Texte intégral
M. le président. Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission « Aide publique au développement » et au compte spécial « Prêts à des États étrangers » (no 2301, annexe 6 ; no 2303, tome III).
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Comme l'ont souligné les rapporteurs et plusieurs intervenants, la mission budgétaire « Aide publique au développement » se compose de deux programmes, le programme 110 « Aide économique et financière au développement » géré par le ministère de l'économie et des finances, et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » géré directement par mon ministère. Le premier couvre 4,48 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,14 milliard en crédits de paiement, tandis que le deuxième prévoit 2,68 milliards en autorisations d'engagement et 1,98 milliard en crédits de paiement, soit plus de 50% du budget dont j'ai la charge.
Je voudrais souligner les points forts des propositions qui vous sont faites, et revenir sur certaines déclarations qui me paraissent mériter des précisions.
Tout d'abord, nous suivons résolument la trajectoire qui nous permettra de consacrer 0,55% de la richesse nationale à l'aide publique au développement d'ici à 2022, conformément à l'engagement qu'a plusieurs fois répété le Président de la République, qu'il a encore rappelé lors de la conférence des ambassadeurs et qu'a réaffirmé le Premier ministre dans la déclaration de politique générale du mois d'avril.
Je tiens à souligner, à l'attention de M. Bertrand Pancher notamment, que les critères de l'APD sont objectifs et analysés par l'OCDE. C'est à leur lumière que l'on détermine ce qui relève ou non de l'aide publique au développement.
M. Hervé Berville. Eh oui !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C'est en me référant à ces mêmes critères que j'avance l'objectif de 0,55 % de la richesse nationale consacrée à l'APD, et que j'affirme que nous sommes engagés sur la trajectoire qui permettra de l'atteindre.
Notre APD avait atteint son niveau le plus bas en 2016, à 8,6 milliards. En 2018, dernière année dont les chiffres ont été validés par l'OCDE, elle était remontée à 10,3 milliards – je le répète, il s'agit là du montant officiel de l'APD, calculé en toute indépendance. Au vu des engagements actuels, nous atteindrons 11 milliards en 2020. Nous suivons donc une progression normale, qui nous portera à 0,46% de la richesse nationale en 2020, alors que nous sommes partis de 0,38%. Nous progressons, et nous sommes au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jean François Mbaye. Exactement !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je regrette que certains orateurs aient détourné les chiffres pour voiler la réalité. Je regrette aussi que ceux qui ont fait baisser les chiffres hier ne veuillent pas voter en faveur de la progression aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jean-Paul Lecoq. Mais vous en étiez !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Telle est la réalité ! Sur des sujets aussi sensibles que l'aide publique au développement, il faut faire preuve d'un minimum de considération, ne serait-ce que par respect pour ceux qui en bénéficient. Je le répète, nous sommes au rendez-vous, à tous les rendez-vous.
Je voudrais appeler l'attention de M. Bertrand Pancher sur un point particulier, qui semble faire l'objet d'une incompréhension. J'étais au Cameroun il y a quelques jours. Sachez que j'ai affecté une partie des sommes du désendettement de ce pays. Le désendettement donne en effet lieu à des contrats de désendettement et de développement, les C2D, qui conduisent à réaffecter les crédits en faveur du développement des pays concernés.
M. Hervé Berville. Eh oui !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il me semble donc que vous faites une erreur d'appréciation concernant les C2D, monsieur Pancher. Ils constituent bien une aide publique au développement, reconnue comme telle par l'OCDE.
M. Jean-Paul Lecoq. Le camarade a pourtant dit la vérité ! Il a mis le doigt sur un vrai sujet !
M. Jean François Mbaye. Même M. Lecoq approuve !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C'est du vrai argent, monsieur Lecoq !
J'ajoute que les contrats de désendettement et de développement concernent presque exclusivement les pays les plus pauvres, ceux auxquels personne ne veut prêter.
Il faut donc les désendetter. Les contrats permettent d'affecter à leur développement les sommes ainsi dégagées : c'est un mécanisme simple, et qui fait partie des critères de l'aide au développement.
Nous respectons nos engagements, et je tenais à le rappeler ici pour avoir entendu tout à l'heure un tissu de contre-vérités de la part de certains orateurs. C'est notre première priorité ; notre deuxième priorité consiste à mettre en oeuvre les orientations définies par le CICID du 8 février 2018.
Comme M. Berville l'a rappelé, nous travaillons sur les questions majeures que sont le climat, la santé, l'éducation, le traitement des fragilités, la prévention des crises, l'égalité entre les hommes et les femmes ; nous revoyons nos priorités géographiques en faveur des dix-neuf pays les plus pauvres, contrairement à ce que j'ai pu entendre. (M. Bertrand Pancher proteste.) La France est aujourd'hui le quatrième pays bailleur de dons. (M. Hervé Berville applaudit.)
M. Jean-Paul Lecoq. Il y a encore beaucoup de chemin à faire !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous sommes le quatrième donateur ; c'est cela, la réalité. Nous sommes en progression : face aux interrogations que pourraient susciter les propos que je viens d'entendre, il faut rappeler les chiffres. Notre stratégie vise au renforcement des dons. Monsieur Lecoq, je suis convaincu que, grâce à vous, nous arriverons à faire mieux encore, mais vous votez contre les augmentations ; vous ne pouvez pas dire tout et son contraire.
M. Jean-Paul Lecoq. Il faudra vous y habituer ! (Sourires.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous nous y habituez, d'ailleurs.
Notre troisième priorité est le rééquilibrage des bénéficiaires et des instruments de l'APD pour l'année 2020, par le biais du renforcement des orientations existantes : plus de bilatéralisme, plus de dons.
En 2020, s'agissant du bilatéralisme, les évolutions seront les suivantes. Davantage de moyens consacrés au fonds de solidarité pour les projets innovants : ces projets engagés par les ambassades et concrétisés localement vont atteindre 60 millions d'euros, soit une hausse de 36 millions par rapport à l'année dernière ; c'est très important, car cela permet de financer des projets dans un délai réduit.
L'aide humanitaire, mesdames et messieurs les députés très vigilants, bénéficiera de 100 millions d'euros supplémentaires, conformément au souhait du Président de la République. C'est la première fois que nous allons consacrer de tels montants aux crises humanitaires…
M. Jean-Paul Lecoq. À force de faire des guerres…
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Enfin, les moyens que nous mettons en oeuvre par l'intermédiaire de l'AFD vont à nouveau augmenter au titre de l'aide-projet, qui reste au coeur de notre aide bilatérale. L'aide-projet de l'AFD représentera plus de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 475 millions en crédits de paiement, auxquels s'ajouteront les 186 millions de crédits extrabudgétaires imputés sur le fonds de solidarité pour le développement, soit une augmentation totale de 148 millions des crédits de paiement pour l'AFD.
…en particulier aux gestions et sorties de crise.
Je rappelle que c'est sur les crédits de paiement que se fonde le calcul du pourcentage d'aide au développement. Ils sont la seule réalité qui compte, et c'est pourquoi je répète que nous augmentons ces crédits de manière significative. Je précise en outre que les aides humanitaires progressent et que nous renforçons le fonds de solidarité pour les projets innovants.
Enfin, les fonds destinés à soutenir l'action de la société civile vont également augmenter. J'avais annoncé que nous voulions doubler les sommes transitant par les ONG : je n'ai pas varié sur ce point, je le redis à chaque rencontre avec celles-ci ; nous conservons cette orientation, puisque, pour la première fois, le seuil de 100 millions d'euros sera atteint cette année. Nous suivons la trajectoire que nous avons adoptée dès le début.
Devant vous, élus qui avez un enracinement local, devant M. Lecoq, qui a évoqué ce sujet avec beaucoup de pertinence, je précise que les crédits relatifs à la coopération décentralisée augmenteront de 24%, soit 2,3 millions d'euros, pour atteindre 11,5 millions, l'objectif étant de les avoir doublés en 2022. Nous sommes au rendez-vous…
M. Hervé Berville. Eh oui !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …et tellement au rendez-vous que la crédibilité de la France dans sa défense de l'APD en est confortée, y compris au sein des organisations internationales. Notre aide volontaire à ces dernières sera d'ailleurs augmentée de 97 millions par rapport à 2019, et surtout affectée aux agences des Nations unies ainsi qu'aux nombreux organismes qui luttent pour le développement.
Nous avons participé au renforcement significatif du Fonds vert pour le climat, porté à 9,8 milliards de dollars, la France ayant doublé sa contribution, lors de la réunion qui s'est tenue à Paris il y a quelques jours, et dont nous avions pris l'initiative. De même, nous avons organisé à Lyon la réunion de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et avons augmenté de 20 % notre contribution à ce fonds.
Le CICID avait prévu que, en 2020, 0,47% du revenu national brut serait consacré à l'APD. Nous en serons à 0,46%. Encore une fois, nous nous inscrivons totalement dans notre trajectoire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM), grâce à une détermination politique qui persistera jusqu'à la fin du quinquennat du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. Merci, monsieur le ministre de la défense… (Sourires) je veux dire : monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Mille excuses.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2019