Déclarations de Mmes Florence Parly, ministre des armées, et Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, sur le projet de loi de finances pour 2020, à l'Assemblée nationale le 30 octobre 2019.

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Circonstance : Examen en séance publique du projet de loi de finances 2020 à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. La deuxième année d'une loi de programmation militaire est toujours scrutée avec attention, et à juste titre. Dans cette loi voulue par le Président de la République, nous avons en effet pris des engagements forts pour la remontée en puissance de nos armées afin que, dans un environnement stratégique qui se dégrade chaque jour, jamais celles-ci ne faillissent à leur mission première : protéger les Français. Le projet de loi de finances pour 2020 est à la hauteur de ces engagements. La remontée en puissance se poursuit et s'accélère.

Dans les grandes lignes, d'abord, 37,5 milliards d'euros seront alloués à la défense, soit 1,7 milliard d'euros de plus que l'année dernière à périmètre constant. Notre budget est en hausse pour la troisième année consécutive : il porte l'effort consacré à notre défense à 1,86 % du PIB en 2020 et nous sommes en route pour atteindre l'objectif de 2% en 2025. Je tiens également à souligner que c'est un budget sincère, qui ne se fonde que sur des crédits budgétaires et ne fait aucun pari sur des recettes exceptionnelles.

Pour entrer dans le détail, il s'agit avant tout d'un budget à hauteur d'homme qui améliore concrètement les conditions de vie de nos militaires et de leurs familles et accélère la réalisation de nos ambitions. 80 millions d'euros seront alloués au plan famille, lancé il y a deux ans, contre 57 millions en 2019. Nous nous emploierons également à améliorer les conditions d'hébergement des militaires, auxquelles nous consacrerons 177 millions d'euros d'engagements en 2020. Enfin, ce PLF n'oublie pas les équipements du quotidien indispensables à nos forces : à titre d'exemple, 100% des militaires déployés en OPEX seront dotés, en 2020, du nouveau treillis ignifugé qui les protégera mieux, conformément à nos engagements.

Ce budget poursuit par ailleurs le vaste programme de renouvellement des capacités opérationnelles de nos armées. L'année 2020 verra, entre autres, la poursuite de l'arrivée des Griffon – 128 exactement – et la livraison des quatre premiers blindés Jaguar, du sous-marin Suffren et du troisième avion ravitailleur MRTT Phénix. J'ajouterai enfin ce chiffre parlant : les deux tiers de la hausse de budget de 1,7 milliard d'euros seront consacrés aux programmes d'armement majeurs de nos armées.

Car nous ne perdons pas de vue l'innovation et la préparation aux conflits du futur, pour que nos forces aient toujours l'avantage sur le terrain. Avec 821 millions d'euros spécifiquement consacrés à l'innovation à travers les crédits études amont, nous aurons les moyens de concevoir les technologies de demain ; il s'agit d'une hausse de 8 % par rapport à 2019. Avec 448 millions d'euros, nous pourrons développer nos capacités spatiales et renouveler nos satellites. Enfin, 300 postes seront créés, principalement dans les domaines du cyber, de l'intelligence artificielle et du renseignement.

Nous savons que ces moyens exceptionnels nous confèrent une responsabilité exceptionnelle. Chaque euro dépensé doit être un euro utile. En ce sens, nous poursuivons la transformation du ministère des armées en réduisant le nombre de strates hiérarchiques, en brisant les silos et en relocalisant certains de nos services hors d'Île-de-France : le commandement de l'espace sera installé à Toulouse et le commandement de la cyberdéfense à Rennes.

Je suis, pour ma part, particulièrement attachée à la qualité d'exécution des décisions que nous prenons, car c'est sur le terrain que nos réformes prennent corps.

Le budget présenté dans le PLF 2020 est au rendez-vous des engagements de la loi de programmation militaire. Il confirme nos ambitions et appuie notre volonté d'accélérer la remontée en puissance de nos armées. Il bénéficiera non seulement à la sécurité des Français, mais aussi à nos entreprises, à nos emplois et à nos territoires. Je m'en remets désormais à vous pour qu'il soit adopté et qu'il constitue le socle de nos réalisations en 2020. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Le lien armée-nation est un guide essentiel pour la cohésion de la communauté nationale. Ce lien est indissociable de la reconnaissance et du respect de tous pour nos anciens combattants ; il doit être entretenu par un travail de mémoire actif et développé auprès de la jeunesse de France. C'est l'ambition que porte le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir. Le budget 2020 est à la fois un budget de continuité, de pérennisation et d'évolution.

Continuité, car tous les droits des anciens combattants sont préservés – tous.

Pérennisation, car il est la traduction budgétaire de l'attribution de la carte du combattant aux militaires envoyés en Algérie entre 1962 et 1964, conformément à ce que nous avions décidé ensemble l'année dernière. 35 000 cartes auront été attribuées à la fin de l'année 2019 sur 50 000 cartes prévues à terme.

Pérennisation et évolution, pour toujours mieux prendre soin des personnes les plus vulnérables et mieux servir ceux qui en ont besoin. C'est chose faite avec le maintien à 26 millions d'euros de la dotation d'action sociale de l'ONAC, malgré la diminution du nombre de ses ressortissants, et avec la majoration des pensions militaires d'invalidité versées aux conjoints survivants d'un grand invalide de guerre, qui permet de mieux accompagner ceux qui ont aidé toute leur vie un grand invalide.

Pérennisation, aussi, des missions de l'ONAC, opérateur essentiel de l'État auprès du monde combattant, dont l'ancrage départemental représente une priorité absolue pour le Gouvernement. Pour que l'ONAC puisse mieux servir, ses missions à venir incluront l'évolution de ses modes opératoires et une adaptation à l'évolution du monde combattant.

Pérennisation, également, de notre engagement fort auprès de l'Institution nationale des Invalides. Il ne s'agit pas seulement de financer son fonctionnement, mais aussi d'investir : ainsi, nous participerons, à hauteur de 13,5 millions d'euros en 2020, aux lourds travaux d'infrastructure qui démarreront prochainement. Nous voulons accompagner la transformation de cet établissement en grand pôle de réhabilitation physique et psychique pour nos blessés de guerre.

Le budget « Mémoire » est consolidé. Il maintient notre effort sur l'entretien et la réhabilitation des hauts lieux de mémoire et des sépultures. Il prépare également les thématiques mémorielles de l'année 2020 et prévoit un financement supplémentaire de 500 000 euros pour les actions pédagogiques destinées à la jeunesse. Je propose de le consacrer à la lutte contre la haine et les préjugés : en effet, nous célébrerons en 2020 le 75ème anniversaire de la libération des camps de concentration.

Enfin, je voudrais détailler l'emploi des crédits consacrés au lien armée-jeunesse. Le service militaire volontaire sera pérennisé, tout comme la journée défense et citoyenneté, pour laquelle l'indemnité de transport des jeunes sera augmentée, ce qui représente une aide directe aux familles.

Le budget global de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » sera de 2,16 milliards d'euros, ce qui représente une diminution de 130 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Cette baisse, qui reflète celle du nombre de bénéficiaires, n'a rien d'exceptionnel : elle était de 218 millions d'euros en 2009 et de 150 millions en 2015. Ce budget permet néanmoins de respecter tous les engagements pris au fil des législatures successives et ceux que nous avons pris nous-mêmes depuis juin 2017. Il prend soin des plus fragiles et permet de mieux les accompagner, de mieux les servir et de mieux les soutenir.

Je vous invite à voter ce budget si important pour le monde combattant comme pour le lien armée-nation, auquel je tiens tant. Ce lien connaîtra un moment fort le 11 novembre prochain à l'occasion de l'inauguration par le Président de la République du monument aux morts pour la France en opérations extérieures, que certains d'entre vous ont déjà évoquée. Ce monument est attendu par tous nos soldats, qui y verront l'attachement de la nation à leur engagement sans faille ; il est attendu par les familles de nos soldats morts pour la France, qui y trouveront la reconnaissance de la nation et pourront s'y recueillir ; il sera particulièrement important pour le public, qui prendra conscience de la force de l'engagement de nos soldats pour notre liberté collective. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Madame la députée, vous l'avez rappelé, l'innovation est au coeur des priorités que le ministère des armées s'est fixées : c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité la création, en 2018, de l'Agence de l'innovation de défense qui, non seulement, regroupe des dispositifs jusque-là dispersés au sein du ministère, mais les enrichit également grâce, notamment, à l'instauration d'une cellule d'innovation ouverte sur le monde civil et les start-up et à la création d'Innovation défense lab.

S'il s'est passé beaucoup de choses en un an, la période n'est pas suffisante pour dresser un véritable bilan. Toutefois, Innovation défense lab a labellisé vingt et un projets d'accélération d'innovation. Nous avons également organisé, il y a un an, le premier Forum innovation défense, qui a permis de présenter les nombreuses innovations soutenues par le ministère, notamment le Flyboard air de Franky Zapata.

L'AID a également élaboré le document d'orientation de l'innovation de défense et, en 2020, notre investissement dans l'avenir se renforcera : 821 millions d'euros de crédits seront consacrés à l'innovation et à la préparation des technologies de demain, comme l'intelligence artificielle – près de 8 % de croissance par rapport à 2019. Notre objectif est d'atteindre le milliard en 2022, conformément à ce que prévoit la LPM.

Ces crédits comportent une enveloppe de 50 millions d'euros destinés au programme RAPID – régime d'appui pour l'innovation duale –, destiné aux PME qui irriguent tous nos territoires : elles doivent, elles aussi, jouer un rôle puissant en matière d'innovation ouverte. L'intelligence artificielle, la robotique et la santé du militaire sont au coeur de notre programme de travail pour 2020. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à Mme Josy Poueyto.

Mme Josy Poueyto. Madame la secrétaire d'État, je souhaite tout d'abord rendre hommage au Gouvernement pour les efforts budgétaires constants qu'il consent pour la reconnaissance de l'engagement d'hier et d'aujourd'hui. Tout en maintenant le financement des dispositifs existants, vous continuez de réaliser des efforts sur des demandes récurrentes des anciens combattants et les besoins essentiels au lien entre l'armée et la nation.

Cette année encore, les avancées sont au rendez-vous, avec le financement de la carte du combattant 1962-1964, la pension revalorisée du conjoint survivant de grand invalide ou encore la revalorisation de l'indemnité de transport pour les journées défense et citoyenneté.

Notons également toutes les actions dont on parle peu, comme votre attention à l'égard des supplétifs de statut civil de droit commun signalés ou encore le projet d'attribution de médailles avec agrafe aux personnels des essais nucléaires. Ces succès sont à mettre au crédit de votre écoute et de votre méthode de concertation.

Les prochains mois verront se préparer et se tenir les commissions tripartites sur les pensions militaires d'invalidité. Dans un environnement de dialogue entre le ministère, le Parlement et les associations d'anciens combattants, un sujet essentiel pourra être mis sur la table pour la reconnaissance due au monde combattant. C'est pourquoi je souhaite vous interroger, en premier lieu, sur vos intentions relatives à l'organisation de la commission tripartite portant sur le point d'indice des pensions militaires d'invalidité. En second lieu, pouvez-vous nous confirmer que la méthode de concertation avec le monde combattant que vous avez mise en place en 2018 et poursuivie en 2019 le sera en 2020, afin d'aborder de manière apaisée et construite nombre de demandes récurrentes, celles qui nous accompagnent de budget en budget, de question au Gouvernement en question au Gouvernement et de législature en législature ? (M. Fabien Lainé applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Oui, la concertation se poursuivra : je l'ai mise en place dès 2018, elle s'est poursuivie en 2019 ; elle se poursuivra en 2020. Des groupes de travail réunissent les associations sur des thèmes divers. L'objectif est d'évoluer ensemble sur les mesures importantes pour le monde combattant, ainsi que de faire réfléchir ce dernier à l'avenir des associations du monde combattant, de la mémoire et des commémorations.

La commission tripartite entre le Gouvernement, les parlementaires et les associations est une demande du monde combattant, afin de déterminer ensemble l'évolution du point, qui me paraît un sujet plus important que l'augmentation des points, par exemple, pour la retraite du combattant. Si j'ai demandé aux associations d'attendre 2020, c'est pour connaître les effets de l'évolution de la nouvelle rémunération des fonctionnaires dite PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations –, puisque, vous le savez, le point d'indice du combattant est lié à la rémunération des fonctionnaires.

La concertation est ma méthode : elle fonctionne bien car elle est adaptée au monde combattant. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Nous nous interrogeons sur les prélèvements effectués sur la trésorerie de l'ONAC-VG – Office national des anciens combattants et victimes de guerre –, comme sur la volonté de dématérialiser l'ensemble des démarches spécifiques au monde combattant d'ici à 2022.

Pour ce qui concerne le premier point, en 2020, cet établissement public verra sa trésorerie prélevée de 17 millions d'euros. Lors de votre audition du 2 octobre dernier devant la commission de la défense nationale et des forces armées, vous avez précisé que la trésorerie de l'ONAC-VG était très largement excédentaire de 40 millions d'euros. Si ce prélèvement peut se justifier, il vient toutefois s'ajouter à la diminution du nombre de postes – trente-trois équivalents temps plein en moins –, et à celle du budget global alloué à l'ONAC-VG.

Par ailleurs, cette diminution des moyens semble être en légère contradiction avec la volonté de dématérialiser l'ensemble des procédures d'ici à 2022. En effet, si la dématérialisation peut être source d'économies, elle nécessite souvent des dépenses supplémentaires pour être mise en oeuvre et bien mise en oeuvre. Si la modernisation de l'ONAC-VG paraît opportune, elle ne doit évidemment pas se faire au détriment des ressortissants les plus âgés et les plus isolés qui, pour beaucoup, sont dans l'incapacité d'entreprendre des démarches numériques.

Pouvez-vous nous assurer que les prélèvements sur la trésorerie de l'Office sont effectués à titre exceptionnel ? Pouvez-vous nous garantir que la dématérialisation engagée ne mettra pas en péril l'architecture départementale de cet opérateur essentiel pour les territoires, pour le devoir de mémoire, et pour les anciens combattants, qui ont besoin d'un accompagnement et d'un soutien de proximité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Vous êtes attachée à l'ONAC : moi aussi. Vous évoquez sa trésorerie : elle est très excédentaire – près de 45 millions d'euros fin 2018 –, ce qui est anormal pour un opérateur public. Le prélèvement de 17,5 millions d'euros ne portera donc pas atteinte au fonctionnement de l'établissement et ne le mettra pas du tout en difficulté ; c'est une opération exceptionnelle, gage d'une saine gestion comptable.

Concernant la dématérialisation, rassurez-vous : elle ne vise pas les anciens combattants très âgés, mais bien les procédures internes. Par exemple, il s'agit qu'un service central s'occupe des cartes et titres, afin que les personnels des ONAC départementaux puissent concentrer leur action sur les anciens combattants eux-mêmes, sans plus s'occuper des tâches administratives. Il s'agit donc de leur dégager du temps, afin qu'ils soient mieux au service des ressortissants.

Je tenais vraiment à vous rassurer sur ces sujets, ainsi que sur le maintien des ONAC dans chaque département de France, que ce soit en métropole ou dans les outre-mer, et dans certains bureaux d'Afrique du Nord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs du groupe UDI-Agir.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2019