Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, sur le projet de loi de finances pour 2020, à l'Assemblée nationale le 31 octobre 2019.

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Circonstance : Suite de la discussion du projet de loi de finances 2020 à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).

(…)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je remercie Mmes et MM. les rapporteurs spéciaux, ainsi que Mme et MM. les rapporteurs pour avis, pour leur analyse très détaillée et exigeante des crédits des missions présentées par le ministère de l'économie et des finances. Je remercie également les orateurs des groupes pour leurs interventions. C'est pour moi l'assurance d'un débat de grande qualité. Je répondrai aux points que vous avez soulevés en m'appuyant sur les grands objectifs qui sont les nôtres dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

Je veux tout d'abord rappeler la situation économique et le contexte dans lequel s'inscrit cette mission : un chômage au plus bas depuis plus de dix ans ; une création d'emplois industriels – vous l'avez relevé, monsieur Roussel –, certes pas aussi importante que leur destruction entre 2000 et 2016, mais qui se poursuit depuis 2017 ; une prévision de croissance qui se confirme à un niveau supérieur à celui de nos partenaires européens comparables et qui met en évidence la résilience du modèle français et la portée des réformes que nous avons faites.

La question n'est pas d'avoir plus de moyens mais de faire mieux avec ceux dont on dispose. Je ne doute pas que ceux d'entre vous qui rappellent assez régulièrement au Gouvernement l'importance d'une bonne maîtrise des finances publiques…

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Ô combien nécessaire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. …y seront sensibles, et je vous remercie, madame la rapporteure spéciale Peyrol, madame Magnier, de l'avoir rappelé. En tout état de cause, il serait difficile de demander d'énormes augmentations de crédits tout en voulant en même temps la maîtrise des finances publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Sébastien Jumel. Aide-toi et le Ciel te regardera !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Notre premier objectif est de consolider les réformes déjà entreprises pour soutenir la compétitivité et la modernisation de l'économie. Comme évoqué lors du débat sur le volet fiscal en première partie du PLF, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soutenir la compétitivité de nos entreprises. À cet égard, je tiens à rappeler ici que nous poursuivons entre autres une stratégie de baisse de la fiscalité, non pas pour faire des cadeaux, mais pour converger vers le niveau moyen de pression fiscale en Europe afin d'alléger les problèmes de compétitivité que connaissent les entreprises. Je rappelle aussi que la baisse de l'impôt sur le revenu profite à des centaines de milliers de TPE-PME, près d'un artisan sur deux étant assujetti à cet impôt.

Au plan budgétaire, la consolidation des réformes se traduit dans les actions prioritaires menées par notre ministère. Nous consacrons un effort croissant à la compensation carbone, ce dispositif qui permet de compenser le coût des quotas carbone pour les industriels électro-intensifs. Il s'agit ainsi d'accompagner des entreprises dont l'activité est délocalisable et qui sont face à la concurrence d'entreprises implantées dans des pays n'ayant pas mis en place de taxation carbone de la production d'électricité.

La modernisation du soutien au commerce extérieur, annoncée par le Premier ministre le 23 février 2018 à Roubaix, sera également poursuivie. Et je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial Forissier, messieurs les rapporteurs pour avis Herth et Tan ainsi que M. Petit d'avoir souligné l'intérêt de la réforme du service public de l'export, conduite par Business France, qui consiste à regrouper au sein de Team France Export l'ensemble des acteurs publics et privés concernés.

L'objet de cette réforme, pilotée directement par la direction générale du trésor, consiste à offrir aux entreprises un accompagnement plus en phase avec leurs besoins. Le démarrage de ce projet se révèle extrêmement encourageant, tout comme le retour de la contribution positive du commerce extérieur à la croissance du pays – le tout s'inscrivant dans un contexte international effectivement tendu, et dont il n'est pas certain qu'il s'améliore dans les mois à venir.

Je vous confirme l'attention constante que nous portons au déploiement de la réforme. Tout l'objet du contrat d'objectifs et de performance de Business France réside dans la juste adéquation des moyens aux objectifs.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Cela ne veut rien dire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Je peux vous assurer, monsieur Forissier, que la masse salariale sera financée et que les objectifs seront tenus : la direction de Business France n'éprouve aucun inconfort sur ce point.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Je n'en doute pas !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Je tiens également à souligner l'efficacité du dispositif national instauré entre les CCI et Business France pour accompagner les entreprises souhaitant exporter : le résultat des premières coopérations à l'international est perceptible. Je songe notamment au Japon, où la chambre de commerce franco-japonaise a pris en main, avec succès, le déploiement des entreprises françaises.

Vous avez raison de souligner la spécificité de la filière agroalimentaire. Je suis moi aussi préoccupée par cette question, qui ne concerne pas uniquement les agriculteurs, mais également les industriels. Pour cette raison, nous en avons fait une priorité dans le cadre du conseil national de l'industrie international.

Nous accorderons une importance particulière aux entreprises en difficulté. Je me félicite tout d'abord du dispositif « signaux faibles », que nous venons de créer pour détecter les premières difficultés des entreprises. Nous l'avons évoqué hier en groupe de travail : il s'agit d'un projet fédérateur, développé sous la forme d'une start-up d'État.

Monsieur Jumel, vous vous inquiétez de certains dispositifs d'intervention en faveur des entreprises en difficulté. S'agissant d'abord des taux d'intérêt appliqués dans le cadre du FDES, je précise que les intérêts sont capitalisés, ce qui signifie qu'ils ne seront pas payés si une entreprise est en difficulté et ne parvient pas à respecter sa trajectoire, mais qu'ils peuvent l'être si une société se redresse, comme ce fut le cas d'Arc International. C'est le coût du risque.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. C'est même plus que le goût du risque, c'est l'amour du risque !

Mme Olivia Gregoire, rapporteure spéciale. Arrête donc, Jonathan ! (Sourires.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. J'ai parlé de coût du risque, et non de goût du risque !

S'agissant de l'action du CIRI et de la DIRE, la direction de l'innovation et des relations avec les entreprises, les résultats obtenus pour l'heure nous ont permis de sauver neuf sites sur dix, et 75% des emplois. Je veux d'ailleurs saluer ici les équipes concernées, qui fournissent un travail absolument remarquable. Il existe en outre, comme vous le savez, un fonds de fonds de retournement, qui était, à sa création pendant la crise de 2008-2009, géré par le FSI, le fonds stratégique d'investissement – j'y étais –, et a ensuite été renouvelé en 2016. Nous évaluerons ce fonds en 2020 pour identifier des pistes d'amélioration.

Enfin, Bpifrance investit 30 % de ses crédits dans l'industrie, soit une proportion deux à trois fois supérieure à l'empreinte industrielle dans l'activité de notre pays. Il y a donc bien une surreprésentation des investissements industriels dans le portefeuille de Bpifrance.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Seulement en faveur des entreprises qui vont bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Je veux également rappeler les éléments de notre politique industrielle. Nous comptons dix-huit contrats stratégiques de filières et 144 territoires d'industrie, pour lesquels nous avons déployé 300 millions d'euros de crédits. Je crois comme vous, monsieur Roussel, que nous pouvons relocaliser des industries en France : je ne pense pas que ce combat soit perdu.

M. Fabien Roussel. Moi non plus !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Un des leviers de cette relocalisation réside dans l'investissement en faveur de la numérisation des entreprises. Les machines à commande numérique, robots, cobots, etc., nous permettront de regagner des parts de marché et d'être plus compétitifs que les pays à bas coûts contre lesquels nous nous battions auparavant.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. C'est donc en supprimant les salariés qu'on gagne en compétitivité !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. C'est pourquoi nous avons défini un programme très important d'accompagnement des PME en la matière : 80 millions d'euros seront consacrés aux diagnostics numériques, et 200 millions d'euros au dispositif de suramortissement.

Le plan France très haut débit porte ses fruits, et l'État honorera tous les engagements pris auprès des collectivités : le très haut débit à 8 mégabits par seconde sera déployé en 2020, tandis que le très haut débit à 30 mégabits par seconde le sera en 2022. Les crédits existent. Le fait que nous les rouvrions ne signifie pas que nous revenons sur une décision, mais au contraire que nous appliquons notre plan de façon parfaitement maîtrisée. Nous avions souhaité utiliser le levier des AMEL – appel à manifestation d'engagements locaux – pour améliorer le financement de notre plan. Nous pouvons aujourd'hui recycler 140 millions d'euros pour accompagner le très haut débit et pourrons continuer en ce sens, grâce au décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Je peux donc vous assurer que ce plan est financé, et que nous tiendrons nos promesses de très haut débit en 2022.

S'agissant de la 4G, je vous remercie d'avoir souligné le déploiement en cours et son accélération massive, dont nous pourrons récolter les fruits à partir de la fin de l'année 2020. Même s'il existe, en effet, un décalage entre l'installation des pylônes et le moment où les Français s'équipent effectivement, nous sommes aujourd'hui dans les temps.

M. Laurent Furst. Grâce aux départements et aux intercommunalités !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Enfin, la politique du Gouvernement en faveur de l'innovation s'inscrit dans un cadre rénové. Bpifrance constitue désormais le guichet unique pour la grande majorité des dispositifs de soutien à l'innovation. Par ailleurs, le fonds pour l'innovation et l'industrie est désormais pleinement opérationnel, madame Rabault.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Pas du tout !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Cinq programmes ont été lancés autour de l'intelligence artificielle, du stockage de l'énergie à haute densité et de la bioproduction – autant de sujets qui devraient répondre à vos attentes.

Pour répondre aux différents défis posés par les mutations de l'économie tout en contribuant au nécessaire assainissement de nos finances publiques, nous transformons nos modalités d'action pour accroître l'efficacité des politiques mises en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances. La DGE a engagé une première profonde modernisation – je remercie M. Kasbarian de l'avoir souligné. Les régions étant désormais les chefs de file en matière de développement économique, la présence territoriale de la DGE a été restructurée. Au niveau central, la revue des missions qui a été réalisée permet aujourd'hui à la direction de se concentrer avec beaucoup plus d'agilité sur les chantiers prioritaires.

Je remercie M. Roseren d'avoir souligné les efforts accomplis par cette direction sur la voie de la transformation de l'action publique. La prochaine étape de la modernisation des services s'appuiera sur un plan stratégique de transformation de la DGCCRF. Ce plan, en cours d'élaboration, aura vocation à s'appliquer pendant la période 2020-2025.

S'agissant ensuite du programme relatif à l'INSEE, monsieur Potterie, nous souhaitons également lui donner de la visibilité : il s'agit de la première direction d'administration centrale pour laquelle une trajectoire financière a été définie pour la période 2019-2022 et assortie d'objectifs et de précisions sur ses missions.

Je rejoins par ailleurs Mme Gregoire et M. Roseren sur la nécessité de clarifier la maquette du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Les réflexions ont commencé au sein des services pour aboutir à une nouvelle présentation améliorant la visibilité des missions. J'en veux pour preuve les premières modifications apportées aux programmes à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019. J'ai bien entendu la demande des rapporteurs consistant à amplifier significativement cette clarification : cela constituera un bon chantier pour 2020.

L'évolution de nos modes d'intervention ne touche pas que les services du ministère de l'économie et des finances : nous nous sommes donné les moyens d'une action cohérente avec nos différentes partenaires. C'est là notre troisième objectif.

S'agissant des pôles de compétitivité, que vous avez évoqués, messieurs Kasbarian et Roseren, la phase IV portant sur la période 2019 s'inscrit dans une logique de renforcement de la performance de notre système d'innovation. En matière de gouvernance, conformément à la volonté de déconcentration et de décentralisation affirmée par le Premier ministre, nous examinons avec les régions les modalités selon lesquelles nos crédits de fonctionnement pourront leur être transférés, afin qu'elles les pilotent plus directement.

Par ailleurs, l'État cofinance des projets labellisés par les pôles de compétitivité. Je vous confirme que nous avons rattrapé les retards de paiement du FUI – fonds unique interministériel –, qui n'étaient effectivement pas justifiés et auxquels il convenait d'apporter une solution. Pour ce qui est des prochains PSPC, nous avons bien dégagé des crédits à hauteur de 100 millions d'euros, qui bénéficieront aux projets retenus dans le cadre des appels d'offres lancés en juillet. Les réponses à ces appels d'offres sont en cours d'examen, et les lauréats percevront les crédits en début d'année 2020, sans subir de rupture de financement.

Je soulignerai enfin une dernière évolution structurante de nos modalités d'action dans les territoires. Le Gouvernement a fait le choix – et l'assume – de renouveler complètement sa façon d'opérer. Cela passe notamment par la mise en place de l'ANCT, qui devrait entrer en action à compter du 1er janvier 2020. La future agence appliquera notamment, pour les petits centres-villes, le programme petites villes de demain, qui complète le plan action coeur de ville et répond aux problématiques de la ruralité.

Il n'y a pas d'inquiétude à avoir, me semble-t-il, quant aux modalités de financement et de garanties des prêts TPE – comme les prêts Flash TPE et Croissance – accordés par Bpifrance, que son modèle de gestion conduit assez naturellement à recycler les dividendes collectés pour financer ses différentes actions. En tout état de cause, s'il s'avérait nécessaire de revenir sur certaines opérations, nous le ferions à compter de 2021. Pour l'heure, les missions de Bpifrance sont très largement financées.

Je dirai enfin un mot des privatisations – pardonnez-moi pour la longueur de cette intervention, mais je souhaite répondre aux questions soulevées par Mme Magnier, M. Roussel et Mme Obono sur ce sujet. Pour ce qui est de la Française des jeux, l'AMF – Autorité des marchés financiers – a approuvé le document d'enregistrement voilà deux semaines. L'objectif consiste à introduire 50 % du capital en bourse, l'offre publique des titres devant intervenir entre le 7 et le 20 novembre. Les mécanismes incitatifs prévus pour les particuliers ont été créés.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. La privatisation n'empêche pas de réguler le secteur des jeux, comme le montrent les exemples du PMU et des casinos, qui sont à la fois privés et régulés.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. Les casinos font l'objet d'une délégation de service public, madame !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. L'entreprise Engie ne fait pas, quant à elle, l'objet d'une privatisation : l'État y possède d'une participation minoritaire et n'a pris, à ce jour, aucune orientation pour la faire évoluer.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Non, vous allez simplement forcer la Caisse des dépôts et consignations à faire un chèque d'un milliard d'euros supplémentaires !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. Enfin, je m'étonne que l'on se plaigne de l'absence d'un grand pôle public de banque-assurance, alors que nous créons justement ce pôle avec La Poste. J'observe donc une contradiction dans les propos de Mme Obono et de M. Jumel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. Vous avez constaté, mes chers collègues, que j'ai accordé à chacun – y compris à Mme la secrétaire d'État –, et de manière très large, un temps d'expression supplémentaire.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Quelle libéralité !

M. le président. Je vous propose désormais de nous en tenir à l'application stricte du règlement, c'est-à-dire à des interventions de deux minutes. Je demande notamment aux rapporteurs et à la secrétaire d'État de se montrer concis dans leurs réponses.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2019