais qu'on est en train de résoudre petit à petit, c'est recréer de la confiance entre les chefs d'Etat et de gouvernement, la Commission et le Parlement, pas pour juste se dire qu'on est tous des amis et qu'on veut passer nos vacances ensemble, ce n'est pas ça le sujet, c'est comment on apporte des résultats aux citoyens européens. On a fait des promesses pendant la campagne, on s'est organisé pour poser sur la table des propositions concrètes, comment on avance, comment les citoyens européens s'y retrouvent, et donc, cette fameuse crise dont je parlais c'est que, il y a au-delà… personne, une confiance nouvelle. Pourquoi ? Parce que le paysage politique européen a été chamboulé. Pourquoi ? Parce que les citoyens européens ont fait des choix nouveaux. Il n'y a plus juste la droite et la gauche européennes, il y a aussi le centre, progressistes, le parti Renaissance, et puis il y a les Verts qui portent une ambition très forte.
MARC FAUVELLE
Il y a un plan C si jamais Thierry BRETON est rejeté ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, il n'y a pas de plan C parce que…
MARC FAUVELLE
Non, c'est ça ou rien !
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, mais parce que, attendez, vous imaginez bien que si on envoie pour s'occuper d'industrie, de défense, de numérique…
MARC FAUVELLE
Là, cette fois, vous êtes sûrs de votre coup ? Excusez-moi de poser la question comme ça mais…
AMELIE DE MONTCHALIN
Un homme qui a travaillé dans ces secteurs, qui a été un entrepreneur…
MARC FAUVELLE
On nous a dit les mêmes arguments quasiment, avec d'autres arguments, mais on était certain que ça allait passer pour Sylvie GOULARD.
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui on y travaille, je peux vous dire aujourd'hui…
MARC FAUVELLE
Là c'est lui ou rien.
AMELIE DE MONTCHALIN
Que si, quand on présente un candidat, de ce niveau de compétences, d'expériences, qui a été ministre, qui a des expériences…
MARC FAUVELLE
Fallait peut-être le présenter la première fois alors !
AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui c'est ce qu'il y a sur la table, je ne vais pas refaire ni le passé, ni de politique fiction, vous savez, en général c'est dangereux, mais je pense qu'il faut qu'on travaille. Toutes les questions sont toujours légitimes à être posées, il faut que, quand on y apporte des réponses, tout aussi légitimes, elles puissent être entendues, et donc c'est ça qui va se passer…
MARC FAUVELLE
On va évoquer dans quelques instants les dernières annonces d'Emmanuel MACRON chez nos confrères, ce matin, de RTL, avec vous Amélie de MONTCHALIN.
- Amélie de MONTCHALIN, Emmanuel MACRON va rencontrer dans un peu plus d'une heure les représentants du CFCM, le Conseil français du culte musulman, alors qu'un sondage publié hier par le Journal du Dimanche nous apprenait que les trois quarts des Français souhaitaient l'interdiction du voile lors des sorties scolaires. 80 % des Français estiment que notre modèle de laïcité est en danger. Est-ce que ces chiffres vous ont surpris ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils sont… Surtout ils interrogent sur, au fond, ce que les Français vivent dans leur quotidien et le lien qu'ils ont cette loi de 1905 sur la laïcité. La loi 1905 pour moi, c'est un socle, c'est une richesse qui nous dit que nous pouvons croire ou ne pas croire dans notre pays et que l'Etat est neutre. Et que donc, au fond, nous avons une liberté de conscience qui est garantie par cette loi puisque l'Etat ne prend pas position pour ou contre les croyances individuelles que nous pourrions chacun avoir.
MARC FAUVELLE
Si 80 % des Français considèrent que la laïcité est en danger, c'est qu'il y a au minimum un problème de perception de cette loi ou alors un problème avec cette loi, non ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a deux choses. Il y a la question de la laïcité…
MARC FAUVELLE
Au sens où il faudrait la réformer, je m'entends. Oui, oui.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et ensuite, il y a la question du communautarisme. Et ensuite, encore beaucoup plus loin, il y a la question du terrorisme, des actes violents qui sont l'acte d'islamistes. Pas des pratiquants de l'islam qui ont une vision, j'allais dire, positive mais d'islamistes qui utilisent la religion, en dévoient et font des actes extrêmement violents. Sur le communautarisme, c'est un sujet différent mais c'est un sujet sur lequel je pense que nous avons à apporter beaucoup plus d'actions visibles, tangibles aux Français. Ça fait deux ans qu'énormément de choses se passent à bas bruit, se passent pour fermer les institutions qui, au fond, s'éloignent de la République. Pour fermer des écoles parfois qui s'éloignent de la République. Pour repérer des situations qui demandent des interventions de l'autorité et des forces de l'ordre. Donc on a fait tout ce travail là dans beaucoup d'endroits de France qui étaient particulièrement touchés. Ce n'est pas public parce qu'on considère que si ça l'est, c'est moins efficace.
MARC FAUVELLE
Vous voulez dire qu'il faut dire quand on ferme des mosquées qui n'en sont pas.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je pense qu'il faut dire et il faut expliquer aux Français comment nous travaillons. C'est le travail des préfets, c'est le travail d'un certain nombre d'acteurs de terrain qui repèrent. Vous savez, moi en tant que députée, c'est des choses que j'ai vues, auxquelles j'ai participé, pour que nous puissions être très clairs sur le fait que nous avons tous la liberté de croire et de ne pas croire. Nous avons tous la liberté dans l'espace public d'avoir une forme de posture individuelle, mais nous devons être intraitables contre ceux qui organisent des mouvements ou des structures qui éloignent les Français, en particulier, les enfants de la République.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais précisément, le chef de l'Etat fait du communautarisme sa priorité. C'est du moins ce qu'il a déclaré effectivement à nos confrères de RTL. Ecoutons-le parce qu'il parle de pratiques effectivement dans les services publics.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (document RTL)
Ce que j'ai demandé au gouvernement, c'est véritablement dans l'éducation, la santé, le travail, les différents services au public, de mettre tout en place pour lutter contre ce communautarisme. Ce qui veut dire avoir des mesures d'interdiction, dissoudre parfois certaines associations encore davantage, interdire certaines pratiques qui se sont installées et qui ne sont pas conformes aux lois de la République.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors quelles sont ces pratiques qui se sont installées et qui ne sont pas conformes aux lois de la République ? Et puis, est-ce que ça n'introduit pas une société finalement du soupçon ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, moi je préfère les termes du président qui sont la société de la vigilance. Nous devons tous nous assurer que les lois de la République auxquelles nous sommes tous attachés s'appliquent bien partout et par tous. Ça peut concerner l'égalité homme-femme, ça peut concerner… Vous voyez, par exemple, l'apprentissage de ce qu'on dit les théories darwinistes, au fond la relation à la science, la relation au fait scientifique. Ce sont des choses sur lesquelles nous devons être intraitables. Tout le plan que mène Jean-Michel BLANQUER justement pour la prévention à la fois de la radicalisation mais aussi le fait que nous avons des principes forts dans toutes les écoles et que tous les sujets doivent être abordés et doivent pouvoir être abordés partout.
MARC FAUVELLE
Sur Darwin, pour être très clair, ceux qui remettent en cause Darwin, pour vous qu'est-ce qu'on fait ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais, c'est un fait connu. Vous savez, dans le monde, des gens qui considèrent qu'ils sont des créationnistes et que donc toute la théorie de l'évolution n'existe pas. C'est quand même quelque chose de grave parce que d'abord ça remet en cause des fondements de notre science et puis, surtout, il faut s'assurer que dans toutes les écoles de France on puisse bien apprendre la théorie de l'évolution. Ce sont des choses qui sont repérées par le Ministère de l'Education et sur lequel nous devons, là aussi, être extrêmement vigilants pour qu'aucun enseignant ne se sente fragilisé ou contesté quand il ouvre le manuel de sciences de la vie de la Terre.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais il n'y a pas un risque, quand même, de stigmatisation ? Plusieurs centaines de personnes ont défilé hier à Paris. Effectivement le président de la République souhaite éviter les amalgames entre ces différentes questions et on a l'impression, quand même, qu'il y a une interrogation pesante sur les Français musulmans.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais c'est bien parce qu'on ne veut pas ni stigmatiser, ni créer des amalgames que nous voulons être très clairs sur le fait que chacun dans notre pays, par la loi 1905, a le droit d'avoir la religion qui est la sienne et c'est un principe très fort. Donc chacun a la liberté qui lui est conférée par cette loi. Mais à partir du moment où l'argument religieux devient un argument politique, alors là nous sommes en dehors de la loi et là la République doit pouvoir se protéger. Donc c'est à la fois très clair mais je pense qu'il faut qu'on reprenne bien. Il y a des sujets qui sont d'ordre individuel : ce que chacun croit, ne croit pas, pratique comme religion. C'est une liberté parce que nous avons cette liberté de conscience en France. Et nous avons, en face, des principes de la République qui sont très clairs pour nous expliquer que la religion ne doit pas devenir un argument politique, ne doit pas entrer dans l'espace politique. Et c'est là que le combat doit être mené et c'est là que, vous l'avez bien compris, le président était avec l'ensemble du gouvernement et l'ensemble des forces publiques, l'ensemble des administrations, totalement mobilisé.
MARC FAUVELLE
Amélie de MONTCHALIN, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes était ce matin, et je l'en remercie, l'invitée de Franceinfo radio et télé réunis comme chaque matin entre 8 heures et demie et 9 heures.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2019